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Transposition des gros vaisseaux

La transposition des gros vaisseaux (TGV) ou discordance ventriculo-artérielle dans la nomenclature actuelle est la malformation cardiaque congénitale cyanogène (responsable d’une cyanose) la plus fréquente chez le nouveau-né. Elle est caractérisée par une malposition des vaisseaux de la base du cœur telle que, à l’inverse du cœur normal, l'aorte est issue du ventricule droit et l'artère pulmonaire du ventricule gauche.

Transposition des gros vaisseaux
Description de l'image Transposition great arteries Orphanet 1750-1172-3-27-1.JPEG.
Classification et ressources externes
CIM-10 Q25.9
CIM-9 747.9
OMIM 608808
DiseasesDB 13259
MedlinePlus 001568
eMedicine 900574
MeSH D014188
Patient UK Transposition-of-the-Great-Arteries

Wikipédia ne donne pas de conseils médicaux Mise en garde médicale

La première description de cette malformation est attribuée à Matthew Baillie (1761-1823) à partir de l'examen anatomique du cœur d'un nourrisson âgé de deux mois (en 1793)[1].

SpontanĂ©ment, cette cardiopathie est rapidement mortelle dans les quelques jours suivant la naissance mais les diffĂ©rents traitements qui lui sont opposĂ©s depuis 1965 en ont radicalement modifiĂ© le pronostic, permettant aujourd'hui d'espĂ©rer une « guĂ©rison complète Â» dans la grande majoritĂ© des cas.

C'est une des malformations cardiaques qui a le plus bénéficié du diagnostic prénatal par échographie fœtale, celui-ci permettant d'organiser au mieux la prise en charge dès la naissance de cette véritable urgence néo-natale[2].

Fréquence

La TGV reprĂ©sente 5 Ă  7 % des cardiopathies congĂ©nitales. C'est la plus frĂ©quente des cardiopathies cyanogènes du nouveau-nĂ©, avant la TĂ©tralogie de Fallot. Son incidence est estimĂ©e entre 20 et 30 pour 100 000 naissances, soit 150 Ă  220 nouveaux cas en France chaque annĂ©e (sur 783 500 naissances rĂ©pertoriĂ©es par l'INSEE en 2007). Elle touche 2 Ă  3 fois plus souvent les garçons que les filles.

Anatomie

CĹ“ur normal

Dans le cœur normal, l'aorte part du ventricule gauche et distribue le sang riche en oxygène vers l'ensemble du corps alors que l'artère pulmonaire (ou tronc pulmonaire) part du ventricule droit et ramène vers les poumons le sang veineux désaturé, c'est-à-dire appauvri en oxygène.

D-TGV

La Transposition des gros vaisseaux est une "malposition vasculaire" dans laquelle l'aorte naît du ventricule droit alors que le tronc pulmonaire naît du ventricule gauche.

Lorsque cette malposition vasculaire est isolée, on parle de transposition simple des gros vaisseaux (l'adjectif simple faisant référence à l'anatomie mais non aux conséquences de la malformation) ou de "D-TGV isolée" en référence à l'anomalie embryologique causale. C'est le cas le plus fréquent (≥ 60 %).

Une D-TGV peut être associée à d'autres malformations cardiaques, en particulier une communication interventriculaire, une sténose sous-pulmonaire ou une coarctation de l'aorte. Certaines de ces anomalies peuvent contribuer à une meilleure tolérance à la naissance, au moins transitoirement, mais toutes tendent à compliquer plus ou moins le traitement chirurgical de la TGV.

Il faut enfin mentionner la possibilité, très rare, d'une double discordance donnant une transposition corrigée des gros vaisseaux. Dans cette malformation, il existe à la fois une discordance ventriculo-artérielle comme dans la TGV simple et une discordance auriculo-ventriculaire telle que l'oreillette droite se draine dans le ventricule gauche et l'oreillette gauche se draine dans le ventricule droit. C'est une malformation anatomiquement plus complexe que celle de la TGV simple mais qui, en pratique, tend à corriger elle-même les anomalies de circulation présentes dans la TGV simple. En effet, en cas de double discordance, le sang veineux désaturé arrivant dans l'oreillette droite rejoint comme normalement le tronc pulmonaire et les poumons (via le ventricule gauche) et le sang riche en oxygène arrivant des poumons dans l'oreillette gauche rejoint comme normalement l'aorte (via le ventricule droit). Les conséquences, complications et traitements éventuels de la transposition corrigée des gros vaisseaux sont radicalement différents de ceux de la TGV simple et ne seront pas présentés dans cet article.

