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Volcan de boue de Sidoarjo

Le volcan de boue de Sidoarjo est un volcan de boue[1] d'Indonésie situé dans l'est de l'île de Java, au sud de la capitale provinciale de Surabaya. Ce volcan de boue est né le dans le kabupaten de Sidoarjo, une zone densément peuplée et cultivée. Les coulées ont enseveli à de nombreuses reprises des villages, des voies de communication et des champs malgré la construction de nombreuses digues de rétention, constituant une des plus grandes catastrophes économiques et écologiques de l'Indonésie.

Volcan de boue de Sidoarjo
Vue du volcan de boue de Sidoarjo en juillet 2006 avec le lieu de l'émission des coulées de boue au niveau du panache.
Vue du volcan de boue de Sidoarjo en juillet 2006 avec le lieu de l'émission des coulées de boue au niveau du panache.
Localisation
Pays Drapeau de l'Indonésie Indonésie
Province Java oriental
Kabupaten Sidoarjo
Kecamatan Porong
CoordonnĂ©es gĂ©ographiques 7° 31′ 34″ S, 112° 42′ 39″ E
Caractéristiques
Gaz rejeté(s) Composés d'hydrocarbures
Minéraux rejeté(s) Boue contenant des hydrocarbures et des métaux lourds
DĂ©bit 50 000 m3 par jour
Origine du nom Ville et kabupaten de Sidoarjo
Géolocalisation sur la carte : Indonésie
(Voir situation sur carte : Indonésie)
Volcan de boue de Sidoarjo

Toponymie

Le volcan de boue de Sidoarjo tire son nom du kabupaten dans lequel il est localisé, Sidoarjo, et de son chef-lieu situé juste au nord, Sidoarjo.

En indonésien, le volcan de boue est appelé banjir lumpur panas Sidoarjo ou lumpur Sidoarjo, littéralement « boue de Sidoarjo », abrégé en Lusi, mais aussi lumpur Lapindo du nom de Lapindo Brantas, la compagnie pétrolière suspectée d'être à l'origine du volcan.

Contexte

Image satellite pendant (le 3 septembre 2006) et avant (le 11 mars 2005) l'Ă©ruption.

Le bassin gĂ©ologique de l'est de Java contient des rĂ©serves apprĂ©ciables de pĂ©trole et de gaz naturel. Le district de Porong, Ă  14 km au sud de la ville de Sidoarjo, au sud de Surabaya, constitue ce que l'industrie pĂ©trolière indonĂ©sienne appelle le Brantas Production Sharing Contract Area, une zone de quelque 7 250 km2 dans laquelle se trouvent trois champs pĂ©troliers et gaziers : Wunut, Carat et Tanggula Angin. En 2006, trois compagnies, les indonĂ©siennes PT Lapindo Brantas et Medco Energi ainsi que l'australienne Santos Limited (qui dĂ©tiennent respectivement 50 %, 32 % et 18 % de l'exploitation), obtiennent les droits d'exploration et de production sur cette zone, PT Lapindo Brantas Ă©tant l'opĂ©rateur, c'est-Ă -dire la compagnie menant les opĂ©rations[2]. PT Lapindo Brantas est une filiale du groupe Bakrie, qui appartient Ă  Aburizal Bakrie (en), homme d'affaires et ministre au sein du gouvernement, et Ă  ses frères.

DĂ©roulement de l'Ă©ruption

DĂ©clenchement

Le , alors qu'un forage de PT Lapindo Brantas vise un gisement de gaz, la tige de forage traverse une Ă©paisse couche d'argile entre 500 et 1 300 mètres de profondeur, puis des sables, des schistes, des dĂ©bris volcaniques et des roches de carbonate permĂ©ables[1]. Ă€ 5 h, heure locale (UTC+07:00), la tige atteint la profondeur de 2 834 mètres. De l'eau, de la vapeur et de petites quantitĂ©s de gaz entrent alors en Ă©ruption en un emplacement situĂ© Ă  environ 200 mètres au sud-ouest du forage[3]. Deux autres Ă©ruptions se produisent les 2 et Ă  environ 800 Ă  1 000 mètres au nord-ouest du puits, mais s'arrĂŞtent le [3]. Lors de ces Ă©ruptions, du sulfure d'hydrogène s'Ă©chappe[4].

