Tancrède (roi de Sicile)
Tancrède de Sicile, né vers 1138 et mort le à Palerme, est un roi normand de Sicile. Il est le fils illégitime du duc Roger III d'Apulie, fils du roi Roger II de Sicile, et de sa maîtresse Emma, fille du comte Achard II de Lecce. Héritier du comté de Lecce par son grand-père maternel, il est également appelé Tancrède de Lecce.
Tancrède de Sicile | |
Tancrède de Sicile. Liber ad honorem Augusti, 1196. | |
Titre | |
---|---|
Roi de Sicile | |
– (4 ans, 3 mois et 2 jours) |
|
Avec | Roger III (1192-1193) Guillaume III (1193-1194) |
Couronnement | Ă Palerme |
Prédécesseur | Guillaume II |
Successeur | Guillaume III |
Biographie | |
Dynastie | Hauteville |
Date de naissance | vers 1138 |
Date de décès | |
Lieu de décès | Palerme (Sicile) |
Père | Roger III d'Apulie |
Mère | Emma de Lecce |
Conjoint | Sibylle d'Acerra |
Enfants | Roger III de Sicile Guillaume III de Sicile Elvire de Sicile Constance de Sicile Valdrade de Sicile |
|
|
Rois de Sicile | |
Biographie
Participation à la révolte des barons
Tancrède fait partie de la foule des vassaux mécontents par le règne du roi Guillaume le Mauvais[1]. À ce titre, il participe en 1156 à la coalition des barons révoltés et est emprisonné peu après la victoire de l'armée royale[2]. En 1161, après avoir été libéré par des conjurés, il participe à un nouveau complot dirigé par Mathieu Bonnel contre la personne du roi[3]. La révolte est étouffée par Guillaume Ier qui prononce la mise au ban du comte de Lecce[4]. Après un exil de cinq ans à Constantinople, Tancrède retourne en Sicile en 1166 à la suite de l'avènement de son cousin Guillaume II.
Expédition contre Saladin
En 1174, il commande la flotte, composée de deux cents vaisseaux, que le roi Guillaume II envoie contre l'Égypte pour venir en aide au roi Amaury Ier de Jérusalem[5]. Le corps expéditionnaire normand débarque devant Alexandrie le 28 juillet et met le siège devant la ville[5]. L'armée comporte 30 000 hommmes, dont 1 500 chevaliers[5]. Néanmoins, l'opération est mal coordonnée et les troupes normandes ne reçoivent aucun secours de la part du royaume de Jérusalem[5]. Saladin, qui peut donc consacrer tous ses moyens pour contrer l'invasion, fait détruire les machines de guerre siciliennes le 31 juillet et repousse les assiégeants le 2 août[6] - [7]. Les Normands rembarquent en désordre, laissant un butin considérable et des centaines de prisonniers[8].
En 1181, Tancrède est nommé par le roi Guillaume II grand connétable et maître justicier d'Apulie et de la Terre de Labour[9], c'est-à -dire vice-roi sur le continent. En 1185, il dirige la flotte normande lors de l'expédition de Guillaume contre l'Empire byzantin[10].
Roi de Sicile
Décrit comme étant un bon chef militaire malgré sa petite taille, brave et intelligent, mais laid selon son principal détracteur Pierre d'Éboli[11], il prétend au trône de la Sicile normande à la mort sans postérité, le , de son cousin le roi Guillaume II[12]. Il est soutenu par une partie de la noblesse contre les prétentions de sa tante la princesse Constance de Hauteville et de son époux l'empereur germanique Henri VI[13]. Il parvient à se faire couronner roi à Palerme au début de l'année 1190 mais son pouvoir reste cependant fragile. Il doit lutter à la fois contre les pressions et les attaques des forces impériales germaniques, contre les révoltes de ses vassaux en Italie continentale, et contre des bandes de rebelles musulmans implantés dans les montagnes du centre de la Sicile[14].