Embryologie

La théorie la plus communément admise aujourd’hui est celle d’un « développement anormal du conus », proposée par Van Praagh[3].

Le conus est la structure embryologique qui assure la connexion entre les ventricules et les gros vaisseaux qui en partent.

  • Normalement, le conus prĂ©sente une Ă©volution diffĂ©rente dans sa portion sous-pulmonaire, qui grandit et sa partie sous-aortique, qui, elle, a tendance Ă  rĂ©gresser. Cette rĂ©sorption du conus sous-aortique entraĂ®ne l’anneau aortique vers le bas, l’arrière et la gauche et le place au-dessus du ventricule gauche, en continuitĂ© avec l’anneau valvulaire mitral. La persistance du conus sous-pulmonaire dĂ©place l’anneau valvulaire pulmonaire vers le haut, la droite et l’avant, au-dessus du ventricule droit. La torsion du tronc artĂ©riel primitif (truncus) secondaire Ă  cette croissance asymĂ©trique est responsable d’un enroulement des vaisseaux de la base et de leur croisement dans l’espace.
  • Dans la TGV, c’est le conus sous-pulmonaire qui se rĂ©sorbe et le conus sous-aortique qui se maintient. L’anneau aortique est donc situĂ© en haut et en avant sur un conus bien dĂ©veloppĂ©, au-dessus du ventricule droit, tandis que l’anneau pulmonaire reste au-dessus du ventricule gauche, en continuitĂ© avec l’anneau mitral. Les vaisseaux perdent leur enroulement et restent parallèles dans leur portion initiale.

Cette perte du « croisement physiologique » des gros vaisseaux est le signe d’appel échographique principal de l’anomalie.

Physiopathologie

  • Avant la naissance, en raison des particularitĂ©s de la circulation fĹ“tale, cette malformation n'a pratiquement pas de consĂ©quence. La grossesse peut se dĂ©rouler normalement avec un accouchement Ă  terme. La croissance fĹ“tale est habituellement normale et il est ainsi classique de dire que les bĂ©bĂ©s atteints de TGV simple sont de « beaux garçons de plus de 3 kg nĂ©s Ă  terme », d’autant plus que l’association Ă  des anomalies extra-cardiaques est rare (moins de 10 % des cas).
  • Ă€ la naissance, se met en place un mode de circulation sanguine diffĂ©rent, avec deux circuits (cĹ“ur droit et cĹ“ur gauche) fonctionnant non plus en parallèle mais en sĂ©rie. Les deux circuits ne sont alors plus interchangeables mais strictement sĂ©parĂ©s et le sang doit les emprunter successivement, l'un puis l'autre. En cas de TGV, le sang dĂ©saturĂ© en oxygène arrivant Ă  l'oreillette droite repart directement d'oĂą il vient via l'aorte vers tout le corps. Le sang riche en oxygène arrivant Ă  l'oreillette gauche en fait de mĂŞme en retournant directement vers les poumons par le tronc pulmonaire. Les deux circuits sont sĂ©parĂ©s et indĂ©pendants : le sang dĂ©saturĂ© ne rejoint pas les poumons et le sang riche en oxygène ne parvient plus au corps.

La survie immédiate est conditionnée par la persistance des communications (shunts) qui existaient entre les deux circuits avant la naissance : le foramen ovale (entre les oreillettes) et le canal artériel (entre aorte et artère pulmonaire). Elles seules permettront un mélange des sangs désaturé et oxygéné. Or, ces shunts fœtaux sont destinés à se fermer à la naissance, dans un délai non prévisible allant de quelques minutes à 48-72 heures. La TGV est donc une cardiopathie « ducto-dépendante » et surtout « atrio-dépendante » (l'apport en sang oxygéné dans le cœur droit et l'aorte est lié essentiellement à la présence d'une communication entre les oreillettes) et son traitement est une réelle urgence néo-natale.

