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Soi (psychologie)

Soi signifie dans l'acception courante la personne, ou l'individu qui se désigne lui-même. C'est en particulier un des piliers de la psychologie analytique : Carl Gustav Jung utilise le terme Soi pour désigner l'archétype de l'entièreté psychique qui distingue une personne au-delà de ce qu'elle perçoit d'abord (cette perception étant le Moi venu de la psychanalyse). La psychologie sociale est également concernée. En psychanalyse post-freudienne, c'est notamment Heinz Kohut qui a théorisé et développé le concept de soi.

Concept de soi en psychologie

Le concept de soi est l'ensemble des connaissances qu'un individu possède à propos de lui-même (image de soi) ainsi que les émotions qui l'accompagnent (estime de soi)[1].

Cet ensemble de connaissances dépend de la manière dont l'individu perçoit l'information. Cette information peut provenir de différentes sources:

  • La conscience rĂ©flexive : Ă  l'âge de 18 mois, un bĂ©bĂ© peut se reconnaĂ®tre dans un miroir : c'est ce qu'on appelle le stade du miroir. Ă€ partir de ce stade, l'individu dĂ©veloppe ce qu'on appelle la conscience rĂ©flexive c'est-Ă -dire la capacitĂ© de se distinguer dans l'environnement comme objet distinct.
  • Les infĂ©rences basĂ©es sur le comportement : un individu peut dĂ©velopper une conception de lui-mĂŞme en infĂ©rant des caractĂ©ristiques individuelles Ă  ses comportements.
  • Les infĂ©rences basĂ©es sur les Ă©motions : il est Ă©galement possible d'infĂ©rer des caractĂ©ristiques de soi aux Ă©motions et aux pensĂ©es propres, et ces infĂ©rences ont gĂ©nĂ©ralement beaucoup plus d'impacts sur la conception de soi que les comportements puisque ces derniers sont, d'une manière gĂ©nĂ©rale, beaucoup plus soumis aux pressions sociales que les Ă©motions.
  • Le soi relationnel ou l'impact de la rĂ©action des autres : les autres peuvent Ă©videmment influencer la conception que l'on a de soi par leurs rĂ©actions et leurs critiques, ce qui peut appeler un comportement qui cherche Ă  correspondre Ă  l'image demandĂ©e (ce qui correspond au principe du faux self de Winnicott).

Il existe d'autres méthodes d'acquisition d'information sur soi comme la comparaison avec les autres.

Le Soi dans la psychologie analytique

L'archétype du Soi selon Carl Gustav Jung

Si le point central représente l'ego, le soi enveloppe à la fois le cercle et le point.

« le Soi est la donnée existant a priori dont naît le Moi. Il préforme en quelque sorte le Moi. Ce n'est pas moi qui me crée moi-même : j'adviens plutôt à moi-même. »[2] Le Soi est un concept limite qui regroupe en un même ensemble le conscient et l'inconscient : inconscient personnel et inconscient collectif. Il traduit l'expérience de la totalité, la capacité de représentation de la totalité, autant que le processus psychique qui va dans le sens d'une conscience englobant de plus en plus d'éléments inconscients. Le Soi intervient dans le processus d'individuation : il en est le moteur, l'organisateur et, dans une certaine mesure, le but.

Le Soi est ainsi l'archétype de la conscience et du Moi. Le rapport du Moi au Soi est décrit par Jung soit comme celui de la Terre tournant autour du Soleil, soit comme celui d'un cercle inclus dans un autre cercle de plus grand diamètre, soit encore comme le fils par rapport au père. Dans ce dernier cas, l'image n'est complète que lorsque l'on considère que le Soi n'advient à la conscience que par un travail de confrontation du Moi avec ses autres archétypes (animus et anima, persona, etc.) , un travail de « décantation » du Moi : le Soi, ou du moins la conscience que l'on acquiert du Soi, est donc aussi, à la fin du processus d'individuation, d'une certaine manière, le fils du Moi (Filius Philosophorum).

En tant que totalité, le Soi est nécessairement paradoxal : toute qualité qui lui est attribuée s'y voit accompagnée de son opposé : seule la capacité de direction de la conscience du Moi permet la différenciation entre les contraires, et révèle donc cet aspect paradoxal du Soi, plus précisément de la conscience que l'on peut en avoir.

Caractéristiques structurelles et dynamiques du Soi

Apparu dès le texte de 1902 (Psychologie et pathologie des phénomènes dits occultes) le terme de Soi ne prend valeur conceptuelle pour Jung que dans les Métamorphoses de 1912. Si ses caractéristiques s'affineront et se compléteront par la suite, l'essentiel de ce concept y figure déjà.