En 1190, il doit également composer avec l'arrivée à Messine des rois croisés Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion[15]. Le roi d'Angleterre, en route pour la troisième croisade, profite de son séjour en Sicile pour faire à Tancrède plusieurs réclamations : la première est la libération de sa sœur Jeanne, veuve de Guillaume II de Sicile ; la seconde est la restitution d'un legs important que Guillaume aurait promis à son père Henri II[16]. De plus, la présence des troupes anglaises à Messine est très impopulaire, surtout parmi la population grecque[17]. Le , une rixe finit par éclater entre les soldats anglais et les habitants de la ville[17]. Le roi d'Angleterre exploite la situation et s'empare de la ville qui est livrée au pillage[18]. La flotte sicilienne est également détruite[18]. En , Tancrède accorde à Richard une partie de ses réclamations et signe avec la médiation de Philippe Auguste un traité de paix[19]. Richard reconnait Tancrède comme roi de Sicile. Le roi de Sicile dédommage Richard de la dot de sa sœur Jeanne. Richard proclame son neveu Arthur de Bretagne son héritier et un mariage est projeté entre celui-ci et la fille de Tancrède, qui avance la dot à Richard[20]. Philippe Auguste quitte finalement la Sicile le , et Richard Cœur de Lion le [21].
Réfugiée dans Salerne, Constance est capturée par les partisans de Tancrède qui la gardent prisonnière d'abord à Palerme, puis à Naples. Tancrède tente vainement de faire reconnaître sa légitimité en faisant couronner son fils Roger en 1192 et tente même un rapprochement avec l'Empire byzantin, demandant la main de la fille du basileus Isaac II Ange, la princesse Irène Ange pour son jeune fils, mais celui-ci meurt prématurément la même année en . Il nomme alors son autre fils Guillaume, encore enfant, co-roi et successeur désigné sous le nom de Guillaume III de Sicile, mais Henri VI le vainc à Catane. Abandonné par ses alliés, Tancrède meurt peu après dans son palais de Palerme le [22]. Sa mort livre son royaume à l'Empire germanique et met fin au règne la dynastie normande en Sicile et sur le sud de l'Italie.
Il est inhumé dans la cathédrale de Palerme[23].
Descendance
Sa femme Sibylle, sœur de Richard d'Acerra, lui donnera deux fils, Roger et Guillaume, et trois filles[4]. L'une des filles de Tancrède de Sicile, Elvire, reçut certains de ses biens, comme la principauté de Tarente et le comté de Lecce en 1200, mais ils lui furent confisqués en 1205 à la mort de son époux Gautier III de Brienne. Le comté de Lecce fut toutefois restitué à ses descendants, la maison de Brienne. Une autre fille, Constance, épousa le doge de Venise, Pietro Ziani.
Notes et références
- Chalandon 1907, p. 182-183.
- Chalandon 1907, p. 235.
- Chalandon 1907, p. 275-279.
- Chalandon 1907, p. 282.
- Chalandon 1907, p. 396.
- René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem - II. 1131-1187 L'équilibre, Paris, Perrin, (réimpr. 2006), 1013 p., p. 586-8.
- Pierre Aubé, Baudouin IV de Jérusalem, le roi lépreux, Hachette, coll. « Pluriel », (réimpr. 1996), 498 p. (ISBN 2-01-278807-6), p. 90-1.
- Chalandon 1907, p. 397.
- Chalandon 1907, p. 426.
- Chalandon 1907, p. 405.
- Chalandon 1907, p. 426-427.
- Chalandon 1907, p. 417.
- Chalandon 1907, p. 423.
- Chalandon 1907, p. 428-430.
- Chalandon 1907, p. 435.
- Chalandon 1907, p. 436-437.
- Chalandon 1907, p. 438.
- Chalandon 1907, p. 439.
- Chalandon 1907, p. 440-441.
- Georges-Bernard Depping, Histoire de la Normandie sous le règne de Guillaume-le-Conquérant et de ses successeurs, vol. 2, Édouard Frère, (lire en ligne), p. 263-265.
- Chalandon 1907, p. 442.
- Chalandon 1907, p. 475.
- Lucien Musset, « Huit essais sur l'autorité ducale en Normandie (XIe – XIIe siècles) », Annales de Normandie, vol. 17, no 1,‎ , p. 3–148 (DOI 10.3406/annor.1985.6662, lire en ligne, consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- Ferdinand Chalandon, Histoire de la domination normande en Italie et en Sicile, vol. II, Paris, Picard, (lire en ligne)
- (en) John Julius Norwich, The Kingdom in the Sun, 1130-1194, Londres, Longmans, .
Article connexe
Liens externes
- (en) Tancred King of Sicily sur Medieval Lands
- (de) Tankred von Lecce sur BBKL (texte de Bruno W. Häuptli)
- (en) King Tancred and the End of De Hauteville - Rule in Sicily: Conquest or Collapse?, Roland Potts, School of History, University of Leeds
- (it) Registre des actes de Tancrède