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Surcompensation et sous-compensation démographique

L'homme s'intéresse depuis longtemps à l'évolution démographique des populations. En effet, les populations répondent à des dynamiques avec des phénomÚnes de sous-compensation et de surcompensation démographique. Comprendre cette dynamique a une utilité pour beaucoup d'applications tels que l'écologie, la gestion, la conservation... Pour cela, il est fait appel à des modÚles.

Selon Darwin une population ne peut pas croßtre de façon exponentielle indéfiniment comme prévu par Malthus. Il faudra attendre le modÚle de Verhulst pour prendre en compte la limitation des ressources. La population sera limitée et régulée autour d'une densité à l'équilibre (K, la capacité biotique) par sa capacité à réduire la densité lorsque celle-ci dépasse un certain seuil et au contraire à l'accroßtre quand elle se situe en-dessous. On peut expliquer les phénomÚnes de densité dépendance par la limitation en nourriture, en eau, en espace, l'augmentation de la prédation et de la compétition, le manque de refuge, l'entraide, la coopération, la facilitation, etc.

ModĂšles

ModÚle de Malthus, dynamique des populations densité indépendante

Thomas Robert Malthus (1766-1834), un Ă©conomiste britannique, proposa un modĂšle en 1798 afin de dĂ©crire la dynamique des populations. Son modĂšle prĂ©voit que la croissance de la population dĂ©pend seulement de l’environnement, et pas de la densitĂ© de la population. Cela est traduit par l’équation suivante :

N(t+1) = RN(t) + N(t)

avec :

N(t) : la densité de la population à un temps t

N(t+1) : la densité de la population au temps t+1

R le taux intrinsùque d’accroissement de la population

R = taux de natalitĂ© – taux de mortalitĂ©

Ce modĂšle prĂ©dit qu’une population croĂźt de façon exponentielle si R>0 (et dĂ©croĂźt de façon exponentielle si R<0).

La solution de cette Ă©quation est :

N(t) = λt . N0

Avec λ = R+1

C’est donc bien une dynamique densitĂ© indĂ©pendante car λ est indĂ©pendant de N.

Remarque :

En temps continu, cette Ă©quation devient :

avec :

r = le taux d’accroissement de la population

La solution est :

N(t) = N0.ert

Limites du modĂšle :

Le modÚle ne prend pas en compte les interactions avec le milieu, les interactions entre les individus de la population, et la capacité du milieu à soutenir une croissance exponentielle.

Ce modÚle pourrait convenir pour des populations isolées de bactéries sur un intervalle de temps court, mais ne convient pas pour des populations interagissant avec leur environnement biotique et abiotique.

ModÚle de Verhulst, dynamique densité dépendante

Pierre François Verhulst (1804-1849) proposa un nouveau modĂšle en 1838 en s’inspirant de celui de Malthus. Ce modĂšle prend en compte la compĂ©tition pour les ressources entre les individus de la population.

Il existe deux types de compétitions intraspécifiques : la compétition symétrique et la compétition asymétrique.

  • La compĂ©tition asymĂ©trique est la plus frĂ©quente ; elle concerne les populations hiĂ©rarchisĂ©es, avec des individus dominants. On dit qu’il y a une compĂ©tition de type contest.
  • La compĂ©tition symĂ©trique concerne les populations sans individus dominants (par exemple des herbivores). La ressource est accessible de façon Ă©gale entre les concurrents de sorte que la quantitĂ© de nourriture par individu dĂ©cline avec l'augmentation de la densitĂ© de la population. La compĂ©tition est alors de type scramble.

Ainsi pour Verhulst, au-delĂ  d’une certaine densitĂ© de la population, des facteurs environnementaux (limitation des ressources, limitation de l’espace disponible
) freinent la croissance de cette population. Le taux d’accroissement de la population (R) n’est donc plus le mĂȘme quelle que soit la taille de la population, au contraire il en dĂ©pend. La dynamique de la population est donc densitĂ© dĂ©pendante :

  • Les populations de petites tailles auraient tendance Ă  croĂźtre.
  • Plus les populations seraient de densitĂ© importante, plus leur taux de mortalitĂ© augmenterait.

