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Statue de Louis XIII

La statue de Louis XIII est une sculpture en marbre de Guillaume Berthelot. Elle est, grĂące Ă  une quittance rĂ©alisĂ©e par l'artiste et que l'on a conservĂ©e, datĂ©e des environs de 1635[1]. Elle reprĂ©sentait Ă  l’origine le roi Louis XIII en pied, dans la posture de l’imperator. Elle est aujourd’hui conservĂ©e de façon fragmentaire au musĂ©e Sainte-Croix de Poitiers. La statue mesure environ 140 cm de haut en l’état actuel, mais on estime qu’elle aurait pu atteindre 220 Ă  240 cm du temps oĂč elle avait encore ses bras et ses jambes.

Louis XIII
Artiste
Date
ca. 1635
Type
Sculpture
Dimensions (H Ă— L Ă— l)
145 Ă— 75 Ă— 55 cm
Propriétaire
Propriété de la ville de Poitiers
No d’inventaire
947.21.1271
Localisation
Musée Sainte-Croix, Poitiers (France)

L’Ɠuvre dans la carriùre de Guillaume Berthelot

FormĂ© Ă  Rome, oĂč il travaille notamment pour les BorghĂšse[2], Guillaume Berthelot devient l’un des sculpteurs favoris de la reine mĂšre Marie de MĂ©dicis. Le cardinal de Richelieu lui commande dans un premier temps plusieurs statues d'apĂŽtres pour l’église de la Sorbonne Ă  Paris. En 1626, il lui passe commande d’une premiĂšre statue Ă  l’effigie de Louis XIII, reprĂ©sentant le souverain en Mars glorieux, pour orner le chĂąteau de Limours. Il lui demande ensuite de rĂ©aliser deux des statues les plus cĂ©lĂšbres du chĂąteau de Richelieu Ă  l’époque : La RenommĂ©e, une statue en bronze aujourd’hui disparue, et une seconde statue en marbre, Ă  l’effigie de Louis XIII.

Iconographie

Cette sculpture, en marbre blanc finement veinĂ© de gris bleutĂ©, reprĂ©sentait Ă  l’origine le roi Louis XIII en pied. Elle est aujourd'hui conservĂ©e dans un Ă©tat partiel, seuls la tĂȘte et le buste ayant Ă©tĂ© retrouvĂ©s.

Le sculpteur a traitĂ© les volumes en masse, de façon assez dense. Les cheveux, de mĂȘme que la moustache, sont par exemple sculptĂ©s en grosses mĂšches compactes. Les lĂšvres sont assez Ă©paisses et les vertus sur les lambrequins paraissent assez lourdes et vigoureuses.

La tĂȘte du roi est dans un assez mauvais Ă©tat de conservation. Une restauration rĂ©alisĂ©e en 1854 a Ă©tĂ© jugĂ©e de trĂšs mauvaise qualitĂ© et a Ă©tĂ© supprimĂ©e en 2002[3]. Le positionnement de la tĂȘte sur le torse, datant lui aussi de cette restauration, est aujourd'hui jugĂ© peu satisfaisant par les experts[3] et nĂ©cessiterait d’ĂȘtre repensĂ©.

MalgrĂ© ces importantes lacunes, on peut voir que le roi, figurĂ© en empereur conquĂ©rant, porte une cuirasse romaine et est coiffĂ© d’une couronne de laurier.

Le Louis XIII de Berthelot rejette d’un geste un pan de son manteau fleurdelisĂ©, doublĂ© d’hermine, symbole du pouvoir des rois de France, agrafĂ© sur son Ă©paule droite. Il porte Ă©galement autour de son cou l’ordre du Saint-Esprit. La ceinture et la cuirasse sont inspirĂ©es des reprĂ©sentations iconographiques des soldats romains, mais sont ornĂ©es de motifs chrĂ©tiens. Sur les lambrequins se trouvent des Vertus thĂ©ologales et cardinales[3] visant Ă  glorifier le roi et son rĂšgne en incarnant ses qualitĂ©s emblĂ©matiques et son programme politique. On reconnaĂźt notamment la Force, tenant sa couronne, la TempĂ©rance, versant de l’eau dans du vin, la Foi, tenant une croix, l’EspĂ©rance aux mains jointes, la CharitĂ©, allaitant des enfants, la Prudence, tenant un miroir, et la Justice, brandissant une Ă©pĂ©e. La ceinture, elle, est dĂ©corĂ©e des emblĂšmes du roi.

