Tribu Ka
La Tribu Ka est un mouvement français créé par Kémi Séba et se présentant comme le défenseur du « peuple noir », attribuant aux populations noires, dans un discours politique comparable au khémitisme, la fondation de la civilisation égyptienne et prônant la ségrégation raciale[1]. Elle est créée en décembre 2004 par Kémi Séba et dissoute par le Conseil des ministres le pour cause d'incitation à la haine raciale.
Fondation |
Décembre 2004 |
---|---|
Dissolution |
20 juillet 2006 |
Successeur | |
Scission de |
Type |
Mouvement politico-religieux |
---|---|
Pays |
Fondateur | |
---|---|
Idéologie |
Kémi Séba a ensuite formé le mouvement politique Génération Kémi Séba[2], lui aussi dissous pour incitation à la haine raciale.
Idéologie
La Tribu Ka est un groupuscule extrémiste noir en France[3]. Elle fut fondée par Kémi Séba. Le groupe compterait une centaine de sympathisants.
La Tribu Ka dénonce le métissage et prône la ségrégation à l'échelle mondiale. Elle réclame par ailleurs un dédommagement financier à l'Occident pour l'esclavage ayant résulté de la traite transatlantique[4]. Elle revendique ses liens avec des organisations d'extrême-droite suprémacistes blanches partageant le même projet racial.
Kémitisme
Selon Kémi Séba, il existerait une « civilisation noire» unique et cette civilisation noire serait supérieure et antérieure à toutes les autres[4]. Les Kémites (soit les personnes à la peau noire) auraient pour vocation d'être les guides de l'humanité[4]. S'inscrivant dans la mouvance kémitiste, la tribu Ka défend l'idée que les pharaons de l’Égypte antique étaient noirs[4]. Son nom même se réfère à ce courant : le terme KA se réfère aux initiales de K pour kémite et A pour Aton[4]. L'organisation rejette le judaïsme, l'islam, le christianisme, le vaudou et l'animisme, et promeut la vénération du dieu Aton de la mythologie égyptienne[5] - [6]. Les personnes de confession musulmane ne sont pas autorisées à adhérer à l'organisation[4].
Antisémitisme
Son idéologie se caractérise par son antisémitisme et sa défense d'une thèse conspirationniste[4]. Les Blancs, et plus particulièrement les Juifs, seraient les responsables de la colonisation, de l'esclavage et de la pauvreté du continent africain ; les Juifs porteraient en outre une responsabilité particulière parce qu'ils auraient fomenté un complot pour détruire la civilisation noire[4].
En , après le meurtre d'Ilan Halimi, Kémi Séba menace, dans un courrier adressé à des associations juives, de s'en prendre physiquement aux rabbins français si ces organisations avaient « l'envie d'effleurer ne serait-ce qu'un seul [des] cheveux » de Youssouf Fofana[7].
Rêve de pureté raciale
Kémi Séba appelle les personnes afrodescendantes à aller vivre en Afrique, à ne pas se métisser ni s'intégrer dans la société française[5]. Ce projet ne séduit que très peu de personnes, le nombre d'adeptes reste minuscule[5].
Seules les personnes noires ont le droit d'adhérer à la tribu Ka, même les personnes métissées n'y étant pas les bienvenues[4] - [8].
Pendant sa période d'activité, la Tribu Ka organise régulièrement des réunions interdites aux Blancs (les « Leucodermes »), aux Juifs (les « Hyksos ») et aux Arabes.
Actions médiatiques
Le dimanche , 40 membres de la Tribu Ka se rendent dans le quartier juif de la rue des Rosiers à Paris, le Pletzl, avec le but affiché d'y provoquer les membres de la Ligue de défense juive et du Betar dans leur salle d'entrainement au krav maga, les accusant de ratonnade envers des noirs lors des marches de soutien après le meurtre d'Ilan Halimi. Des commerçants et des témoins font état d'insultes racistes, de provocations envers la population de ce quartier de la part des manifestants. La police ne constate pas de port d'arme[9].
À la suite de ces évènements, Philippe de Villiers appelle à ce que les membres de Tribu Ka soient déchus de la nationalité française, tandis que l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) et SOS Racisme demandent la dissolution du groupe[10].
Par la suite, ils exercent des actions à visée médiatique (irruption dans un tribunal pour assister au procès d'un policier accusé d'avoir tué un enfant noir, déplacement à Compiègne pour soutenir un jeune noir s'étant fait tirer dessus par un blanc, inauguration du Musée du Quai Branly etc.)[11].
Dissolution
En suivant une proposition du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy fondée sur la loi du 10 janvier 1936 :
« relative aux groupes de combat et milices privées dispose que seront dissous toutes les associations ou groupements de fait qui « soit provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propageraient des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence » ; Considérant que le groupement de fait « Tribu Ka », à travers ses communiqués de presse, les publications sur son site internet et les déclarations de ses responsables, se livre à la propagation d'idées et de théories tendant à justifier et à encourager la discrimination, la haine et la violence raciales, notamment à l'encontre des personnes qui ne sont pas de couleur noire ; qu'il prône également l'antisémitisme et qu'il a organisé des actions menaçantes à l'égard de personnes de confession juive ; Considérant que, pour des raisons inhérentes aux nécessités de l'ordre public, il convient de réprimer les manifestations d'une idéologie raciste et discriminatoire, ainsi que tout encouragement à l'antisémitisme; Considérant qu'en conséquence il y a lieu de prononcer la dissolution du groupement de fait « Tribu Ka »,
Le président Jacques Chirac décide de dissoudre la Tribu Ka le mercredi par décret pris en conseil des ministres[12].
