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Théorie des locales

En mathématiques, la théorie des locales (ou théorie des lieux, ou parfois topologie sans points, en anglais : pointless topology) est une approche de la topologie issue de la théorie des catégories et évitant de mentionner les points ; certains des « espaces » (appelés locales) étudiés par la théorie ne contiennent aucun point au sens usuel.

Motivation

La dĂ©finition traditionnelle des espaces topologiques (ayant pour objectif de formaliser les notions de limite et de proximitĂ©) consiste en un ensemble (les points) et une famille de sous-ensembles (les ouverts) vĂ©rifiant certaines propriĂ©tĂ©s (la stabilitĂ© par union quelconque et intersection finie) ; une dĂ©finition alternative et Ă©quivalente consiste Ă  associer Ă  chaque point un ensemble de sous-ensembles, ses voisinages. La thĂ©orie des locales part de l’image intuitive de « taches » plus rĂ©aliste que celle de points sans dimension, mais plutĂŽt que de les dĂ©finir par une zone de flou entourant les vrais points, comme par exemple les halos de l'analyse non standard, ou comme le fait la thĂ©orie des ensembles flous, elle utilise des propriĂ©tĂ©s combinatoires, dĂ©finissant une notion de proximitĂ© par intersection. Plus prĂ©cisĂ©ment les taches peuvent se « rĂ©unir », formant un treillis, qui vĂ©rifie de plus une loi de distributivitĂ© correspondant Ă  une propriĂ©tĂ© des ensembles ouverts des espaces topologiques.

DĂ©finition rigoureuse

L'objet de base est le cadre (en anglais : frame), un treillis complet (c'est-à-dire un ensemble partiellement ordonné tel que tout sous-ensemble possÚde une borne inférieure et une borne supérieure) vérifiant en plus la loi de distributivité . Les morphismes de cadres sont les morphismes de treillis (c'est-à-dire les applications croissantes) qui respectent les bornes inférieures pour tous les sous-ensembles et les bornes supérieures des ensembles finis (en particulier, elles respectent le plus grand et le plus petit élément du treillis).

Les cadres et leurs morphismes forment une catĂ©gorie (parfois notĂ©e Fram). La catĂ©gorie duale (notĂ©e Loc) a les mĂȘmes objets et des morphismes « opposĂ©s » ; dans ce contexte, les objets sont appelĂ©s des locales ; ce sont donc les mĂȘmes treillis complets (et non leur duals), seuls les morphismes diffĂšrent.

Relation avec les espaces topologiques

Une topologie sur un ensemble est un ensemble de sous-ensembles, les ouverts de (pour cette topologie). L'ordre définit par l'inclusion fait de un cadre (la borne inférieure d'une famille d'ouverts est l'intérieur de leur intersection), et si est une application continue, l'application définie par est un morphisme de cadres ; est donc un foncteur (contravariant) de la catégorie des espaces topologiques vers la catégorie des cadres. Le morphisme dual défini par est donc un morphisme de locales. Pour des espaces sobres (en) (et donc en particulier pour tous les espaces séparés), tous les morphismes de cadre sont de cette forme, et donc est un plongement de la catégorie des espaces sobres vers celle des locales, ce qui justifie de considérer les locales comme des espaces topologiques généralisés. Une locale est spatiale si elle est isomorphe à un , mais il y a beaucoup d'autres locales, et cette extension s'avÚre utile à la résolution de certains problÚmes de topologie.

La théorie des cadres et des locales

La théorie des cadres et des locales fut créée à la fin des années 50 par Charles Ehresmann, Jean Bénabou, Hugh Dowker et Dona Papert, et devint au cours des décennies suivantes une branche active de la topologie, avec des applications inattendues en informatique théorique[1].

Beaucoup de concepts topologiques se prolongent aux locales, avec des thĂ©orĂšmes analogues. Mais certains rĂ©sultats importants en topologie classique, comme le thĂ©orĂšme de Tykhonov, qui dĂ©pendent de l'axiome du choix, sont vrais pour les locales sans cet axiome, et possĂšdent des dĂ©monstrations constructives, ce qui prĂ©sente des avantages thĂ©oriques et mĂȘme pratiques ; d'autres diffĂ©rences significatives viennent d'un comportement plus rĂ©gulier d'espaces classiques ; ainsi, le paradoxe de Banach-Tarski n'existe pas pour les locales[2].

Une autre divergence importante a lieu entre sous-espaces et sous-locales : le théorÚme de densité de John Isbell (en) affirme que toute locale possÚde une plus petite sous-locale dense ; ce résultat n'a absolument aucun analogue pour les espaces topologiques.

Notes et références

  1. (en) Peter T. Johnstone, Elements of the history of locale theory, in: Handbook of the History of General Topology, vol. 3, pp. 835-851, Springer, (ISBN 978-0-7923-6970-7), 2001.
  2. Olivier Leroy, « Les intersections cachées dans le paradoxe de Banach-Tarski »

Voir aussi

Bibliographie

Une introduction générale à la théorie est

  • (en) Peter Johnstone (en), « The point of pointless topology », Bulletin (New Series) of the American Mathematical Society, vol. 8, no 1,‎ , p. 41–53 (ISSN 0273-0979, lire en ligne, consultĂ© le )

que Johnstone présente comme une préface à sa monographie :

  • (en) Peter Johnstone, Stone Spaces, Cambridge University Press, 1982 (ISBN 978-0-521-33779-3).

On trouvera une bibliographie plus complĂšte dans

Les relations de la théorie avec la logique mathématique sont exposées dans :

  • (en) Steve Vickers (en)Topology via Logic, Cambridge Tracts in Theoretical Computer Science, Cambridge University Press, 1996.
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