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Mythe des races

Pour les articles homonymes, voir Race (homonymie) et Ă‚ge.

Le mythe des races métalliques ou mythe des âges de l'humanité est un récit anthropogonique de la mythologie grecque qui fait pendant au mythe prométhéen. Il est rapporté pour la première fois par Hésiode, dans Les Travaux et les Jours (VIIIe siècle av. J.-C.), et repris ensuite par d'autres auteurs.

L'Âge d'argent, par Cranach l'Ancien (1re moitié du XVIe siècle)

Le mythe hésiodique (les cinq races)

Dans Les Travaux et les Jours, poème didactique composé en grec ancien au VIIIe siècle av. J.-C., le poète Hésiode distingue cinq races d'êtres humains successives, dans lesquelles l'existence, d'abord idéale, se dégrade progressivement. Chacune de ces races est créée par les dieux de l'Olympe, et vient à s'éteindre après un temps déterminé.

  • La race d'or est crĂ©Ă©e lorsque Cronos règne encore au ciel :

« les Hommes à cette époque ne travaillaient pas et vivaient en accord parfait avec la faune et la flore, les sacrifices étaient donc inexistants. Les Hommes n'étaient pas à proprement parler « humains » ; ainsi, ils ne se reproduisaient pas, mais étaient « semés ».
Les saisons étaient inexistantes, ils vivaient dans un printemps éternel. La nature était d'ailleurs bienfaitrice (mère nourricière) et leur fournissait tout sans aucun effort.
« Ils vivaient comme des dieux, le cœur libre de soucis, à l'écart et à l'abri des peines et des misères : la vieillesse misérable sur eux ne pesait pas ; mains, bras et jarret toujours jeunes, ils s'égayaient dans les festins, loin de tous les maux. Mourants, ils semblaient succomber au sommeil[1]. »

Ceux-là vivent des récoltes que la terre donnait d'elle-même et, après leur mort, sont changés par Zeus en « bons génies de la terre, gardiens des mortels, dispensateurs de la richesse ».
  • La race d'argent, parce qu'elle se montre coupable d’hybris, connaĂ®t le mal et la douleur : « Ils ne savaient pas s'abstenir entre eux d'une folle dĂ©mesure. » C'est aussi le dĂ©but de l'agriculture ; pour la première fois les Hommes doivent creuser la terre afin d'obtenir le blĂ©. Elle fut finalement ensevelie par Zeus, courroucĂ© de ne les voir rendre aucun hommage aux dieux.
  • La race de bronze est une race guerrière, « fille des frĂŞnes, terrible et puissante » : Ă©galement coupable d’hybris, elle finit par s'anĂ©antir elle-mĂŞme.
  • La race des hĂ©ros, « plus juste et plus brave », est celle des demi-dieux engendrĂ©s par les immortels venus s'unir avec les mortelles. Leurs histoires sont racontĂ©es dans les Ă©popĂ©es antiques ; la plupart pĂ©rissent lors de la guerre des sept chefs Ă  Thèbes puis Ă  la guerre de Troie, et les plus mĂ©ritants sont placĂ©s par Zeus dans les ĂŽles des Bienheureux.
  • La race de fer, actuelle, trouve encore « quelques biens mĂŞlĂ©s Ă  tant de maux ». Mais un temps plus dur attend cette race, où : « [...] l'hĂ´te n'est pas Ă  l'abri de son hĂ´te, ni le beau-père de son gendre ; mĂŞme entre frères, la bonne entente est rare. Le mari mĂ©dite la mort de sa femme, et la femme celle de son mari ; de redoutables marâtres mĂ©langent les sucs livides de l'aconit ; le fils se demande combien d'annĂ©es va vivre encore son père. » IndignĂ©es, Aidos et NĂ©mĂ©sis quitteront alors la terre pour se rĂ©fugier dans l'Olympe, alors « il ne restera plus aux mortels que les chagrins dĂ©vorants, et leurs maux seront irrĂ©mĂ©diables ».

Autres versions du mythe

Gravure pour le livre I des MĂ©tamorphoses d'Ovide

Platon, évoquant explicitement l'œuvre d'Hésiode, propose une interprétation du mythe dans sa République[2] : il est censé justifier les inégalités sociales auprès du peuple par le droit naturel. On y apprend que les Hommes sont naturellement divisés en trois races, à chacune desquelles correspond une caste. Selon le métal avec lequel chaque Homme est mélangé, il appartiendra à l'une ou l'autre de ces races (et se verra ainsi attribuer une caste spécifique) : les Hommes « ayant reçu » de l'or à la naissance, seront philosophes ; ceux d'argent seront gardiens, et enfin, ceux d'airain et de fer se verront affectés aux « professions manuelles ».