L’équation correspondant au modĂšle de Verhulst est : La capacitĂ© de charge du milieu K est introduit. Ainsi pour N>K la population dĂ©croĂźt, et pour N<K la population croĂźt.

La solution de l’équation est : N(t) =

Le taux d’accroissement de la population dĂ©croĂźt quand la densitĂ© de la population augmente (les individus commencent Ă  entrer en compĂ©tition pour les ressources). Pour des densitĂ©s initiales trĂšs fortes, le taux d’accroissement devient mĂȘme nĂ©gatif : la densitĂ© de la population dĂ©croĂźt. Ces phĂ©nomĂšnes sont la sous-compensation et la surcompensation dĂ©mographique.

Sous-compensation et surcompensation

Une population est dite densitĂ© dĂ©pendante quand la densitĂ© de cette derniĂšre a un impact sur son taux de croissance. On parle de densitĂ© dĂ©pendance nĂ©gative lorsque l’augmentation de la densitĂ© initiale d’une population engendre une diminution de son taux de croissance et a donc un impact nĂ©gatif sur la reproduction et la survie de celle-ci. En effet, l’augmentation de la densitĂ© peut avoir un impact sur l’augmentation de la prĂ©dation, du parasitisme et de la compĂ©tition c’est-Ă -dire l’augmentation des conflits pour l’accĂšs aux ressources telles que la nourriture, le territoire, partenaires sexuels


Les interactions entre les membres d’un groupe ne sont pas toujours nĂ©gatives. Dans beaucoup de cas la coopĂ©ration (chasse en groupe, construction de niches, 
) ou la facilitation aboutissent Ă  des interactions positives entre les membres de la population. La densitĂ© dĂ©pendance positive a lieu quand le taux d’accroissement ainsi que la densitĂ© augmentent. A de faibles effectifs de population on parle Ă©galement d'effet Allee en rĂ©fĂ©rence au premier Ă©cologiste ayant Ă©tudiĂ© ce phĂ©nomĂšne. De plus il est nĂ©cessaire de prĂ©ciser que cet effet ne s'opĂšre qu'Ă  effectif restreint.

Il est important de noter qu’un facteur peut-ĂȘtre densitĂ© dĂ©pendant pour une faible densitĂ© et ne pas l’ĂȘtre pour une densitĂ© plus importante et inversement.

Prenons l’exemple de la compĂ©tition intraspĂ©cifique : Ă  faible densitĂ© les individus n’interfĂ©reront pas les uns avec les autres (on parlera de densitĂ© indĂ©pendance), mais si la densitĂ© augmente les ressources se faisant plus rares, engendreront l'apparition d’une densitĂ© dĂ©pendance nĂ©gative.

En 1953, F. Neave dĂ©finit comme compensatoire un mĂ©canisme oĂč la mortalitĂ© varie dans le mĂȘme sens que la densitĂ©. On dĂ©finit alors la sous-compensation comme tout phĂ©nomĂšne densitĂ© dĂ©pendant pour lequel malgrĂ© une augmentation du taux de mortalitĂ© (ou une diminution du taux de natalitĂ© ou de croissance), l’augmentation de la densitĂ© initiale mĂšne Ă  une (lĂ©gĂšre) augmentation de la densitĂ© finale. A contrario, la surcompensation est un phĂ©nomĂšne densitĂ© dĂ©pendant si important, que des augmentations initiales de la densitĂ© engendrent Ă  terme des diminutions de la densitĂ© de la population.

On peut donc dĂ©finir la surcompensation comme un phĂ©nomĂšne densitĂ© dĂ©pendance nĂ©gative oĂč la densitĂ© finale diminue alors que la densitĂ© initiale augmente, cela s'explique par un taux de mortalitĂ© qui augmente Ă©galement ; de la mĂȘme maniĂšre, la sous-compensation quant Ă  elle voit son taux de mortalitĂ© augmenter avec la densitĂ© initiale mais la survie reste constante.

