Équation de Scorer
L’équation de Scorer est une relation mathématique développée par le météorologue britannique Richard Scorer pour décrire le comportement des ondes orographiques en aval d'un relief montagneux selon la stabilité de l'air et la force des vents. Cette équation, dérivée de la théorie des ondes de gravité atmosphérique, est très utile en météorologie des montagnes et en aviation pour calculer la magnitude de la turbulence et des rotors en aval de montagnes.
Définition
Les ondes orographiques ont longtemps été incomprises de la part des pilotes d'avion à moteur. Comme l'air est extrêmement laminaire au-dessus des rotors, une légende voulait que les instruments de l'avion (altimètre et variomètre) étaient tombés en panne et donnaient des indications fausses[1]. En fait, ces instruments fonctionnaient parfaitement et de nombreux pilotes se sont écrasés sur des montagnes. À la suite de ces accidents et des recherches effectuées par Richard Scorer[2] - [3] - [4] et Paul Queney, l'existence d'ondes puissantes en aval des montagnes a été découverte.
Comme les chaînes de montagnes sont souvent rectilignes, il est possible de développer un modèle en 2 dimensions de ce phénomène. Ce modèle est fondé sur l'équation de Scorer, une équation aux dérivées partielles linéaire du second ordre (qui est une équation de Helmholtz), décrivant les ondes de gravité engendrées par un vent fort au-dessus de montagnes. Les dimensions sont notées x et z. La vitesse horizontale du vent est notée u(x,z) et la vitesse verticale est notée w(x,z).
La démonstration de l'équation de Scorer s'appuie sur les équations de Navier-Stokes et l'approximation de Boussinesq. On considère 3 types d'équations :
- La quantité de mouvement :
- L'énergie ;
- La conservation de la masse :
En plus de l'équation des gaz parfaits :
Où :
- est le vecteur vitesse du vent ;
- est la masse volumique de l'air ;
- est la pression atmosphérique ;
- est l'accélération de la pesanteur ;
- est le vecteur normalisé pointé vers le haut.
et sont les chaleurs spécifiques de l'air à pression constante et à volume constant.
En combinant ces équations, il en résulte l'équation de Scorer de la relation du mouvement vertical des parcelles d'air dans l'onde produite en aval d'une montagne[5] - [6] - [7] :
Avec le paramètre de Scorer défini comme suit[8] :
où
- N est la fréquence de Brunt-Väisälä ;
- est la vitesse horizontale moyenne à l'altitude z.
Démonstration de l'équation de Scorer
La démonstration de cette équation s'appuie sur la théorie des perturbations[9]. Chaque quantité physique q est décomposée de la manière suivante :
où q0 est la valeur moyenne de la quantité et q' est une perturbation en supposant que :
Lorsque l'on développe les équations de Navier-Stokes, on linéarise et l'on néglige les termes de second ordre de type . Cette démonstration est assez longue et peut être consultée dans la boîte déroulante ci-dessous.
Solutions analytiques
Cas d'un terrain sinusoïdal
En cas de terrain sinusoïdal de période L, la solution à l'équation de Scorer sera périodique. On définit . Soit le paramètre de Scorer.
Dans le cas où , la vitesse verticale peut être exprimée comme suit[10] :
Dans le cas où , la vitesse verticale peut être exprimée comme suit :
Conditions aux limites
En cas de terrain sinusoïdal de période L, la solution à l'équation de Scorer sera périodique. On définit .
Au niveau du sol, le vent est tengent à la pente.
La condition aux limites s'écrit donc[11] :
On effectue un développement limité :
On utilise l'équation de continuité :
On note que u_0 ne dépend que de z :
En substituant, on obtient donc :
La quantité est une quantité du second ordre. On obtient alors :
On obtient donc la condition aux limites suivante :
On définit :
Ainsi,
Formulation de l'équation de Scorer
En cas de terrain sinusoïdal de période L, la solution à l'équation de Scorer sera périodique. On exprime la solution sous forme de série de Fourier qui se réduit à 1 terme.
On définit . On peut donc écrire :
- .
L'équation de Scorer devient alors :
Les fonctions cosinus et sinus sont linéairement indépendantes. On obtient donc les équations différentielles suivantes :
La forme de la solution dépend des valeurs de k et .
Si la stabilité de l'atmosphère est neutre, on a en première approximation .Cas où l < k
Dans la boîte déroulante, on démontre la formule ci-dessus.
Comme il a été dit plus haut, ce cas est assez courant. On a alors:
Le second terme de la somme est non physique et donc est éliminé. Il en est de même pour b(z). On a donc :
On a donc :
On applique la condition aux limites discutée ci-dessus.
