Zamor
Zamor, né vers 1762 à Chittagong (actuellement au Bangladesh) et mort le à Paris, baptisé sous le prénom de Louis-Benoît, Zamor est probablement un Siddi né au Bengale. Il fut capturé à l'âge de 11 ans par des esclavagistes anglais puis donné à Madame du Barry, qui l'utilisera comme page[1]. Il rejoindra la révolution parmi les Jacobins, et informera sur sa propriétaire au Comité de salut public, ce qui aboutira à son exécution. Il sera emprisonné par les Girondins puis s'exilera, revenant en France après l'Empire et y mourra dans la pauvreté.
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Jeunesse
Zamor est né en 1762 à Chittagong au Bengale. Il pourrait être un Siddi, peuple bengalais descendant des Bantous, ce qui expliquerait que Madame du Barry reste persuadée qu'il est africain. En 1773, âgé de 11 ans, il est capturé par des esclavagistes anglais qui trafiquent vers la France via Madagascar, qui le vendent à Louis XV. Celui-ci l'offre, accompagné de quelques couples d'animaux, à sa maîtresse la comtesse du Barry, qui espère ainsi faire de Zamor un instrument de séduction auprès du roi.
Il est baptisé à l'église Notre-Dame de Versailles, sa marraine est Madame du Barry, et son parrain Louis-François-Joseph de Bourbon-Conti. Il reçoit le prénom de Louis-Benoît[2].
La comtesse prend en charge son éducation[3]. Zamor développe un gout pour la littérature, particulièrement pour Jean-Jacques Rousseau[4]. Lors de l’avènement de Louis XVI, Zamor partagea la disgrâce de la Du Barry, exilée à Meaux, puis à Louveciennes.
Les archives de l'époque suggèrent que Zamor était espiègle :
« Le deuxième objet de mon regard était Zamor, un jeune garçon africain, plein d’intelligence et de malice : simple et indépendant dans sa nature, pourtant sauvage comme son pays. Zamor se croyait l’égal de tous ceux qu’il rencontrait, à peine daignant reconnaître le roi lui-même comme son supérieur. »[5] »
Si la comtesse se passionne pour son page, devenu « effronté et insolent » dans le milieu libertin de la comtesse, celui-ci en garde un autre souvenir. Bien plus tard, en 1792, lorsqu'il témoigna contre elle devant les tribunaux révolutionnaires[6], il évoque ses années d’adolescence en termes amers, disant que, si la comtesse l'avait recueilli et élevé, c'était pour faire de lui son jouet ; elle permettait qu'on l'humiliât chez elle ; il y était sans cesse en butte aux railleries et aux insultes des familiers du château[7].
Participation à la Révolution française
Lorsque la Révolution française éclate, Zamor prend le parti des révolutionnaires, avec un autre des domestiques de la maison, et fut assidu aux réunions du Club des Jacobins. Zamor devient par la suite membre du bureau du Comité de la sécurité publique.
Alors qu'il est membre du Club des jacobins, il se lie d'amitié avec Grieve, qui a voyagé à Londres, où il a connu la comtesse. En revenant en France, celui-ci se lie avec Zamor et un autre domestique de Du Barry. Zamor lui écrit des pamphlets sur sa maîtresse et presse son confrère de les publier. Il déplorait son style de vie somptueux et son esclavage cruel. Protestant contre ses visites répétées en Angleterre dans le but de récupérer ses bijoux perdus, il la met en garde contre les aristocrates, auxquels elle apporterait un soutien financier. Les révolutionnaires soupçonnent des motivations politiques à ces voyages. La police arrête la comtesse en 1792 à son retour d'une de ses visites en Angleterre. La comtesse, cependant, obtint sa libération de prison grâce au soutien des villageois de Louveciennes. Elle, reconnaissant la main de son domestique dans des écrits, le chasse de son emploi en raison de ses activités révolutionnaires.
Libéré de ses obligations, Zamor exprime plus fort son soutien à la Révolution. Il a porté de nouvelles accusations contre la comtesse au Comité de salut public, l'accusant de complot contre-révolutionnaire et d'influence sur l'aristocratie anglaise : la comtesse est emprisonnée, condamnée à mort et guillotinée. Zamor est alors emprisonné par les Girondins, qui l'accusent d'être un complice de la comtesse et un Jacobin[8].
