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Virgil Gheorghiu

Constantin Virgil Gheorghiu, né le à Războieni, en Moldavie, dans le nord de la Roumanie, et mort le à Paris 15e[1], est un écrivain et prêtre orthodoxe roumain. Écrivant tant en roumain qu'en français, il est notamment connu pour son roman phare La Vingt-cinquième Heure.

Virgil Gheorghiu
Virgil Gheorghiu en 1979
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom de naissance
Constantin Virgil Gheorghiu
Nationalités
Formation
Activités
Autres informations
Parti politique
Crusade of Romanianism (en)
Distinction
Prix royal de poésie 1940 (Roumanie)
Å’uvres principales
Vue de la sépulture.

Biographie

Virgil Gheorghiu est né à Valea Albă, un hameau de la commune de Războieni, dans le județ de Neamț en Roumanie. Son père, comme ses ancêtres, est prêtre orthodoxe du Patriarcat de toute la Roumanie à Petricani. Sa famille le destine tout d'abord au séminaire et à la prêtrise, mais doit y renoncer faute d'argent.

De 1928 à 1936, il fait ses études à l'école militaire de Chișinău, une période durant laquelle il compose des poèmes dont certains sont publiés dans la presse. Il étudie également à la faculté des lettres de Bucarest[2]. Il fait ensuite ses débuts littéraires à Bucarest où il vit de divers petits emplois tout en suivant des études à la faculté de philosophie. Il se marie en 1939 avec Ecaterina Burbea, jeune avocate juive à la Cour d'appel de Bucarest. Il reçoit en 1940 le Prix Royal de poésie pour son recueil Calligraphies sur la Neige.

Sous la dictature fasciste du général Ion Antonescu, le contexte devenant difficile pour son épouse, Gheorghiu, forcé de choisir entre elle et son pays, choisit résolument de quitter la Roumanie : il devient diplomate travaillant d'abord en 1942 au secrétariat de la légation du ministère des Affaires étrangères, puis l'année suivante à l'ambassade de Zagreb en tant qu'attaché culturel. C'est en Croatie qu'il apprendra en août 1944 le passage de la Roumanie aux Alliés.

Fuyant les crimes de l'Armée rouge, il quitte la Croatie avec son épouse pour demander l'asile politique à l'Ouest, mais sa qualité d'ancien diplomate au service d'un régime fasciste lui porte préjudice et le couple sera arrêté puis emprisonné entre 1945 et 1947 dans une prison américaine en Allemagne. À leur libération, ils vivent un temps à Heidelberg où, en dépit d'une situation précaire et d'une santé devenue défaillante après deux années de détention, Gheorghiu poursuit des cours à la faculté de théologie et reprend l'écriture. En 1948, après trois tentatives infructueuses, le couple parvient à traverser la frontière allemande et à obtenir l'asile en France.

Virgil Gheorghiu a rédigé La Vingt-cinquième heure durant les quelques mois passés à Heidelberg. Une fois installé à Paris, il propose le manuscrit au philosophe et écrivain Gabriel Marcel, directeur littéraire chez Plon qui préface la première édition française. Sorti au printemps 1949, le livre connaît un succès rapide et bénéficie de multiples traductions à travers le monde (au moins 31 langues[3]), à l'exception, bien sûr, des pays du bloc de l'Est. L'ouvrage est décrit comme un « roman antitotalitaire [... qui dénonce] la déshumanisation du monde moderne »[2]. Trois ans plus tard, l'auteur fait publier La Seconde Chance[2].