Les formes associées à une communication inter-ventriculaire (CIV) sont souvent mieux tolérées à la naissance dans la mesure où cette CIV, surtout si elle est large, ne se fermera pas aussi rapidement et permettra un meilleur mélange sanguin, mais au prix d'une insuffisance cardiaque. Historiquement, les seules formes qui pouvaient survivre spontanément quelques mois ou quelques années étaient les TGV associées à une large CIV et à une sténose (rétrécissement) sous-pulmonaire modérée, cette dernière limitant l'importance de l'insuffisance cardiaque.

Diagnostic

Anténatal

Le diagnostic de TGV est de plus en plus frĂ©quemment portĂ© avant la naissance, le plus souvent lors de l'examen Ă©chographique « morphologique Â» fait Ă  22 semaines d'amĂ©norrhĂ©e (SA). Il est parfois possible plus tĂ´t, dès 12-14 SA, quand les conditions d'examen sont particulièrement favorables (... et l'examinateur expĂ©rimentĂ©).

Aspects Ă©chographiques avant la naissance

Aorte
Crosse aortique
Tronc pulmonaire

Les structures strictement intra cardiaques étant habituellement normales, le diagnostic ne peut être évoqué sur l'incidence dite des "4 cavités". Il nécessite obligatoirement (et logiquement) une exploration des gros vaisseaux passant par d'autres plans de coupe plus haut situés dans le thorax.

  • le signe d'appel habituel est la perte du croisement des gros vaisseaux. Normalement, l'aorte et le tronc pulmonaire se croisent peu après leur sortie du cĹ“ur. Il est donc impossible de dĂ©rouler les deux vaisseaux sur un mĂŞme plan de coupe. Quand l'aorte est vue longitudinalement, le tronc pulmonaire n'apparaĂ®t qu'en section transversale ("aorte en long, tronc pulmonaire en rond") et vice-versa. Dans la D-TGV simple, la plus frĂ©quente, les vaisseaux ont un trajet parallèle et peuvent donc ĂŞtre visualisĂ©s longitudinalement simultanĂ©ment.
  • la confirmation est obtenue par l'analyse des gros vaisseaux et de leurs connexions aux ventricules. L'aorte est caractĂ©risĂ©e par le fait qu'elle dĂ©crit une crosse, donne naissance aux vaisseaux Ă  destinĂ©e cĂ©phalique et est le vaisseau qui monte le plus haut dans le thorax. Le tronc pulmonaire est caractĂ©risĂ© par sa bifurcation prĂ©coce en deux branches, les artères pulmonaires droite et gauche. Sur un cĹ“ur par ailleurs normal, le ventricule droit est situĂ© en avant et Ă  droite du ventricule gauche, le tronc pulmonaire est donc le vaisseau le plus antĂ©rieur. La TGV se caractĂ©rise par la position antĂ©rieure du vaisseau qui dĂ©crit la crosse et donne les vaisseaux cĂ©phaliques : l'aorte.

Gestion de la grossesse

Le diagnostic de TGV simple ne doit pas modifier le cours de la grossesse mais peut indiquer une surveillance échographique plus étroite et surtout incite à préparer un accouchement (programmé) à proximité d'un centre de cardiologie pédiatrique apte à assurer la prise en charge néo-natale (voir plus bas).

