Sphinx (1776)
Le Sphinx est un vaisseau à deux ponts portant 64 canons, construit à Brest sur les plans de Ollivier Fils[3] et lancé en 1776[1]. Il relève un navire construit en 1755 et qui vient d'être mis à la casse. Ses dimensions et son armement sont les mêmes que son prédécesseur. Il participe à la guerre d'indépendance des États-Unis, tout particulièrement aux combats de l'escadre de Suffren dans l'océan Indien.
Sphinx | |
Modèle réduit d'un vaisseau de 64 canons des années 1770 du même type que le Sphinx. | |
Type | Vaisseau de ligne |
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Histoire | |
A servi dans | Marine royale française |
Chantier naval | Brest |
Lancement | 1776[1] |
Équipage | |
Équipage | 640 à 650 hommes[N 1] |
Caractéristiques techniques | |
Longueur | 48,7 m[1] |
Maître-bau | 13,2 m |
Tirant d'eau | 6,5 m |
DĂ©placement | 1 200 t |
Propulsion | Voile |
Caractéristiques militaires | |
Armement | 64 canons[3] |
Pavillon | France |
Caractéristiques générales
Le Sphinx est un bâtiment moyennement artillé mis sur cale selon les normes définies dans les années 1730-1740 par les constructeurs français pour obtenir un bon rapport coût/manœuvrabilité/armement afin de pouvoir tenir tête à la marine anglaise qui disposait de beaucoup plus de navires[4]. Il fait partie de la catégorie de vaisseaux dite de « 64 canons » dont le premier exemplaire est lancé en 1735 et qui est suivi par plusieurs dizaines d’autres jusqu’à la fin des années 1770, époque où ils sont définitivement surclassés par les « 74 canons[N 2]. »
Comme pour tous les vaisseaux de guerre français de l’époque, sa coque est en chêne, son gréement en pin, ses voiles et cordages en chanvre[6]. Il est moins puissant que les vaisseaux de 74 canons car outre qu'il emporte moins d'artillerie, celle-ci est aussi pour partie de plus faible calibre, soit :
- 26 canons de 24 livres dans sa première batterie ;
- 28 canons de 12 livres dans sa seconde batterie ;
- 10 canons de 6 livres sur ses gaillards[3].
Cette artillerie correspond à l’armement habituel des 64 canons. Elle est en fer, chaque canon disposant d'une réserve d’à peu près 50 à 60 boulets, sans compter les boulets ramés et les grappes de mitraille[6].
Pour nourrir les centaines d’hommes qui composent son équipage, c’est aussi un gros transporteur qui doit, selon les normes du temps, avoir pour deux à trois mois d'autonomie en eau douce et cinq à six mois pour la nourriture[7]. C'est ainsi qu'il embarque des dizaines de tonnes d’eau, de vin, d’huile, de vinaigre, de farine, de biscuit, de fromage, de viande et de poisson salé, de fruits et de légumes secs, de condiments, et même du bétail sur pied destiné à être abattu au fur et à mesure de la campagne[7].
Histoire
Guerre d'Amérique et campagne d'Inde (1775 - 1783)
Le Sphinx est engagé dans la 1re bataille d’Ouessant, sous les ordres du comte de Soulanges, le [1]. L'armée navale du roi de France est commandée par le lieutenant général Louis Guillouet d'Orvilliers. La flotte britannique est sous les ordres du vice admiral Augustus Keppel. Le Sphinx fait partie de l’escadre bleue, arrière-garde commandée par Louis-Philippe d'Orléans, duc de Chartres.
En 1780, il intègre la grande escadre de Guichen qui part combattre aux Antilles. Le , toujours sous les ordres du comte de Soulanges, il prend part au combat de la Dominique, au large de la Martinique dans les Indes occidentales, qui oppose une nouvelle fois la Royal Navy la Marine royale française. À l'issue de cette campagne, il rentre en France avec le reste de l'escadre.
En 1781, commandé par le vicomte du Chilleau de la Roche qui restera à sa tête pendant toute la campagne, il est intégré à la petite force du bailli de Suffren (5 vaisseaux, 1 frégate, 1 corvette) qui part combattre les Anglais dans l'océan Indien. Le , il est présent à la bataille de Porto Praya (archipel du Cap-Vert) où les Français attaquent par surprise une flotte anglaise supérieure en nombre. À l'issue de ce combat, il prend en remorque l'Annibal, qui a été gravement endommagé. Il stationne ensuite plusieurs semaines au cap de Bonne-Espérance pour y débarquer des renforts avant de passer vers l'île de France où l'escadre arrive le [8].
Entre 1782 et le , le Sphinx est engagé dans les 5 combats menés par Suffren dans le golfe du Bengale et au large de Ceylan. Le , à la bataille de Sadras, près de Madras, il est fortement endommagé en protégeant les transports français[9]. Il participe ensuite aux batailles de Provédien le , de Négapatam le , où il est durement touché et son capitaine blessé[10]. Lors de cette campagne, il s’empare du vaisseau de transport de troupes Raikes le , du sloop Drake (en) le suivant et du Resolution le lendemain[1]. À la bataille de Trinquemalay, le , il secourt et prend en remorque le vaisseau-amiral, le Héros, où Suffren, mal soutenu par le reste de l'escadre, se trouve sous le feu de plusieurs vaisseaux anglais[11]. À Gondelour, dernière bataille de la campagne, le , il affronte successivement les vaisseaux anglais Isis (en) puis Defence sans résultat décisif : les deux flottes se séparent à la nuit. Le , une frégate anglaise vient annoncer que la paix est en train d'être négociée en Europe, ce qui met fin aux opérations[12].
