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ShintoĂŻsme ryukyuan

Le shintƍ ryukyuan (琉球焞道)(okinawaĂŻen : rĆ«chĆ« shintƍ ; japonais : ryĆ«kyĆ« shintƍ ; litt. « la voie du divin des Ăźles RyĆ«kyĆ« ») ou shintoĂŻsme ryukyuan est un ensemble des croyances originaires des Ăźles RyĆ«kyĆ« parfois reconnues comme religion. Il s'agit d'une variĂ©tĂ© du shintƍ qui se rapproche Ă©troitement avec le shintoĂŻsme, semblable aux diverses pratiques de l'Ăźle de KyĆ«shĆ« et du sud de la CorĂ©e mĂ©langeant le polythĂ©isme et l'animisme.

ShintoĂŻsme ryukyuan
Image illustrative de l’article Shintoïsme ryukyuan
Shīsā, l'un des éléments architecturaux les plus notables du shintoïsme ryukyuan
Présentation
Nom original 琉球焞道
Nom français Shintƍ, shintoïsme
Nature Religion distincte
Croyances
Type de croyance Religion chamanique avec des marques de l'animisme et du polythéisme
Croyance surnaturelle Divinité, esprit, kami
Pratique religieuse
Date d'apparition VIe siĂšcle
Lieu d'apparition Archipel Ryƫkyƫ
Aire de pratique actuelle ßles Ryƫkyƫ, Japon
Nombre de pratiquants actuel inconnu
Classification
Classification d'Yves Lambert Religions de chasseurs-cueilleurs
Période axiale selon Karl Jaspers Mésolithique (paléolithique supérieur)

Histoire

Les origines du shintƍ ryukyuan sont mĂ©connues de mĂȘme que celles de son homologue yamato.

Deux courants religieux existent : le culte d'Utaki et le culte d'Hinukan. Le premier culte est de type chamanique pratiquĂ© par les norƍ. Il consiste dans la vĂ©nĂ©ration des divinitĂ©s et des ancĂȘtres. Le second culte est de type domestique pratiquĂ© par les femmes. Il s'agit d'attirer l'attention des divinitĂ©s domestiques afin de protĂ©ger l'habitation et ses habitants.

Mythe fondateur des ßles Ryƫkyƫ

Un mythe est une histoire traditionnelle qui tente d'expliquer la raison de la présence de l'homme sur Terre et la vie.

« Au commencement, l'Empereur CĂ©leste (ć€©ćž?), qui vivait dans le Gusuku (ć€©ćŸŽ?) cĂ©leste, regarda sur la Terre et vit qu'il n'y avait aucune Ăźle. Il ordonna alors Ă  Amamikyu de crĂ©er l'Ăźles RyĆ«kyĆ«, qui lui demanda les matĂ©riaux nĂ©cessaires. Alors, l'Empereur CĂ©leste envoya Shinerikyu (濗仁犟äč…?) apporter Ă  la dĂ©esse de l'herbe, des arbres . Ceci fait, elle descendit sur Terre et arriva sur l'Ăźle d'Okinawa, au lieu-dit de Seifa-utaki, et construisit les chĂąteaux de Tamagusuku et Chinen. Elle demanda Ă  nouveau Ă  l'Empereur CĂ©leste les matĂ©riaux nĂ©cessaires afin de crĂ©er des humains, mais les autres dieux ne voulaient pas descendre. Elle devint alors enceinte de Shinerikyu et peupla l'archipel. À ce moment, le peuple habitait dans les cavernes, mangeait les fruits et buvait le sang des animaux. Amamikyu monta pour la troisiĂšme fois au ciel et reçut les semences des cinq cĂ©rĂ©ales qu’elle sema dans les Ăźles et, avec les rĂ©coltes, elle cĂ©lĂ©bra la fĂȘte du ciel, de la terre et des dieux. Mais Ă  mesure que le temps passait, les dieux-gardiens disparurent et les calamitĂ©s commencĂšrent de s’abattre sur le pays. » AprĂšs plusieurs gĂ©nĂ©rations, Tentei vit le jour et partagea les Ăźles entre ses cinq enfants : l’aĂźnĂ©, Tenson, devint le premier roi de RyĆ«kyĆ« ; le fils cadet devint le premier seigneur fĂ©odal ; le troisiĂšme fils le premier fermier ; la fille aĂźnĂ©e devint la premiĂšre norƍ royale et la seconde devint la premiĂšre norƍ du village. »

Divinités et rituels

Kami

Un kami (焞) est un esprit ou une« concentration d’énergie spirituelle ». Il existe diffĂ©rentes catĂ©gories d'esprits telle que les esprits malins, nĂ©gatifs, errants, fantĂŽmes...

