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Éon (ontologie)

Le terme Ă©on, ou eĂ´n, signifie d'abord « vie Â», ou « ĂŞtre Â», et a progressivement Ă©voluĂ© vers celui de « Ă©ternitĂ© Â». Il vient du grec ancien αἰών, aiĂ´n (apparentĂ© au latin aevus qui nous donne âge), Ă  travers la koinè grecque αἰών, aion, puis le latin aeon chez les auteurs chrĂ©tiens de l'antiquitĂ© tardive.

Tableau des Éons

Platonisme

Platon l'emploie dans son allégorie de la caverne (La République, VII), pour signifier le monde éternel des Idées qui se tient derrière le monde perceptible (La République, VI). Dans le Timée (37 d-e), Platon oppose au monde sensible, gouverné par le temps (khronos), le monde intelligible, gouverné par l'éternité (aiôn).

Gnose : Valentin

Les gnostiques nomment Éons les diverses Ă©manations de Dieu, rencontrĂ©es au cours de leur pĂ©riple initiatique, jusqu'au PlĂ©rĂ´me. Ces Ă©manations divines fonctionnent comme une double unitĂ©, c'est-Ă -dire comme des principes mâles-femelles[1] comme il peut en ĂŞtre de JĂ©sus et de Sophia (« sagesse Â»). La Sophia chue devient par cette union la « Sophia-divine Â».

Dans la gnose valentinienne, les trente Éons du Plérôme sont généralement désignés par les couples suivants, chaque fois émis selon la syzygie :

Quand on lit le témoignage du Pseudo-Hippolyte de Rome, le Plérôme de Valentin comprend 34 éons (Père et Jésus compris), ou 33 (sans Sigè), ou 28 (Père/Silence, Intellect/Vérité, Logos/Vie, + 10 émanés d'Intellect/Vérité + 12 émanés de Logos/Vie) ou 30 (si l'on écarte Sigè et Sophia des éons intérieurs, et, comme éons extérieurs, Stauros-Horos, Jésus ; ou si l'on groupe 28 + Christ/Esprit-Saint).

  • « Ici surgit entre les Valentiniens un grave dĂ©saccord : les uns… pensent que le Père n'a comme compagne aucun principe fĂ©minin, mais qu'il est seul ; les autres… se croient obligĂ©s d'associer au Père mĂŞme de l'univers, pour qu'il devienne père, une Ă©pouse, Sigè (le Silence)… Le Père, seul comme il Ă©tait, Ă©mit donc lui-mĂŞme et engendra l'Intellect et la VĂ©ritĂ©, c'est-Ă -dire une dyade, qui devint la souveraine, le principe et la mère de tous les Éons que les Valentiniens comptent Ă  l'intĂ©rieur du PlĂ©rĂ´me. L'Intellect, Ă©mis en mĂŞme temps que la VĂ©ritĂ© par le Père, fils fĂ©cond d'un père fĂ©cond, Ă©mit Ă  son tour le Logos et la Vie, imitant ainsi le Père. Le Logos et la Vie Ă©mettent l'Homme et l'Église. L'Intellect et la VĂ©rité… firent l'offrande d'un nombre parfait, de dix Éons… Il y a dix Ă©ons qui procèdent de l'Intellect et de la VĂ©ritĂ© et douze qui procèdent du Logos et de la Vie. Cela fait en tout vingt-huit Ă©ons. Voici les noms que les Valentiniens donnent aux dix Ă©ons : Bythos (fond, abĂ®me) et Mixis (mĂ©lange), AgĂ©ratos (exempt de vieillesse) et HĂ©nosis (rĂ©duction Ă  l'unitĂ©), Autophyès (qui naĂ®t de soi-mĂŞme) et HĂ©donĂ© (plaisir), AcinĂ©tos (non mĂ») et Syncrasis (mĂ©lange), MonogĂ©nès (unique engendrĂ©) et Macaria (bienheureuse)… Quant aux douze Ă©ons, ils procèdent selon les uns de l'Homme et de l'Église, suivant les autres du Logos et de la Vie. Ils les gratifient des noms suivants : ParaclĂ©tos (avocat) et Pistis (foi), Patricos (paternel) et Elpis (espĂ©rance), MĂ©tricos (maternel) et AgapĂ© (amour), Aeinous (intarissable) et SynĂ©sis (comprĂ©hension), Ecclesiasticos (faisant partie de l'Église) et MacaristĂ© (bienheureuse), ThĂ©lĂ©tos (voulu) et Sophia (habiletĂ©, sagesse). Le douzième des douze Ă©ons et le dernier de l'ensemble des vingt-huit Ă©ons, du sexe fĂ©minin et appelĂ© Sophia (habiletĂ©, sagesse), remarqua la multitude et la puissance des Ă©ons… Elle pleurait et se lamentait pour avoir enfantĂ© un avorton, suivant l'expression des Valentiniens… L'Intellect et la VĂ©ritĂ© Ă©mirent Christ et l'Esprit-saint pour donner Ă  l'avorton forme et organisation, consoler Sophia et apaiser ses gĂ©missements. Il y eut dĂ©sormais trente Ă©ons, en comptant Christ et le Saint-Esprit… Pour dĂ©rober entièrement Ă  la vue des Ă©ons parfaits la laideur de l'avorton, le Père Ă©met lui-mĂŞme un nouvel et unique Ă©on, Stauros (le pieu, la palissade) (qui) devient la limite du plĂ©rĂ´me et renferme Ă  l'intĂ©rieur de lui-mĂŞme tous les trente Ă©ons ensemble ; ce sont ceux qui ont Ă©tĂ© Ă©mis. Cet Ă©on est appelĂ© Horos (limite), parce qu'il sĂ©pare du plĂ©rĂ´me ce qui a Ă©tĂ© laissĂ© en dehors… Les trente Ă©ons rĂ©solurent donc Ă  l'unanimitĂ© d'Ă©mettre un unique Ă©on, fruit commun du plĂ©rĂ´me… : JĂ©sus, car c'est son nom, le grand souverain pontife[2]. »