  • Poursuite de la grossesse : En l'absence d'anomalie, cardiaque ou extra-cardiaque associĂ©e, le risque d'anomalie gĂ©nĂ©tique identifiable est considĂ©rĂ© comme très faible sinon nul. Il n'y a donc pas d'indication formelle Ă  la rĂ©alisation d'un prĂ©lèvement de liquide amniotique (amniocentèse). La croissance et le dĂ©veloppement du fĹ“tus ne sont habituellement pas perturbĂ©s. Après explications et compte tenu du pronostic postopĂ©ratoire en règle excellent, il est exceptionnel que les parents formulent une demande d'interruption mĂ©dicale de grossesse, laquelle serait d'ailleurs fortement discutĂ©e par le centre de diagnostic prĂ©natal impliquĂ©.
  • Surveillance Ă©chographique : Celle-ci poursuit plusieurs buts :
    • soutien psychologique et rĂ©ponse aux interrogations des parents,
    • confirmation d'une croissance normale et de l'absence d'anomalie associĂ©e (certaines peuvent n'ĂŞtre dĂ©pistĂ©es que tardivement, au 3e trimestre)
    • Ă©tude dĂ©taillĂ©e de certaines donnĂ©es anatomiques (en particulier diamètres des gros vaisseaux) ou fonctionnelles (prĂ©sence d'un foramen ovale restrictif) qui pourraient influer sur la tolĂ©rance nĂ©o-natale ou la qualitĂ© du rĂ©sultat chirurgical.
  • Accouchement : Celui-ci peut se dĂ©rouler normalement, par voie basse, le recours Ă  une cĂ©sarienne n'Ă©tant pas obligatoire. L'accouchement est cependant programmĂ© dans un centre rĂ©unissant les compĂ©tences obstĂ©tricales, de cardiologie pĂ©diatrique interventionnelle, de chirurgie cardiaque et rĂ©animation nĂ©o-natale permettant une prise en charge optimale du nouveau-nĂ©.

Clinique

La transposition des gros vaisseaux doit être évoquée en premier lieu chez un nouveau-né qui présente une cyanose (coloration bleutée de la peau), et ceci d'autant plus que :

  • la cyanose est isolĂ©e, sans dĂ©tresse respiratoire, sans souffle cardiaque rĂ©el, sans insuffisance cardiaque (au moins dans les premières heures de vie) ;
  • cette cyanose n'est pas (ou que très peu) modifiĂ©e par l'administration d'oxygène au nouveau-nĂ© (cyanose rĂ©fractaire Ă  l'oxygĂ©nothĂ©rapie).

Après quelques heures d'évolution peuvent apparaître des signes de défaillance cardiaque (polypnée, tachycardie, marbrures, sueurs, refus du biberon...).

Examens complémentaires

Les examens permettant de poser le diagnostic de TGV sont essentiellement :

  • La radiographie du thorax de face qui peut montrer une silhouette cardiaque Ă©vocatrice et surtout une vascularisation pulmonaire normale ou augmentĂ©e tout Ă  fait inattendue dans une cardiopathie cyanogène.
  • L'Ă©chocardiographie qui est de plus en plus l'examen pratiquĂ© en première intention. Cet examen permet d'affirmer le diagnostic en montrant les anomalies anatomiques, d'apprĂ©cier le caractère plus ou moins fonctionnel des shunts cardiaques fĹ“taux, de rechercher d'autres anomalies associĂ©es et dans une certaine mesure d'apprĂ©cier le retentissement de la malformation.
Les coupes Ă©chographiques les plus utiles Ă  cette fin sont :
Aorte antérieure et décrivant la crosse. (incidence supra-sternale)
Vaisseaux parallèles et inversés. (incidence sous-costale)
Tronc pulmonaire issu du ventricule gauche. (incidence sous-costale)
    • la coupe parasternale gauche grand axe : elle montre que le vaisseau issu du ventricule gauche (le plus postĂ©rieur) se dirige anormalement vers l'arrière et se bifurque prĂ©cocement. C'est donc le tronc pulmonaire et non l'aorte comme normalement ;
    • les coupes sous costales qui montrent bien le trajet parallèle des gros vaisseaux et leur inversion.
Cet examen permettra d'éliminer en particulier un retour veineux pulmonaire anormal total bloqué qui aurait pu rendre compte de l’hypervascularisation pulmonaire sur la radiographie des poumons.

Traitement

Sans chirurgie, la mortalité dépasse 90 % à un an[4]. Elle est inférieure à 10% à 20 ans en cas de réparation[5].