L’emplacement d’origine de la statue, dans une arcade ouverte, explique le grand soin accordĂ© au traitement du dos, car celui-ci Ă©tait visible depuis la cour du chĂąteau. Cette position particuliĂšre permet Ă©galement de mettre en Ă©vidence l’importante torsion du buste du souverain, dynamisĂ© par un contrapposto. Le peintre et archĂ©ologue Georges Bouet remarque de plus que Berthelot a donnĂ© Ă  cette statue beaucoup plus de mouvement qu’on n’en retrouve d’ordinaire dans la statuaire de l'Ă©poque[3].

Cette statue renouvelle ainsi la tradition sculpturale de l’imperator, donnant Ă  l'Ɠuvre une grande impression de vigueur et de puissance. On retrouve dans le traitement du visage, malgrĂ© sa grande dĂ©tĂ©rioration, une certaine chaleur et un rĂ©alisme assez aigu, ainsi que des traits clairement individualisĂ©s[4]. Ce style, assez italianisant, qui s’explique par la formation de Berthelot, correspond pleinement aux goĂ»ts du cardinal, comme le montrent ses nombreuses acquisitions d'Ɠuvres italiennes[5].

Historique de l’Ɠuvre

La commande pour le chĂąteau de Richelieu

Pavillon d'entrée du chùteau de Richelieu, burin de 1650, Le Magnifique chùteau de Richelieu, en général et en particulier, Jean Marot.

Richelieu passe commande de la statue de Louis XIII afin d’orner la niche du pavillon d’entrĂ©e du chĂąteau de Richelieu, surplombant le pont-levis. À l’origine, cette niche devait ĂȘtre occupĂ©e par les statues d’Henri IV et de Marie de MĂ©dicis, rĂ©alisĂ©es par Pierre Biard. NĂ©anmoins, Richelieu n’apprĂ©cie plus le style de cet artiste et se tourne vers Berthelot, dont il prĂ©fĂšre le travail, lui ayant dĂ©jĂ  passĂ© quelques commandes[5]. GrĂące Ă  une quittance rĂ©alisĂ©e par le sculpteur, on sait qu’il travaillait Ă  la rĂ©alisation de cette sculpture en 1635 mais qu’elle n’était pas encore achevĂ©e au mois de novembre. Le cardinal lui commande Ă©galement l’allĂ©gorie de la RenommĂ©e, afin de couronner le dĂŽme surmontant le pavillon d’entrĂ©e.

L’emplacement de la statue du Roi choisi par le cardinal permet d’annoncer le culte de la monarchie dĂšs l’entrĂ©e monumentale[1], ce qui dans les annĂ©es 1630 Ă©tait assez courant pour les membres de l’aristocratie, permettant au propriĂ©taire des lieux d’afficher son dĂ©vouement envers son souverain. De plus, en choisissant de mettre Ă  l’honneur l’image royale dans la façade de son chĂąteau, et en l’associant Ă  ses propres armoiries, gravĂ©es au centre du fronton surmontant la niche royale, Richelieu insiste d’autant plus sur son rĂŽle de serviteur de l’État[5].