Fin de carrière
Rentré en France en 1784, il est remis à neuf et stationne ensuite dans l'escadre de Rochefort. Sans être très ancien (il a à peine 10 ans d'âge), il est malgré tout déclassé, car la guerre d'Amérique a montré que ce type de navire n'est plus assez puissant et le ministère veut harmoniser les constructions au profit des 74 canons qui sont arrivés à maturité avec les plans Borda et Sané[13]. En 1793, lorsque la guerre reprend avec l'Angleterre, le Sphinx est reclassé en batterie flottante portant 12 canons de 36 livres, 4 obusiers de 16, 6 pierriers et 2 mortiers[1]. Il disparait des listes de la marine en 1802[3].
Notes et références
Notes
- Le ratio habituel, sur tous les types de vaisseau de guerre au XVIIIe siècle est d'en moyenne 10 hommes par canon, quelle que soit la fonction de chacun à bord. L'état-major est en sus. Cet effectif réglementaire peut cependant varier considérablement en cas d'épidémie, de perte au combat, de désertion lors des escales ou de manque de matelots à l'embarquement[2].
- Les 74 canons en sont par ailleurs un prolongement technique apparu neuf ans après le lancement du premier 64 canons, le Borée[5]. Sur la chronologie des lancements et les séries de bâtiments, voir aussi la liste des vaisseaux français.
Références
- « Le Sphinx », sur threedecks.org (consulté le ).
- Acerra et Zysberg 1997, p. 220.
- Ronald Deschênes, « Vaisseaux de ligne français de 1682 à 1780 du troisième rang », sur le site de l'association de généalogie d’Haïti (consulté le ).
- Meyer et Acerra 1994, p. 90-91.
- Acerra et Zysberg 1997, p. 67. Meyer et Acerra 1994, p. 90-91.
- Acerra et Zysberg 1997, p. 107 Ă 119.
- Jacques Gay dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1486-1487 et Jean Meyer dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1031-1034.
- O. Troude, Batailles navales de la France, Volume 2, Paris, 1867, p. 87-92.
- O. Troude, Batailles navales de la France, Volume 2, Paris, 1867, p. 167-173.
- O. Troude, Batailles navales de la France, Volume 2, Paris, 1867, p. 186.
- O. Troude, Batailles navales de la France, Volume 2, Paris, 1867, p. 197-198.
- O. Troude, Batailles navales de la France, Volume 2, Paris, 1867, p. 233.
- Meyer et Acerra 1994, p. 133-143.
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Martine Acerra et André Zysberg, L'essor des marines de guerre européennes : vers 1680-1790, Paris, SEDES, coll. « Regards sur l'histoire » (no 119), , 298 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7181-9515-0, BNF 36697883)
- Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française : des origines à nos jours, Rennes, Ouest-France, , 427 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7373-1129-2, BNF 35734655)
- Guy Le Moing, Les 600 plus grandes batailles navales de l'histoire, Rennes, Marines Ă©ditions, , 619 p. (ISBN 978-2-35743-077-8, BNF 42480097)
- Jean Mascart, La vie et les travaux du chevalier Jean-Charles de Borda, 1733-1799 : épisodes de la vie scientifique au XVIIIe siècle, Paris, Presses de l'université de Paris-Sorbonne, coll. « Bibliothèque de la Revue d'histoire maritime », (1re éd. 1911), 817 p. (ISBN 2-84050-173-2, BNF 37219533, lire en ligne)
- Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'histoire maritime, Paris, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1508 p. (ISBN 2-221-08751-8 et 2-221-09744-0, BNF 38825325)
- Patrick Villiers, La France sur mer : de Louis XIII à Napoléon Ier, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », , 286 p. (ISBN 978-2-8185-0437-6, BNF 44313515)
- Patrick Villiers, Jean-Pierre Duteil et Robert Muchembled (dir.), L'Europe, la mer et les colonies : XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, Hachette supérieur, coll. « Carré Histoire » (no 37), , 255 p. (ISBN 2-01-145196-5, BNF 35864311)
- Rémi Monaque, Une histoire de la marine de guerre française, Paris, éditions Perrin, , 526 p. (ISBN 978-2-262-03715-4)
- Rémi Monaque, Suffren : un destin inachevé, Tallandier, , 494 p. (ISBN 978-2-84734-333-5 et 2-84734-333-4), p. 53-57
- Jean-Michel Roche, Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française de Colbert à nos jours, t. 1, de 1671 à 1870, Toulon, J.-M. Roche, , 527 p. (ISBN 978-2-9525917-0-6, OCLC 165892922, BNF 40090770, lire en ligne)
- Alain Demerliac, La Marine de Louis XVI : nomenclature des navires français de 1774 à 1792, Nice, Omega, , 238 p. (ISBN 2-906381-23-3).
- Onésime Troude, Batailles navales de la France, t. 2, Paris, Challamel aîné, , 469 p. (lire en ligne)
- Georges Lacour-Gayet, La Marine militaire de la France sous le règne de Louis XV, Paris, Honoré Champion éditeur, édition revue et augmentée en 1910 (1re éd. 1902), 581 p. (BNF 37450961, lire en ligne)
- Georges Lacour-Gayet, La marine militaire de France sous le règne de Louis XVI, Paris, éditions Honoré Champion, , 719 p. (BNF 30709972, lire en ligne)
Articles connexes
Liens externes
- French Third Rate ship of the line Le Sphinx (1775), article du site anglophone Three Decks - Warships in the Age of Sail
- Vaisseaux de ligne français de 1682 à 1780, liste tenue par Ronald Deschênes sur le site agh