Édouard Buguet
Édouard Buguet né Édouard Isidore Buguet le à Saint-Mard-de-Réno dans l'Orne[1] et mort à Paris 10e le [2] est un photographe français. Il apparaît pour la première fois dans la corporation des photographes portraitistes à Dijon au milieu des années 1860[3]. Il est connu pour être le chef de file de la photographie spirite en France.
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Début de carrière
Après la mort d’Allan Kardec, le mouvement spirite a perdu son principal ambassadeur. À partir de 1871, afin de stimuler de nouveaux émules, la Revue spirite consacre à Édouard Buguet de nombreux articles le présentant comme un photographe-médium capable de faire apparaître sur un cliché le spectre ou le fantôme de la personne auquel le sujet aura le plus fortement pensé au moment de la prise du cliché.
Il débute officiellement son activité de portraitiste spirite. En 1873, il achète le bail de son atelier à Montmartre, au no 5 boulevard Montmartre. Son activité se développe. Il réalise des portraits traditionnels tout en réalisant chaque mois des commandes de prises de vues spirites. Ce sont à peu près une cinquantaine de demande par mois. Son commerce spirite lui permet d'augmenter son chiffre d'affaires de 20 %[4].
Technique
Buguet met au profit une erreur et utilise une technique de surimpression. C'est l'acteur Étienne Scipion qui lui montre à la fin des années 1873 des spécimens de photographies spirites réalisées par Mumler.
Il utilise des plaques photographiques au gélatinobromure d'argent, un négatif sur verre constitué d’une plaque de verre recouverte d’une couche de gélatine renfermant le dépôt d’argent qui constitue l’image[5].
Les plaques était donc très sensible et il n'était pas rare de remarquer des erreurs d'impressions :
“ Monsieur le rédacteur en chef du Progrès photographique, Ayant pris comme passe temps la manie de préparer moi-même mes glaces au gélatino-bromure, j’emploie souvent les verres des clichés manqués ou n’offrant pas assez d'intérêt pour être conservés. Or, il m’est arrivé quelquefois, qu'après avoir employé au nettoyage des vieux clichés[...]de retrouver sur certains verres, soit des parties de paysage, soit des portraits [...] En présence de l’impossibilité d'effacer ces traces d’anciens clichés, je me décidai à couler de l’émulsion sur ces verres persuadé que l’image à peine perceptibles qui si trouvait ne nuirait en rien à l'épreuve à venir. Mais, hélas ! Je me trompais [...] au lieu de rester cachée et invisible sous la nouvelle couche, l’image se révéla beaucoup plus apparente, en même temps que le nouveau paysage, en donnant à mon cliché un aspect de cage à fantômes…”[6]
En plus d'utiliser cette erreur chimique il avait un second atelier. Dans cet atelier il fabriquait les « spectres » avant de faire poser les clients. La technique était simple : sur une poupée articulée en bois, de 45 centimètres de hauteur, au corps recouvert de gaze bleue et d’étoffe noire, on fixe une tête réalisée à l’aide d’une photographie agrandie, découpée et collée sur du carton. Deux grandes caisses proposent un vaste choix de portraits ainsi préparés : trois cents têtes d’hommes, de femmes, d’enfants, à tous les âges et aux coiffures diverses, que l’on peut encore modifier à l’aide de perruques et de fausses barbes. Il pouvait réaliser des spectres d'enfant de la même façon[7].
Ainsi, dans l'atelier à spectre, il prend une photographie avec un temps de pose très court dans une semi-obscurité. Puis, dans l'atelier avec ses clients, il réutilise cette plaque pré-impressionnée en faisant attention au cadrage des deux images en surimpression.
Soupçon de fraude et enquête
À partir de 1873, le préfet de police de Paris Léon Renault décide d'organiser un service photographique au sein de la préfecture, il demande alors à l'agent Guillaume Lombard de surveiller Buguet[8]. À partir de 1874, Buguet est surveillé par la préfecture de police qui établit une fiche[9].
Lombard est spécialiste de la photographie politique et s'intéresse de près au rapport entre photographie spirite et socialisme. Après avoir deviné la supercherie, il décide de se présenter anonymement chez Buguet, le pour lui demander une photographie spirite[10]. Buguet est démasqué, arrêté et passe aux aveux rapidement.
