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Aïsha Kandisha

Aïcha Kandisha (en arabe : عيشة قنديشة, ʿĀʾisha Qandīsha) est une créature du folklore marocain et de l'Ouest algérien[1] proche des succubes, séduisant les hommes solitaires afin de coucher avec eux avant de les manger. Son surnom Kandisha pourrait venir du portugais condessa (« comtesse »), ou de l'hébreu qadesha (désignant les prostituées sacrées). Aïcha Kandisha serait d'origine cananéenne, elle aurait peut-être en lien avec Astarté, déesse de la fertilité.

Aïcha Kandisha
Créature
Autres noms Aïcha Quendicha, Aïcha Qondicha, Aïcha la condessa, Lalla Aïcha, Aicha Al Hamdouchia, Aïcha al-Dghoughiya, Aïcha el-Soudaniyya, Aïcha l'gnaouia, Aïcha Hasnawiya, Aïcha Molat el-Marja, Harrouda
Nom arabe عيشة قنديشة
Groupe Folklore populaire
Sous-groupe Fée, démon (djinn)
Caractéristiques Très belle pour les uns, hideuse pour d'autres
Mi-femme, mi-animal
Généralement mauvaise
Habitat Cours d'eau et zones humides (marais, rivière, mer)
Proches Oum Louled, Teryel, goule, succube, fée Carabosse,
Origines
Origine Folklores marocain et ouest-algérien
Région Maghreb

Certains fqihs (marabouts) considèrent Aïcha Kandicha et Um-Ṣabyān (Oum al-Sibyan) comme les deux noms d'une seule et même djinniya.

Dans le passé, cette dernière ressemblait beaucoup à la Lilith des traditions juive et chrétienne[2].

Djinn, elle aurait ses tanières près des cours d'eau et zones humides, d'où l’appellation Aïcha Molat el-Marja (« Aïcha [la dame] des marais »). Personnage ambigu, certains cultes populaires en font une djinn-marabout bienveillante sous le nom de Lalla Aïcha (en arabe : لالة عيشة).

Légende

Les origines de Lalla Aïcha sont différentes selon les versions (berbère, portugaise, soudanaise), mais c'est une femme originaire d'El Jadida. Aïcha Kandisha a une beauté sans pareille, elle cache sous des étoffes ses seins pendants et ses pieds de chèvre ou de mule. Au XVIe siècle, elle combat l'envahisseur portugais au Maroc en séduisant des soldats qui sont tués par des complices. En représailles, les Portugais tuent son fiancé, ainsi que sa famille selon les versions. Devenue folle, elle s'enfuit et erre depuis dans la forêt. La rumeur court qu'elle dévore les jeunes hommes, ou détourne les maris de leurs épouses avant de les manger[3].

Historique

Origines

Fragment de broche avec une représentation de la déesse Astarté, VIIe siècle av. J.-C., Séville. Photo de José Luiz Bernardes Ribeiro, 2013.

Avant d'être écrite, la légende est transmise par la tradition orale. Si la légende d'Aïcha Kandisha est inspirée d'un personnage historique est épineux à déterminer, la tradition l'a transformée en une sirène-ogresse, une croque-mitaine à la sexualité insatiable. L'histoire et le nom d'Aïcha Kandisha est toujours raconté pour provoquer la crainte chez les petits enfants. Elle est un symbole dans l'imaginaire marocain du fantasme, du danger, de la nuit et de la sexualité.

Kandisha (ou Kendicha, Quendicha, Qandisha, Qondicha…) est couramment considéré comme une corruption linguistique du portugais condessacomtesse »). En 1926, Edward Westermarck attribue plutôt à Aïcha Kandisha une origine plus ancienne et cananéenne : le comparant à l'hébreu qadesha (« sainte, sacrée »), désignant les prostituées sacrées, Westermarck suppose qu'elle était une ancienne déesse de la fertilité, telle qu'Astarté par syncrétisme. E. Westermarck pense identifier le djinn Hammou Qiyou (parfois mari d'Aïcha Kandisha) comme une survivance du dieu carthaginois Hamam. En 1991, Viviana Pâques suggère qu'Aïcha Kandisha est primitivement une djinn juive[4].

