Élection présidentielle gabonaise de 2023
L'élection présidentielle gabonaise de 2023 a lieu le afin d'élire le président de la République gabonaise.
Élection présidentielle gabonaise de 2023 | |||||
Ali Bongo – PDG | |||||
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Ali Bongo PDG |
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Le président sortant Ali Bongo est candidat à un troisième mandat consécutif. Après sa réélection controversée en 2016, à l'origine d'une violente crise post-électorale, le gouvernement et une partie de l'opposition se sont entendus sur une série de profondes réformes constitutionnelles lors du Dialogue national d'Angondjé. L'élection présidentielle de 2023 voit ainsi le passage du septennat au quinquennat, ainsi que la tenue simultanée des élections législatives, départementales et municipales.
Contexte
Élection présidentielle de 2016
La mort du président Omar Bongo en juin 2009 après 42 ans d'un pouvoir autoritaire provoque une succession dynastique à la tête de l’État, malgré le caractère républicain de la Constitution gabonaise. Son fils, Ali Bongo, est ainsi élu deux mois plus tard, après avoir pris la tête du parti de son père, le Parti démocratique gabonais (PDG).
Ce premier septennat est suivi de la candidature d'Ali Bongo à l'élection présidentielle d'août 2016, qui se révèle extrêmement serrée. Une grande partie de l'opposition réunie dans le Front uni de l'opposition pour l'alternance se ralliée en effet derrière un candidat unique, Jean Ping, une première dans un pays où l'opposition est « historiquement faible, mal organisée, et souvent prête à pactiser avec le pouvoir »[1]. Ancien directeur de cabinet puis ministre d'Omar Bongo, ainsi que le compagnon de sa sœur, Pascaline Bongo, Jean Ping apparait comme un homme « issu du même sérail » qu'Ali Bongo, mais parvient pourtant à rassembler autour d'un désir d'alternance à la tête de l'Etat[2] - [3].
Le président sortant l'emporte par moins de 6 000 voix selon les résultats officiels, mais ces derniers sont rapidement remis en cause par l'opposition, qui accuse le pouvoir d'avoir eu recours à la fraude électorale[4] - [5] - [6]. La province du Haut-Ogooué retient en particulier l'attention, les résultats officiels donnant un taux de participation de 99,93 % des inscrits contre 59,46 % au niveau national, avec 95,46 % de suffrages exprimés pour Ali Bongo contre 49,80 au niveau national[7] - [8] - [9].
La crise post-électorale se transforme rapidement en d'importante violences opposant partisans de l'opposition et forces de l'ordre. Les premiers mettent notamment feu à l'Assemblée nationale dans la capitale Libreville, avant d'être dispersés par la garde républicaine qui tire à balles réelles[10]. Plus de 1 000 personnes sont arrêtées, tandis que le QG de Jean Ping est pris d'assaut à l'arme lourde en pleine nuit par des militaires[11]. Les affrontements font au moins 27 morts et des dizaines de disparus[12], et conduise le gouvernement à procéder à une coupure totale du réseau internet et des réseaux sociaux, qui s'étend plusieurs semaines jusqu'au 5 septembre 2016[13] - [14] - [15] - [16]
Dialogue national d'Angondjé
La sévère remise en cause du scrutin de 2016 aussi bien à l'intérieur du pays qu'à l'international conduit Ali Bongo à chercher à se redonner une légitimité en organisant le dialogue national d'Angondjé entre le gouvernement et une partie de l'opposition du au . Le dialogue aboutit à la formation d'un gouvernement d'union nationale et la mise en place de plusieurs réformes politiques et institutionnelles[17] - [18] - [19].
Reportées depuis deux ans à la suite de la crise, les élections législatives gabonaises de 2018 sont ainsi organisées au scrutin uninominal majoritaire à deux tours au lieu d'un, et le nombre de députés augmenté de 120 à 150. L'âge plancher de 40 ans pour être candidat à l'élection présidentielle est supprimé au profit du seul âge de la majorité (18 ans), tandis que l'élection présidentielle passe également au scrutin à deux tours[17]. La Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap) est remplacée par un Centre gabonais des élections (CGE), dont le président n'est plus nommé par la Cour constitutionnelle. Le ministère de l’Intérieur voit son rôle réduit, le CGE récupérant la mission d’annoncer les résultats électoraux. De même, les neuf juges de la Cour constitutionnelle ne disposent plus que d’un mandat unique de neuf ans, en lieu et place de mandats de sept ans renouvelables[18] - [17]. Très controversée pour son rôle dans l'annonce des résultats de 2016 malgré son concubinage passé avec le président de la république avec qui elle a eu deux enfants, Marie-Madeleine Mborantsuo doit à terme céder la présidence de la cour constitutionnelle[17].
