Trésor de Tourouvre
Le trésor de Tourouvre appelé aussi trésor double de Tourouvre est un trésor monétaire découvert en 2010 sur le territoire de la commune de Tourouvre. Il est conservé au Musée de Normandie.
Trésor de Tourouvre | ||||
Le trésor de Tourouvre exposé au Musée de Normandie à Caen en 2018 | ||||
Type | Monnaie | |||
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Matériau | Argent et billon | |||
Période | IIIe siècle | |||
Culture | Rome antique | |||
Date de découverte | 2010 | |||
Lieu de découverte | Tourouvre | |||
Coordonnées | 49° 11′ 08″ nord, 0° 21′ 48″ ouest | |||
Conservation | Musée de Normandie | |||
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Géolocalisation sur la carte : Calvados
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Le trésor est un témoin de la crise que traverse la future Normandie dans le dernier tiers du IIIe siècle, dans une époque troublée en particulier par des invasions extérieures.
Localisation
Le trésor est découvert à Tourouvre, au lieudit « Bellegarde » dans le département de l'Orne, en 2010, lors d'un diagnostic archéologique. Le site est situé sur une butte en face du manoir de Bellegarde, un édifice des XVe siècle-XVIe siècle[A 1].
Historique de la découverte
Le diagnostic archéologique a comme objectif de préciser la nature du site, connu comme camp militaire romain depuis le XIXe siècle[B 1]. Les fouilles ne permettent pas de découvrir des vestiges de constructions mais des fosses[B 1]. Outre le trésor, les fouilles ont livré 30 monnaies, le site a été utilisé des Gaulois au IIe siècle[A 1].
Le dépôt monétaire a été étudié par le CRAHAM de l'Université de Caen[B 1] après avoir été nettoyé par le service régional d'archéologie d'Ile de France, chaque contenant étant étudié séparément[A 2].
Constitution du trésor
Le trésor est constitué de 407 monnaies datées des règnes de Domitien à Victorin, avec une date limite de 270[B 1]. Il y a deux dépôts, l'un de 130 monnaies et l'autre de 277, comprenant également des bijoux[A 3]. Les deux dépôts sont simultanés car des monnaies de Victorin datées 270 ont été retrouvées dans les deux contenants[A 4].
Le trésor est contenu dans deux bouteilles rectangulaires à deux anses[A 3] munies de nervures et coudées[C 1] et de 15 à 16 cm de hauteur d'un type utilisé du milieu du Ier siècle[C 1] ou IIe siècle au milieu du IIIe siècle[B 1]. 75 exemplaires des bouteilles sont connus en France[C 1]. Une des bouteilles a été abîmée lors de la fouille, du fait d'un coup de pioche[A 3] alors que l'autre est intacte. Le fond des contenants comporte des marques inédites[B 2]. L'une des bouteilles est à rapprocher d'exemplaires connus en particulier dans le nord de la Gaule et dans le Gard[C 1].Les bouteilles de cette forme sont connues dans le centre et l'ouest de la France et la vallée du Rhin, et un atelier existait peut-être aux alentours de Compiègne, hypothèse qui ne fait pas l'unanimité[C 1].
Le trésor a livré un anneau et un pendentif, un denier en médaillon : l'anneau est très simple et le pendentif, dont la bordure est torsadée, comporte un denier d'Antonin le Pieux daté 140-143 et très usé. Le denier comporte sur son revers une représentation de la louve et des deux jumeaux Romulus et Rémus[A 5]. La présence de bijoux n'est pas inédite pour les trouvailles du IIIe siècle, des découvertes anciennes du XVIIIe siècle au XIXe siècle dont la plus emblématique est le trésor découvert à Rouen[A 6].
Les monnaies sont en argent et en billon[A 4]. La 1e bouteille contient 130 antoniniens datés de Gordien III à Victorin, avec une grande proportion de monnaies datées des années 260 sous Gallien ou Postume[A 7]. La seconde bouteille ressemble à la première pour la date finale, mais comporte des monnaies datées de la dynastie des Flaviens[A 7]. Il y a peu de fausse monnaie dans le dépôt, et concerne surtout Postume[A 8]. Le trésor est stoppé par des émissions de Victorin de 270 et cette date semble devoir être retenue pour l'enterrement du dépôt, « époque riche en dépôts monétaires », 36 étant recensés dans l'ouest de la Gaule[A 9].
Interprétation historique
Les années 260 et 270 sont très instables, avec « un contexte d'insécurité croissante » : les incursions de pirates germains touchent la Gaule à partir de 256 selon Orose[A 10]. En 268 les pirates francs attaquent la Flandre occidentale, le Calaisis et le Boulonnais[A 11]. La reprise en mains de régions côtières est un impératif et la restauration des routes est un signe, avec l'installation de nouvelles bornes millaires[A 12].