Prise en charge du nouveau-né

Idéalement, c'est-à-dire quand le diagnostic a été fait avant la naissance, l'accouchement ne peut se concevoir que dans une maternité disposant d'un service de cardiologie pédiatrique. La prise en charge débute immédiatement après la naissance, en salle de travail ou à proximité immédiate. Elle associe le plus souvent :

  • une confirmation du diagnostic par examen Ă©chocardiographique. Celui-ci permet Ă©galement de faire le bilan des anomalies Ă©ventuellement associĂ©es et des particularitĂ©s anatomiques et fonctionnelles du foramen ovale et du canal artĂ©riel ;
  • la mise en place d'une perfusion de prostaglandine (PGE1), mĂ©dicament qui inhibe la vasoconstriction du canal artĂ©riel et permet de le maintenir ouvert (Ă©ventuellement plusieurs jours) ;
  • la rĂ©alisation d'une « atrioseptostomie » par la manĹ“uvre de Rashkind (voir plus bas). Celle-ci, pas toujours nĂ©cessaire, vise Ă  maintenir le shunt qui existait par le foramen ovale en crĂ©ant une (large) communication inter-auriculaire "permanente".
  • Lorsque le diagnostic de TGV n'est soupçonnĂ© qu'après la naissance, les deux premiers Ă©lĂ©ments de la prise en charge sont habituellement assurĂ©s par le service de nĂ©onatalogie le plus proche de la maternitĂ© de naissance, puis le nouveau-nĂ© est secondairement transfĂ©rĂ© en milieu cardiopĂ©diatrique spĂ©cialisĂ© pour la poursuite du traitement.
  • La « manĹ“uvre de Rashkind » ou atrioseptostomie de Rashkind a Ă©tĂ© dĂ©crite initialement en 1966 par Rahskind[6]. C'est le premier traitement (palliatif) non chirurgical qui ait Ă©tĂ© proposĂ© pour la TGV. C'est Ă©galement la première des interventions dites par « cathĂ©tĂ©risme interventionnel ». Elle consiste Ă  introduire par la veine fĂ©morale ou la veine ombilicale, une sonde munie d'un ballonnet gonflable Ă  son extrĂ©mitĂ©. Cette sonde est guidĂ©e dans l'oreillette droite puis, Ă  travers le foramen ovale, poussĂ©e dans l'oreillette gauche. Le ballonnet est alors gonflĂ© puis, d'un geste sec, la sonde est retirĂ©e de quelques centimètres. Le ballon passe ainsi de l'oreillette gauche Ă  l'oreillette droite en dĂ©chirant la cloison inter-auriculaire, crĂ©ant ainsi une communication permanente. Plusieurs passages du ballon peuvent ĂŞtre nĂ©cessaires pour crĂ©er une communication suffisamment large, l'efficacitĂ© de la manĹ“uvre Ă©tant jugĂ©e instantanĂ©ment par la mesure de la saturation en oxygène dans le sang artĂ©riel (ou capillaire). Cette manĹ“uvre, qui nĂ©cessite un cathĂ©tĂ©risme se pratiquait Ă  l'origine dans une salle spĂ©ciale, munie d'un appareillage radiologique adaptĂ©. Actuellement, elle se fait sous simple surveillance Ă©chographique et peut ĂŞtre rĂ©alisĂ©e en salle de travail ou dans l'incubateur du nouveau-nĂ©.

Traitement chirurgical

Le traitement dĂ©finitif de la TGV est chirurgical. Il a considĂ©rablement Ă©voluĂ© au fil du temps, tant pour le mode de « correction Â» que pour l'âge auquel celle-ci est pratiquĂ©e. Actuellement, il est courant sinon habituel qu'un nouveau-nĂ© soit de retour Ă  domicile Ă  15 jours de vie, « guĂ©ri Â» et sans aucun traitement mĂ©dical après « dĂ©transposition des gros vaisseaux. Â»

Historiquement, trois types de chirurgie ont été proposés, les deux premiers pouvant encore être d'actualité dans des cas très particuliers.