AVC et tentative de coup d'État de 2019
Les élections législatives s'avèrent cependant une déception pour l'opposition. Bien qu'en léger recul, le Parti démocratique gabonais conserve en effet la majorité des deux tiers à l'assemblée. Les résultats sont cependant éclipsés par l'annonce de l'hospitalisation surprise d'Ali Bongo en Arabie saoudite, officiellement pour une « fatigue sévère » due à du surmenage, mais que de nombreux journaux de la presse internationale avancent être la conséquence d'un accident vasculaire cérébral[20] - [21] - [22]. Après une hospitalisation de plus d'un mois à Riyad, Ali Bongo est transféré le à l'hôpital d’instruction militaire Mohammed V, à Rabat, au Maroc[23], qu'il quitte le pour poursuivre sa convalescence dans une résidence privée à Rabat[24]. Prétextant une « lacune » dans la constitution, la Cour constitutionnelle — toujours dirigée par Marie-Madeleine Mborantsuo — ajoute sur demande du Premier ministre Emmanuel Issoze Ngondet un alinéa à son article 13 permettant à ce dernier ou au vice-président Pierre Claver Maganga Moussavou d'exercer certaines des fonctions du président, dont la présidence du conseil des ministres[25].
Cette longue période d'hospitalisation et de convalescence hors du pays conduit à des débats quant à la nature de la transition politique à mettre en œuvre en cas d'incapacité du chef de l'État, tandis que de fausses annonces de son décès se multiplient et entretiennent la confusion[26]. Le , une unité de soldats de la Garde Républicaine dirigée par le lieutenant Ondo Obiang Kellyentre entre en mutinerie, prend brièvement le contrôle de Radio Gabon, déclare l'établissement d'un Conseil national de restauration et appelle au soulèvement. La tentative de coup d'État échoue le jour même, mais provoque un choc dans le pays, qui n'avait pas connu de telle tentative depuis le Coup d'État de 1964[27] - [28].
Le président retourne au pays du 14 au pour assister en fauteuil roulant à l'investiture du gouvernement, avant de retourner en convalescence à Rabat jusqu'à son retour définitif le [29] - [30] - [31]. L'incertitude quant aux capacités du chef de l'Etat à poursuivre son mandat suscite une lutte de pouvoir entre les différents hommes forts du PDG. La crise est résolue par une modification de la constitution en décembre 2020. Cette dernière prévoit ainsi qu'une éventuelle vacance du pouvoir soit résolue par la mise en place d'un triumvirat d'intérim composé du ministre de la Défense et les présidents des deux chambres du Parlement[32] - [33].
A l'issue d'un congrès organisé en décembre 2022, le Parti démocratique gabonais appelle son « candidat naturel » Ali Bongo à briguer un troisième mandat[34]. Largement rapportée dans les médias mais restée l'objet d'un silence de la part du gouvernement, la thèse d'un accident vasculaire cérébral (AVC) intervenu quatre ans plus tôt est alors évoquée par Ali Bongo en avril 2023 devant un congrès de militant du PDG réunis pour le lancement officiel de sa candidature[35] - [36].
Nouvelle révision constitutionnelle
Le gouvernement procède peu après l'annonce de la candidature du président sortant à une nouvelle révision de la Constitution, une démarche facilitée par la détention par le Parti démocratique gabonais de la majorité qualifiée des deux tiers des membres de l'Assemblée nationale[37] - [38].
Après une nouvelle concertation politique avec l'opposition — qu'une grande partie boycotte à nouveau — du 13 au 23 février, le gouvernement d'Ali Bongo se félicite d'un « consensus » et entreprends ainsi de rétablir le scrutin uninominal majoritaire à un tour pour les élections présidentielle, législatives, sénatoriales, départementales et municipales, et de faire coïncider le calendrier électoral de ces scrutins en réduisant la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans, tout en entérinant le caractère illimité du nombre de réélection possible de l'ensemble des élus, dont le président de la république. L'âge minimum de candidature est par ailleurs relevé de 18 à 30 ans pour le président, et abaissé de 40 à 35 ans pour les sénateurs[39] - [40] - [41] - [42]. Les élections législatives, départementales et municipales sont ainsi organisées en même temps que l'élection présidentielle le [43] - [44].
