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TĂȘte d'Ife

La tĂȘte d'Ife est l'un des dix-huit objets qui furent dĂ©terrĂ©s en 1938 Ă  Ife, au Nigeria, le centre religieux et l'ancien centre royal des Yorubas. Elle passe pour reprĂ©senter un roi. Elle date probablement du XIIe siĂšcle, avant que les EuropĂ©ens ne soient entrĂ©s en contact avec la population locale. Le rĂ©alisme et le raffinement de ces objets allaient alors Ă  l'encontre des conceptions occidentales de l'art africain. Quelques tĂȘtes d'Ife se sont retrouvĂ©es au British Museum et en AmĂ©rique[1].

TĂȘte d'Ife
TĂȘte d'Ife exposĂ©e au British Museum,dont la fiche est la suivante :
TĂȘte d'Ife exposĂ©e au British Museum,
dont la fiche est la suivante :
Type Sculpture
Dimensions 35 cm de haut, 12,5 cm de large et 15 cm de profond
Matériau Laiton au plomb[1]
MĂ©thode de fabrication Cire perdue
PĂ©riode XIIe siĂšcle
Culture
Date de découverte Janvier 1938
Lieu de découverte Ife
CoordonnĂ©es 7° 28â€Č 20″ nord, 4° 33â€Č 20″ est
Conservation British Museum, Londres
Fiche descriptive 1939.Af34.1
GĂ©olocalisation sur la carte : Nigeria

Description de la tĂȘte du British Museum

La tĂȘte, qui a Ă©tĂ© faite de laiton au plomb (environ 70 % de cuivre, 16,5 % de zinc et 11,3 % de plomb[1]) par moulage Ă  cire perdue, mesure environ les trois quarts d'une tĂȘte rĂ©elle, soit 35 cm de haut. L'artiste l'a conçue dans un style naturaliste. Le visage est couvert de striures, sauf les lĂšvres. La coiffure fait penser Ă  une couronne complexe composĂ©e de diverses couches de billes tubulaires et de glands de cheveux. Cette dĂ©coration est caractĂ©ristique des tĂȘtes d'Ife[2]. La couronne est surmontĂ©e d'une crĂȘte avec une rosette et une « aigrette », qui est maintenant lĂ©gĂšrement penchĂ©e de cĂŽtĂ©. La surface de la couronne porte des traces de peinture rouge et noire. Le rendu trĂšs ressemblant des sculptures mĂ©diĂ©vales d'Ife est exceptionnel dans l'art de l'Afrique subsaharienne ; il a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© au dĂ©but comme la premiĂšre manifestation d'une tradition qui s'est conservĂ©e dans l'art yoruba, l'ancien art bĂ©ninois (en) et d'autres piĂšces. Des fouilles menĂ©es Ă  Igbo-Ukwu en 1959 ont fourni la preuve scientifique d'une culture bien Ă©tablie du travail des mĂ©taux et mis au jour des artĂ©facts de bronze qui remontent peut-ĂȘtre au IXe ou au Xe siĂšcle.

DĂ©couverte et exportation

Les tĂȘtes d'Ife en laiton ou en cuivre dont fait partie celle du British Museum furent dĂ©couvertes par accident Ă  Ife en , lors de la construction d'une maison. La plupart de ces objets et de ceux qui furent trouvĂ©s dans les environs se sont retrouvĂ©s au MusĂ©e national d'Ife, mais quelques piĂšces, qui quittĂšrent le Nigeria, font maintenant partie des collections de grands musĂ©es. La tĂȘte d'Ife du British Museum fut acquise par le rĂ©dacteur en chef du Daily Times of Nigeria (en) et finit entre les mains du National Art Collections Fund[3], qui en fit don au musĂ©e en 1939.

La dĂ©couverte des sculptures incita le gouvernement Ă  restreindre l'exportation d'antiquitĂ©s du Nigeria. Avant qu'il ne l'eĂ»t fait, la tĂȘte parvint Ă  Londres via Paris, et deux autres furent expĂ©diĂ©es en AmĂ©rique. ProvoquĂ© par Leo Frobenius, le dĂ©cret visant Ă  prĂ©venir d'autres exportations fut promulguĂ© par les autoritĂ©s coloniales en 1938. Frobenius est un ethnologue et un archĂ©ologue allemand qui chercha Ă  exporter des tĂȘtes d'Ife[4].

