Syntaxe du tsez
Le groupe du nom
Les groupes du nom (GN) sâorganisent par dĂ©finition autour dâun substantif, qui peut ĂȘtre un nom, un pronom ou une expression substantivĂ©e telle quâun participe marquĂ© du nominalisateur -Ći, un dĂ©verbal (masdar), ou un adjectif substantivĂ© restrictif (comme en anglais : « the older one », le plus vieux) ; ce dernier porte le suffixe -ni juste derriĂšre le radical de lâadjectif. Ils sont tous flĂ©chis Ă tous les cas.
Comme le tsez est une langue de type « dĂ©terminant en tĂȘte », tous les modificateurs prĂ©cĂšdent le nom principal et sâaccordent avec lui en classe. Lâordre normal (= neutre) des modificateurs est habituellement le suivant :
- clause relative
- pronom possessif non emphatique
- pronom possessif emphatique
- adjectif restrictif
- démonstratif
- numéral / quantificateur
- adjectif non restrictif
Lâordre des Ă©lĂ©ments n° 4, 5 et 6 peut nĂ©anmoins varier.
sideni ÊaÆ-Ä b-iÄi-xosi nesi-s b-aqÊŒËu ĆŸuka-tÊŒa-ni ÊagarĆi un autre village-IN:ESS IPL-ĂȘtre-PRSPRT il-GEN1 IPL-beaucoup de mauvais-DISTR-RESTR parent « ses nombreux parents dĂ©sagrĂ©ables qui vivent dans le prochain village »
Les modificateurs peuvent aussi inclure des groupes du nom obliques, lesquels prennent alors lâun des deux suffixes gĂ©nitifs en fonction du cas du nom principal : -si pour un nom principal Ă lâabsolutif, -zo sâil est Ă un cas oblique. Ainsi :
- ħon-ÆÊŒo-si Êadala (« le fou sur la colline », absolutif)
et
- ħon-ÆÊŒo-zo Êadala-r (« au/vers le fou sur la colline », datif/latif)
Le groupe du verbe
Les groupes du verbe (GV) sont des groupes de mots dont le terme principal est un verbe ou une copule. Les verbes peuvent avoir des transitivités différentes, ce qui a un effet direct sur la distribution des cas pour leurs arguments nominaux.
Les copules
Les copules sont utilisĂ©es en tsez pour mettre en relation le sujet avec un groupe du nom ou avec des adjectifs prĂ©dicatifs, et peuvent dans ces cas ĂȘtre traduits en français par la copule « ĂȘtre ». Le sujet comme le nom prĂ©dicatif est Ă lâabsolutif, et donc non marquĂ©. Si une condition contextuelle est dĂ©crite sous la forme dâun adjectif, lâadjectif requiert un accord de classe IV. Comparez les exemples suivants :
ÊAli-s obiy aħo yoĆ Ali-GEN1 pĂšre berger ĂȘtre:PRS "Le pĂšre dâAli est berger."
et
ciq-qo r-oÄÊŒiy zow-si forĂȘt-POSS:ESS IV-froid ĂȘtre-PSTWIT "Il faisait froid dans la forĂȘt." - NB: PSTWIT = passĂ© attestĂ©.
Les verbes intransitifs
Lâargument unique des verbes intransitifs est Ă lâabsolutif (non marquĂ©). Le verbe sâaccorde avec le nom en classe.
- Exemple : is b-exu-s ("le taureau est mort").
Les verbes monotransitifs
Les verbes monotransitifs sont des verbes qui prennent deux arguments. Le tsez Ă©tant une langue ergative, le sujet, ou plus prĂ©cisĂ©ment lâagent, requiert le cas ergatif, tandis que lâobjet direct (ou le patient) requiert le cas absolutif. Lâobjet direct dâun verbe transitif est donc marquĂ© de la mĂȘme façon que le sujet dâun verbe intransitif. LĂ encore, le verbe sâaccorde en classe avec lâabsolutif (câest-Ă -dire lâobjet direct).
ĆŸekÊŒ-Ä gulu b-okÊŒ-si homme-ERG cheval:ABS III-frapper-PSTWIT "Lâhomme frappa le cheval."
Les deux arguments (lâagent comme le patient) peuvent ĂȘtre omis sâils sont clairement sous-entendus Ă partir du contexte.