Le retour à un scrutin en un tour avant même que le passage à deux tours voté cinq ans plus tôt n'ait pu être appliqué lors d'une élection présidentielle est vivement critiqué par l'opposition. Un tel mode de scrutin favorise en effet le président sortant, à moins d'une candidature commune de l'ensemble de l'opposition. Au moment de la révision, cette dernière se trouve au contraire particulièrement désunie entre partisans d'une poursuite des appels à reconnaître Jean Ping comme président légitime et ceux désirant « tourner la page » de la présidentielle de 2016[37].
Mode de scrutin
Le président de la République gabonaise est élu au scrutin uninominal majoritaire à un tour pour un mandat de cinq ans, sans limitation du nombre de mandats[39].
Résultats
Notes et références
- Florence Bernault (professeur à l'université de Wisconsin-Madison), « Gabon : les paradoxes d’une dictature « soft » », sur Le Monde.fr, .
- Tirthankar Chanda, « Ali Bongo versus Jean Ping : autopsie d'une brouille », sur RFI.fr, .
- Clotaire Messi Me Nang (enseignant-chercheur à l’université Omar Bongo de Libreville, interrogé par Jean-Pierre Bat), « Les Gabonais ont conscience que le pays amorce un tournant historique pour son avenir », sur Libération.fr, .
- « Présidentielle au Gabon: Bongo proclamé vainqueur par le ministre de l'Intérieur », sur LExpress.fr (consulté le ).
- « Présidentielle au Gabon : le président sortant donné vainqueur, l'opposition crie au scandale », sur lesechos.fr (consulté le ).
- « Ali Bongo réélu au Gabon, l'opposition crie à la fraude », sur Boursier.com (consulté le ).
- « Présidentielle au Gabon : Ali Bongo réélu pour un deuxième septennat », sur leparisien.fr (consulté le ).
- « Présidentielle au Gabon : un millier d'interpellations depuis mercredi soir », sur europe1.fr (consulté le ).
- Gabon : Ces chiffres qui démontrent qu’Ali Bongo a perdu la présidentielle
- « Gabon : "La garde républicaine a dispersé la foule en tirant à balles réelles" », Europe 1, (lire en ligne, consulté le ).
- « Gabon : le QG de l'opposant Jean Ping attaqué, deux morts selon son camp - France 24 », France 24, (lire en ligne, consulté le ).
- « Duel gabonais en vue à la CPI », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
- « L'accès à Internet : un nouveau droit de l'homme, selon l'ONU », 01net, (lire en ligne, consulté le ).
- « Gabon : débrancher Internet, le réflexe de l'autocrate », Libération.fr, (lire en ligne, consulté le ).
- « Gabon : internet partiellement rétabli à Libreville après cinq jours de coupure totale », Europe 1, (lire en ligne, consulté le ).
- « Crise post-électorale au Gabon: l’accès aux réseaux sociaux bloqué - RFI », RFI Afrique, (lire en ligne, consulté le ).
- Gabon : Le dialogue politique représente-t-il une solution miracle aux problèmes du pays ? Afrique Télégraph
- Gabon : à quels changements a abouti le dialogue national ? Jeune Afrique
- Gabon – Emmanuel Issoze-Ngondet : « La crise a mis en lumière la nécessité de revitaliser notre démocratie » Jeune Afrique
- « Gabon : victime d’un AVC, Ali Bongo demeure hospitalisé en Arabie saoudite », sur Le Monde, .
- « Etat de santé d’Ali Bongo: les Gabonais toujours dans l’attente d’informations », sur RFI Afrique, .
- Franck Koffi, « Gabon, Ali Bongo : AVC, œdème cérébral ou mort ? », sur afrik.com, .
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- Paru sur le Gabon : «Ali Bongo, le début de la fin»
- « Coup d'État avorté au Gabon : retour sur le fil des évènements de la journée », RFI,
- Laurent Larcher, « Après le coup d’État au Gabon, un retour à l’anormal », La Croix, (lire en ligne)
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- Pierre-Eric Mbog Batassi, « Gabon : Ali Bongo a fait son retour au pays, et maintenant ? », sur Le Point (consulté le )
- Youssef Chari, « Gabon : Le triumvirat en cas de vacance du pouvoir présidentiel ne vise qu’à « consolider » l’édifice constitutionnel, selon Ali Bongo », sur Afrik Intelligentsia, (consulté le ).
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