On a donc à z = 0
Donc,
Les fonctions sinus et cosinus sont linéairement indépendantes. Le seul terme non nul est α1. Donc,
Cas où l > k
Dans la boîte déroulante, on démontre la formule ci-dessus.
On écrit :
On rappelle que :
On a alors :
De même,
Dans ce cas, on a :
On exprime les conditions aux limites au niveau du sol et l'on a donc :
On obtient donc pour :
On peut maintenant reformuler la vitesse verticale en utilisant les formules trigonométriques :
On considère maintenant la condition limite en z = 0. On a donc :
Donc,
On obtient donc et .
À cause de la friction, les ondes penchent en amont du flot[12].
Finalement :
Formulation générale
On suppose que la montagne est représentée par une courbe sorcière d'Agnesi comme suit :
On rappelle que la transformée de Fourier (voir l'article théorème des résidus) s'exprime comme suit :
Dans la boîte déroulante, on exprime de manière générale le déplacement des lignes de courant .
L'équation différentielle s'écrit :
On considère .
La solution est alors :
Le premier terme est non physique et donc, l'on a:
On considère .
La solution est alors :
La condition aux limites s'exprime par :
Exprimée dans l'espace de Fourier, cette condition aux limites s'exprime comme suit :
On rappelle que :
On obtient donc dans le cas
Donc,
Dans le cas
On a :
On a donc
Donc,
On élimine le deuxième terme car non physique. Donc,
On rappelle que
- .
Donc,
On obtient donc :
- pour
- pour
On effectue la transformation de Fourier inverse et l'on obtient donc :
Donc en développant, on obtient :
Cas de la montagne aplatie (sorcière d'Agnesi)
Dans le cas d'une montagne aplatie où le déplacement des lignes de courant s'expriment comme suit :
On constate clairement que la vitesse verticale a une périodicité verticale[13].
Dans ce cas, on a
Le premier terme de l'intégrale est dominant. On a donc :
Donc et donc :
Donc,
On remplace maintenant et donc:
Donc,
Donc,
Donc,
En prenant la partie réelle, on obtient :
On rappelle que
On obtient donc :
Donc,
On remarque que :
Donc,
Cas de la montagne aplatie (courbe de Gauß)
On suppose que la montagne a une forme de courbe en cloche[14]. On suppose que :
Le déplacement des lignes de courant se simplifie comme suit :
La transformée de Fourier de la courbe de Gauß est la suivante :
On rappelle que :
soit
On constate que le terme sous l'intégrale est la transformée de Fourier d'une courbe gaussienne. En application du résultat précédent, on a :
Donc,
Cas de la montagne étroite
Dans le cas d'une montagne étroite où , le déplacement des lignes de courant s'expriment comme suit :
On constate clairement qu'il n'y a pas d'ondes de ressaut et aussi que la déflexion de l'air n'a pas non plus de périodicité verticale[15]..
Dans la boîte déroulante, on démontre la formule.
Le second terme de l'intégrale est dominant. On a donc :
On a . Donc,
On remplace et donc :
Finalement,
Donc en prenant la partie réelle, l'on obtient :
On a :
On rappelle que :
Donc,
On note que u' peut devenir négatif et l'on peut même avoir u + u' < 0. Si cela se produit, on n'est plus dans cas linéaire et l'hypothèse n'est plus valide.
De même, l'on a :
Donc,
On remarque que :
Donc,
Cas général
Lorsque x est grand, le déplacement des lignes de courant peuvent s'exprimer comme suit (Formule 2.68 de Smith[16]) :
avec [17].
Dans la boîte déroulante, on démontre la formule.
On considère le cas où . On rappelle que :
On se restreint dans le cas où x est grand. Comme le terme oscille rapidement, la seconde intégrale est nulle. On a donc à nouveau :
On définit la phase :
Cette intégrale est presque nulle sauf si la dérivée de la phase est nulle.
On note que :
On résout donc :
Les solutions sont donc :
Une seule solution est physique et l'on a :
On effectue un développement limité et l'on a:
On définit ξc tel que :
Après quelques calculs, l'on obtient :
Vitesse du vent variable
Le modèle est basé sur le papier de Keller[18].
Il suppose que la vitesse du vent augmente linéairement avec l'altitude. Deux résultats sont présentés :
- Le cas hydrostatique où le nombre d'onde est suppsé être nul;
- Le cas non hydrostatique où le nombre d'onde est non nul.