Les verbes ditransitifs
Les verbes ditransitifs sont des verbes qui requiĂšrent trois arguments : un sujet (ou agent), un objet direct (ou patient, parfois aussi appelĂ© thĂšme) et un objet indirect (ou rĂ©cipiendaire). En français, donner et prĂȘter sont des verbes typiquement ditransitifs. En tsez, lâagent se met Ă lâergatif et le patient Ă lâabsolutif. Le cas du rĂ©cipiendaire dĂ©pend de la nature sĂ©mantique du transfert de possession ou dâinformation : sâil sâagit dâun transfert permanent (par exemple donner (en cadeau), le rĂ©cipiendaire se met au datif/latif (dĂ©sinence -(e)r), sâil sâagit dâun transfert non permanent (ex. prĂȘter), ou incomplet, le rĂ©cipiendaire se met Ă lâun des cas locatifs. Voici deux exemples illustrant cette distinction :
Transfert permanent :
ÊAl-Ä kidbe-r surat teÆ-si Ali-ERG fille-DAT photo:ABS donner-PSTWIT "Ali a donnĂ© une photo Ă la fille (pour de bon, c.Ă .d. en cadeau)."
Transfert temporaire :
ÊAl-Ä kidbe-qo-r surat teÆ-si Ali-ERG fille-POSS-DAT photo:ABS donner-PSTWIT "Ali a prĂȘtĂ© une photo Ă la fille."
Les propositions affectives
Les propositions affectives ont comme prĂ©dicat, soit un verbe de perception, soit un verbe "psychologique", par exemple : "ĂȘtre ennuyĂ©/ennuyer", "devenir connu (passer Ă la connaissance)", "trouver", "oublier", "dĂ©tester", "entendre", "savoir", "aimer/apprĂ©cier", "regretter (une absence)", "voir", etc. LâexpĂ©rienceur (qui serait le sujet dans la phrase française correspondante) est habituellement au datif, tandis que le stimulus (lâobjet dans la phrase française) se met Ă lâabsolutif.
ÊAli-r PatÊŒi y-eti-x Ali-DAT Fatima:ABS II-aimer-PRS "Ali aime Fatima."
Les propositions potentielles
Les propositions potentielles sont lâĂ©quivalent des propositions françaises qui font intervenir des termes comme "pouvoir" ou "ĂȘtre capable de". En tsez, ceci est exprimĂ© par le suffixe verbal -Ć; le sujet de la proposition se met alors au cas possessif (-q(o)) au lieu de lâergatif, tandis que lâobjet du verbe est Ă lâabsolutif.
kÊŒetÊŒu-q ÉŁËay ħaÆu-Ć-xo chat-POSS:ESS lait:ABS boire-POT-PRS "Le chat peut boire du lait."
La causativisation
Les constructions causatives (faire faire qqch Ă qqn) se forment au moyen du suffixe causatif -r. Celui-ci augmente dâune unitĂ© la valence de tout verbe. Si un verbe ditransitif est formĂ© Ă partir dâun transitif, lâargument, qui est Ă la fois sujet et objet, se met au cas possessif (-q(o)); voir lâexemple ci-dessous (le e devant le suffixe causatif est une voyelle Ă©penthĂ©tique) :
aħ-Ä Äanaqan-qo zey ĆŸekÊŒ-er-si berger-ERG chasseur-POSS:ESS ours:ABS atteindre-CAUS-PSTWIT "Le berger a fait tuer lâours par le chasseur."
Lâordre des mots
Le tsez est une langue oĂč lâĂ©lĂ©ment principal se place Ă la fin : en dehors des postpositions, les modificateurs tels que les propositions relatives, les adjectifs, les gĂ©nitifs, les numĂ©raux, prĂ©cĂšdent toujours la proposition principale. Lâordre normal Ă lâintĂ©rieur des propositions comportant plus dâun modificateur est le suivant :
- Agent/ExpĂ©rienceur â RĂ©cipiendaire â Patient â Locatif â Instrument
Lâordre peut ĂȘtre modifiĂ© pour insister sur un groupe du nom particulier.