En 1952, Virgil Gheorghiu, comme tous les intellectuels roumains de sa génération[4], fait face à une violente campagne de presse, en raison de son antisémitisme pendant la guerre, alors qu'il était correspondant de guerre accrédité par la Wehrmacht, à l'époque où l'armée roumaine lui était alliée, sur le front de l'Est, et qu'il avait publié en 1941 ses récits sous le titre Les Rives du Dniestr brûlent[2]. Alexandra Laignel-Lavastine relève qu'il s'y demandait notamment « pourquoi les troupes roumaines n'abattaient pas directement à la mitrailleuse les Juifs au lieu de les déporter en colonnes vers les camps de Transnistrie »[5]. En 1941, les juifs soviétiques étaient accusés en bloc d'avoir soutenu l'occupation soviétique de la Bessarabie et de la Bucovine du Nord[6], et lorsqu'il fut critiqué, Virgil Gheorghiu refusa de démentir publiquement ses écrits, provoquant sa rupture avec Gabriel Marcel qui exige par la suite le retrait de sa préface des éditions ultérieures de La Vingt-cinquième Heure[2]. Depuis, un éclairage bien plus nuancé a été apporté sur cette polémique, notamment par Thierry Gillybœuf, qui montre dans Virgil Gheorghiu, L'écrivain calomnié, que ces accusations proviennent d'une cabale montée par Les Lettres françaises sous la plume de Francis Crémieux[7]. Après cette affaire, Gheorghiu séjourne un temps en Argentine puis revient en France et publie en 1954 un récit d'inspiration autobiographique, L'homme qui voyagea seul[2]. En 1965, l'auteur livre De la vingt-cinquième heure à l'heure éternelle, ouvrage évoquant son enfance et son père prêtre, « dialogue d'âme à âme, ici de fils à père, interrompu par la séparation des corps et poursuivi dans un espace mystique »[8].

En 1967, Henri Verneuil réalise le film tiré de La Vingt-cinquième heure[3], avec Anthony Quinn dans le rôle du paysan Iohann Moritz, et Serge Reggiani dans celui du fils du prêtre Koruga, Traian, qui prend conscience que la vingt-cinquième heure est arrivée.

Le , Virgil Gheorghiu est ordonné prêtre de l'Église orthodoxe roumaine de Paris[2]. En , il reçoit des mains du patriarche orthodoxe de la Roumanie communiste la croix récompensant ses activités liturgiques et littéraires. En 1971, il devient patriarche de l'Église orthodoxe roumaine de Paris[2].

En tout, Gheorghiu a écrit une trentaine de livres. Selon Le Monde, l'auteur a rédigé de « nombreux romans assez médiocres aux intrigues policières peu convaincantes » ; en revanche, le regard est plus favorable sur Mémoires, le témoin de la vingt-cinquième heure, décrit comme « sa "vraie" confession, brillante et ambiguë » et son œuvre marquante reste La Vingt-cinquième Heure[2].

Gheorghiu meurt le , à Paris[2], où il est enterré au cimetière de Passy.

Virgil Gheorghiu a écrit ses derniers livres en langue française.

La Vingt-cinquième Heure

Le roman raconte l'épopée de Iohann Moritz, paysan moldave qui traverse la Seconde Guerre mondiale comme victime inconsciente de la société arrivée à la 25e heure, quand les individus ne sont plus considérés en tant que tels, mais traités comme membres de catégories ; Iohann Moritz est successivement pris pour un juif par les fascistes roumains, pour un espion roumain par les fascistes hongrois, pour un « aryen exemplaire » par les nazis Allemands et pour un nazi par les Américains, chacun le considérant comme élément d'une catégorie à laquelle il n'appartient pas, incapable qu'il est d'expliquer sa simple identité d'homme et de choisir son destin face à des « scrutateurs » déshumanisés et pensant par « petites cases ».

Ce roman est une remise en question radicale de l'« homme nouveau » du XXe siècle, de son indifférence à autrui, de sa cruauté. La menace de la robotisation de la société y est dénoncée tant dans le nazisme et le totalitarisme que dans la démocratie pluraliste mais capitaliste à l'américaine, et dans le communisme soviétique qui apparaît en arrière-plan. La politique par catégories et idées toutes faites n'est pas une menace passée, aussi ce livre garde-t-il toute son urgente actualité.