Afin d’illustrer ces phĂ©nomĂšnes prenons l’exemple des Ɠufs de charançon (Trobolium confusium), un insecte qui pond Ă  l’intĂ©rieur des grains de cĂ©rĂ©ales ravageant les cultures cĂ©rĂ©aliĂšres. On place dans diffĂ©rents tubes des nombres distincts d’Ɠufs de charançon, avec des quantitĂ©s identiques de nourriture dans chaque tube. On Ă©value les taux de survie et la densitĂ© d’individus survivants dans chaque tube Ă  la fin de leur dĂ©veloppement en fonction de la densitĂ© initiale d’Ɠufs.

Pour des densitĂ©s initiales faibles d’Ɠufs, les ressources Ă©tant suffisantes pour le bon dĂ©veloppement de tous les Ɠufs, le taux de mortalitĂ© restĂ© constant dans les diffĂ©rents tubes, autrement dit le nombre d’individus morts et le nombre d’individus survivants varient linĂ©airement avec l’augmentation de l’effectif initiale. Nous sommes donc dans le cas d’un taux de mortalitĂ© densitĂ© indĂ©pendant, ce qui correspond Ă  la partie 1 des courbes.

Mais vient un moment ou le taux de mortalitĂ© va devenir densitĂ© dĂ©pendant, effectivement Ă  partir d’une certaine densitĂ©, que l’on qualifiera d’ « intermĂ©diaire », le taux de mortalitĂ© se met Ă  augmenter avec la densitĂ© (dĂ» Ă  une accĂ©lĂ©ration du nombre de morts) avec la densitĂ© initiale, on parle de densitĂ© dĂ©pendance nĂ©gative, le nombre de survivant quant Ă  lui tend au plafonnement. Ceci correspond Ă  la seconde partie des courbes, c’est la sous-compensation dĂ©mographique (due Ă  la compĂ©titivitĂ© pour les ressources).

Pour de trÚs forte densités, on note un renforcement de la densité dépendance négative sur la mortalité, mais contrairement au densité intermédiaire, le nombre de survivant diminue et la densité finale chute lourdement. On parle alors de surcompensation démographique.

Conséquences et solutions préventives

Conséquences théoriques

Au sein d'une forĂȘt, les populations vĂ©gĂ©tales sont soumises Ă  2 types de compĂ©tition intraspĂ©cifique qui constitue la thĂ©orie d'autocontrĂŽle des populations, dĂ©veloppĂ©e par Verhulst :

  • « Scramble competition Â» ou compĂ©tition par mĂȘlĂ©e, dite symĂ©trique.
  • « Contest competition Â» ou compĂ©tition par concours, dite asymĂ©trique.

Mais à ses mécanismes de compétition s'ajoute l'activité humaine. En effet, les prélÚvements réalisés par l'Homme sans une bonne gestion peuvent engendrer de gros impacts sur les densités de populations. Pour minimiser son impact, l'Homme peut utiliser les phénomÚnes compensatoires afin de :

  • maintenir les densitĂ©s de population Ă  l'Ă©quilibre
  • maximiser son rendement
  • maximiser les bĂ©nĂ©fices Ă©conomiques

On appelle ce point d'Ă©quilibre le MSY ou Maximum Sustainable Yield (rendement Ă  l'Ă©quilibre maximal).

Gestion des populations sauvages

Les limites de ce modĂšle mathĂ©matique sont rĂ©elles, nous nous appuierons sur l'exemple de l'exploitation du bois de rose sur l'Ăźle de Madagascar, qui est actuellement hors gestion. La demande croissante du marchĂ© chinois concernant ce bois a explosĂ© et a un impact dramatique sur les conditions d'exploitation de la forĂȘt malgache. Une mafia s'est mise en place, exploitants les populations locales trĂšs pauvres et en gĂ©nĂ©ralisant les prĂ©lĂšvements de bois de rose dans les zones protĂ©gĂ©es de l'Ăźle. Les ressources sont communes mais les bĂ©nĂ©fices (gains-coĂ»ts) sont personnels, c'est un cas dit de tragĂ©die des communs[1] qui dĂ©crit la compĂ©tition inĂ©vitable pour l'accession Ă  une ressource limitĂ©e, engendrant finalement un Ă©puisement de la ressource par surexploitation et un statut « perdant » pour les deux parties concernĂ©es.