DĂšs le dĂ©but du XVIIIe siĂšcle, cette statue avait quittĂ© son emplacement d’origine, ayant Ă©tĂ© dĂ©placĂ©e dans la cour du chĂąteau, au-dessus de l’escalier central[3]. À la suite de la RĂ©volution, Jean-Lambert Tallien fut envoyĂ© par la Convention pour rĂ©cupĂ©rer l’ensemble des biens se trouvant encore dans le chĂąteau de Richelieu[4]. Il souhaitait dans un premier temps retirer la statue de Louis XIII de son emplacement, sans la faire tomber, afin de la conserver et de pouvoir ensuite la revendre. Cependant, la statue fut finalement dĂ©truite, rĂ©pondant Ă  une volontĂ© de supprimer tous les signes de l’Ancien RĂ©gime.

Le devenir de la statue aprÚs la Révolution Française

La statue fut donc tirĂ©e par une corde du haut de son emplacement et brisĂ©e en plusieurs morceaux. Elle gĂźt alors sur le sol de la cour du chĂąteau oĂč elle est abandonnĂ©e, et ce n’est qu’en 1835 que le torse est retrouvĂ©, par Thibaudeau, comme Ă©tant une statue de Louis XIII. En 1844, Charles de ChergĂ© la fait acheter par la SociĂ©tĂ© des Antiquaires de l’Ouest dont il est alors le prĂ©sident. Pour cela, il est aidĂ© d’un financement du Ministre de l’IntĂ©rieur ainsi que de Prosper MĂ©rimĂ©e[1]. La tĂȘte de la statue, quant Ă  elle, a servi de contrepoids Ă  un tournebroche, avant d’ĂȘtre acquise par ChergĂ© auprĂšs d’un antiquaire tourangeau la mĂȘme annĂ©e[5]. Les deux parties furent dans un premier temps dĂ©posĂ©es dans le baptistĂšre Saint-Jean de Poitiers, puis en 1854 les sculpteurs LĂ©cuyer pĂšre et fils entamĂšrent de premiĂšres restaurations. Ils remodelĂšrent en plĂątre plusieurs parties du visage qui avaient Ă©tĂ© abĂźmĂ©es, Ă  savoir le nez, la bouche et le menton, et rĂ©unirent la tĂȘte avec le torse[1]. En 1878, la statue fragmentaire fut placĂ©e Ă  l'Échevinage de Poitiers et le PĂšre de la Croix fut le premier Ă  identifier la signature du sculpteur, placĂ©e dans un pli de son manteau sous la forme de ses initiales “G.B”, comme Ă©tant celle de Berthelot[1].

La statue est aujourd'hui conservée au Musée Sainte-Croix de Poitiers.

C’est aujourd’hui l’un des rares vestiges que l’on conserve du chñteau de Richelieu.

La source d'inspiration majeure de la statue

Gravure de la statue d'Henri IV de Nicolas Cordier

Guillaume Berthelot s’inspire du bronze d’Henri IV rĂ©alisĂ© par Nicolas Cordier Ă  la basilique Saint-Jean du Latran, qu’il avait pu observer lors de son sĂ©jour Ă  Rome entre 1610 et 1618 environ.

Les deux statues ont une attitude gĂ©nĂ©rale assez similaire. Les figures ont notamment le mĂȘme bras levĂ©, et le contrapposto de la statue d’Henri IV peut donner une idĂ©e de ce Ă  quoi la statue de Berthelot devait ressembler Ă  l’origine.

Du fait de ces ressemblances, les historiens de l’art prennent pour appui la statue de Nicolas Cordier pour essayer d’imaginer l’aspect original de la statue de Louis XIII. Ainsi, bien qu'on ignore rĂ©ellement ce que le roi tenait dans son bras droit levĂ©, certains historiens de l’art Ă©mettent l’hypothĂšse qu'il pouvait s'agir d'un sceptre[5]. Ils se basent pour cela sur la statue d'Henri IV du Latran qui en possĂšde un, et justifient alors cette hypothĂšse par la grande similitude de posture entre les deux statues. D’autres historiens de l’art se basent plutĂŽt sur les deux seuls tĂ©moignages contemporains de la statue de Louis XIII, en dĂ©crivant un roi “victorieux”, tenant “une Ă©pĂ©e en main” et menaçant “ses ennemis”[3]. Pour VouhĂ© notamment, cette derniĂšre interprĂ©tation semble ĂȘtre confirmĂ©e par l’importante torsion du buste. Cependant, s’il tenait une Ă©pĂ©e, le Louis XIII de Berthelot aurait eu une attitude beaucoup plus guerriĂšre que la statue de Cordier. On suppose aussi que le motif du trophĂ©e d’armes prĂ©sent aux pieds de la statue d’Henri IV se retrouvait au pied du marbre de Berthelot, oĂč il devait jouer un important rĂŽle de soutien, nĂ©cessaire pour Ă©quilibrer la statue[3].