Quand une norƍ meurt, elle devient le contenant de sa grande Ă©nergie et par lĂ -mĂȘme devient un kami. Les esprits nĂ©gatifs sont souvent considĂ©rĂ©s comme des « fantĂŽmes ». GĂ©nĂ©ralement ce sont les esprits de ceux qui eurent une mort horrible ou qui ne reçurent pas de sĂ©pulture correcte.

D’autres esprits malins se dissimulent sous une forme entre dieux et esprits des morts : ces esprits sont supposĂ©s ĂȘtre irritĂ©s ou fĂąchĂ©s par la prĂ©sence humaine. Ils sont responsables d’accidents, de maladies, voire de morts causĂ©es par la proximitĂ© des habitations.

Kami plus ou moins domestiques

L'hinukan (ăƒ’ăƒŒă‚«ăƒł) est un esprit terrestre symbolisĂ© par trois petites pierres. Il habite gĂ©nĂ©ralement dans la cuisine ; c’est un dieu du feu, chargĂ© de sa bonne conservation : son culte est organisĂ© par la matriarche. Par extension un hinukan de la communautĂ© est le gardien du feu sacrĂ© communal dont le culte est organisĂ© par la norƍ locale. Lorsqu’il habite la maison familiale, l'hinukan n’a pas de domicile propre et ne quitte le foyer que pour retourner chez lui cĂ©lĂ©brer la Nouvelle AnnĂ©e solaire. Il peut ĂȘtre comparĂ© Ă  Kamuy Huci, dĂ©esse du foyer dans la religion des AĂŻnou.

Le fuuru nu kami (litt. dieu des toilettes) est le protecteur familial de la zone des dĂ©chets, des dĂ©jections des cochons et des humains. Lorsque ce dieu bienveillant est absent, l’endroit peut devenir malĂ©fique et potentiellement hantĂ© par un mauvais esprit. Comme fuuru nu kami est considĂ©rĂ© essentiel Ă  la bonne tenue de la maison, son habitat (la salle de bains et les toilettes) est nettoyĂ© rĂ©guliĂšrement ce qui est une marque de dĂ©fĂ©rence Ă  son Ă©gard ; des comptes-rendus familiaux rĂ©guliers lui sont d’ailleurs faits. Cet esprit est semblable Ă  celui de la dĂ©esse des salles de bains en CorĂ©e, Cheukshin.

Les dieux les plus frĂ©quemment invoquĂ©s sont clairement ceux de la maison, mais certains autres puissants dieux sont rĂ©vĂ©rĂ©s par la communautĂ© dans son entier ; de plus certaines crĂ©atures mythiques sont respectĂ©es sans ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme des dĂ©itĂ©s. Dans les communautĂ©s villageoises, le culte implique le plus souvent des dĂ©itĂ©s marines ou montagnardes qui dĂ©terminent les succĂšs ou Ă©checs des cultures, de la pĂȘche, du commerce, de la navigation : ces entitĂ©s comprennent Ă©galement des esprits « cachĂ©s » habitant des rochers, des arbres, des grottes, des cascades et sont respectĂ©s par les habitants. Des offrandes leur sont faites, il ne faut pas dĂ©placer tel rocher, entrer dans telle grotte ou couper tel arbre, etc.