Bien que dâune façon gĂ©nĂ©rale, lâordre des mots sous-jacent soit de type SOV (sujet â objet â verbe), le prĂ©dicat a tendance Ă se trouver au milieu de la phrase plutĂŽt quâĂ la fin. Cet ordre des mots semble se gĂ©nĂ©raliser dans le discours quotidien. Dans un contexte narratif, lâordre VSO est parfois utilisĂ© Ă©galement.
La phrase interrogative
On utilise le suffixe interrogatif -Ä (-yÄ aprĂšs une voyelle) pour marquer des questions binaires (oui/non). Il se place sur le terme sur lequel porte la question : The interrogative suffix -Ä (-yÄ after vowels) is used to mark yes/no-questions. It is added to the word focused by the question:
kÊŒetÊŒu ÉŁËutk-Ä yoĆ-Ä? chat:ABS maison-IN:ESS ĂȘtre:PRS-INT "Est-ce que le chat est dans la maison ?"
kÊŒetÊŒu-yÄ ÉŁËutk-Ä yoĆ? chat:ABS-INT maison-IN:ESS ĂȘtre:PRS "Est-ce le chat qui est dans la maison ?"
kÊŒetÊŒu ÉŁËutk-Ä-yÄ yoĆ? chat:ABS maison-IN:ESS-INT ĂȘtre:PRS "Est-ce dans la maison que se trouve le chat ?"
La négation
La particule nĂ©gative Änu suit le constituant mis au nĂ©gatif ; si câest la phrase entiĂšre qui doit ĂȘtre mise au nĂ©gatif, on utilise des suffixes verbaux (voir Morphologie du tsez, qui dĂ©taille Ă©galement le cas de lâimpĂ©ratif, du prohibitif et de lâoptatif).
La coordination
La coordination des propositions (telle quâelle peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e en français par la conjonction "et") est peu courante en tsez. Les groupes du nom sont coordonnĂ©s par lâadjonction du suffixe -n (aprĂšs voyelle) ou -no (aprĂšs consonne) Ă tous les Ă©lĂ©ments de lâĂ©numĂ©ration ; ainsi "la poule et le coq" sera onuÄu-n mamalay-no. Dans les phrases conditionnelles, la conjonction "alors" peut ĂȘtre exprimĂ©e par le mot yoĆi:
tatanu ÉŁudi r-oq-si yoĆi eli ker-ÄÉŁor esanad-a b-ikÊŒ-a zow-si chaud jour:ABS IV-devenir-PSTWIT COND 1PL:ABS riviĂšre-IN:ALL se baigner-INF IPL-aller-INF ĂȘtre-PSTWIT "Sâil sâĂ©tait mis Ă faire chaud, (alors) nous serions allĂ©s nous baigner dans la riviĂšre."
La subordination
Propositions relatives
Tout argument ou complĂ©ment dâune phrase peut devenir lâĂ©lĂ©ment principal dâune proposition relative, mĂȘme les objets indirects et les adverbiaux. Le prĂ©dicat dâune telle proposition est toujours un participe, et la construction relative prĂ©cĂšde le substantif principal. Les constituants peuvent aussi ĂȘtre empruntĂ©s Ă des propositions enchĂąssĂ©es. Toutefois, il nâest pas possible dâĂ©lever, dans une phrase possessive, le possesseur Ă la position principale dâune construction relative.
Les exemples qui suivent montrent comment les diffĂ©rents arguments (exemples 2, 3 et 4) et un complĂ©ment adverbial (exemple 5) sont relativisĂ©s Ă partir de la phrase de base de lâexemple 1 :
Exemple 1 (standard):
uĆŸ-Ä kidb-er gagali teÆ-si/teÆ-xo garçon-ERG fille-DAT fleur:ABS donner-PSTWIT/donner-PRS "Le garçon a donnĂ©/donne une fleur Ă la fille."