À long terme cette exploitation, non gĂ©rĂ©e, conduit Ă  la disparition de la ressource, ce qui pourrait ĂȘtre Ă©vitĂ© par l'utilisation de La thĂ©orie des jeux qui consiste Ă  prĂ©voir de façon mathĂ©matique une stratĂ©gie optimale pour tous les partis concernĂ©s[2].

Ce phénomÚne est amplifié par les pressions économiques des marchés financiers, plus la ressource se raréfie, plus son prix augmente. Les phénomÚnes de compensation démographique deviennent impuissantes à maintenir une densité de population à un équilibre dit stable. La solution serait de passer d'un comportement égoïste à un comportement de groupe, comme le décrit l'équilibre de Nash (1950), situation dans laquelle les bénéfices de l'action commune sont plus importants que les bénéfices d'actions solitaires.

Gestion des populations cultivées

On a observé qu'à partir d'un certain seuil, malgré un nombre croissant de graines semées, la productivité n'augmentait plus, autrement dit le rendement devenait indépendant de la densité. La biomasse augmentait de telle façon que les individus entraient en compétition, que les conditions devenaient moins propices au développement des générations suivantes et que le rendement finissait par baisser, c'est ce qu'on appelle la loi de rendement final constant. Plus d'individus signifie aussi moins de risque d'un faible rendement en cas de maladies ou d'attaques de ravageurs de cultures mais la productivité n'atteignait pas les espérances escomptées. C'est le bilan fait à la suite des cultures dites intensives et non durables.

On peut voir qu'une bonne politique de gestion peut engendrer de bons rendements et donc des bénéfices importants et cela sur le long terme contrairement à une exploitation en libre service qui mÚne à plus ou moins longue échéance à l'épuisement de la ressource.

Pour cela, les quotas de prélÚvement sont prédits mathématiquement afin d'atteindre le MSY (expliqué précédemment) et ainsi minimiser l'impact de l'Homme en adaptant l'effort et maximiser les bénéfices sur le long terme, grùce à l'équation :

B(E) = pY - cE

Avec :

B : le bénéfice

p : le prix

Y : les captures

c : le coût pour 1 unité d'effort

Le but étant de diminuer l'effort afin de maximiser les bénéfices et de le faire tendre vers E(MEY) qui est l'effort pour maximiser le champ économique signifiant le passage de l'égoïsme à une gestion de groupe.

Un exemple de gestion durable : l'exploitation forestiÚre française.

Notes et références

  1. Garrett Hardin, Science, The Tragedy of the Commons, 1968)
  2. John von Neumann, Theory of Games and Economic Behavior, 1944, jstor

Bibliographie

  • (en) L. Scott Mills, 2013, Conservation of wildlife populations : demography, Genetics, and Management- Second Edition Wiley-Blackwell. Chap 7 p. 126-141.
  • (en) Robert E. Ricklefs, Gary L. Miller, Écologie
  • de Roos A.M., T. van Kooten, T. Schellekens, K. van de Wolfshaar, D. Claessen and Lennart Persson 2007, Food- dependent growth leads to overcompensation in stage-speciïŹc biomass when mortality increases : the inïŹ‚uence of maturation versus reproduction regulation, AMERICAN NATURALIST, vol 170(3)
  • (en) M. Buckley Y, L. Hinz H, Matthies D, Rees M. July 2001, Interactions between density-dependent processes, population dynamics and control of an invasive plant species, Tripleurospermum perforatum, ECOLOGY LETTERS, vol. 4, Issue 6, p. 551–558
  • Raven, Johnson, Mason, Losos, Singer 2011, Sciences du vivant. de boeck 2nde Ă©dition, chap. 59 p. 1246-1247

Liens externes

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