Certains ancĂȘtres trĂšs anciens ou trĂšs puissants de leur vivant sont promus au rang de dĂ©itĂ© et leur esprit demeure dans un utaki : c’est en gĂ©nĂ©ral un bosquet, une cascade, une grotte situĂ©e prĂšs du village, dont l’accĂšs est souvent limitĂ© et le caractĂšre sacrĂ© toujours respectĂ©. La partie la plus sacrĂ©e d’un utaki est l’ibi et ses environs (ibi nu mae) : seules les norƍ peuvent entrer dans l’ibi pour faire des offrandes et dire des priĂšres dans l’ibi nu mae. L’utaki le plus cĂ©lĂšbre et le plus sacrĂ© des RyĆ«kyĆ« est Sefa-utaki situĂ© sur Okinawa en face de Kudaka-jima : la lĂ©gende explique que la dĂ©esse Amamikyu, qui a donnĂ© naissance aux Ăźles de l’archipel, y serait descendue du ciel ; depuis cet espace sacrĂ© les gens priaient en se tournant vers Kudaka-jima. L’intronisation de la grande prĂȘtresse de la Cour de Shuri, la kikoe-ƍgimi, se dĂ©roulait ici. Kudaka est Ă©galement le site de plusieurs utaki, de mĂȘme que les environs du chĂąteau de Nakijin ainsi que ceux de Gusukuyama (Ie-shima).

Buchidan

Buchidan des ßles Ryƫkyƫ

Le buchidan (ä»ćŁ‡) (japonais : butsudan, litt. Ă©tagĂšre du Bouddha) est un sanctuaire religieux dans les temples et les maisons. C’est un espace, habituellement un petit meuble, dĂ©diĂ© Ă  l’autel familial, au Bouddha et Ă  diverses inscriptions rappelant les noms des ancĂȘtres auxquels de l’encens et de l’alcool sont offerts. Dans l'archipel RyĆ«kyĆ«, le buchidan n’abrite pas de statue du Bouddha comme dans le reste du Japon mais des tablettes sur lesquelles sont inscrits les noms des ancĂȘtres de la famille. Le buchidan se transmet de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration, de premier fils Ă  premier fils mais seulement s’il a hĂ©ritĂ© de la maison paternelle ; il sert pour les rĂ©unions familiales lors des pĂ©riodes festives comme la Nouvelle AnnĂ©e ou O bon. Habituellement le buchidan reçoit des offrandes d’encens, de thĂ©, d’eau et de riz cuit ; durant les fĂȘtes on rajoute des fruits, du sucre et des gĂąteaux de riz : pendant cette pĂ©riode les familles offrent parfois de l’alcool (sake ou awamori).

Mabui

Le mabui (ăŸă¶ă„) est un concept shintoĂŻste ryukyuan mĂ©langeant les concepts d’ñme et de mana. L’ñme dans de nombreuses traditions est immortelle, de mĂȘme que le mabui qui est Ă©gale-ment une caractĂ©ristique de l’individu. Le mabui d’un mort peut s’accrocher Ă  un vivant, demandant un rituel de sĂ©paration (ăƒžăƒ–ă‚€ăƒŒæȾかし, mabui-wakashi) ou nĂ©cessitant un dĂ©placement de l’endroit de la mort vers l’endroit du repos (suukaa). Dans le cas d’une mort subite, un rituel complexe se dĂ©roule pour sĂ©parer le mabui de lĂ  oĂč il s’est accrochĂ© vers un endroit oĂč il pourra demeurer.

Tout d’abord des priĂšres sont adressĂ©es aux ancĂȘtres et aux dieux du foyer puis on visite le lieu oĂč la perte se serait produite ; une offrande d’encens et de fruits aux ancĂȘtres est effectuĂ©e ainsi que des priĂšres de remerciement : trois pierres de l’endroit en question sont alors attachĂ©es Ă  un vĂȘtement portĂ© pendant la perte et rapportĂ©es avec des boules de riz en offrande Ă  la maison par la matriarche. Si le cas est spĂ©cialement inquiĂ©tant, une yuta peut ĂȘtre requise comme intermĂ©diaire. UchatoĂč-mintoĂč protĂšge des pertes de mabui ainsi que de la possession par des esprits Ă©trangers (kakaimun) : le matin on doit offrir de l’eau et du thĂ© aux dieux du foyer accompagnĂ©s de priĂšres pour une bonne journĂ©e.

