Typhula incarnata
Typhula incarnata est une espèce de champignons homobasidiomycètes de la classe des Agaricomycetes et de la famille des Typhulaceae qui se développe principalement aux dépens des graminées et de l’orge d’hiver.
Distribution géographique
Son aire de distribution s’étend essentiellement dans l’hémisphère nord, principalement dans les régions sous influence océanique (tempérées ou froides) et sur les reliefs et dans les contrées continentales où une couverture neigeuse peut maintenir la température du sol au dessus de 0 °C. On le rencontre donc aussi bien en Europe de l’ouest qu’en Scandinavie[3], au Japon[4] ou au Canada[5]. Dans les régions soumises à des hivers rigoureux, il ne peut se développer que sous la neige et à ce titre il fait partie des moisissures de neige avec Typhula ishikariensis et Microdochium nivale[6]. En Europe de l’ouest où les hivers sont généralement doux, Typhula incarnata se développe généralement sans couverture neigeuse[7].
Cycle biologique
Il s’agit d’un champignon psychrophile, avec une croissance optimale à 10 °C, qui est réduite seulement de moitié à 0,5 °C. C’est pourquoi, son cycle biologique débute en automne et se termine au printemps. Les structures de survie du champignon sont des sclérotes de quelques millimètres enchâssés dans les tissus infectés de son hôte. Ceux-ci sont dormants durant l’été et germent en automne pour produire soit des cordons mycéliens, soit des fructifications appelées clavules au bout de stipes plus ou moins allongés (de 0 à 3 cm) selon la profondeur d’enfouissement des sclérotes dans le sol. Ces clavules ne se forment en effet qu’à la lumière pour produire les basidiospores[8] qui se disperseront par le vent et la pluie. Par temps sec, ces clavules prennent une teinte rose-incarnat comme les sclérotes dont elles sont issues (d’où l’appellation de l’espèce).
Les basidiospores sont monocaryotiques (un seul noyau par cellule) et sont issues d’un processus sexué (la méiose) après la fusion de deux noyaux différents contenus dans les thalles dicaryotiques (deux noyaux par cellule) qui est l’état nucléaire du champignon durant tout son cycle biologique hormis celui des basidiospores. En effet, à peine produites, ces basidiospores germent rapidement et les tubes germinatifs dont les noyaux possèdent des allèles d’incompatibilité différents s’apparient tout de suite pour former des hyphes dicaryotiques (dont la caractéristique visible est la présence d’anses d’anastomoses)[7].
Ce sont ces hyphes, au même titre que les cordons mycéliens qui, en conditions météorologiques favorables (température et humidité), envahiront les tissus d’un hôte sensible via les déchirures des gaines foliaires[9], durant l’automne et l’hiver, et conduiront à affaiblir et parfois même tuer les plantes infectées en constituant de nouveaux sclérotes.
Symptomatologie
À la sortie de l’hiver, les orges infectées présentent souvent des feuilles jaunes ou complètement flétries, certaines dépérissent complètement surtout si elles sont sur-infectées par des maladies virales telles que la jaunisse nanisante de l’orge ou la mosaïque jaune de l’orge ou/et si elles ont à subir des déchaussements dus au gel. Les champs d’orge d’hiver présentent des ondulations dues à la croissance non homogène des plantes, des morceaux de ligne de culture manquent, des trouées dans la végétation sont parfois encore visibles après la montaison[10].
Quand la neige a recouvert précocement les champs d’orge, les dégâts se présentent au printemps sous forme de taches de plantes mortes très visibles dans le champ (même apparence que lors d’une attaque de Microdochium nivale). C’est ce symptôme qui a donné le nom à cette maladie en anglais : grey snow mould.
Sur les terrains de golf, les infections dues à Typhula incarnata sont moins caractéristiques et se confondent souvent avec celles d’autres agents pathogènes.
Dans tous les cas, de nombreux sclérotes sont logés à la base des plantes infectées et au niveau racinaire.
Génétique
Typhula incarnata est une espèce hétérothalle tétrapolaire fonctionnant sur un système d’incompatibilité à deux facteurs (A et B), lesquels se trouvent sur des chromosomes différents et comportent des allèles multiples[11] qui permettent le contrôle de la morphogénèse sexuée du champignon. A côté de ce système sexué, il existe aussi des recombinaisons somatiques qui peuvent conduire à des croisements illégitimes. Des différences sensibles ont également été observées entre souches du point de vue des migrations nucléaires dans les hyphes en cours de dicaryotisation[12]. La très grande diversité génétique des isolats de T. incarnata a été mise en évidence aux États-Unis avec des marqueurs RAPD[13].
Pouvoir pathogène
L’agressivité du champignon est héritée de façon quantitative, vraisemblablement par plusieurs gènes récessifs. Indépendamment des conditions susceptibles de faire varier la prédisposition de la plante hôte à l’égard de T. incarnata, notamment son degré d’endurcissement au froid, l’interaction hôte-parasite serait influencée par trois facteurs : la règle du premier occupant, la présence ou l’absence d’un gène mutant et le degré de compatibilité entre souches[14] - [7].
