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Vladimir Bazarov

Vladimir Aleksandrovitch Bazarov (en russe : Đ’Đ»Đ°ĐŽĐžĐŒĐžŃ€ АлДĐșŃĐ°ĐœĐŽŃ€ĐŸĐČоч Đ‘Đ°Đ·Đ°Ń€ĐŸĐČ), nĂ© Roudnev (Đ ŃƒĐŽĐœĐ”ĐČ), le 27 juillet 1874 ( dans le calendrier grĂ©gorien) Ă  Toula et mort le Ă  Moscou, est un philosophe marxiste et Ă©conomiste russe et soviĂ©tique.

Vladimir Bazarov
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
(Ă  65 ans)
Moscou
Nationalité
Formation
Faculté de physique et de mathématiques de Moscou (d)
Activités
Autres informations
A travaillé pour
Parti politique

Un spécialiste de la philosophie marxiste

Fils d’un mĂ©decin du zemstvo de Toula (qui aurait soignĂ© LĂ©on TolstoĂŻ, dont le domaine IasnaĂŻa Poliana est proche), Vladimir Roudnev devient, comme beaucoup d’étudiants russes de cette Ă©poque, rĂ©volutionnaire et marxiste aprĂšs avoir rejoint l’universitĂ© de Moscou en 1894.

Avec son ami Malinovski (futur Alexandre Bogdanov), il organise des cercles de propagande auprĂšs des ouvriers de la rĂ©gion avant d'ĂȘtre arrĂȘtĂ© et exilĂ© Ă  Vologda. En 1904, Ă  l’exemple de ce dernier et de Lounatcharski dont il s’est aussi rapprochĂ©, il rejoint les Bolcheviks, avant de jouer l’annĂ©e suivante un rĂŽle dans les Ă©vĂ©nements rĂ©volutionnaires de 1905. AprĂšs l’échec et la rĂ©pression, Bazarov Ă©crit dans diverses publications clandestines bolchĂ©viques et soutient le courant dit de la « construction de Dieu » dans lequel certains intellectuels (dont Lounatcharski, Gorki et Bogdanov) cherchent Ă  fonder une trĂšs curieuse religion « socialiste » conciliant marxisme et religion. Il participe aux sĂ©ances de l'« Ă©cole de Capri Â» que l'Ă©crivain, qui en a les moyens matĂ©riels, accueille dans ses lieux de villĂ©giature successifs[1].

Par ailleurs, exĂ©gĂšte des Ɠuvres de Marx et d’Engels, Bazarov s’attelle, de 1907 Ă  1909, Ă  la traduction en russe du Capital de Karl Marx, renouvelant la tentative prĂ©cĂ©dente, rĂ©alisĂ©e en 1872-73 par deux narodniki, Danielson et Lopatine. Ce travail, exercĂ© en collaboration avec Skvortsov-Stepanov, a Ă©tĂ©, jusqu’à aujourd’hui la version sur laquelle toutes les gĂ©nĂ©rations de soviĂ©tiques ont Ă©tudiĂ© le marxisme[2].

TrĂšs proche de Bogdanov, Roudnev, qui a adoptĂ© Ă  cette Ă©poque le pseudonyme de Bazarov, certainement en hommage au cĂ©lĂšbre nihiliste crĂ©Ă© par Tourgueniev dans son roman PĂšres et Fils (1860), se consacre Ă  des analyses thĂ©oriques assez poussĂ©es. Les Essais sur la philosophie marxiste publiĂ©s Ă  Saint-PĂ©tersbourg en 1908 (recueil d'articles de lui-mĂȘme, de Bogdanov, Lounatcharski, Bermann, Souvorov, etc.) lui valent d’ĂȘtre critiquĂ© assez fermement par LĂ©nine dans son cĂ©lĂšbre MatĂ©rialisme et empiriocriticisme publiĂ© la mĂȘme annĂ©e (« Bazarov accommode Engels... Â»). Il est certain que les points de vue de Bazarov et de ses amis, imprĂ©gnĂ©s des idĂ©es de Mach et d’Avenarius, contredisent la vision d’un Vladimir Illitch trĂšs soucieux de prĂ©server le matĂ©rialisme dialectique de Marx. Comme Bogdanov, Bazarov s’éloigne alors de la politique active.

Un Ă©conomiste planificateur

« Internationaliste » durant la PremiĂšre Guerre mondiale, c’est-Ă -dire opposĂ© Ă  la participation de la Russie Ă  la guerre, Bazarov collabore au journal de Gorki Letopis (Chroniques) de 1915 Ă  1916 puis, en 1917, dans NovaĂŻa jizn (1917-1918). Toujours associĂ© Ă  l’écrivain mais aussi Ă  d’autres personnalitĂ©s — notamment Nicolas Soukhanov qu’il cĂŽtoiera au Gosplan quelques annĂ©es plus tard — il adopte une position critique envers les bolchĂ©viques aprĂšs la chute du tsar. Certaines sources indiquent qu’il est alors proche de Julius Martov, plaidant pour une alliance sociale dĂ©mocrate effaçant la rupture entre les deux fractions. OpposĂ© Ă  la rĂ©volution d'Octobre, Bazarov continue de plaider pour un rassemblement des socialistes au sein d’une nouvelle assemblĂ©e constituante. Ses critiques envers LĂ©nine sont acerbes comme le montre cette apprĂ©ciation relevĂ©e dans une lettre adressĂ©e Ă  un ami Ă  cette Ă©poque :

« C’est un maniaque incurable qui signe des dĂ©crets en qualitĂ© de chef du gouvernement russe, au lieu de suivre un traitement hydrothĂ©rapique sous la surveillance d’un aliĂ©niste expĂ©rimentĂ©... »

En dĂ©pit de ces variations partisanes, Bazarov reste Ă  l’écart de tout engagement au sein du parti menchĂ©vique. Il y garde cependant des liens qui lui seront utiles aprĂšs la guerre civile.