On suppose que la vitesse du vent se met sous la forme :
L'obstacle est supposé être une sorcière d'Agnesi comme défini ci-dessus. On définit le nombre de Richardson comme suit :
Dans le cas hydrostatique, la vitesse verticale s'exprime comme suit :
Soit la fonction de Bessel modifiée d'ordre imaginaire. Dans le cas non hydrostatique, la vitesse verticale s'ecprime comme suit :
où est un zéro de .
On corrige légèrement le paramètre de Scorer où
avec
L'équation de Long est réécrite comme suit :
On suppose que la vitesse du vent augmente avec l'altitude. On écrit:
On obtient alors :
Solution hydrostatique
On considère l'approximation hydrostatique où
On a alors :
Donc,
On définit le nombre de Richardson comme :
On résout donc :
On définit
On a :
Donc,
On résout donc :
On multiplie par . Donc,
Donc,
On a :
On obtient donc :
L'équation devient donc :
On définit l'opérateur linéaire :
On résout donc :
!
qu'on peut donc factoriser en :
On obtient donc les équations linéaires :
Cela consiste donc à résoudre :
Donc,
et
La solution s'écrit donc sous la forme :
La solution est donc :
Après quelques calculs, l'on obtient :
On rappelle que
Donc,
Solution non hydrostatique
L'équation à résoudre est la suivante:
On introduit le terme β qui ne correspond pas à l'approximation de Boussines et est non hydrostatique pour pouvoir utiliser le théorème des résidus au sein des calculs.
On pose
Donc,
Donc,
On pose :
On résout donc :
Donc,
À nouveau, on pose
On rappelle que :
On résout donc :
On multiplie par et donc :
Donc,
On définit
Donc,
On pose
On obtient donc :
Donc,
Donc,
Ceci est une équation de Bessel modifiée. Comme la solution y est finie à l'infini, la solution est :
où est la fonction de Bessel modifiée de seconde espèce.
Donc,
Donc,
On fait z = 0. On obtient alors :
On suppose que la montagne est une sorcière d'Agnesi. Donc,
Sa transformée de Fourier est donc :
La condition aux limites s'écrit et donc :
Donc, sa transformée de Fourier devient :
On obtient donc :
Donc,
On effectue une transformée de Fourier inverse :
On suppose que β est petit et l'on utilise le théorème des résidus. Soient chacun des pôles de .
On a alors :
La vitesse verticale s'exprime donc comme suit :
Comparaison des solutions analytiques avec les valeurs mesurées
Les modèles analytiques prédisent à peu près correctement la longueur d'onde des ondes orographiques. On notera que la longueur d'onde varie généralement entre 6 et 20 km et donc, il n'est guère surprenant que les modèles puissent reproduire d'une manière assez précise les données expérimentales. Cependant, ces modèles sous-estiment grossièrement l'amplitude de ces ondes (par un facteur 4)[19]. Cette différence est expliquée par la non prise en compte des non linéarités dans le modèle analytique[20]. En particulier les modèles linéaires ne peuvent pas reproduire l'existence d'ascendances extrêmes de l'ordre de 40 m/s qui ont été observées[21] - [22].
Extension aux rotors
Scorer aurait une formulation concernant l'existence des rotors[23].
On suppose que le fluide est incompressible et l'on peut donc définir une fonction ligne de courant telle que
,
L'équation de Long simplifiée (qui est non linéaire à la suite des conditions aux limites) s'écrit[6] - [24] :
où η est le déplacement des lignes de courant.
Une formulation plus complexe est donnée dans les références [25] - [26] - [27].
On définit les quantités non dimensionnelles suivantes :
- où L est une longueur de référence comme par exemple la demi largeur de la montagne.
- où N0 est la fréquence de Brunt-Väisälä caractéristique, est la vitesse uniforme le long de la ligne de courant.
- où est la masse volumique charactéristique.
- où g est l'accélération de la gravité.
On définit :
Il existe une fonction ψ sans dimension telle que
L'équation non linéaire concernant ψ est la suivante :
On revient maintenant à l'équation de Long :
On suppose que l'onde est périodique de période k. On a donc :
On obtient donc :
Donc, finalement[28] :
Finalement le critère pour la formation de rotors est le suivant[28] - [29] :
Une autre approche simplifiée est donnée par Paul Queney. La variation du déplacement des lignes de courant est beaucoup plus importante suivant z que suivant x. On a donc :
On peut alors « simplifier » l'équation de Long comme suit comme l'avait fait Paul Queney concernant la théorie de l'œil de chat[30] :
Les détails du calcul sont donnés dans l'article Rotor (météorologie).