Procès
Buguet et le rédacteur en chef de la Revue spirite, Leymarie le successeur de Kardec, sont jugés pour escroquerie le 16 et . Le procès fait grand bruit provoquant une mini-affaire entre :
- Buguet lui-même qui avoue la supercherie et qui s'éloigne de toutes croyances possibles en annonçant pendant son procès : «Je ne suis ni spirite, ni médium, j’ai juste des « trucs » d’une grande simplicité »[11].
- le ministère public qui essaye de combattre la doctrine spirite comme force politique et religieuse. Le procureur va refuser la croyance en ces photos spirites. De plus, le procès illustre la force d'une croyance [12] et met en avant le combat constant entre sciences et croyances.
- Les partisans du spiritisme, avec en tête Leymarie, qui se défendent en dissociant Buguet de leur propre activité et se disent avoir été trompé par Buguet. Ils prétendent même que Buguet est manipulé par le ministère public afin d’éviter de rallier encore plus de spirites[13].
De plus, peu de plaintes sont déposées ; malgré les aveux du photographe, la plupart des personnes photographiées affirment reconnaître les fantômes, d'autres ont peur de voir leur nom rendu public, enfin la plupart refusent d'admettre s'être fait escroquer[14].
« Je les laissais dans leur croyance, je ne les induisais pas en erreur, je restais neutre… »[15]
Après la confirmation du jugement en appel, Buguet va se réfugier en Belgique pour échapper à sa peine.
Le photographe Anti-Spirite
Après 1875, la photographie spirite redevient en France essentiellement récréative. Buguet inaugure ce mouvement et se déclare finalement "prestidigitateur-photographe"[16] même sa carte de visite porte la mention "photographie anti-spirite". Il continue de proposer les mêmes clichés. Cependant, ses clichés ne sont plus mis au service d'une iconographie de conviction mais une iconographie de récréation, ce sont des canulars avérés[17].
Notes et références
- Archives de l'Orne, acte de naissance n°13 dressé le 14/07/1840, vue 59 / 119
- Archives de Paris, acte de décès n°4366 dressé le 30/10/1890, vue 9 / 31
- Jean-Marie Voignier, « Buguet-Robert photographe spirite », Société d'émulation de l'arrondissement de Montargis,‎ , p. 32-35
- DĂ©voluet, "Notes", repris dans Marina Leymarie, p. 137.
- Il réalise le plus gr et Collodion Humide, « Les plaques au gélatino-bromure d'argent », sur Le chronoscaphe, (consulté le ).
- "Courrier des lecteurs", Progrès photographique, Avril 1891.
- Giordana Charuty, « La « boîte aux ancêtres » », Terrain, no 33,‎ , p. 57–80 (ISSN 0760-5668 et 1777-5450, DOI 10.4000/terrain.2693, lire en ligne, consulté le )
- Christien Phéline, L'image accusatrice, Laplume, Les Cahiers de la photographie, 1985, p. 32-33.
- Dans les secrets de la police. Quatre siècles d'histoire, de crimes et de faits divers dans les archives de la Préfecture de police, éd. L'Iconoclaste, p. 107.
- Guillaume Lombard, "Rapport. Paris le 22 avril 1875", Archives de la préfecture de police, dossier "Buguet", BA 880, pièce 127382-II.
- Allan Kardec (1804-1869) Auteur du texte, Qu'est-ce que le spiritisme. Introduction à la connaissance du monde invisible par les manifestations des esprits : contenant le résumé des principes de la doctrine spirite et la réponse aux principales objections (40e éd.) / par Allan Kardec,..., 18?? (lire en ligne).
- Gustave Le Bon, Psychologie du socialisme [1902], Paris, Les Amis de Gustave Le Bon, 1984, p. 70-71.
- « Le procès Buguet », sur photospirite, (consulté le ).
- « Le procès Buguet », sur photospirite, (consulté le ).
- Laufer Laurie, « De l'image revenante aux illusions bénies (expériences de spiritisme) », Champ psychosomatique, 2007/2 (n° 46), p. 65-78. DOI : 10.3917/cpsy.046.0065. URL : https://www.cairn.info/revue-champ-psychosomatique-2007-2-page-65.htm
- Rapport d'un chroniqueur anonyme dans "M.Buguet ou le médium malgré lui", Le Grelot, 11 juillet 1875, p. 2.
- Clément Chéroux, « Les récréations photographiques, un répertoire de formes pour les avant-gardes », Études photographiques, no 5, novembre 1998, p. 72-96.