  • L'intervention de Blalock-Hanlon (1950)[7] : C'est la première intervention chirurgicale (palliative) proposĂ©e dans la transposition des gros vaisseaux. Elle consistait en la crĂ©ation, sur cĹ“ur battant et sans circulation extra-corporelle d'une large communication inter auriculaire visant Ă  amĂ©liorer l’oxygĂ©nation du sang circulant dans le ventricule droit et l’aorte.

Après 1966, elle est restée indiquée en cas d'échec ou d'insuffisance de la manœuvre de Rashkind ou pratiquée de façon plus ou moins systématique dans certaines écoles comme celle de Paris pour permettre d’atteindre un âge plus avancé (12-24 mois) avant l’intervention définitive de "correction à l'étage auriculaire".

  • Les corrections physiologiques Ă  l'Ă©tage auriculaire : Le principe de ces interventions, faussement qualifiĂ©es de correctrices, Ă©tait non pas de remettre les gros vaisseaux en place normale mais de transformer la « transposition simple des gros vaisseaux » en « transposition corrigĂ©e des gros vaisseaux », ceci en inversant les flux sanguins au niveau des oreillettes.
intervention de Senning - Chenal dérivant le sang des veines pulmonaires vers l'oreillette droite

Par un nĂ©o-cloisonnement des oreillettes, le sang veineux en provenance des veines caves Ă©tait redirigĂ© vers l'oreillette gauche, le ventricule gauche et l'artère pulmonaire; le sang oxygĂ©nĂ© venant des poumons Ă©tant dĂ©tournĂ© vers l'oreillette droite, le ventricule droit et l'aorte. Une circulation sanguine "normale" Ă©tait ainsi restituĂ©e, mais non une anatomie normale puisque les gros vaisseaux restaient connectĂ©s au « mauvais Â» ventricule. Deux chirurgiens ont associĂ© leurs noms Ă  ce type de correction : Senning en 1959[8] et Mustard en 1964[9] et ces interventions ont Ă©tĂ© pratiquĂ©es jusqu'aux annĂ©es 1975-80. MalgrĂ© certaines complications liĂ©es aux lĂ©sions crĂ©Ă©es au niveau des oreillettes (risque de troubles du rythme ou de la conduction, de stĂ©nose des chenaux cave ou pulmonaire, surtout avec le procĂ©dĂ© dĂ©crit par Mustard qui reposait sur l’emploi d’un patch inerte et donc incapable de suivre la croissance de l’enfant[10]) et au maintien du ventricule droit en position « systĂ©mique » c’est-Ă -dire sous l’aorte (risque de dĂ©faillance Ă  long terme), de nombreux enfants ainsi opĂ©rĂ©s sont maintenant des adultes menant une vie sensiblement normale. Dans ses dernières annĂ©es, William Mustard se faisait souvent accompagner dans les congrès mĂ©dicaux par une jeune femme, mère de famille, qui Ă©tait sa première ou une de ses premières opĂ©rĂ©es. En France, de nombreux adultes doivent leur salut au chirurgien George Lemoine, « homme modeste, trop peu connu » (Y. Lecompte[11]) qui n’avait pas son pareil pour rĂ©aliser une intervention de Senning vers l’âge de 6 mois.

  • La correction anatomique Ă  l'Ă©tage artĂ©riel : Corriger la TGV en remettant les vaisseaux en place normale est la logique mĂŞme et dès 1954, plusieurs chirurgiens s’y sont essayĂ©s (Mustard, Bjork, Bailey, Kay et Cross, Baffes …) mais sans succès. Ces Ă©checs tenaient aux limites techniques de l’époque. C’était les dĂ©buts de la chirurgie Ă  cĹ“ur ouvert chez l’adulte et la prĂ©histoire de cette chirurgie chez le nouveau-nĂ© ou le nourrisson. Ils tenaient Ă©galement Ă  la sous-estimation de certaines contraintes physiologiques : les artères coronaires irriguant le muscle cardiaque Ă©taient laissĂ©es en place sur l’artère pulmonaire et donc perfusĂ©es Ă  trop basse pression par un sang dĂ©saturĂ©. Par ailleurs, le ventricule gauche, dĂ©shabituĂ© Ă  pousser contre des rĂ©sistances Ă©levĂ©es, prĂ©sentait une dĂ©faillance irrĂ©versible dès qu’il Ă©tait branchĂ© sur l’aorte. Ces Ă©checs initiaux expliquent l’intĂ©rĂŞt portĂ© aux interventions de correction Ă  l’étage auriculaire dans les 20 annĂ©es qui ont suivi. Elles Ă©taient certes moins logiques mais efficaces.