Fin de vie
Il fut libéré et quitte le pays, où il ne reviendra qu'après la chute de Napoléon en 1815. L’ancien page de Mme du Barry achète alors une maison au 13 rue Maître-Albert, près du Quartier latin de Paris, dans l'actuel 5e arrondissement. Il est instituteur. Cependant, selon Francois Louis Poumies De La Siboutie en 1811, il donne des leçons d'écriture et joue du violon pour des soirées dansantes[9].
Il meurt en 1820, au 13 de la rue Maître-Albert, où il vivait[7], âgé d’environ 58 ans. S'appuyant sur G. Lenotre, Jacques Levron écrira :
« Il vivait dans une petite chambre sordide, réprouvé et haï de tout le voisinage. Il mourut en 1820. On jeta son corps à la fosse commune. Personne ne suivit son enterrement[10]. »
Après sa mort, des portraits des révolutionnaires Marat et Robespierre ont été retrouvés dans sa chambre.
Dans la culture populaire
- Zamor, âgé de 12 ans, apparaît dans le roman de Alexandre Dumas Joseph Balsamo.
- Une bande dessinée de deux pages, La rue perdue, est publiée en 1978. Cette bande dessinée met en scène Gil Jourdan, un détective créé par Maurice Tillieux. En 1953, le détective Jourdan tente de découvrir pourquoi une fausse lame de guillotine est accrochée devant la porte d'un ami. Le responsable s'avère être un homme raciste obsédé par Madame du Barry, cherchant à venger sa mort à travers la vie de l'ami de Jourdan qui ressemble à Zamor. L'histoire se déroule dans la rue Maître-Albert, où Zamor résidait avant sa mort.
- En 2006 dans le film de Sofia Coppola Marie Antoinette, Madame du Barry (représentée par Asia Argento) est montrée en compagnie d'un garçon noir, qui représente probablement Zamor.
- Incarné par Ibrahim Yaffa (enfant) et Djibril Djimo (adolescent), Zamor est un personnage du film de Maïwenn Jeanne du Barry, présenté en ouverture du Festival de Cannes 2023.
Annexes
Bibliographie
- Ludovic Miserole (préf. Michel de Decker), Zamor : le nègre républicain, Saint-Romain-de-Colbosc, L'Atelier Mosésu, , 360 p. (ISBN 979-10-92100-50-1).
- Ève Ruggieri, Le Rêve de Zamor, Plon, , 208 p. (ISBN 978-2-259-18647-6).
- Gérard Saint-Loup, Zamor : le nègre de la Du Barry, Éditions L'Harmattan, , 176 p. (ISBN 978-2-7384-6077-6).
- Jacques Levron, Madame du Barry : ou la fin d'une courtisane, Éditions Perrin, , 353 p. (ISBN 978-2-262-00193-3).
Article connexe
Notes et références
- « Zamor (1762-1820) », sur Une autre histoire, (consulté le )
- (en-US) Arghya Bose, « How an Indian man taken to Europe as a slave played a role in the French Revolution », sur Scroll.in (consulté le )
- Caroline Weber, Queen of Fashion: What Marie Antoinette Wore to the Revolution, Macmillan, , 60 (ISBN 0805079491, lire en ligne )
- (en) Saroja Sundarajan, « For liberty and fraternity », sur thehindu.com, The Hindu, .
- G. Lenotre et Frederic Lees, Romances of the French Revolution: From the French of G. Lenotre [pseud.], Brentano's, , 135 p.
- (en) mwalesh, « Zamour, the Beloved Slave of Madame du Barry », sur Paris History of our Streets, (consulté le )
- G Lenotre, Vieilles Maisons, Vieux Papiers, vol. 1, Tallandier, , 368 p. (ISBN 979-10-210-0754-3, présentation en ligne)
- (en) Abhijit Gupta, « Child from Chittagong », sur telegraphindia.com, The Telegraph (Calcutta), .
- Souvenirs d'un médecin de Paris, par le docteur Poumiès de la Siboutie (1789-1863), 1910, librairie Plon, page 29.
- Jacques Levron, Madame du Barry ou la fin d'une courtisane, Perrin, , p. 319.