Ovide, dans ses Métamorphoses, ne cite pas cinq races mais quatre âges successifs : l'or, l'argent, le bronze et le fer.

Interprétations

Selon Jean Haudry, le mythe des âges chez Hésiode dérive de la conception du cycle cosmique présente chez les Indo-Européens : celui-ci comprend initialement une phase ascendante, une phase descendante et une période obscure. Hésiode ne garde plus que les phases de la décadence[3].

Plus que le métal dont ils sont faits (car rien ne précise dans les textes que ces Hommes sont réellement métalliques), les vertus qui président à leur façon de conduire leur vie, la façon dont se répartissent diké, c'est-à-dire « Justice » (qui est aussi une déesse) et hybris, c'est-à-dire « Démesure » (au sens de rivalité avec les Dieux, ou de comportement déraisonnable : la race de bronze, par exemple, ne cessait de guerroyer) dans leur vie détermine leur sort dans la vie future. Chez les Hommes de la race d'or comme chez ceux de la race d'argent, c'est la justice qui oriente leur vie en sorte que, après leur mort, les uns comme les autres deviendront des daimones (esprits intermédiaires entre les Dieux et les Hommes). On peut comprendre cette détermination comme une forme de prédestination ou comme un accès possible à une forme de sainteté. Le mythe est alors une forme de compréhension de l'humanité et du projet de dépasser le sort commun à sa qualité d'être périssable.

Sources

Version hésiodique

Versions latines

Notes

  1. Ce passage de Les Travaux et les Jours ainsi que les suivants sont issus de la traduction de Paul Mazon, Les Belles Lettres.
  2. Platon, La République [détail des éditions] [lire en ligne], III, 414b-415e.
  3. Jean Haudry, « Énéide », Revue des Études latines, vol. 95,‎ , p. 99–124 (lire en ligne)

Voir aussi

Article connexe

Bibliographie

  • Jean-Pierre Vernant :
    • « Le Mythe hĂ©siodique des races. Essai d’analyse structurale », « Le Mythe hĂ©siodique des races. Sur un essai de mise au point » et « MĂ©thode structurale et mythe des races », dans Mythe et pensĂ©e chez les Grecs. Études de psychologie historique, La DĂ©couverte, coll. « Poches », Paris, 1996, respectivement p. 19–47, 48–85 et 86–106 (ISBN 2707126284),
    • « Le Mythe promĂ©thĂ©en, le mythe des races et l'Ă©mergence de la CitĂ©-État », dans Fabienne Blaise, Pierre Judet de la Combe et Philippe Rousseau (dir.), Le MĂ©tier du mythe. Lectures d'HĂ©siode, Presses Universitaires du Septentrion, coll. « Cahiers de Philologie / Apparat critique » (ISBN 2-85939-508-3).
  • Paul Veyne, Les Grecs ont-ils cru Ă  leurs mythes ?, Seuil, (ISBN 2020159538) .
  • Pierre et AndrĂ© Sauzeau, « Le Symbolisme des mĂ©taux et le mythe des races mĂ©talliques », Revue de l'histoire des religions,‎ rhr 3/2002 (lire en ligne)
  • Alain Ballabriga, « L'Invention du mythe des races en Grèce archaĂŻque », Revue de l'histoire des religions,‎ rhr 3/1998 (lire en ligne)
  • J.-P. Brisson, Rome et l’âge d’or, de Catulle Ă  Ovide, vie et mort d’un mythe, Paris, La DĂ©couverte, coll. « Textes Ă  l’appui / Histoire classique », (ISBN 2707121576)
  • Jacqueline Fabre-Serris, Mythologie et littĂ©rature Ă  Rome : La rĂ©Ă©criture des mythes aux Iers siècles avant et après J.-C., Lausanne, Payot, (ISBN 2601032286), p. 27–38

Liens externes

  • Monique Mund-Dopchie, « De l'âge d'or Ă  PromĂ©thĂ©e : Le choix mythique entre le bonheur naturel et le progrès technique », Folia Electronica Classica, no 2,‎ (lire en ligne)
  • Monique Mund-Dopchie, « L’âge d’or et PromĂ©thĂ©e : Destins croisĂ©s de deux mythes fondateurs chez les Grecs », Folia Electronica Classica, no 14,‎ (lire en ligne)
  • Mythe des races. Goltzius. Collection De Verda