Swing state
Dans le contexte de l'élection présidentielle aux États-Unis, un swing state, également appelé État-charnière, État pivot[1] ou État clé[2], est un État des États-Unis au vote indécis et qui peut donc changer de camp, d'un scrutin à l'autre, entre les deux partis dominants et faire basculer le résultat du vote final.
Les Swing States sont des États où aucun des deux grands partis américains, le Parti démocrate et le Parti républicain, ne gagne systématiquement. Ils balancent d'un côté ou l'autre, selon l'élection.
On oppose les Swing States aux États « rouges et bleus », qui votent régulièrement pour les partis républicain ou démocrate.
Contrairement à un pays comme la France, où la voix de chaque citoyen compte, le fait qu'un candidat obtienne 1 million de voix ou 10 million de voix dans un État qui lui est déjà acquis ne change rien pour lui.
Tout ce qui compte, c'est de savoir si l’État est favorable ou défavorable.
Ainsi, les candidats aux présidentielles américaines jugent inutile de faire campagne dans les États qui leur sont favorables ou hostiles. Les démocrates font très peu campagne à New York ou en Californie ou dans les États qui votent républicains. Les républicains font très peu campagne dans les États républicains comme l'Alabama ou le Missouri ou dans les États qui votent démocrate.
Les Swing States hésitent entre les deux partis, selon les élections.
C'est ici que Républicains et Démocrates ont toutes les chances d'arriver en tête des suffrages exprimés et donc de remporter la totalité de leur collège électoral. La campagne présidentielle a donc tendance à se concentrer sur cette poignée d’États, qui sont souvent la clé de la victoire. Ainsi, en 2020, six États sont considérés comme ceux pouvant basculer les élections et donc monopolisant la campagne électoral. Seuls six autres États ont reçu un meeting de campagne[3].
Origine
Lors des élections présidentielles américaines, chaque État est autorisé à choisir la méthode par laquelle il élit ses grands électeurs qu'il envoie au collège électoral chargé d'élire le président des États-Unis. Selon les États, le nombre de grands électeurs est de 1 pour 188 000 habitants (Wyoming) à 1 pour 670 800 habitants (Californie). À l'exception du Maine et du Nebraska, les quarante-huit autres États américains ont tous opté pour le système dit du winner-takes-all ("le vainqueur prend tout") qui attribue l'ensemble des grands électeurs de l'État au candidat ayant reçu le plus grand nombre de suffrages. Par conséquent, un candidat n'a besoin que d'une majorité relative du « vote populaire » dans un État pour y remporter l'intégralité des grands électeurs[4]. Ainsi, si le candidat A obtient 45 % des voix, le candidat B 40 % et les petits candidats C et D le reste, l'ensemble des grands électeurs élus pour cet État sont des grands électeurs du parti du candidat A.
Au niveau national, le nombre total de grands électeurs obtenus est plus important que le nombre total de suffrages populaires car ce sont les grands électeurs qui élisent le président (par exemple, en 2000, le candidat démocrate battu, Al Gore avait obtenu plus de suffrages populaires que le candidat républicain George W. Bush mais moins de grands électeurs). La campagne d'un candidat tend donc à ignorer les États où il pense arriver en tête facilement dans la mesure où il remportera la totalité des grands électeurs de cet État sans y faire de campagne significative. Tout effort de campagne y est donc inutile. Une logique similaire conduit le candidat à ne pas s'investir dans un État où il est sûr de ne pas arriver en tête. La campagne électorale des candidats a donc tendance à éviter les États où un candidat est sûr d'arriver devant l'autre. Par exemple, un candidat républicain peut s'attendre à remporter facilement le Texas et plusieurs autres États du Sud comme le Mississippi ou la Caroline du Sud, qui possèdent une culture plutôt conservatrice et un historique de vote en faveur des candidats républicains. De façon similaire, il peut s'attendre à perdre l'Illinois, le Vermont, Hawaii, le Massachusetts, la Californie, le New Jersey et l'État de New York, traditionnellement plus libéraux, quelle que soit sa campagne dans ces États[4].
Les partis n'ont pas d'intérêt à dépenser leurs ressources et leur temps de campagne dans des États qui sont sûrs de voter majoritairement pour un candidat en particulier puisque dans ces États, du fait de ce système de vote, cela ne fera pas gagner ou perdre un grand électeur de plus à aucun des deux candidats. Les partis vont donc concentrer leur campagne sur les quelques États pouvant basculer pour l'un ou l'autre des deux candidats principaux : les swing states.
Les effets pernicieux de cette mécanique sont dénoncés, de même que le principe du collège électoral, par le fait que les trois grands états américains que sont la Californie, le Texas et New York sont quasiment ignorés et que l'enjeu soit plus marqué dans des états marginaux avec des prises de positions fortement localisées[4]
Historique
Dès l'élection présidentielle de 1888, les États du Connecticut, de l'Indiana, du New Jersey et de New York sont clés pour remporter le scrutin[5]. Les swing states de l'Illinois[6] et du Texas déterminent le résultat de celle de 1960.
