Toubab
Toubab (en malinké toubabou, toubab ou encore en wolof tubaap, tubaab, également toubabe, toubabou, tuab, tubab) est un terme utilisé en Afrique de l'Ouest, principalement en Guinée, au Mali, au Sénégal, en Gambie et en Mauritanie[1], mais aussi en Côte d'Ivoire[2], pour désigner toute personne à peau blanche, à l'exclusion des Arabo-Berbères[3], quelle que soit sa nationalité[4]. Il fait donc généralement référence à des Européens.
Par extension, il peut aussi désigner des étrangers en général ou des Africains ayant adopté un mode de vie à l'occidentale[4], voire dans certains cas plus spécifiques, les habitants de la ville de Saint-Louis du point de vue des Sénégalais de l'intérieur du pays[4].
Étymologie
De très nombreuses hypothèses ont été avancées quant aux origines de ce mot :
- En 1917, Maurice Delafosse publie une étude sur l'origine du mot[5].
- En 1931, André Demaison, dans son ouvrage Diaeli, le livre de la sagesse noire[6], affirme que le mot toubab vient du wolof et du mandingue et signifie « homme puissant » ; il évoque aussi une similitude avec le mot hindou tsoubab ou « dignitaire », et avec l'appellation malaise touan, qui a la même signification.
- Une déformation du mot arabe tabib (signifiant « médecin »[4], voir aussi Toubib).
- Mais une autre hypothèse voudrait que le mot « Toubab » soit lié au singe blanc (gorille blanc, par opposition au gorille noir). Et donc, le mot toubab existerait bel et bien dans le vocabulaire wolof avant même l'arrivée de l'homme blanc. D'ailleurs le mot ne signifie pas littéralement « homme blanc », ni ne fait allusion à la couleur blanche de manière générale.
Variantes grammaticales et lexicales
Le mot « toubab » peut rester invariable ou s'accorder en nombre (toubab ou toubabs au pluriel). Dans les langues mandingues, le pluriel devient souvent « toubabous » (tubabw, w étant la marque du pluriel).
Au féminin, il peut également rester invariable ou prendre des formes telles que « toubabess » ou « toubabesse »[4], comme dans la phrase suivante « Il paraît, entre autres, que ton frère arrive aujourd'hui avec une toubabesse » d'Ousmane Sembène dans O pays, mon beau peuple ![7]
On rencontre également d'autres dérivés, tels que le verbe « toubabiser » ou les substantifs « toubabisme » et « toubabité »[3].
Les Africains occidentalisés ou les Noirs déracinés et assimilés sont parfois désignés par l'expression « toubab noir » qui prend alors une connotation péjorative[3].
En France, la variante verlan « babtou » est fréquente.
Synonymes
En français, le mot comporte de nombreux synonymes en fonction du contexte : Blanc, Blanche, comme en témoignent les nombreuses références dans le roman d'Ousmane Sembène, Les Bouts de bois de Dieu[8] ; Européen, Européenne ; instruit, acculturé, assimilé[3].
En wolof, les synonymes peuvent être xonq nopp (oreilles rouges) ou nit ku weex (homme blanc)[4].
Au Burkina Faso, dans la langue moré, ainsi qu'au Niger, le mot désignant les européens est nassara, signifiant littéralement nazaréen (c'est-à-dire chrétien), dérivé via la langue arabe du nom de Nazareth (ville d'origine de Jésus de Nazareth).
Usage dans la littérature
Le mot est utilisé par Frantz Fanon, dans Peau noire, masques blancs[9], où semble-t-il, Fanon fait une confidence qui date de la guerre. Un Sénégalais l'appelle « Toubab », ce qui provoque chez lui, Antillais qui se considère comme noir, un grand trouble.
David Diop fait usage du mot à plusieurs reprises dans son roman Frère d'âme, notamment dans la phrase : « Jean-Baptiste a été mon seul vrai copain blanc de la tranchée. C'est le seul Toubab qui est venu vers moi après la mort de Mademba Diop pour me consoler[10] ».
Alex Haley, dans son roman Racines (Roots, the Saga of an American Family) publié en 1976, utilise le terme toubob qui désigne les hommes blancs, notamment dans la bouche de son héros, Kunta Kinte, un villageois africain du XVIIIe siècle (actuelle Gambie) qui sera capturé et emmené comme esclave en Amérique. Le terme toubob traversera l'océan et les siècles.