Exemple 2 (relativisation de lâagent):
kidb-er gagali tÄÆ-ru/teÆ-xosi uĆŸi fille-DAT fleur:ABS donner-PSTPRT/donner-PRSPRT garçon:ABS "le garçon qui a donnĂ©/donne une fleur Ă la fille"
Exemple 3 (relativisation du patient):
uĆŸ-Ä kidb-er tÄÆ-ru/teÆ-xosi gagali garçon-ERG fille-DAT donner-PSTPRT/donner-PRSPRT fleur:ABS "la fleur que le garçon a donnĂ©e/donne Ă la fille"
Exemple 4 (relativisation du récipiendaire):
uĆŸ-Ä gagali tÄÆ-ru/teÆ-xosi kid garçon-ERG fleur:ABS donner-PSTPRT/donner-PRSPRT fille:ABS "la fille Ă qui le garçon a donnĂ©/donne la fleur"
Exemple 5 (relativisation du complément):
uĆŸ-Ä kidb-er gagali tÄÆ-ru/teÆ-xosi ÉŁudi garçon-ERG fille-DAT fleur:ABS donner-PSTPRT/donner-PRSPRT jour:ABS "le jour oĂč le garçon a donnĂ©/donne la fleur Ă la fille"
Propositions adverbiales
Il existe plusieurs sortes de propositions adverbiales.
Les propositions adverbiales temporelles sont celles qui dĂ©crivent une sĂ©quence chronologique de deux actions, comme en français Avant quâil ne commence Ă pleuvoir, nous Ă©tions rentrĂ©s Ă la maison. ou Nous parlions tout en marchant. En tsez, cette relation est marquĂ©e par des suffixes verbaux qui transforment lâun des verbes en coverbe. Voir le tableau des suffixes de coverbes dans la section Formes non conjuguĂ©es de lâarticle Morphologie du tsez.
Les propositions adverbiales locales utilisent des coverbes locatifs, qui sont Ă©galement formĂ©s par ajout dâun suffixe au verbe. Ce suffixe est -z-Ä-, et la voyelle prĂ©cĂ©dant la derniĂšre consonne du verbe lui-mĂȘme est allongĂ©e en Ä. Ce coverbe constitue le terme principal du groupe de mots local et peut donc recevoir un suffixe locatif normalement rĂ©servĂ© aux noms.
Les propositions adverbiales causales, qui en français sont habituellement exprimĂ©es Ă lâaide de parce que, comme, puisque, etc. prennent le suffixe coverbal -xoy, -za-ÆÊŒ ou -za-q.
Il y a dâautres sortes de propositions adverviales : voir la section indiquĂ©e de Morphologie du tsez.
Propositions infinitives
Les verbes modaux, les verbes composĂ©s, les verbes de dĂ©placement et les verbes « psychologiques » peuvent tous ĂȘtre accompagnĂ©s par un verbe Ă lâinfinitif. Les dĂ©verbaux ou masdars (formĂ©s avec le suffixe -(a)ni) peuvent ĂȘtre utilisĂ©s Ă la place dâun infinitif ; ils expriment plus fortement le but. Ces dĂ©verbaux apparaissent Ă©galement avec des verbes « psychologiques » tels que avoir peur de et se mettent alors habituellement au cas possessif (dĂ©sinence -q).
Propositions complétives
Lorsquâune proposition est utilisĂ©e Ă la place dâun nom, comme dans Le pĂšre savait [que le garçon voulait du pain] , on peut attacher le suffixe optionnel de substantivation -Ći au prĂ©dicat de la proposition enchĂąssĂ©e. La proposition relĂšve alors de la classe nominale IV :
obi-r [uĆŸi-r magalu b-Äti-ru-Ći] r-iy-si pĂšre-DAT [garçon-DAT pain:ABS III-vouloir-PSTPRT-NMLZ] IV-savoir-PSTWIT "Le pĂšre savait [que le garçon voulait du pain]."
Discours rapporté
Lorsquâun verbe de communication comme dire, demander, crier introduit un discours rapportĂ©, le propos rapportĂ© est suivi de la particule clitique de citation Æin, qui est suffixĂ©e aux verbes et reste isolĂ©e dans tous les autres cas. Il faut remarquer que le point de vue et le temps du propos originel sont conservĂ©s, de sorte que la seule diffĂ©rence entre le style direct et indirect est la prĂ©sence de la particule Æin. Exemple :
ÊAl-Ä dÄ-q quno ocÊŒcÊŒino qÊŒËano Æeb yoĆ-Æin eÆi-s Ali-ERG 1SG-POSS:ESS vingt dix deux annĂ©es:ABS ĂȘtre:PRS-QUOT dire-PSTWIT "Ali a dit quâil avait 32 ans."
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Tsez language » (voir la liste des auteurs).