Le statut de swing state peut changer au fil du temps. En 2008, l'Illinois, le Connecticut et New York sont quasiment sûrs d'être remportés par le candidat démocrate, alors que le Texas reviendra certainement au candidat républicain. Lors de l'élection présidentielle de 2000, le résultat de l'élection dépend entièrement de la Floride[7], alors que l'Ohio a une grande importance dans celle de 2004. En 2016, ces deux États sont toujours considérés comme des swing states. Lors de l'élection présidentielle de 2008, le candidat démocrate remporte par surprise l'Indiana, considéré aujourd'hui comme traditionnellement républicain, mais cela ne change en rien le sort de l'élection. En 2016, le candidat républicain doit une nouvelle fois sa victoire à la Floride et à l'Ohio, mais aussi au Wisconsin et à la Pennsylvanie.
En vue de l'élection présidentielle de 2020, les swing states sont[8] par ordre décroissant du nombre de grands électeurs le Texas, la Floride, l'Ohio, la Géorgie, la Caroline du Nord, l'Arizona et l'Iowa. Le , les démocrates lancent un plan de 6 millions de dollars de dépenses de campagne pour tenter de conquérir le Texas[9]. En outre, pour que Donald Trump soit réélu, il faut également qu'il remporte un ou plusieurs des États plutôt favorables à son adversaire : la Pennsylvanie, le Michigan, la Virginie, le Minnesota, le Wisconsin, le Colorado, le Nevada, ou le New Hampshire.
Autres appellations
En anglais, les swing states sont quelquefois aussi surnommés :
- Battleground state (traduction française littérale, non officielle, non utilisée: « État champ de bataille ») ;
- Purple state (traduction française littérale et officielle, utilisable moyennant fourniture des explications ci-après : État violet), car le violet est la combinaison du rouge et du bleu, couleurs symbolisant respectivement les partis républicain et démocrate.
En français, il existe de nombreux autres synonymes et périphrases, détaillés dans la page web de l'Office québécois de la langue française en référence[10], sous le titre "swing states" (à noter que les deux traductions officielles désignées en première phrase de la présente page prennent un -s à chaque mot au pluriel : États charnières, États pivots) :
« Aux États-Unis, l'influence de certains États appelés swing states peut être déterminante dans l'issue d'une campagne présidentielle.
Nos voisins les désignent également sous le nom de battleground states, key states ou, plus ironiquement, purple states, des « États violets », puisqu'ils ne seraient ni bleus et démocrates (blue states), ni rouges et républicains (red states), mais un mélange des deux.
Comment traduire cette réalité : des États, très courtisés, acquis ni à l'un ni à l'autre des deux grands partis, et dont le vote, dans une lutte serrée, pourrait se révéler décisif ?
Même si des médias ont pu se contenter de reprendre l'expression américaine, beaucoup d'autres, en revanche, ont tenté de trouver un équivalent.
Si les plus fréquemment utilisés sont :
- États clés, États indécis ou États incertains,
on en trouve d'autres, tout aussi intéressants :
- États cruciaux, États disputés, États décisifs
ou encore :
- États en balance, États charnières, États pivots.
Et c'est sans compter le recours à des périphrases du type :
- ces États où va se jouer l'issue de l'élection
- ces États dont le vote sera déterminant dans la course à la présidence
- ces États jugés décisifs pour la présidentielle
- ces États qui sont susceptibles de faire basculer le vote
- etc. . »
Références
- http://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha-fra.html?lang=fra&i=&index=ent&__index=ent&srchtxt=swing+state&comencsrch.x=0&comencsrch.y=0&comencsrch=Lancer%7C swing state / battleground state / purple state : État-charnière (terme publié au Journal officiel de la République française par la Commission générale de terminologie et de néologie), État pivot, État pourpre (Termium, consulté le 10 avril 2015).
- « État clé », Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française (consulté le ).
- (en) « 2024 could be the last ‘battleground-state’ presidential election », sur The Hill,
- Michel Rosenfeld, « Bush contre Gore : trois mauvais coups portés à la Constitution, à la Cour et à la Démocratie », Cahiers du Conseil Constitutionnel, no 13,‎ (lire en ligne)
- « 1888 Overview », Harper's Weekly (consulté le )
- David Rosenbaum, « Daley Remembered as Last of the Big-City Bosses », The New York Times, (consulté le )
- « How we got here: A timeline of the Florida recount », CNN, (consulté le )
- (en-GB) « Biden vs Trump: US presidential election poll tracker », sur ig.ft.com (consulté le )
- « Biden investit 6 millions de dollars au Texas, c'est inédit et ça veut dire beaucoup », sur Le HuffPost, (consulté le )
- https://www.oqlf.gouv.qc.ca/ressources/bibliotheque/dictionnaires/20100920_elections.html%7C Bibliothèque virtuelle - Les mots de la politique - Liste des mots traités : agenda caché - agenda politique - blâme (motion, vote de ~) - bleu ou rouge - cabinet fantôme - candidat-vedette - censure (motion, vote de ~) - challenger ou challengeur - chef du parti - chefferie - conseiller en image - convention - coude-à -coude - débatteur - défiance (motion, vote de ~) - dernier droit de la campagne - direction du parti - élection - élire - faire sortir le vote - faiseur d'image - investiture - lac-à -l'épaule - leadership - livrer la marchandise - membership - ministrable - mode électoral (en ~) - momentum - nez à nez - non-confiance (motion, vote de ~) - partis politiques et partisans - plate(-)forme et programme - post-mortem - premier-ministrable - rouge - spin doctor - swing states - war room. (Office québécois de la langue française, page consultée le 10 avril 2015)