Notes et références
- Exploration du monstre, p. 64
- (en) Richard Scorer, « Theory of waves in the lee of mountains », Tellus, , p. 41-56 (lire en ligne)
- (en) Richard Scorer, « Theory of airflow over mountains: II - The flow over a ridge », Quarterly Journal of the Royal Meteorological Society, vol. 79, no 339, , p. 70-83
- (en) Richard Scorer, « Theory of airflow over mountains: III - Airstream characteristics », Quarterly Journal of the Royal Meteorological Society, vol. 80, no 345, , p. 417–428
- (en) Ming Xue, « Chapter 2. Mountain forced flows », , p. 28
- (en) Dale R Durran, « Lee waves and mountain waves » (consulté le )
- (en) Yuh Lang Lin, Mesoscale Dynamics, Cambridge University Press, , 629 p., p. 110
- (en) « Scorer parameter », AMS Glossary, American Meteorological Society (consulté le )
- Storm and Cloud Dynamics, p. 790
- Le papier de Smith contient une erreur où le terme en u0 a été oublié dans la formule 2.27
- (en) Durran Dale, Mesoscale Meteorology and Forecasting, American Meteorological Society, , 793 p. (ISBN 978-0-933876-66-8), p. 472-492
- Influence des montagnes sur l'atmosphère, p. 98
- Influence des montagnes sur l'atmosphère, p. 102
- (en) Carmen Nappo, An Introduction to Atmospheric Gravity Waves, vol. 85, Amsterdam/Boston/Paris etc., Academic Press, , 276 p. (ISBN 0-12-514082-7), p. 59
- Influence des montagnes sur l'atmosphère, p. 101
- Influence des montagnes sur l'atmosphère, p. 106
- La définition de ξc est incorrecte dans la formule 2.68. L'auteur a écrit z/z au lieu de z/x.
- (en) Teddie L. Keller, « Implication of the Hydrostatic Assumption on Atmospheric Gravity Waves », Journal of the Atmospheric Sciences, American Meteorological Society, vol. 51, no 13, (lire en ligne)
- (en) Ronald B. Smith, « The Generation of Lee Waves by the Blue Ridge », Journal of the Atmospheric Sciences, vol. 33, , p. 513 (lire en ligne)
- Influence des montagnes sur l'atmosphère, p. 119
- (en) « Fifty years ago ... », Organisation météorologique mondiale,
- (en) Donald B. McCann, « Diagnosing and forcasting aircraft turbulence with steepening mountain waves », National Weather Digest, vol. 30, , p. 77-92 (lire en ligne)
- (en) Richard Scorer, Proceedings of the Symposium on Mountain Meteorology, Colorado State University, , 221 p. (lire en ligne), p. 91
- (en) Robert Long, « Some Aspects of the Flow of Stratified Fluids I. A Theoretical Investigation », Tellus, (lire en ligne)
- (en) Robert Long, « Some Aspects of the Flow of Stratified Fluids III. Continuous Density Gradients », Tellus, (lire en ligne)
- (en) Kevin Davis, Flow of Nonuniformly Stratified Fluid of Large Depth over Topography, MIT, , 64 p. (lire en ligne [PDF]), p. 16
- (en) M. Humi, « Long’s equation in terrain following coordinates », Nonlinear Processes in Geophysics, , p. 535 (lire en ligne)
- (en) Roger G. Barry, Mountain Weather and Climate Third Edition, Cambridge, Cambridge University Press, , 506 p. (ISBN 978-0-521-86295-0), p. 161
- (en) Richard Scorer, Causes and consequences of standing waves. Symposium on Mountain Meteorology, Colorado State University, (lire en ligne), chap. 122, p. 75-101
- (en)Paul Queney, « Rotor Phenomena in the Lee of Mountains », Tellus, vol. VII, no 3, (lire en ligne)
Bibliographie
- [Storm and Cloud Dynamics] (en) William Cotton et Richard Anthes, Storm and Cloud Dynamics, vol. 44, Academic Press, coll. « International geophysics series », , 880 p. (ISBN 0-12-192530-7)
- [Exploration du monstre] (en) Robert Whelan, Exploring the Monster Mountain Lee Waves : the Aerial Elevator, Wind Canyon Books, , 170 p. (ISBN 978-1-891118-32-6)
- [Influence des montagnes sur l'atmosphère] (en) Ronald Smith, « The influence of mountains on the atmosphere », Advances in Geophysics, vol. 21, (lire en ligne)