Les tentatives reprirent 20 ans plus tard, au milieu des années 1970 après la publication par le chirurgien brésilien Adib Jatene d'une chirurgie de détransposition pratiquée avec succès chez deux enfants âgés de 3 mois et 40 jours[12] et les premières séries opératoires de Yacoub en Angleterre[13] ainsi que de l’équipe de l’hôpital Laennec à Paris[14]. Ces nouvelles tentatives visaient à corriger les défauts des premières, d’une part en transposant également les artères coronaires sur l’aorte, d’autre part en veillant à l’aptitude du ventricule gauche à assurer un débit systémique. Cette aptitude était obtenue soit par une « préparation » du ventricule, par mise en place quelques mois d’un cerclage de l’artère pulmonaire l’obligeant ainsi à se muscler pour vaincre cet obstacle artificiel, soit par un timing opératoire très précoce, dès la première semaine de vie, avant que le myocarde ventriculaire gauche n’ait significativement involué. La détransposition des gros vaisseaux ou « switch artériel » devint rapidement l’intervention de référence après que Yacoub a codifié les techniques permettant d’adapter l’intervention aux différentes distributions possibles des artères coronaires et que Lecompte a « inventé » en 1979 un procédé de décroisement des gros vaisseaux permettant une réimplantation de l’artère pulmonaire sans interposition de matériel prothétique[15], reconnu depuis de façon universelle comme « la manœuvre de Lecompte »…

C’est maintenant la seule intervention pratiquée, sauf cas très particulier. C'est réellement une chirurgie correctrice puisqu'elle "détranspose" les gros vaisseaux en réimplantant l'aorte sur le ventricule gauche et l'artère pulmonaire sur le ventricule droit. La mortalité hospitalière est actuellement inférieure à 1 % pour les équipes pratiquant cette intervention couramment[16] et pourtant, il s'agit d'une véritable prouesse de chirurgie et de réanimation néo-natale et cette intervention sous circulation extra-corporelle a même pu être pratiquée sur des prématurés de 2000 grammes à peine.

Stratégies thérapeutiques

Dans les pays développés, la stratégie « idéale » actuelle, de plus en plus souvent « réelle » peut être résumée comme suit : Diagnostic ante-natal et transfert in utero dans un centre spécialisé permettant la pratique de la manœuvre de Rashkind et la perfusion de prostaglandines (non systématiques). La détransposition est faite alors dans la première semaine de vie permettant un retour à domicile dans le premier mois.

Dans les pays en voie de développement, cette stratégie « idéale » nécessite un environnement chirurgical et de réanimation néo-natal hors de portée. Le diagnostic ante-natal de TGV (rarement posé) conduit encore souvent à une interruption médicale de grossesse. On pourrait pourtant y concevoir une réhabilitation des séquences de prise en charge « historique », avec deux options : une manœuvre de Rashkind (associée éventuellement à une intervention de Blalock-Hanlon) suivie d'une correction à l’étage auriculaire par l’intervention de Senning entre 6 et 18 mois, ou une manœuvre de Rashkind (avec éventuelle intervention de Blalock-Hanlon) associée à un cerclage de l’artère pulmonaire, suivie d'une correction anatomique par détransposition entre 6 mois et un an. Ces stratégies étaient celles pratiquées en France il n'y a guère plus de 20 ans et nombreux sont les nourrissons, aujourd'hui adultes, à en avoir réellement bénéficié.

