Accident ferroviaire des Échets
L’accident ferroviaire des Échets a eu lieu en France, sur la ligne Lyon-Bourg du PLM dite «ligne des Dombes», le vers 22 h 35, lorsqu'à la suite d'un excès de vitesse au passage d'un aiguillage, le train Strasbourg-Lyon a déraillé et ses voitures se sont télescopées, certaines d'entre elles venant s'écraser contre la halle à marchandises de la gare des Échets dans l'Ain[1].
Accident ferroviaire des Échets | ||
Caractéristiques de l'accident | ||
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Date | ||
Site | Les Échets, Miribel ( France) | |
Coordonnées | 45° 52′ 28″ nord, 4° 54′ 39″ est | |
Caractéristiques de l'appareil | ||
Morts | 39 | |
Blessés | > 60 | |
Cet accident ferroviaire a fait 39 morts et une soixantaine de blessés[2].
Circonstances
Au début de l'année 1918, afin d'alimenter en rails les voies desservant le front, l'une des deux voies de la ligne des Dombes avait été déposée sur l'essentiel de son parcours, une section de cinquante kilomètres située entre Sathonay et Bourg[3]. Pour permettre le croisement des nombreux convois empruntant cet itinéraire, des évitements avaient été établis dans cinq gares: Les Échets, Saint-André-de-Corcy, Villars, Marlieux, et Saint-Paul-de-Varax, les trains y entrant sur voie déviée par une aiguille de dédoublement prise en pointe. Cependant, les appareils de voie avaient été récupérés sur des voies de garage, et leur très faible rayon de courbure [4] n'autorisait leur franchissement qu'à une vitesse de 20 km/h[5].
L'accident
Le samedi , l'express 758 était parti de Strasbourg à 12 heures 20, et devait arriver à Lyon à 22 heures 55. Il était occupé par plusieurs centaines de voyageurs, parmi lesquels de nombreux militaires permissionnaires et un groupe de douze soldats condamnés à des peines disciplinaires, convoyés enchainés par quatre gendarmes jusqu'à Marseille où ils devaient embarquer pour les bataillons d'Afrique. Vers 22 heures 35, sur une voie en pente d'environ 6 ‰, il abordait l'entrée de la gare des Échets, située en courbe, quand, malgré un violent freinage d'urgence de son mécanicien, la locomotive s'engagea sur la bifurcation à 85 km/h[6] et dérailla. Ballottée entre les deux voies, elle continua cependant à rouler sur la plateforme, suivie de son tender et du fourgon de tête, pour s'arrêter en face du bâtiment de la gare. Derrière le fourgon de tête, sous la pression de la queue du convoi, plus lourde, le wagon-poste et trois voitures de deuxième et troisième classe, véhicules anciens à caisse en bois, se télescopèrent, puis furent éjectés latéralement et précipités contre le mur de la halle à marchandises, où ils se disloquèrent. Les dernières voitures et le wagon-restaurant, entièrement métalliques, ainsi que le fourgon de queue, poursuivirent leur course sur le ballast jusqu'à la tête du train et stoppèrent dans son prolongement en créant l'illusion d'un convoi homogène.
Bien que l'accident n'ait eu lieu qu'à une quinzaine de kilomètres de Lyon, les sauveteurs et le matériel de dégagement tardèrent beaucoup à arriver[7], et les premiers secours furent assurés par les rescapés, parmi lesquels un médecin familier de la ligne et quatre des militaires punis [8] s'illustrèrent par leur comportement exemplaire.
Des voitures broyées, on dégagea une centaine de victimes, et le bilan définitif s'établit à trente-neuf morts, dont dix-huit militaires, et cinquante-neuf blessés[9].
Suites
Dès le matin du , le déblaiement était terminé, et le trafic put reprendre. Le 13, deux cérémonies funèbres eurent lieu en présence du ministre des Transports, l'une aux Échets pour douze victimes civiles, l'autre à Lyon pour les dix-huit militaires tués.
Comme pour tout accident ferroviaire d'importance, deux enquêtes simultanées furent ouvertes, l'une administrative, confiée à M. Ferdinand Maison[10], directeur du contrôle de l'exploitation technique des chemins de fer au ministère des travaux publics[11], l'autre judiciaire, menée par les magistrats du parquet de Trévoux.
La catastrophe donna aussi lieu à deux interpellations au Parlement, l'une à la Chambre, par le colonel Girod, député du Doubs[12], qui sera discutée le [13], l'autre au Sénat, par le sénateur de l'Ain Eugène Chanal , qui sera discutée le [14]. Le Conseil général du Rhône, dans un vœu du demanda lui aussi la recherche des responsables «si haut placés soient-ils»[15].
