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Traitement d'antécédents judiciaires

Le fichier de Traitement d'antécédents judiciaires (TAJ), nommé au départ fichier de l'Application de rapprochement, d'identification et d'analyse pour les enquêteurs (ARIANE), est un fichier du ministère de l'Intérieur alimenté par les données saisies par les personnels de la gendarmerie et de la police nationale dûment habilités à cet effet. Le fichier TAJ est né de la fusion de deux fichiers, le STIC et le JUDEX[1]. Le TAJ a été créé par l’article 11 de la loi LOPPSI 2 du 14 mars 2011 et codifié aux articles 230-6 à 230-11 du code de procédure pénale[2]. Les dispositions réglementaires faisant application de l'article 11 sont le décret n° 2012-652 du relatif au traitement des antécédents judiciaires[3]. Ce dernier texte fut codifié aux articles R40-23 à R40-34 du code de procédure pénale[4].

Les informations enregistrées proviennent des procédures rédigées avec le logiciel LRPGN pour la gendarmerie et le LRP-PN (anciennement Ardoise) pour la police.

Données à caractère personnel

Ces fichiers contiennent des données à caractère personnel concernant les victimes et les personnes (physiques et morales) mises en cause, mineures ou majeures, à l'encontre desquelles sont réunis des indices graves ou concordants rendant « vraisemblable » qu'elles aient pu participer comme auteurs ou complices à la commission d'un crime, d'un délit ou de certaines contraventions de cinquième classe (violences volontaires avec ITT inférieure ou égale à huit jours, provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence, dégradations légères, etc.). Sous le contrôle de l'autorité judiciaire, cette simple condition de vraisemblance est laissée à l'appréciation des agents habilités à exercer des missions de police judiciaire. À la différence du casier judiciaire qui rend compte des condamnations, le STIC, depuis la loi du , comporte également des données portant sur des procédures judiciaires ou en cours ou des faits amnistiés.

Le fichier TAJ est consulté non seulement dans le cadre des enquêtes judiciaires, mais également dans le cadre d'enquêtes administratives afin de vérifier le respect de la condition de moralité requise par l'exercice de certains emplois sensibles (casinos, sécurité privée, aéroports, VTC, etc.) et public (administration, etc.).

Le traitement de ces données à caractère personnel s'effectue sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent[5]. En cas de relaxe et d’acquittement, les fiches concernées doivent être effacées, sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien. En revanche, les décisions de non-lieu et de classement sans suite font l'objet d'une mention au sein du fichier TAJ, à moins que le procureur de la République ordonne l'effacement des données personnelles[5].

L'accès au fichier TAJ

Les personnes dont le nom figurent au sein de ce fichier ne peuvent pas avoir un accès directement à ces informations.

L'article R 40-23 du Code de procédure pénale permet à toute personne d'exercer son droit d'accès au fichier TAJ directement auprès du responsable du traitement, à savoir le ministère de l'Intérieur[6].

À défaut de réponse dans le délai de 2 mois, ou en cas de refus, toute personne fichée peut saisir la CNIL afin d'avoir accès à son fichier TAJ[6]. Il s'agit de l'accès indirect prévu par l'article 41 de la Loi Informatique et Libertés.

Durée et volume

La durée de conservation des données pour les majeurs est en principe de 20 ans, mais peut varier, en fonction du type d'infraction, entre 5 et 40 ans. Pour les mineurs, elle est de 5 ans mais peut atteindre 10 ou 20 ans pour certaines infractions[7].

En 2007, le STIC contenait des informations sur 35 millions de procédures et 38 millions d'infractions. La même année, le JUDEX a été consulté 12 millions de fois et contenait 2 073 094 fiches.

Avec la multiplication des contraventions de cinquième classe et l'ajout de données en provenance de l'étranger, le nombre de personnes fichées a considérablement augmenté.

Dans son rapport de sur la police technique et scientifique[8], la Cour des comptes relève que, fin , le TAJ intégrait 15,6 millions de fiches de personnes mises en cause, dont 3,4 millions présentant au moins une photographie de la personne. En date du , plus de 18,9 millions de personnes faisaient l’objet d’une fiche[9] - [10].

Procédure d'effacement du fichier TAJ

L’article 230-8 du code de procédure pénale permet de demander l’effacement des mentions inscrites sur le fichier TAJ[11].