Devenir des enfants

Les enfants opérés par détransposition des gros vaisseaux mènent habituellement une vie strictement normale en l'absence de tout traitement médical. Seuls les sports de compétition ainsi que le tabac restent déconseillés. Ces enfants doivent cependant faire l'objet d'un suivi médical régulier (annuel le plus souvent) pour surveiller plus particulièrement :

  • l'absence de complication liĂ©e Ă  la rĂ©implantation des artères coronaires. Cette surveillance peut passer par la rĂ©alisation d'une coronarographie ou, plus souvent maintenant d'une exploration par tomodensitomĂ©trie (scanner coronaire) ;
  • l'absence de complication au niveau des sutures artĂ©rielles (stĂ©noses, rares et habituellement prĂ©coces) ou des valves aortiques et pulmonaires (une petite fuite sans consĂ©quence est habituelle).

Grossesse

Sauf cas particulier (et rare), une femme opérée dans l'enfance d'une transposition des gros vaisseaux par switch artériel peut envisager de mener à bien une ou plusieurs grossesses sans souci particulier. L'accouchement pourra se faire normalement, par voie basse, sauf indication obstétricale à une césarienne. Un allaitement sera possible.

L'inquiétude parentale devant le risque de récidive de la cardiopathie, de l'ordre de 10 % (ce qui signifie 'a contrario' que 90 % au moins des grossesses donneront naissance à un enfant normal) pourra être levée par la réalisation précoce d'une échographie fœtale, dès la 14-15e semaine d'aménorrhée quand les conditions d'examen sont bonnes.

Conseil génétique

Jusqu'à présent, il n'a pas été mis en évidence de cause génétique (ou toxique) à cette malformation quand elle est isolée. À ce titre, c'est l'une des très rares malformations cardiaques qui ne soient pas une indication reconnue d'amniocentèse (ponction du liquide amniotique en vue d'une étude du caryotype fœtal) lorsqu'elle est découverte avant la naissance.

Il en va tout autrement si la transposition des gros vaisseaux est associée à d'autres malformations, cardiaques ou extra-cardiaques. Dans ce cas, la crainte qu'une anomalie génétique soit responsable ou au moins associée à ce syndrome polymalformatif conduit habituellement à proposer aux parents la réalisation d'une amniocentèse avant la naissance ou d'une étude directe du caryotype du nouveau-né si le diagnostic est plus tardif..

Sources

  • Heart disease in Infants, Children and Adolescents - Mosse and Adams - 7e Ă©dition - Williams & Wilkins Ă©d. - Philadelphie, 2008
  • Fetal cardiology - S. Yagel, N.H. Silverman, U. Gembruch - Martin Dunitz ed. - Londres, 2003

Voir aussi

Références

  1. The Morbid Anatomy of Some of the Most Important Parts of the Human Body (1793) cité par Prichard R. Selected items from the history of pathology. Transposition of the great vessels. Am J Pathol. 1979; 97: 562
  2. Bonnet D, Coltri A, Butera G, Fermont L, Le Bidois J, Aggoun Y, Acar P, Villain E, Kachaner J, Sidi D. Le diagnostic prénatal de transposition des gros vaisseaux diminue la morbi-mortalité néonatale, Arch Mal Cœur Vaiss, 1999;92:637-40.
  3. Van Praagh R. Transposition of the great arteries. II. Transposition clarified. Am J Cardiol 1971; 28: 739-41
  4. Campbell M, Incidence of cardiac malformations at birth and later, and neonatal mortality, Br Heart J, 1973:35;189–200
  5. Schidlow DN, Jenkins KJ, Gauvreau K et al. Transposition of the great arteries in the developing world: surgery and outcomes, J Am Coll Cardiol, 2017;69:43–51
  6. Rashkind WJ, Miller WW. Creation of an atrial septal defect without thoracotomy. A palliative approach to complete transposition of the great arteries JAMA, 1966;196:991-2
  7. Blalock A, Hanlon CR, the surgical treatment of complete transposition of the aorta and the pulmonary artery, Surg Gynec Obstet, 1950;90:1
  8. Sening A, Surgical correction of transposition of the great vessels, Surgery,1959;45:966
  9. Mustard WT, Keith JD, Trusler GA, Fowler R, Kill L, The surgical management of transposition of the great vessels, J Thorac Cardiov Surg, 1964;48:953
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