Gestion de l'Ă©ruption

Plusieurs solutions sont envisagĂ©es, mais aucune ne porte ses fruits. Les ouvriers jettent par exemple de grosses boules de bĂ©ton dans le cratère, en espĂ©rant qu'elles coulent et qu'elles bouchent le conduit. Ce projet est abandonnĂ© car, en plus d'ĂŞtre inefficace, il risque de faire augmenter la pression, et de provoquer l'apparition d'autres volcans de boue dans les environs. La dernière idĂ©e en date est japonaise : construire une cheminĂ©e autour du cratère, d'une hauteur de 40 mètres, recouverte d'une sorte de toit. Les experts des autres pays restent sceptiques.

Origine de l'Ă©ruption

La thèse initiale est celle d'un accident de forage de la compagnie Lapindo-Brantas, qui aurait mal maîtrisé la décompression d'une poche d'hydrocarbure. Cette thèse de l'erreur humaine est à nouveau confirmée par une étude scientifique publiée en 2008 par Richard Davies, géologue à l'université de Durham au Royaume-Uni, qui rejette les causes naturelles avancées jusqu'alors[5] - [6].

Toutefois, certains géologues soutiennent que cette thèse n'est pas compatible avec les volumes de boue rejetés. Ils avancent une explication « naturelle »[7] :

  • la zone est gĂ©ologiquement très active, puisqu'elle associe des phĂ©nomènes de subduction, d'hydrothermalisme et de volcanisme, d'anciens volcans de boue existent dans la rĂ©gion, et ils seraient situĂ©s sur la mĂŞme faille que le volcan de Sidoarjo ;
  • deux jours avant l'Ă©ruption de boue, un sĂ©isme de magnitude 4 avait touchĂ© la zone. Il aurait fragilisĂ© la zone et entraĂ®nĂ© des failles permettant la remontĂ©e de gaz. Le forage aurait pu agir comme Ă©lĂ©ment dĂ©clencheur. Cette thèse, qui ne met pas en cause la responsabilitĂ© de la sociĂ©tĂ© de forage, est retenue lors du procès, en 2009 : la justice indonĂ©sienne dĂ©cide de l'acquittement de la sociĂ©tĂ©. Pour Davies, la distance entre l'Ă©picentre du sĂ©isme (250 km) et le volcan ne peut pas expliquer un changement de pression suffisant pour une Ă©ruption[5].

Conséquences

Maisons submergées par les coulées de boue.

Les ouvriers sur place construisent des digues autour du cratère, et des pelleteuses brassent la boue. Le courant ainsi crĂ©Ă© entraĂ®ne la boue vers un dispositif qui, après l'avoir mĂ©langĂ©e Ă  de l'eau, la rejette dans la rivière. Aujourd'hui, le lit de la rivière a dĂ©jĂ  diminuĂ© de moitiĂ©, et d'après les pĂŞcheurs locaux, il n'y a plus de signes de vie. NĂ©anmoins, les responsables de ce projet de « dĂ©tournement » assurent qu'ils peuvent encore continuer Ă  rejeter la boue dans la rivière durant une annĂ©e. De plus, cette boue, chargĂ©e d'hydrocarbures et de mĂ©taux lourds, a contaminĂ© les Ă©levages de crevettes. Il en rĂ©sulte que la production a beaucoup diminuĂ©, et plusieurs pays ont dĂ©cidĂ© de ne plus importer ces crevettes. La plupart des Ă©leveurs sont dĂ©sormais au chĂ´mage technique. Fin , selon le directeur du BPLS (l'organisme gouvernemental chargĂ© de la prise en charge des consĂ©quences de la catastrophe), la compagnie Lapindo a versĂ© 20 % des sommes promises pour dĂ©dommager les victimes. Selon le dĂ©cret prĂ©sidentiel 48 de 2008 (Peraturan Presiden Nomor 48 Tahun 2008), qui fixe les conditions de dĂ©dommagement des victimes, celles-ci doivent percevoir 1,5 million de roupies par mètre carrĂ© dĂ©truit pour les habitations, un million par mètre carrĂ© non construit et 120 000 roupies par mètre carrĂ© de rizière[8].

En , la plupart des sinistrĂ©s vivent dans les villages voisins, dans des conditions de vie souvent dĂ©plorables. Par exemple, dans une Ă©choppe amĂ©nagĂ©e pour l'occasion, ce sont 25 personnes qui cohabitent ; la plupart dorment Ă  mĂŞme le sol[9].