Moyens de lutte
En orge d’hiver, aucune intervention n’est justifiée. Les orges semées précocement sont plus résistantes car elles présentent une végétation plus fournie à l’entrée de l’hiver. Cependant, avancer la date des semis expose davantage les cultures au risque de contamination par la jaunisse nanisante de l’orge, autrement dommageable que Typhula incarnata. En Europe de l'ouest, les autres céréales d’hiver sont généralement résistantes à Typhula incarnata.
La prévention des maladies affectant les terrains de sport (dont notamment Typhula incarnata) est mise en œuvre tenant compte de la diversité des infections et du contexte particulier de cet environnement[15].
Notes et références
- V. Robert, G. Stegehuis and J. Stalpers. 2005. The MycoBank engine and related databases. https://www.mycobank.org/, consulté le 29 novembre 2018
- BioLib, consulté le 29 novembre 2018
- (en) Arsvoll K., « Winter damage in Norwegian grasslands, 1968-1971. », Meld. Norg. LandbrHogsk.,‎ , p. 52 (3), 21 pp
- Naoyuki MATSUMOTO et Toru SATO, « The competitive saprophytic abilities of Typhula incarnata and T. ishikariensis. », Japanese Journal of Phytopathology, vol. 48, no 4,‎ , p. 419–424 (ISSN 1882-0484 et 0031-9473, DOI 10.3186/jjphytopath.48.419, lire en ligne, consulté le )
- J. Drew Smith, « Snow molds of winter cereals: guide for diagnosis, culture, and pathogenicity », Canadian Journal of Plant Pathology, vol. 3, no 1,‎ , p. 15–25 (ISSN 0706-0661 et 1715-2992, DOI 10.1080/07060668109501398, lire en ligne, consulté le )
- Naoyuki Matsumoto et Tom Hsiang, « Snow Mold Fungi », dans Snow Mold, Springer Singapore, (ISBN 9789811007576, lire en ligne), p. 55–94
- Marc Cavelier, « Contribution à l'étude de la relation parasitaire entre Typhula incarnata Lasch ex Fr. et l'orge d'hiver (Hordeum vulgare L. var. hybernum VIB.) », Thèse de doctorat,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Marc Cavelier, « Contribution des basidiospores au potentiel d'inoculum de Typhula incarnata Lasch ex Fries », Med. Fac. Landbouww. Rijkuniv. Gent,‎ , p. 51/2b: 547-555
- Detiffe H., Maraite H. & Meyer J.A., « Infection et colonisation de l'escourgeon par Typhula incarnata Lasch ex Fries », Parasitica,‎ , p. 39: 161-177
- Le typhula, in Les maladies des céréales - Fiches signalétiques, décembre 1992, Centre de Recherches Agronomiques Gembloux - Belgique. (ISBN 2-87286-005-3)
- Robert C. Ullrich, Marvin N. Schwalb et Philip G. Miles, « Genetics and Morphogenesis in the Basidiomycetes », Mycologia, vol. 71, no 5,‎ , p. 1101 (ISSN 0027-5514, DOI 10.2307/3759307, lire en ligne, consulté le )
- M. Cavelier, « Competition Between Typhula incarnata strains as a Source of Variation of Typhula blight in Winter Barley », Journal of Phytopathology, vol. 116, no 2,‎ , p. 147–161 (ISSN 0931-1785 et 1439-0434, DOI 10.1111/j.1439-0434.1986.tb00905.x, lire en ligne, consulté le )
- Georgina V. Vergara, Suleiman S. Bughrara et Geunhwa Jung, « Genetic variability of grey snow mould (Typhula incarnata) », Mycological Research, vol. 108, no 11,‎ , p. 1283–1290 (ISSN 0953-7562, DOI 10.1017/s0953756204001078, lire en ligne, consulté le )
- M. Cavelier, « Evaluation et Interprétation des Phénoménes de Compétition Entre Souches de Typhula incarnata LASCH », Journal of Phytopathology, vol. 127, no 1,‎ , p. 55–68 (ISSN 0931-1785 et 1439-0434, DOI 10.1111/j.1439-0434.1989.tb04503.x, lire en ligne, consulté le )
- Tom Hsiang, Naoyuki Matsumoto et Steve M. Millett, « Biology and Management of Typhula Snow Molds of Turfgrass », Plant Disease, vol. 83, no 9,‎ , p. 788–798 (ISSN 0191-2917, DOI 10.1094/pdis.1999.83.9.788, lire en ligne, consulté le )
Références taxinomiques
- (en) Référence BioLib : Typhula incarnata Lasch (consulté le )
- (en) Référence Catalogue of Life : Typhula incarnata Lasch (consulté le )
- (en) Référence Index Fungorum : Typhula incarnata Lasch 1838 (+ MycoBank) (consulté le )
- (en) Référence MycoBank : Typhula incarnata Lasch ex Fr. (consulté le )
- (en) Référence NCBI : Typhula incarnata (taxons inclus) (consulté le )
- (en) Référence uBio : site déclaré ici indisponible le 7 avril 2023