Le déraillement ayant été manifestement provoqué par un excès de vitesse au passage de l'aiguille, le mécanicien, Joseph Coquand, 41 ans, du dépôt d'Ambérieu, jusque-là toujours bien noté, en fut immédiatement tenu pour seul responsable et incarcéré sur demande du parquet. Cette mesure suscitant de nombreuses protestations, notamment celles de Pierre Semard secrétaire général de la fédération des cheminots[16], après quelques jours de détention provisoire, le ministre des Transports, M. Le Trocquer, ordonna qu'il soit remis en liberté jusqu'à son procès. En effet, plusieurs facteurs étaient susceptibles d'atténuer sa responsabilité, voire de l'exonérer totalement.
Il s'avérait d'abord que dès 1919, des rapports officiels montraient les dangers pour la sécurité de l'exploitation en voie unique de cette ligne à fort trafic alors que le retour à une situation normale aurait exigé la repose urgente de la seconde voie[17].
Surtout, l'enquête permit d'établir avec certitude que s'il existait bien un disque avancé destiné à annoncer la gare des Échets et son aiguille de dédoublement, la lanterne censée l'éclairer pour le rendre perceptible de nuit était éteinte[18]. Lors des débats au Sénat et à la Chambre, le ministre le reconnut d'ailleurs expressément. L'examen de la bande Flaman de la machine révélait au demeurant que le convoi avait parfaitement respecté les limitations à 20 km/h lors du passage dans les quatre gares précédentes où les signaux étaient bien éclairés[19].
On pouvait donc présumer que dans l'obscurité, le mécanicien n'avait pas perçu le mât du signal éteint, et n'avait découvert l'aiguille d'entrée en gare qu'à son passage, déclenchant alors le freinage d'urgence. Traduit devant le tribunal correctionnel de Trévoux pour homicide et blessures involontaires, il sera jugé à partir du [20]. À l'issue de débats révélant de nombreux défauts dans l'exploitation de la ligne, le procureur reconnaîtra à l'accusé de larges circonstances atténuantes en laissant entendre que d'autres responsabilités auraient pu être recherchées au sein des cadres de la compagnie et des services administratifs de contrôle. Après que la défense eut plaidé l'acquittement[21], le Tribunal condamnera finalement symboliquement le prévenu à 50 francs d'amende avec sursis[22], et le ministre des Transports décidera de ne pas faire appel.
Lors des débats à la Chambre des députés le , l'épilogue judiciaire sera évoqué, et les parlementaires et le ministre des Transports, M. Le Trocquer émettront des critiques contre le comportement de la hiérarchie de la compagnie PLM et des services du contrôle[23].
Références
- «Le déraillement du rapide Strasbourg-Lyon a fait près de 100 victimes dont 38 morts», Le Petit Journal du 12 septembre 1921, p. 1.
- « Il y a 95 ans, le déraillement d’un train aux Échets faisait 39 morts et 60 blessés », Le Progrès, .
- L'éditorialiste du journal La Presse croyait à tort qu'en 1921 la seconde voie existait toujours, mais qu'elle restait réquisitionnée à l'usage exclusif de l'armée (voir: «Trop d'accidents», La Presse du 13 septembre 1921, p. 1.
- De 190 mètres, alors que la norme habituelle était de 500 mètres.
- Lors des débats sur les interpellations, il a été indiqué que pour garantir pleinement la sécurité, ils auraient même dû être abordés au pas.
- Vitesse enregistrée par la bande Flaman du tachymètre.
- Lors du débat sur l'interpellation à la Chambre, la carence du PLM dans l'organisation des secours sera dénoncée
- Trois jours plus tard, le ministre de la guerre demanda leurs dossiers «pour prendre les mesures que mérite leur dévouement», démarche laissant présager une grâce ou une amnistie (L'Humanité du 14 septembre 1921, p. 2.)
- Ces chiffres furent retenus par la justice lors du procès pour homicides et blessures involontaires ouvert par la suite contre le mécanicien.
- Voir Ferdinand Maison.
- Dont le rapport sera rendu le 6 octobre au ministre (Le Petit journal du 7 octobre 1921, p. 2.).
- Le Matin du 13 septembre 1921, p. 2.
- Lire les débats en ligne..
- Lire les débats en ligne.
- Consulter en ligne.
- L'Humanité du 14 septembre 1921, p. 2.
- Voir par exemple L'Action française du 27 mars 1922, p. 1.
- Voir l'Action française précité.
- Journal des débats politiques et littéraire du 15 septembre 1921, p. 3.
- Voit un compte rendu de la première audience dans Le Matin du 16 mars 1922, pp. 1 et 3.
- Le Rappel du 17 mars 1922, p. 2
- Le Petit journal du 23 mars 1922, p. 4.
- (lire en ligne)