Une autre conséquence de ce volcan de boue est l'affaissement du sol : les digues construites se fissurent et menacent de céder à tout moment. Une ligne à haute tension, qui passe en plein milieu du lac de boue, s'enfonce également. Les ouvriers indonésiens sont obligés de rehausser inlassablement les digues et les poteaux électriques, au fur et à mesure de l'enfoncement dans le sol.

Évolution

Des scientifiques prévoient que la boue pourrait continuer à se déverser pendant des décennies.

Ă€ la fin 2007, le volume de boue Ă©jectĂ© est de 50 000 m3 par jour et la surface recouverte est supĂ©rieure Ă  25 km2. L'Ă©ruption, encore mal expliquĂ©e, risque de continuer pendant un temps qu'on ne peut dĂ©terminer. Ă€ ce jour, tous les efforts pour l'arrĂŞter ont Ă©chouĂ©. En tout, cinq villages ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© engloutis, ainsi qu'une autoroute, et plus de 15 000 personnes ont dĂ» ĂŞtre dĂ©placĂ©es. Fin , selon les calculs du gouvernement indonĂ©sien et de Lapindo, ce sont 640 hectares qui ont Ă©tĂ© touchĂ©s[8].

En , soit cinq ans après le dĂ©but de l'Ă©ruption, le dĂ©bit de boue rejetĂ© constatĂ© Ă  la fin 2007 est stable, avec un volume de 50 000 m3 par jour[10]. Ces Ă©missions boueuses sont accompagnĂ©es d'un important dĂ©gazage de composĂ©s d'hydrocarbures Ă  des doses très Ă©levĂ©es[10]. En plus d'intoxiquer les populations vivant Ă  proximitĂ© — dont les dĂ©placĂ©s installĂ©s dans des bidonvilles — ces gaz peuvent s'enflammer brusquement, provoquant alors des brĂ»lures graves[10]. En s'infiltrant dans le sol et en se dĂ©versant dans la rivière voisine, la boue pollue l'eau potable, fissure les bâtiments, assèche les champs et les rizières et dĂ©truit les Ă©levages de crevettes[10].

En , dix ans après, 25 000 m3 de boue sortent encore chaque jour du volcan[11].

En 2021, le volume de boue émis quotidiennement par le volcan était estimé à environ 10 000 à 15 000 mètres cubes par jour, ce qui est beaucoup moins que les quantités massives qui ont été émises dans les années qui ont suivi l'éruption initiale.

Cependant, il est important de noter que la quantité de boue émise peut varier considérablement d'un jour à l'autre, en fonction de divers facteurs, tels que la pression dans les conduits souterrains, les variations saisonnières de précipitations et d'autres facteurs environnementaux.

Notes et références

  1. (en) Richard van Noorden, « Mud volcano floods Java », Nature,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. « Brantas », Our Activities, Santos Ltd. (consulté le ).
  3. (en) Richard J. Davies, Richard E. Swarbrick, Robert J. Evans and Mads Huuse, « Birth of a mud volcano: East Java, 29 May 2006 », GSA Today, vol. 17, no 2,‎ , p. 4–9 (lire en ligne [archive du ], consulté le ).
  4. (en) Dennis Normile, « GEOLOGY: Mud Eruption Threatens Villagers in Java », Science, vol. 313, no 5795,‎ , p. 1865 (lire en ligne).
  5. Jacques-Olivier Baruch, « Boues de Lusi, le séisme disculpé », La Recherche, no 422,‎ , p. 12.
  6. Arnaud Guiguitant, « La thèse de l'erreur humaine relancée pour expliquer l'éruption du volcan Lusi à Java », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. Source.
  8. (id) Sutji Decilya, « PT Lapindo bayar ganti rugi Senin », Koran Tempo,‎ , A5 (ISSN 1411-8785).
  9. Envoyé spécial du 6 septembre 2007, France 2, « Une percée en enfer », un reportage de Sébastien Legay et Thierry Breton .
  10. (fr) Anne-Fleur Delaistre, « En Indonésie, les boues de Sidoarjo font de nouvelles victimes », La Croix,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. (fr)Jeanne Lefèvre, « En Indonésie, un volcan crache de la boue depuis dix ans », sur francetvinfo.fr, (consulté le ).

Annexes

Article connexe

Liens externes

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