Origine et usage des tĂȘtes d'Ife

Autre tĂȘte d'Ife, plus petite, en bronze

La tĂȘte d'Ife du British Museum passe pour ĂȘtre le portrait d'un « ooni » ou « oni » (roi), et les autres grandes tĂȘtes seraient des portraits de rois ou de courtisans[5]. La sociĂ©tĂ© yoruba sur laquelle il rĂ©gnait s'Ă©tait dĂ©veloppĂ©e en 800. C'Ă©tait une pĂ©riode de prospĂ©ritĂ© pour la civilisation yoruba, qui reposait sur le commerce qu'elle faisait sur le fleuve Niger avec les peuples de l'Afrique de l'Ouest. Ife est considĂ©rĂ©e par le peuple yoruba comme le lieu oĂč ses divinitĂ©s crĂ©Ăšrent l'humanitĂ©[1].

Ces tĂȘtes de bronze et de laiton sont la preuve d'un autre commerce, car il y avait trĂšs peu de cuivre au Nigeria. On pense que le cuivre provenait de l'Europe centrale, du nord-ouest de la Mauritanie, de l'Empire byzantin ou du sud du Maroc.

Les artistes ont pu concevoir ces bronzes sur le modÚle des terres cuites contemporaines[5]. Une longue tradition de sculpture en terre cuite qui présentait des caractéristiques semblables existait avant la création de ces sculptures de métal. L'ivoire était un autre matériau souvent utilisé dans l'art africain.

Quant Ă  leur usage, les grandes tĂȘtes servaient peut-ĂȘtre d'effigies de morts aux cĂ©rĂ©monies funĂ©raires, qui ont encore lieu chez les Yoruba quelque un an aprĂšs l'enterrement rapide des morts imposĂ© par le climat tropical. La majoritĂ© des petits bronzes et des tĂȘtes en terre cuite devaient ĂȘtre produits pour les autels des nombreux sanctuaires d'Ife ou Ă  la mĂ©moire de victimes de sacrifices[5].

Incidence sur l'histoire de l'art

Lorsque les tĂȘtes d'Ife apparurent pour la premiĂšre fois en Occident dans la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle, nombre d'experts les comparĂšrent aux meilleures rĂ©alisations artistiques de la Rome ou de la GrĂšce antique. Lorsque Leo Frobenius dĂ©couvrit le premier spĂ©cimen de ce genre de tĂȘte, ce dernier Ă©branla la comprĂ©hension de la civilisation africaine par l'Occident. Les experts n'arrivaient pas Ă  croire dans l'existence d'une civilisation africaine capable de laisser des artĂ©facts de cette qualitĂ©. Pour tenter d'expliquer ce qui passait pour une anomalie, Frobenius avança la thĂ©orie que ces tĂȘtes avaient Ă©tĂ© moulĂ©es par une colonie grecque fondĂ©e au XIIIe siĂšcle av. J.-C.[6] et que cette derniĂšre pouvait ĂȘtre Ă  l'origine de la vieille lĂ©gende de la civilisation perdue de l'Atlantide, ce que la presse populaire a largement diffusĂ©[7] - [8] - [9].

Les experts occidentaux reconnaissent maintenant que ces statues représentent une tradition africaine indigÚne qui a atteint un niveau inhabituellement élevé de réalisme et de raffinement[1].

Références

  1. (en) « Ife head », dans History of the World in 100 Objects (lire en ligne).
  2. (en) Peter Herrmann, « Bronzes from Ife and Benin », Berlin, (consulté le ).
  3. (en) « Ife head : Brass head of a ruler », sur British Museum (consulté en ).
  4. (en) Folarin Shyllon, « The Nigerian and African Experience in Looting and Trafficking in Cultural Objects », dans Barbara T. Hoffman (directrice), Art and Cultural Heritage : Law, Policy, and Practice, Cambridge, Cambridge University Press, , 562 p. (ISBN 0521857643 et 9780521857642, lire en ligne), p. 138.
  5. (en) Robert Sydney Smith, Kingdoms of the Yoruba, Madison (Wisconsin), University of Wisconsin Press, , 3e Ă©d., 174 p. (ISBN 0-299-11604-2, lire en ligne), p. 25.
  6. (en) Frank Willet, « Ife and Its Archaeology », The Journal of African History, vol. 1, no 2,‎ , p. 231–248.
  7. (de) « Auf den TrĂŒmmern von Atlantis – Leo Frobenius zwischen Forschung und Vision », sur freunde-afrikanischer-kultur.de (consultĂ© le ).
  8. « German Discovers Atlantis in Africa; Leo Frobenius Says Find of Bronze Poseidon Fixes Lost Continent's Place », The New York Times,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  9. C. Hercules Read, « Plato's "Atlantis" rediscovered », Burlington Magazine, vol. 18, no 96,‎ , p. 330–335 (lire en ligne, consultĂ© le ).

Bibliographie

  • (en) John Mack (dir.), Africa, Arts and Cultures, Londres, .
  • (en) Editha Platte, Bronze Head from Ife, British Museum Press, .
  • (en) Frank Willett, The Art of Ife, The University of Glasgow, , CD Rom.
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