Å’uvres

  • ViaÅ£a de toate zilele a poetului (La vie de tous les jours du poète), Editura Cartea Românească, Bucarest, 1937
  • Caligrafie pe zăpadă (Calligraphie sur la neige), Editura FundaÅ£iilor Regale pentru Literatură ÅŸi Artă "Regele Carol II", Bucarest, 1940
  • Armand Călinescu (Armand Calinesco), Editura Socec, Bucarest, 1940
  • Ard malurile Nistrului : mare reportaj de război din teritoriile dezrobite (Les rives du Dniestr sont en flammes, grand reportage de guerre dans les territoires libérés - il s'agit de la Bessarabie et de la Bucovine occupées un an auparavant par l'URSS en application du pacte Hitler-Staline), avec une lettre de Tudor Arghezi, éd. NaÅ£ională Gh. Mecu, Bucarest, 1941
  • Cu submarinul la asediul Sevastopolului (En sous-marin à l’assaut de Sébastopol), éd. NaÅ£ională Gh. Mecu, Bucarest, 1942
  • Am luptat în Crimeea (J’ai combattu en Crimée), reportage de guerre, et portrait de Lucia Demetriade-Bălăcescu, éd. NaÅ£ională Gh. Mecu, Bucarest, 1942
  • Ceasul de Rugăciune (L’heure de la prière), avec un portrait de l'auteur par R. Rybiczka, éd. NaÅ£ională Gh. Mecu, Bucarest, 1942
  • Ultima oră (La dernière heure), Editura NaÅ£ionala, Bucarest, 1943
  • Rumänische Mârchen (Contes roumains), Eibandentwurf von Eugen Dörr, Ähren-Verlag, Heidelberg, 1948
  • La Vingt-cinquième Heure, traduit du roumain par Monique Saint-Côme (alias Monica Lovinescu), préface de Gabriel Marcel, Plon, 1949
  • La Seconde Chance, traduit du roumain par Livia Lamoure, Plon, 1952
  • L'Homme qui voyagea seul, traduit du roumain par Livia Lamoure, Plon, 1954
  • Le Peuple des immortels, traduit du roumain par Livia Lamoure, Plon, 1955
  • Contrata de heroes (On embauche des héros), version española de F.R., Luis Casalt editor, Barcelone, 1957
  • Les Sacrifiés du Danube, traduit du roumain par Livia Lamoure, Plon, 1957
  • Saint-Jean-bouche-d'or, traduit du roumain par Livia Lamoure, Plon, 1957
  • Les Mendiants de miracles, traduit du roumain par Livia Lamoure, Plon, 1958
  • De Vedenking (Pourquoi tuer Limitrof ?), vertaling Louis N.V. Uitgeverij W. van Hoeve & Uitgeversmaatschappij A. Manteau N.V., La Haye et Bruxelles, 1959
  • Saint Ambroise de Milan, inédit, 1959 (Sfantul Ambrozie al Milanului, traducere din limba franceza de Gheorghiță Ciocioi d'après le texte français établi par Thierry Gillyboeuf), Editura Sophia, 2013)
  • La Cravache, suivi d'une postface de l'auteur "Le Sceau de l'Infâmie", traduit du roumain par Livia Lamoure, Plon, 1960
  • Perahim, traduit du roumain par Livia Lamoure, Plon, 1961
  • La Maison de Petrodava, traduit du roumain par Livia Lamoure, Plon, 1961
  • La Vie de Mahomet, traduit du roumain par Livia Lamoure, Plon, 1963 ; Éditions du Rocher, 1999 (ISBN 2268032752)
  • Les Immortels d'Agapia, traduit du roumain par Livia Lamoure, Plon, 1964 ; Gallimard, 1998 (ISBN 2070402878)
  • La Jeunesse du docteur Luther, traduit du roumain par Livia Lamoure, Plon, 1965
  • De la vingt-cinquième heure à l'heure éternelle, traduit du roumain par Livia Lamoure, Plon, 1965 ; Éditions du Rocher, 1990 (ISBN 2268010384)
  • Le Meurtre de Kyralessa, traduit du roumain par Livia Lamoure, Plon, 1965
  • La Tunique de peau, Plon, 1967
  • La Condottiera, Plon, 1967
  • Pourquoi m'a-t-on appelé Virgil ? Plon, 1968
  • La Vie du patriarche Athénagoras, Plon, 1969
  • L'Espionne, Plon, 1971 ; Éditions du Rocher, 1990 (ISBN 2268009858)
  • L'Å“il américain, Plon, 1972
  • Dieu ne reçoit que le dimanche, Plon, 1975
  • Les Inconnus de Heidelberg, Plon, 1977 (ISBN 2259001955)
  • Le Grand Exterminateur, Plon, 1978 (ISBN 2259003230)
  • Les Amazones du Danube, Plon, 1978 (ISBN 2259004024)
  • Christ au Liban - De Moïse aux Palestiniens, Plon, 1979 ; Le Christ au Liban, Éditions du Rocher, 1989 (ISBN 978-2268008103)
  • Dieu à Paris, Plon, 1980 (ISBN 2259006132)
  • Le Dracula des Carpates (1982), inédit, Éditions du Canoë, 536 p., 2023 (ISBN 978-2490251735)
  • Mémoires : Le Témoin de la vingt-cinquième heure, Plon, 1986 (ISBN 2259014356)
  • La Corée, la belle inconnue de l'Extrême-Orient - A l'heure des Jeux Olympiques, Plon, 1987
  • L'épreuve de la liberté - Mémoires, Editions du Rocher, 1995