Culte

Dénominations

En fonction des lieux et des époques, outre Aïcha Kandisha et Lalla Aïcha, la djinn possède plusieurs titres[5] :

  • Aïcha Molat el-Marja (« Aïcha [la dame] des marais ») ;
  • Aïcha Molat laqraqer/laqwades (« Aïcha des égouts ») ;
  • Aïcha Molat twalit (« Aïcha des toilettes ») ;
  • Aïcha Molat s-Sabyan (« Aïcha des enfants ») ;
  • Aïcha Molat lamtamer (« Aïcha des grottes ») ;
  • Aïcha Molat l-khalyandu (« Aïcha du désert ou du vide ») ;
  • Aïcha el-Bahria (« Aïcha la Marine ») ;
  • Aïcha el-Hamdouchia (« Aïcha des Hamdacha ») ;
  • Aïcha el-Dghoughiya (« Aïcha des Dghougha ») ;
  • Aïcha el-Soudaniyya (« Aïcha la Soudanaise ») ;
  • Aïcha el Hasnawiya (« Aïcha des Hasnaoua ») ;
  • Aïcha Sayha (« Aïcha la Gyrovague ») ;
  • Aïcha Rabbaniya (« Aïcha la Divine »).

Pratiques rituelles

Dans les cultes des Hamadcha et les Gnaoua, des formules invoquent la démone lors de la hadra où elle possède ceux qui entrent en transe. Aïcha Kandisha un personnage ambigu : la croyance populaire lui donne le pouvoir de posséder une personne et d'infliger un mal, mais le titre honorifique lalla indique une sainteté, car elle aide aux exorcismes et aux affaires matrimoniales en qualité de djinn-marabout. Aïcha est noire dans le panthéon gnaoua, d'où le surnom el-Soudaniyya[5].

Aïcha a un khalwa (bassin de purification) à Moulay Marigh, lieu-dit à trois kilomètres de Ben Yeffou, commune d'Oualidia. Elle est censée guérir de la tabaa (créature maléfique) et du l-'kess (« empêchement ») sous le titre d'Aïcha el-Bahria[5].

Postérité

Musique

  • Aisha Kandisha's Jarring Effects : Groupe de musique populaire marocaine créée à Marrakech en 1987 par trois musiciens marocains : Abdou El Shaheed, Habib El Malak et Pat Jabbar.
  • En 2007, la pianiste et compositrice Leïla Olivesi publie L'Étrange Fleur, sur lequel sont mis en musique des poèmes de la mère d'Olivesi en hommage à Aïsha Kandisha[6].

Cinéma

Annexes

Références

  1. Samira Douider, « Deux mythes féminins du Maghreb : la Kahina et Aïcha Kandicha », Recherches & Travaux, no 81, , p. 75–81 (ISSN 0151-1874, DOI 10.4000/recherchestravaux.547, lire en ligne, consulté le )
  2. Mohammed El Bachari, Homme dominant, homme dominé: l'imaginaire incestueux au Maghreb, Harmattan, (ISBN 978-2-7384-8712-4, lire en ligne)
  3. Samira Douider,, « Deux mythes féminins du Maghreb : la Kahina et Aïcha Kandicha », Recherches & Travaux, UGA Éditions/Université Grenoble Alpes, no 81, , p. 75-81 (lire en ligne)
  4. Zakaria Rhani, Le Culte de Ben Yeffou : Sainteté, rituel et pouvoir au Maroc, Montréal, Université de Montréal, , 323 p. (lire en ligne)
  5. Zakaria Rhani, Le Culte de Ben Yeffou : Sainteté, rituel et pouvoir au Maroc, Montréal, Université de Montréal, , 323 p. (lire en ligne)
  6. Jean-Marc Gelin, « LEILA OLIVESI : « L’étrange fleur » », sur lesdnj.over-blog.com, (consulté le ).

Bibliographie

  • Murielle Lucie Clément, Relations familiales dans les littératures française et francophone des XXe et XXIe siècles : La figure de la mère, vol. 2, Paris, éditions L'Harmattan, , 393 p. (ISBN 978-2-296-05831-6, présentation en ligne)
  • Françoise Duvignaud, Le corps de l'effroi, vol. 1, Le Sycomore, , 146 p. (présentation en ligne).
  • Geneviève Dubois, Imaginaire et thérapie du langage, vol. 13 de Collection d'orthophonie, Paris, Elsevier Masson, , 190 p. (ISBN 978-2-294-00659-3, présentation en ligne).
  • Manfred Lurker, Dictionary of Gods and Goddesses, Devils and Demons, Routledge, 1987. (ISBN 0-7102-0877-4).

Liens externes

Voir aussi

  • Croque-mitaine
  • Teryel (Algérie)
  • Oum Louled (Tunisie)
  • Umm al Sibyan, tab'a (Moyen-Orient)
  • Qarina, Umm aṣ-ṣabyān : démone ou djinniya / génie féminin (Egypte et Orient)
  • Lilith
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