Philosophie : Gilles Deleuze

Chez Gilles Deleuze, le concept d’aïon s’oppose à celui de chronos, qui est le temps de la succession matérielle et de l'action des corps, tandis que l'eôn est le temps de l'extra-temporalité non identifiable et non repérable. Cette extra-temporalité, n'étant pas une éternité transcendentale[3]. Aïon est le temps de l'instant pur, de l'événement chez Deleuze, qui ne cesse de se diviser en passé et futur illimités. Deleuze le compare aussi à l'internel de Charles Péguy. Deleuze écrit que « toute la ligne de l'aïon est parcourue par l'instant, qui ne cesse de se déplacer sur elle et manque toujours à sa propre place[4]. »

Cosmologie : Jean-Émile Charon

Physicien, philosophe, auteur de science-fiction, Jean-Émile Charon émet, dans Le monde éternel des éons (1980) une hypothèse : celle d'une particule élémentaire douée d'éternité, à la fois physique et psychique, qu'il appelle "éon".

Références

  1. Madeleine Scopelleo, in Les gnostiques, glossaire.
  2. Pseudo-Hippolyte de Rome, Philosophumena, ou Réfutation de toutes les hérésies, II, 29-32, trad. A. Siouville (1928), Milan, Archè, 1988, p. 46-53.
  3. Gilles Deleuze, Logique du sens, Les Ă©ditions de minuit, 1969, p. 76.
  4. Logique du sens, p. 227.

Bibliographie

  • Source : IrĂ©nĂ©e de Lyon, Contre les hĂ©rĂ©sies, livre I, trad. Adelin Rousseau (1965-1982), Cerf, 1984, 749 p.
  • Source : Hippolyte de Rome, Philosophumena, ou RĂ©futation de toutes les hĂ©rĂ©sies, livre VI, trad. Augustin Siouville (1928), Milan, Archè, 1988, 249 p.
  • Écrits gnostiques, Paris, Gallimard, coll. « La PlĂ©iade », 2007, 1830 p.
  • Carl Gustav Jung, Les Sept Sermons aux morts (Septem sermones ad mortuos, 1916), trad. Élisabeth Bigras, Paris, L'Herne, 1996, 147 p.
  • AndrĂ©-Jean Festugière, La RĂ©vĂ©lation d'Hermès TrismĂ©giste, t. IV (1953) : Le Dieu inconnu, Les Belles Lettres, 1981, p. 146 ss.

Voir aussi

Articles connexes

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