Le trésor est « un bon exemple d'enfouissement à cachette multiple » et le contenant de verre est connu par ailleurs, comme à Avezé, dans la Sarthe[A 1]. Il s'inscrit dans l'étude des trésors du IIIe siècle ayant contribué à l'étude des empereurs gallo-romains, même si la part de monnayage d'empereurs de Rome est comparable[A 13].
Les spécialistes considèrent que le trésor est une « cassette familiale »[A 4] d'une famille aisée[A 14]. La part de monnaies des années 260 indique un prélèvement sur monnaies courantes[A 7].
Le trésor est un indicateur de la circulation monétaire au IIIe siècle en particulier des antoniniens[A 7]. Il indique la circulation de deniers du Haut-Empire en dépit de la thèse de Jean-Pierre Callu sur l'absence de telles circulations après 251 et est similaire à des dépôts de Grande-Bretagne[A 15]. La thésaurisation de la 2e bouteille a eu lieu à partir de la fin des années 250-début des années 260[A 16]. Les fausses monnaies se développent entre 268 et 282[A 14].
La fin de la thésaurisation est contemporaine de la fin de l'empire des Gaules[A 14]. La bouteille II témoigne d'un long processus, à partir de la moitié du IIIe siècle, alors que la première est datée des années 260, le dépôt de Tourouvre est donc « la combinaison de plusieurs périodes de thésaurisation ». Le propriétaire a fait le choix de conserver de la monnaie de bon aloi, avec peu de pièces dévaluées[A 17]. Le caractère dual du dépôt n'enlève pas à son homogénéité et le trésor s'inscrit dans un mouvement plus large[A 18].
La part de monnaies d'empereurs de Rome bat en brèche la théorie de Callu de deux empires étanches du point de vue des circulations monétaires, l'empire des Gaules et l'empire central ; la trouvaille de Tourouvre est une « nouvelle et solide confirmation » de ces circulations de monnaies italiennes en Gaule. Guihard considère que cette circulation est due à des motifs militaires et non commerciaux, dans le contexte des guerres entre Gallien et Postume[A 19], et de l'insécurité. Les monnaies de bon aloi avaient comme objet de payer les troupes[A 20]. La région est importante pour « contenir d'incessants raids germains venus de la mer », et les trésors sont un témoignage de ces attaques qui sont également traduites par des traces de destructions et d'incendies dans l'ouest de la Gaule des années 260-270[A 11].
Notes et références
- Le trésor double de Tourouvre (Orne) : bijoux et monnaies romaines de Domitien à Victorin
- Guihard 2010 (2012), p. 151.
- Guihard 2010 (2012), p. 151-152.
- Guihard 2010 (2012), p. 152.
- Guihard 2010 (2012), p. 154.
- Guihard 2010 (2012), p. 153-154.
- Guihard 2010 (2012), p. 152-153.
- Guihard 2010 (2012), p. 155.
- Guihard 2010 (2012), p. 156.
- Guihard 2010 (2012), p. 162.
- Guihard 2010 (2012), p. 162-163.
- Guihard 2010 (2012), p. 164.
- Guihard 2010 (2012), p. 163-164.
- Guihard 2010 (2012), p. 158-160.
- Guihard 2010 (2012), p. 157.
- Guihard 2010 (2012), p. 155-156.
- Guihard 2010 (2012), p. 156-157.
- Guihard 2010 (2012), p. 157-158.
- Guihard 2010 (2012), p. 158.
- Guihard 2010 (2012), p. 161-162.
- Guihard 2010 (2012), p. 163.
- Les contenants en verre du trésor de Tourouvre (Orne)
- Marie 2013, p. 60.
- Marie 2013, p. 60-61.
- Analyse des bouteilles en verre
- Marie 2010 (2012), p. 166.
Voir aussi
Liens externes
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Trésors monétaires sur le site du musée de Normandie (Lire en ligne)
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Amélie Marie, « Les contenants en verre du trésor de Tourouvre (Orne) », Bulletin de l'association française pour l'archéologie du verre,‎ , p. 60-61 (lire en ligne, consulté le ).
- Pierre-Marie Guihard, « Le trésor double de Tourouvre (Orne) : bijoux et monnaies romaines de Domitien à Victorin », Jahrbuch des Römisch-Germanischen Zentralmuseums Mainz, no 57,‎ 2010 (2012), p. 151-220 (lire en ligne, consulté le ).
- Amélie Marie, « Analyse des bouteilles en verre », Jahrbuch des Römisch-Germanischen Zentralmuseums Mainz, no 57,‎ 2010 (2012), p. 166-167 (lire en ligne, consulté le ).