  • D'un point de vue ]topique, le Soi est un ensemble regroupant tous les constituants du psychisme. Il serait donc ainsi synonyme de l'âme.
  • D'un point de vue dynamique, il exprime un double aspect :
    • La tendance des contenus inconscients Ă  parvenir Ă  la conscience, soit sous forme de prise de conscience, soit, quand celle-ci est rendue impossible par l'attitude du Moi, sous forme de symptĂ´mes ou d'inflation du Moi qui s'identifie Ă  la totalitĂ© du psychisme. Jung insiste particulièrement sur les dangers d'une telle inflation qui peut mener jusqu'Ă  l'Ă©clatement des limites du Moi, c'est-Ă -dire Ă  la psychose.
    • La capacitĂ© de compensation de l'inconscient, qui propose au Moi le pendant de son attitude dirigĂ©e. La compensation ne peut jouer que dans la mesure oĂą le rapport du Moi et du Soi est suffisamment diffĂ©renciĂ©. Si le Moi est en Ă©tat d'inflation, s'identifiant au Soi, la compensation s'inverse, et il y a emballement dans le sens de la direction du Moi, ou dans le sens inverse.
  • D'un point de vue gĂ©nĂ©tique, le Soi est Ă  l'origine de la constitution du Moi, première Ă©tape du processus d'individuation. Il est initialement indiffĂ©renciĂ© de l'imago maternelle, mais il est nĂ©anmoins moteur de la diffĂ©renciation. Enfin, Jung dit aussi que “la pensĂ©e est fondĂ©e sur l'autorĂ©vĂ©lation du Soi” (Essai d'interprĂ©tation psychologique du dogme de la trinitĂ© 1940/1948).
  • D'un point de vue structural, le Soi est “la somme et la quintessence de tous les archĂ©types”. Il est donc Ă  la fois l'archĂ©type qui structure tous les autres, et celui qui est structurĂ© par tous : dans la mesure oĂą son rapport au Moi dĂ©termine, par son dynamisme compensateur, son influence organisationnelle dans le psychisme, il peut ainsi ĂŞtre tout aussi bien facteur de regroupement (liaison) que d'Ă©clatement (dĂ©liaison). Facteur de liaison il permet l'union des contraires, et facteur de dĂ©liaison, il permet la diffĂ©renciation : c'est ce double dynamisme qui anime le processus d'individuation.
  • D'un point de vue Ă©pistĂ©mologique, Jung insiste sur le fait que le Soi est un concept limite : « Je reste conscient du fait qu'il est fort possible que, formulant cette hypothèse, nous restions encore prisonnier d'une image […] tout bien pesĂ©, je ne doute pas qu'il s'agisse encore d'une image, mais d'une image telle et si essentielle qu'elle nous englobe et nous contient. » (Dialectique du moi et de l'inconscient 1916/1934) : et plus tard : « dans la mesure oĂą quelque chose de l'inconscient existe, il n'est pas assignable : son existence n'est qu'un pur postulat […] la totalitĂ© n'est empirique que dans ses parties, et seulement dans la mesure oĂą celles-ci sont contenus de la conscience. En consĂ©quence le « soi » n'est qu'un concept limite » (Psychologie et alchimie 1935/1951).
  • Par rapport Ă  la religion, et aux multiples accusations de mysticisme qui ont Ă©tĂ© portĂ©es contre lui, Jung est on ne peut plus clair : “Comme le Christ n'a jamais signifiĂ© pour moi plus que je pouvais comprendre de lui et que cette comprĂ©hension coĂŻncide avec le savoir empirique que j'ai du Soi, je dois reconnaĂ®tre que c'est le Soi que j'ai en tĂŞte lorsque je m'occupe de l'idĂ©e du Christ. Au demeurant, je n'ai pas d'autre accès au Christ que le Soi, et comme je ne connais rien qui soit au-delĂ  du Soi, je m'en tiens Ă  ce concept” (Jung et la croyance religieuse 1956/1957).
  • Par rapport aux concepts Freudiens, le Soi de Jung est tout Ă  fait original :
    • Par rapport au Surmoi : “Le Surmoi est un succĂ©danĂ© nĂ©cessaire et inĂ©vitable de l'expĂ©rience du Soi. […] Tant que le Soi est inconscient, il correspond au Surmoi de Freud” (Le symbole de la transsubstantiation dans la messe 1941/1953).
    • Par rapport au Moi idĂ©al et Ă  l'idĂ©al du Moi — tous deux avatars du Surmoi — Jung insiste sur le fait que le Soi, en tant que totalitĂ©, inclut les aspects les plus bas de la personnalitĂ©. Il ne peut donc ĂŞtre confondu avec le Moi idĂ©al que dans la mesure oĂą une inflation du Moi annule son activitĂ© compensatrice, et avec l'idĂ©al du Moi que dans celle oĂą la dissociation de la personnalitĂ© maintient dans l'inconscient ses aspects sombres (l'ombre).
  • Du point de vue de ses reprĂ©sentations les images du Soi apparaissent dans les rĂŞves et les productions spontanĂ©es (fantasmes, dessins, danse etc.) sous des formes doublement symĂ©triques et centrĂ©es (carrĂ©, cercle) : les mandalas. Jung a constatĂ© que ces formes de reprĂ©sentations se retrouvent dans toutes les cultures aussi bien que dans les productions individuelles. Il estime que l'apparition des images du Soi dans les rĂŞves est souvent liĂ©e Ă  de profondes tensions ou ruptures de l'Ă©quilibre psychiques.

