Trigonométrie de Wildberger
La trigonomĂ©trie de Wildberger (dite aussi trigonomĂ©trie rationnelle car elle ne fait aucun recours aux nombres irrationnels) constitue une rĂ©Ă©criture de la trigonomĂ©trie traditionnelle. Elle sâen distingue en Ă©vitant non seulement lâusage des fonctions trigonomĂ©triques classiques, mais mĂȘme lâusage de nombres transcendants tels que Ï dans lâĂ©criture des formules.
Elle fut autopubliĂ©e en 2005 dans Divine Proportions: Rational Trigonometry to Universal Geometry par Norman Wildberger, Ph. D. de mathĂ©matiques de l'universitĂ© Yale et professeur associĂ© en mathĂ©matiques Ă lâuniversitĂ© de Nouvelle-Galles du Sud Ă Sydney.
Historique
On pratiquait depuis un quart de siĂšcle la trigonomĂ©trie entiĂšre utilisĂ©e dĂšs les premiers jeux graphiques sur ordinateur, afin dâĂ©viter le recours aux fonctions flottantes dont le calcul Ă©tait lent (jusquâau 80486, les processeurs de la gamme i386 nâavaient pas de coprocesseur arithmĂ©tique en standard). Cette trigonomĂ©trie simplifiĂ©e dont la rĂ©solution ne dĂ©passait ni ne voulait dĂ©passer la rĂ©solution du pixel prĂ©sentait le double mĂ©rite :
- de sa simplicitĂ© de mise en Ćuvre (par utilisation intensive Ă la fois de tables et des formules du style etc. ;
- dâune vitesse de calcul alors largement supĂ©rieure Ă celle du flottant.
Le retournement de Wildberger
Wildberger retourne le problĂšme en partant au contraire des mĂ©thodes dâaddition des sinus et cosinus pris cette fois-ci comme axiomes de thĂ©orie, et dĂ©veloppe une trigonomĂ©trie en nombres rationnels, en prĂ©sentant cette construction comme plus satisfaisante pour lâesprit que lâintroduction « classique ». Celle-ci Ă©vite dâintroduire la notion de nombre rĂ©el, abstraction certes intĂ©ressante en soi, mais qui nâa pas dâintĂ©rĂȘt dans le domaine spĂ©cifique du calcul numĂ©rique : il est toujours possible de pousser une prĂ©cision aussi loin quâon le dĂ©sire en employant dans son systĂšme uniquement des rationnels, et sans avoir, Ă aucun moment du calcul, Ă postuler lâexistence de nombres rĂ©els.
Cette approche nâest pas sans rappeler historiquement la reprise de la gĂ©omĂ©trie dâEuclide uniquement par le compas, et sans avoir Ă utiliser la rĂšgle dans les constructions (Georg Mohr et Lorenzo Mascheroni). Selon Wildberger, la construction de la trigonomĂ©trie est nettement simplifiĂ©e par cette mĂ©thode, et il est toujours possible de montrer par la suite que les axiomes choisis correspondent bien Ă ce qui est observĂ© dans le monde euclidien.
Quadrance
Afin dâĂ©viter le recours Ă la notion de racine carrĂ©e, câest la notion de quadrance (carrĂ© de la distance) qui est utilisĂ©e dans cette trigonomĂ©trie. LâinĂ©galitĂ© triangulaire restant respectĂ©e, cette modification lĂ©gĂšre nâa pas dâincidence sur lâensemble.
Ouverture
Pour des raisons similaires, et avec les mĂȘmes effets, les angles sont remplacĂ©s par des ouvertures (spread) qui sont le carrĂ© du sinus de lâangle. Elles prĂ©sentent lâintĂ©rĂȘt elles aussi de se calculer de façon simple en nâutilisant que lâarithmĂ©tique des nombres rationnels.
Restriction actuelle
Wildberger nâa pour le moment achevĂ© cette thĂ©orie que pour la gĂ©omĂ©trie plane.
Positionnement
La dĂ©marche de Wildberger sâapparente aux mĂ©thodes constructivistes Ă la mode depuis quelques annĂ©es en mathĂ©matiques, et elles-mĂȘmes influencĂ©es par les paradigmes de lâalgorithmique.
Sur un plan Ă©pistĂ©mologique et plus gĂ©nĂ©ralement philosophique, on y retrouve aussi la traditionnelle complĂ©mentaritĂ© dâapproche entre :
- lâalgorithmique des Babyloniens (oĂč lâimportant est le rĂ©sultat du calcul) ;
- lâabstraction gĂ©nĂ©rale plus typique des mathĂ©matiques et de la pensĂ©e grecque.
Applications
Les applications par exemple de conception assistĂ©e par ordinateur, de cartographie ou a fortiori des jeux vidĂ©o ont fortement Ă gagner dâavancĂ©es dans le domaine de la trigonomĂ©trie en nombres rationnels :
- pour rĂ©soudre de façon unifiĂ©e (câest-Ă -dire sans bricolages ad hoc, et donc de façon aisĂ©ment portable) les questions de grandes variations dâĂ©chelle qui limitent la plage de travail de logiciels comme CATIA : cette gĂ©omĂ©trie sâabstrait en effet des considĂ©rations de granulation introduites :
- par lâarchitecture flottante,
- par les différences considérables de résolution des unités de sortie,
- par les fonctions approchĂ©es (polynĂŽmes) de calcul des irrationnels : des calculs sur les rationnels se font de façon exacte jusquâĂ lâarrondi ou lâanticrĂ©nelage final au moment de lâaffichage, ce calcul pouvant ĂȘtre reportĂ© sur une carte graphique conçue en ce sens ;
- afin de gagner largement en vitesse sur les temps de calcul.
Cela ne reprĂ©sente toutefois quâun simple intĂ©rĂȘt anecdotique de la thĂ©orie, comme a pu lâĂȘtre autrefois la synthĂšse d'image pour les fractales : intĂ©ressant pour la rendre visible, mais ne lui Ă©tant pas directement nĂ©cessaire.
Voir aussi
Bibliographie
(en) N. J. Wildberger, A Rational Approach to Trigonometry, Math Horizons (en), vol. 15, no 2, , p. 16-20