La loi a imposé, comme condition, que le bulletin n°2 du casier judiciaire du demandeur soit vierge de toute mention[11]. À défaut, la demande sera déclarée irrecevable par le procureur de la République ou le magistrat référent TAJ[11].

La demande se fait par voie de requête.

Cette procédure n'impose pas la représentation obligatoire par voie d'avocat, mais un accompagnement par un professionnel du droit permet d'augmenter les chances d'effacement.

En cas de refus d'effacement, le justiciable dispose d'un recours devant le président de la chambre de l'instruction.

Technologie et budget

Le TAJ permet le rapprochement des images, avec un système de reconnaissance faciale[12].

Le TAJ utilise également des technologies de moteur de recherche permettant la conservation de la structure des contenus. Le projet Ariane est doté en 2010 d'une enveloppe de 1,5 million d'euros[12].

Pertinence des informations

Si les deux fichiers fusionnés servent à des recoupements et donnent aux indices une forme plus facile à partager entre différents enquêteurs sur différents dossiers, la pertinence des informations est régulièrement critiquée lorsqu'il s'agit de publier dans la presse un qualificatif sur la victime d'un meurtre, comme ce fut le cas dans l'affaire de la Mort de Nahel Merzouk[13] où l’exactitude des informations" a "fait l‘objet d’une polémique"[13] en raison de "fuites parfois utilisées par la droite ou l’extrême droite pour atténuer la portée du drame, sinon le justifier", selon le service de vérification des faits du quotidien Libération[13]. La presse quotidienne a cité "une source proche du dossier" expliquant que la mention d’«antécédents judiciaires» implique «au moins une condamnation et des poursuites en cours»[13], la mention du nom de la personne au fichier n'étant pas compréhensible par un public de non-professionnels de la police ou du droit. Me Yassine Bouzrou, avocat de la famille de Nahel Merzouk y a notamment souligné qu’«être connu des services de police, ça ne veut absolument rien dire. […] Ces fichiers [de police] manquent de précision.»[13]. Sur France Inter, la porte-parole du ministère de l’Intérieur, l'ex-commissaire à Malakoff Camille Chaize, a de son côté réagi à une question de Léa Salamé au sujet des antécédents judiciaires de la victime en répondant que "ça n’a pas de sens de réfléchir ainsi. Peu importe, s’il était connu ou pas des services de police"[13] - [14], une déclaration qui "a été largement saluée", selon le service de vérification des faits du quotidien Libération[14].

Source et ressources

  • Revue de la FARAPEJ , Annick Dorléans.
  • Fichiers de police et de gendarmerie. Comment améliorer leur contrôle et leur gestion ? Alain Bauer et Christophe Soullez, Rapport édité à la Documentation Française, 2007.
  • Fiche synthétique de la CNIL présentant le TAJ
  • Décision de la CNIL no 2005-005 du de mise en demeure du ministère de l’Intérieur et du ministère de la Justice

Notes et références

  1. « La gendarmerie et la police mutualisent leurs fichiers sur les antécédents judiciaires », L'Express, (consulté le )
  2. Articles 230-6 à 230-11 du code de procédure pénale
  3. Décret n° 2012-652 du 4 mai 2012 relatif au traitement d'antécédents judiciaires
  4. Articles R40-23 à R40-34 du code de procédure pénale
  5. Code de procédure pénale - Article 230-8 (lire en ligne)
  6. Code de procédure pénale - Article R40-33 (lire en ligne)
  7. Code de procédure pénale - Article R40-27 (lire en ligne)
  8. Laurent Bonelli, « Les forces de l’ordre social », Le Monde Diplomatique, no 796, (lire en ligne, consulté le )
  9. « TAJ : Traitement d’Antécédents Judiciaires | CNIL », sur www.cnil.fr (consulté le )
  10. Code de procédure pénale - Article 230-8 (lire en ligne)
  11. « Projet de loi de finances pour 2010 : Sécurité - Sénat », sur Sénat (consulté le ).
  12. "Mort de Nahel à Nanterre : polémique autour du casier judiciaire de l’adolescent tué par la police". Article par Jacques Pezet le 28 juin 2023 dans Libération
  13. «Peu importe s’il était connu des services de police» : quand la porte-parole du ministère de l’Intérieur fait la leçon à Gérald Darmanin, par Service Checknews le 29 juin 2023 dans Libération
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