Notes et références

  1. Relevé des fichiers de l'Insee
  2. Josyane Savigneau, « Témoin de la "vingt-cinquième heure" Virgil Gheorghiu est mort », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  3. « Auteur de La Vingt-Cinquième Heure : la mort de Virgil Gheorghiu », Les Échos,‎ .
  4. Leon Volovici, Nationalist Ideology and Antisemitism: the case of Romanian Intellectuals in the 1930s, éd. Pergamon Press, Oxford 1991, (ISBN 0-08-041024-3)
  5. Laignel-Lavastine, Alexandra (2008). Cioran, Eliade, Ionesco, L'Oubli du fascisme. Paris, PUF. p. 414.
  6. À ce sujet, Gheorghiu croyait et répétait la propagande antonescienne :
    « Dans ce convoi composé de plusieurs milliers d'individus se trouvent aussi une partie des juifs qui ont dévasté, incendié et pillé la ville de Bălți et d'autres villes du nord de la Bessarabie. […] De temps à autre, les youpins jettent des regards furtifs et chargés de joie diabolique sur la ville brûlée. Ces amas de cendres sont leur œuvre. Ce sont eux qui ont détruit la ville de Bălți. […] Ce sont eux les auteurs de ces assassinats, ce sont eux qui ont enfermé les chrétiens dans les caves, dans les innombrables prisons secrètes de la ville, ce sont eux qui ont posé la dynamite, eux qui l'ont fait exploser. […] Combien la peine de mort est un châtiment clément pour eux et pour leurs crimes. »
  7. Thierry, ... Gillyboeuf, Virgil Gheorghiu l'écrivain calomnié : essai, Éditions de la Différence, dl 2017 (ISBN 978-2-7291-2321-5 et 2-7291-2321-0, OCLC 999900715, lire en ligne)
  8. Pierre-Henri Simon, « De la vingt-cinquième heure à l'heure éternelle, de C. Virgil Gheorghiu », Le Monde,‎ (lire en ligne).

Annexes

Bibliographie

  • Amaury d'Esneval. Gheorghiu. coll. « Qui suis-je ? Â», Pardès, 2004.
  • André Fontaine, « L'homme entre deux prisons », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • André Fontaine, « La Seconde Chance de Virgil Gheorghiu », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • André Fontaine, « L'Homme qui voyagea seul », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • André Fontaine, « Un nouveau roman de C.-V. Gheorghiu », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • A. F., « La cravache de Constantin Virgil Gheorghiu », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • A. F., « Perahim de C.-V. Gheorghiu », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • André Fontaine, « Virgil Gheorghiu change de thème », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • A. P., « L'écrivain C.-V. Gheorghiu va être ordonné prêtre orthodoxe », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • Jean de Baroncelli, « La vingt-cinquième heure », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • R. S., « À bâtons rompus avec Athénagoras », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • A. F., « L'Espionne de Virgil Gheorghiu », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • Edgar Reichmann, « Le témoin de la Vingt-cinquième Heure se confesse. Virgil Gheorgiu raconte sa vie », Le Monde,‎ (lire en ligne).

Liens externes

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