De son côté, le responsable du groupe déclare « La Tribu Ka va transgresser cette décision injuste, on continuera à se réunir, à mener nos actions ». À cet égard, le groupe n'était de toute manière pas constitué en association ou parti politique dont les statuts avaient été déposés. Kémi Séba affirme dans une interview que c'est cette attention que lui a portée l'état qui l'a créé politiquement et médiatiquement et que cette dissolution est un honneur qui le « pousse à avancer »[13] car, selon le juge, « en évoquant la nécessité d'éradiquer cette mafia sioniste, le fait que la pieuvre sioniste détruit tout sur son passage en asphyxiant toute trace de dignité humaine, le défendeur, en reprenant la thèse imaginaire du complot, ne peut sérieusement pas contester qu'il entend bien stigmatiser un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une confession, et aussi une race »[14].
Selon l'arrêt en date du [15], le Conseil d'État rejette la demande d'annulation du décret portant dissolution du groupement, notamment en approuvant ce décret d'avoir relevé que la Tribu Ka « se livre à la propagation d'idées et de théories tendant à justifier et à encourager la discrimination, la haine et la violence raciales, notamment à l'encontre des personnes qui ne sont pas de couleur noire, qu'il prône également l'antisémitisme et qu'il a organisé des actions menaçantes à l'égard de personnes de confession juive » et estimant qu'elle a « provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence envers des personnes à raison de leur appartenance à une race ou une religion déterminée, et propagé des idées ou théories à caractère raciste et antisémite ».
Le , Kémi Séba tient une conférence à Tours dans laquelle il annonce la création de son nouveau groupe "Génération Kemi Seba" formé afin de succéder à la Tribu Ka[16]. Ce nouveau groupe reprend la doctrine afrocentriste de la Tribu Ka[17]. À cette occasion, il a déclaré : « Je rêve de voir les Blancs, les Arabes et les Asiatiques s'organiser pour défendre leur identité propre. Nous combattons tous ces macaques qui trahissent leurs origines, de Stéphane Pocrain à Christiane Taubira en passant par Mouloud Aounit. [...] Les nationalistes sont les seuls Blancs que j'aime. Ils ne veulent pas de nous et nous ne voulons pas d'eux. [...] Parce qu'il y aurait eu la Shoah, je n'ai rien le droit de dire sur mon oppresseur sioniste[17]? »
Le nouveau groupe est dissous par décret le accusé de « propager une idéologie raciste et antisémite » et de « se livrer à des actes intolérables de provocation et de violence »[18] - [19].
En 2008, Kemi Seba est condamné à un an de prison avec sursis pour reconstitution d'une ligue dissoute à la suite de son appel, contre une sentence initiale de six mois de prison dont deux fermes[20].
Références
- Pierre-André Taguieff, Les contre-réactionnaires : le progressisme entre illusion et imposture, Paris, Denoël, , 620 p. (ISBN 9782207253212, OCLC 184969430, BNF 40944175), p. 90-91.
- « Cinq mois après sa dissolution, la Tribu Ka prépare son retour », Le Monde, 15 janvier 2007
- « Tribu Ka : “Le sang va couler” », Le Nouvel Observateur 7 juillet 2006.
- Véronique Altglas, « Antisemitism in France », European Societies, vol. 14, no 2, , p. 259–274 (ISSN 1461-6696, DOI 10.1080/14616696.2012.676450, lire en ligne, consulté le )
- Camille Jourdan, « Kémi Séba, du radicalisme noir à l'extrême droite », sur Les Inrockuptibles, (consulté le )
- Zaka Toto, « Le Sucre IV : Kémi Seba International Ltd » , sur Zist, (consulté le )
- Jean Chichizola et Cécilia Gabizon, « Les délires antisémites de la Tribu Ka », Le Figaro, 31 mai 2006, p. 10.
- La Tribu Ka, France Inter, 12 juin 2006
- Ouverture d'une enquête après le défilé d'un groupe extrémiste rue des Rosiers, LeMonde.fr, publié le 29 mai 2006
- Ka rue des Rosiers : les réactions, 20minutes.fr, publié le 31 mai 2006
- Ludovic Blecher, « La Tribu Ka dissoute » , sur Libération, (consulté le )
- Legifrance: Décret du 28 juillet 2006 portant dissolution d'un groupement de fait
- Article de L'Express
- Le Monde.fr : Les Dépêches
- Dalloz 2006, informations rapides, p. 3009
- « Cinq mois après sa dissolution, la Tribu Ka prépare son retour », Le Monde, .
- Mourad Guichard, « L'ex-Tribu Ka de retour sur la même ligne » « Copie archivée » (version du 30 octobre 2008 sur Internet Archive), Libération, .
- « Dissolution du groupuscule “Jeunesse Kemi Seba” », 13 juillet 2009, sur le site du ministère de l'Intérieur.
- Décret du 15 juillet 2009 portant dissolution d'un groupement de fait, JORF no 162 du 16 juillet 2009, p. 11890, texte no 16, NOR IOCD0912870D.
- « Kémi Seba condamné à un an de prison avec sursis », Nouvel Obs', 7 novembre 2008
Bibliographie
- Véronique Altglas, « Antisemitism in France », European Societies, vol. 14, no 2, , p. 259–274 (ISSN 1461-6696, DOI 10.1080/14616696.2012.676450, lire en ligne, consulté le )
- Stéphane François, Damien Guillaume et Emmanuel Kreis, « La Weltanschauung de la tribu Ka : d’un antisémitisme égyptomaniaque à un islam guénonien », Politica Hermetica, no 22, , p. 107-125 (lire en ligne)
- Pierre-André Taguieff, Les contre-réactionnaires : le progressisme entre illusion et imposture, Paris, Denoël, , 620 p. (ISBN 9782207253212, OCLC 184969430, BNF 40944175), p. 90-91