Usage dans des chansons de rap
Le mot est utilisé par Salif, dans Tous ensemble, chanson citée par le député François Grosdidier dans la proposition de loi du tendant à renforcer le contrôle des provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence[11].
En 1998, NTM dans leur titre Seine Saint-Denis Style utilisent aussi ce terme « le babtou est de retour ». Puis Kool Shen baptise l'un de ses morceaux Le retour du babtou dans le dixième extrait de son album Dernier Round sorti en 2004, dans lequel il ironise sur sa couleur de peau vis-à-vis de sa situation de rappeur[12].
Seth Gueko cite également ce terme dans sa chanson Patate de forain, se décrivant comme « un babtou avec une bite de val-che ».
Le terme est également utilisé par le groupe de rap Sniper dans la chanson Fadela[13].
Médine dans sa chanson enfant du destin, Kounta Kinté évoque plusieurs fois le Toubab.
Youssoupha l'utilise aussi dans sa chanson Espérance de Vie « Black, Beur, Babtou, de partout : on se connaît ».
Joke l'utilise dans le morceau 4 pattes : « ... Si t'es un babtou bourré, lève la main en l'air ! ».
Guizmo, Nekfeu (également dans sa chanson Martin Eden) et Alpha Wann l'utilisent plusieurs fois dans leur chanson Sale babtous de négros.
Notes
- « Toubab », in Le Français en Mauritanie, p. 167-168
- Alain Tirefort, « Un monde policé en terre ivoirienne : le cercle toubabou, 1904-1939 », Cahiers d'études africaines, 1983, vol. 23, no 89-90, p. 97-119
- G. N'Diaye-Corréard, Les mots du patrimoine : le Sénégal, Archives contemporaines, 2006, p. 540-541
- P. Samba Diop, Glossaire du roman sénégalais, L'Harmattan, 2010, p. 597-598
- « De l'origine du mot Toubab », extrait de Annuaire et mémoires du comité d'études historiques et scientifiques de l'A.O.F., 1917, p. 205-216
- Diaeli, le livre de la sagesse noire, Piazza, Paris, 1931, p. 29
- O pays, mon beau peuple !, Presses Pocket, 1977, p. 25
- Par exemple : « Crois-tu réellement que les toubabs céderont ? Moi, non. » (p. 83) ; « Vous entendez ? Les toubabs veulent encore nous rouler ! » (p. 191) ; Les bouts de bois de Dieu, Pocket, 1995, Paris
- Peau noire, masques blancs, Seuil, coll. « Essais », 1975, p. 20.
- David Diop, Frère d'âme (roman), Paris, Éditions du Seuil, , 174 p. (ISBN 978-2-02-139824-3 et 2021398242, OCLC 1048744721, lire en ligne), p. 67,
- http://www.assemblee-nationale.fr/12/propositions/pion2957.asp Site de l'Assemblée nationale ; Proposition de loi N° 2957
- « Kool shen - Le retour du babtou (lyrics) », sur http://rap.genius.com
- Au taf tu craches sur l'islam histoire d’bien passer devant les toubabs - video
Voir aussi
Bibliographie
- Geneviève N'Diaye-Corréard, « Toubab », in Les mots du patrimoine : le Sénégal, Archives contemporaines, 2006, p. 540-541 (ISBN 9782914610339).
- Maurice Delafosse, « De l'origine du mot Toubab », extrait de Annuaire et mémoires du comité d'études historiques et scientifiques de l'A.O.F., 1917, p. 205-216.
- Papa Samba Diop, « Toubab », in Glossaire du roman sénégalais, L'Harmattan, 2010, p. 597-598 (ISBN 978-2-296-11508-8).
- Anne Doquet, « Tous les toubabs ne se ressemblent pas. Les particularités nationales des étrangers vues par les guides touristiques maliens », in Mali - France : Regards sur une histoire partagée, GEMDEV et Université du Mali, Karthala, Paris ; Donniya, Bamako, 2005, p. 243-258 (ISBN 2-84586-724-7) (Karthala).
- Pierre Dumont, Le Toubab, L'Harmattan, Paris, Montréal, 1996, 127 p. (ISBN 2-7384-4646-9) (roman).
- Charles Hoareau, Toubabs et immigrés, Pantin, Paris, Le Temps des cerises, VO éd, 1999, 202 p. (ISBN 2-8410-9184-8).
Articles connexes
- Toubab Bi, film de Moussa Touré
- Albert le toubab, livre pour la jeunesse