Comme pour la statue de Louis XIII, Henri IV est reprĂ©sentĂ© en imperator, mais les motifs prĂ©sents sur les lambrequins sont trĂšs diffĂ©rents. Des dieux antiques sont en effet reprĂ©sentĂ©s, Ă  l’inverse des vertus thĂ©ologales et cardinales pour la statue de Louis XIII. Cela peut s’expliquer par une volontĂ© de la part du cardinal de Richelieu d’exalter la figure du Roi TrĂšs ChrĂ©tien et de rĂ©affirmer son rĂŽle de garant de la foi chrĂ©tienne, et ce plus particuliĂšrement dans une pĂ©riode de conflits entre catholiques et protestants[5].  

En outre, la filiation entre les deux sculptures peut s’expliquer par une volontĂ© de relier l’image du souverain Ă  celle de son pĂšre.

Notes et références

  1. Françoise de la Moureyre, « L’histoire du "Louis XIII" sculptĂ© par Bertelot pour le chĂąteau de Richelieu », Bulletin Monumental, vol. 168, no 4,‎ , p. 383-384 (lire en ligne)
  2. GrĂ©gory VouhĂ©, Richelieu Ă  Richelieu : Architecture et dĂ©cors d’un chĂąteau disparu, Silvana Editoriale, (ISBN 978-8836618521), p. 109
  3. GrĂ©gory VouhĂ©, Richelieu Ă  Richelieu : Architecture et dĂ©cors d’un chĂąteau disparu, Silvana Editoriale, (ISBN 978-8836618521), « Le portail d’entrĂ©e », p. 169
  4. François de la Moureyre, Richelieu patron des arts, Paris, Maison des Sciences de l'Homme, , 555 p. (ISBN 978-2735111954), « Bertelot et le chùteau de Richelieu », p. 161-165
  5. Hilliard TODD GOLDFARB (dir.), Richelieu : L’art et le pouvoir, Paris, Quo Vadis, , 421 p. (ISBN 978-9053494080), « La galerie des hommes illustres au Palais-Cardinal, un autoportrait de Richelieu », p. 76

Bibliographie

  • Françoise de la Moureyre, « Bertelot et le chĂąteau de Richelieu », dans Richelieu patron des arts, pp. 161-165, 2009.
  • Françoise de la Moureyre, « L’histoire du ‘’Louis XIII’’ sculptĂ© par Bertelot pour le chĂąteau de Richelieu », dans Bulletin Monumental, tome 168, n°4, 2010, pp. 383-384.
  • Hilliard Todd Goldfarb (dir.),« La galerie des hommes illustres au Palais-Cardinal, un autoportrait de Richelieu », dans Richelieu. L’art et le pouvoir, catalogue d'exposition, 2002, p. 76.
  • Christophe Vital, La LĂ©gende de Richelieu, catalogue d’exposition, Les Lucs-sur-Boulogne, Historial de la VendĂ©e, avril-juillet, 2008.
  • GrĂ©gory VouhĂ©, « Le portail d’entrĂ©e », dans Richelieu Ă  Richelieu. Architecture et dĂ©cors d’un chĂąteau disparu, catalogue d'exposition, Silvana Editoriale, 2011, pp. 109 et 169.
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