En effet, quand la paix revient en 1921, lors de l’établissement de la NEP, Bazarov est recrutĂ© par le Gosplan, crĂ©Ă© en fĂ©vrier de cette derniĂšre annĂ©e. Il y rencontre d’autres spĂ©cialistes, dont Vladimir Groman et Stanislav Strumiline, et pose avec eux les premiers pas d’une planification Ă©conomique dans un pays laissĂ© exsangue par le « communisme de guerre » et les combats contre les armĂ©es blanches. L’apport de Bazarov Ă  cet instant, probablement favorisĂ© par son long voisinage avec l’Ɠuvre de Bogdanov (et sa cĂ©lĂšbre « tectologie »), est particuliĂšrement innovant quand on considĂšre la faiblesse de la maĂźtrise des mouvements Ă©conomiques par les États Ă  cette Ă©poque, notamment en Occident. Il propose pour la nouvelle Union soviĂ©tique une planification prĂ©visionnelle appuyĂ©e sur des lois scientifiques afin de maĂźtriser la production Ă©conomique. À cette fin, il dĂ©finit des objectifs tenant compte de la demande, de l’offre, des entrĂ©es, des sorties (input-output). Bazarov offre une contribution trĂšs originale au marxisme car elle annonce les plans quinquennaux des dĂ©cennies suivantes tout en essayant de rĂ©pondre Ă  la question de la victoire, sur le terrain Ă©conomique, du socialisme sur le capitalisme. Il est vrai que l’alternative aux lois du marchĂ© reste une interrogation fondamentale de l'Ă©conomie politique qui, jusqu’à aujourd’hui, n’a pas encore Ă©tĂ© tranchĂ©e.

Le lancement de l’industrialisation par Staline en 1928 bouleverse l’organisation d’un État qui se stabilise Ă  peine sous le systĂšme de la NEP. De fait, les dĂ©buts de cette politique aussi volontariste que brutale sont chaotiques. Les rĂ©sultats escomptĂ©s sont loin d’ĂȘtre partout rĂ©alisĂ©s, situation que le Parti explique par des rĂ©sistances multiformes. En , la presse annonce la dĂ©couverte d'une « entreprise de sabotage industriel » dans la rĂ©gion de Chakhty. Cinquante-trois « spĂ©cialistes bourgeois » sont arrĂȘtĂ©s, jugĂ©s et condamnĂ©s au cours d'un procĂšs public censĂ© populariser le mythe du « saboteur Ă  la solde de l'Ă©tranger ».

En , Staline, inquiet des troubles provoquĂ©s par la mise en Ɠuvre d’une collectivisation qu’il a lui-mĂȘme dĂ©cidĂ©e, publie dans la Pravda un article cĂ©lĂšbre, « Le vertige du succĂšs », qui Ă©voque les rĂ©ussites mais aussi et surtout « leurs ombres ». En mai suivant, dĂ©butent des procĂšs collectifs de savants et d'ingĂ©nieurs. Ils annoncent dans leur organisation les grandes purges des annĂ©es suivantes (accusĂ©s sous contrĂŽle, aveux appris par cƓur, interrogatoires prĂ©parĂ©s d’avance).

Bazarov est arrĂȘtĂ© peu aprĂšs avec d’autres spĂ©cialistes (dont Soukhanov, Groman, Riazanov). En , il est impliquĂ© dans le « procĂšs des mencheviks » qui se tient Ă  Moscou et qui vise cette fois-ci, Ă  un niveau supĂ©rieur des jugements prĂ©cĂ©dents, les Ă©conomistes supposĂ©s coupables d’avoir condamnĂ© le rythme trop Ă©levĂ© de l'industrialisation et d’y avoir rĂ©sistĂ©. En dĂ©pit des pressions qu’il subit, Bazarov refuse de reconnaĂźtre sa culpabilitĂ©, Ă  l’inverse d’autres accusĂ©s. Il rĂ©siste suffisamment pour que sa comparution ne puisse ĂȘtre mise en Ɠuvre. Il se voit toutefois infliger une condamnation Ă  une peine de 18 mois d’emprisonnement aussitĂŽt suivie d’un exil en province. AutorisĂ© Ă  revenir Ă  Moscou en 1935, Bazarov y meurt quatre ans plus tard, Ă  l’ñge de 75 ans, de maladie.

Sources

  • EncyclopĂ©die Universalis, Ă©dition de 1977. Notices biographiques.

Notes et références

  1. Un extraordinaire clichĂ© pris Ă  cette Ă©poque, ensuite censurĂ© par la propagande stalinienne, prĂ©sente Ă  Capri, Bogdanov et LĂ©nine jouant aux Ă©checs devant Gorki, le fils adoptif de ce dernier Zinovi Pechkoff (futur gĂ©nĂ©ral français, frĂšre de Iakov Sverdlov), Bazarov, Ladyznikov et Natalia Bogdanova. In Alain Jaubert Partie d’échecs Ă  Capri, Le Commissariat aux Archives, les photos qui falsifient l'Histoire, Paris, Barrault, 1986, pp. 16-17.
  2. Selon les "Réminiscences" de Nadejda Kroupskaïa, Lénine, à cette époque appréciait le débat trÚs vif qu'il avait avec Bazarov et Skvortsov

Voir aussi

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