Le soi primaire (Michael Fordham)

Michael Fordham est un élève anglais de Jung, qui s'est intéressé au développement de l'enfant. Il appelle soi primaire l'état d'homéostasie psycho-corporelle du nouveau-né, un état où différenciation n'existe pas, ni entre un monde intérieur et un monde extérieur, ni au sein même du monde intérieur.

Autres courants de pensée postfreudiens

Heinz Hartmann et la naissance de l'Ego-psychology

Le soi, en tant qu'"organisation mentale"[3] différenciée du Moi[4], est une notion d’abord utilisée en 1950 par Heinz Hartmann en Ego psychology[5], puis reprise en 1960, dans l’école anglaise, par Donald Winnicott avec le vrai et le faux self[5] et dans l’école américaine par Heinz Kohut[5], puis dans les années 60, apparait un courant anglophone nommé Self psychology[6].

Vrai self et faux self (Winnicott)

Le terme "soi" est utilisé habituellement en français pour traduire le terme anglais "self". Winnicott distingue le vrai self et le faux self.

Le soi (Heinz Kohut)

« Il était l'humeur probable de chaque instant, le véritable soi. »[7], Heinz Kohut.

Le dépassement de soi (Abraham Maslow)

Le modèle connu sous le nom de pyramide des besoins, proposé par le psychologue américain Abraham Maslow, décrit une hiérarchie des besoins humains. Dans les 3 dernières années de sa vie, Maslow a défendu l'existence d'un besoin supplémentaire n'impliquant plus le besoin d'accomplissement de soi (pour lequel l'individu travaille à actualiser son propre potentiel), mais un niveau de dépassement de soi (self-transcendence) qui implique de mettre de côté ses propres besoins, au bénéfice du service à autrui ou à d'autres causes, extérieures à soi.

Le soi dans la psychologie sociale

En psychologie sociale, le soi est défini comme un ensemble d'informations sur un individu, auquel celui-ci peut avoir accès ainsi que les mécanismes intrapersonnels et interpersonnels qui gèrent cette information d'un point de vue cognitif, émotionnel, comportemental et social. La connaissance de soi comme telle comprend deux dimensions soit le concept de soi et l'estime de soi.

Notes et références

  1. (en) Michael W. Eysenck, Psychology, a student handbook, Hove, UK, Psychology Press, , 979 p. (ISBN 0-86377-474-1), p. 458-459.
  2. C. G. Jung, « Le symbole de la transsubstantiation dans la messe » dans Les racines de la conscience, Paris, Buchet Chastel, 1971, p. 281
  3. Kirschner LA., The concept of the self in psychoanalytic theory and its philosophical foundations, J Am Psychoanal Assoc. 1991;39(1):157-82.
  4. Kohut H., The Analysis of the Self: A Systematic Approach to the Psychoanalytic, The university of Cicago Press, 1971, p. 13.
  5. Élisabeth Roudinesco, Histoire de la psychanalyse en France, Paris, Fayard, coll. « La Pochothèque », (1re éd. 1994), 2118 p. (ISBN 978-2-253-08851-6), p. 1430
  6. Élisabeth Roudinesco, Histoire de la psychanalyse en France, Paris, Fayard, coll. « La Pochothèque », (1re éd. 1994), 2118 p. (ISBN 978-2-253-08851-6), p. 1431
  7. Gustare Suave, "Le Soi", Ed. : PUF : 2004, (ISBN 2-13-054520-3).

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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