Créatures

Le kijimuna ou bunagaya (きじむăȘあ) est une crĂ©ature magique d’Okinawa : le kijimuna est un lutin qui ressemble Ă  un jeune garçon aux cheveux rouges qui aurait l’apparence d’une poupĂ©e troll
 Certains disent que seuls les enfants ou les gens dont le cƓur est pur peuvent le voir. Il peut ĂȘtre accompagnĂ© par du feu et vit en haut des banians (gajumaru), ils sont spĂ©cialement prĂ©sents dans la rĂ©gion de Yomitan oĂč leurs reprĂ©sentations peuvent ĂȘtre vues en de nombreux endroits. Ils peuvent vous aider mais changent frĂ©quemment d’idĂ©e, ils aiment pĂȘcher et manger du poisson, ils sont associĂ©s aux arbres de maniĂšre gĂ©nĂ©rale.

Une autre crĂ©ature, reprĂ©sentĂ©e en poterie sur la plupart des toits d’Okinawa, sont les utilisĂ©s pour leur capacitĂ© Ă  Ă©loigner le mal des maisons. C’est une reprĂ©sentation modifiĂ©e des shÄ«sā que l’on trouve Ă  l’entrĂ©e des temples chinois.

ReprĂ©sentants du pouvoir de l’OcĂ©an on trouve les dragons (ăƒȘăƒ„ă‚Š, ryĆ«) qui apparaissent souvent dans les lĂ©gendes ryukyuanes. Par exemple dans l’Iro-Setsuden (recueil de contes compilĂ© au XVIIIe siĂšcle), les dragons montrent des pouvoirs semblables Ă  ceux des dieux et vivent dans leur propre royaume sous-marin. Cette conception semble provenir de Chine Ă©galement.

Intervenants

Kaminchu

Les Kaminchu (ă‚«ăƒŸăƒłăƒăƒ„)(okinawaĂŻen : kamigutsu ; japonais : kannushi) sont des personnes spĂ©cialisĂ©es dans les rituels magiques et religieux. Leur rĂŽle social correspond Ă  celui d’un chaman, agissant suivant ses qualifications et servant de mĂ©dium pour toutes sortes d’activitĂ©s mystiques ainsi que de mĂ©diateurs entre esprits matĂ©riels et immatĂ©riels.

Bien qu’ils puissent accompagner le transfert du mabui d’un mort, ils ne peuvent guider un esprit en dehors du monde rĂ©el vers l’au-delĂ . Dans la langue d’Okinawa, shiji reprĂ©sente la capacitĂ© de ressentir et contrĂŽler le pouvoir des ancĂȘtres-kami ainsi que de communiquer avec eux.

Norƍ/NĆ«ru

La norƍ (ç„ć„ł, ノロ)(okinawaĂŻen : nĆ«ru) est une prĂȘtresse qui parle avec le monde magique et les kami. La norƍ leur fait des offrandes pour communiquer et qui parfois peuvent les apaiser.

Les obligations principales d'une norƍ consistent Ă  assurer les offices et Ă  organiser les cĂ©lĂ©brations et les rituels. Les cĂ©rĂ©monies se dĂ©roulent dans des lieux sacrĂ©s, habituellement un bosquet (ong), une grotte ou en mer. La prĂȘtresse y rĂ©cite des formules de conjuration magiques Elle est gĂ©nĂ©ralement assistĂ©es par deux hommes (guji okkan) qui battent le tambour rituel.

RĂŽles

Les norƍ procĂšdent aux rituels divinatoires destinĂ©s Ă  dĂ©terminer les meilleurs jours pour les cĂ©rĂ©monies sacrĂ©es, pour les rites sociaux (mariages, dĂ©cĂšs) et pour les activitĂ©s agricoles. Une piĂšce de terre (niigami) Ă©tait rĂ©servĂ©e Ă  la norƍ du village, en gĂ©nĂ©ral sƓur du chef (nitchu) de la plus vieille (ou plus puissante) famille de la communautĂ© (niiya). La norƍ devait rester vierge ; elle Ă©tait assistĂ©e par une fille de chaque maisonnĂ©e pour ses activitĂ©s religieuses. Les symboles de sa fonction sont les vĂȘtements blancs en fibre de bananier et les colliers de magatama pierres sacrĂ©es en forme de virgule.

Sur les Ăźles plus petites des traditions locales survivent comme sur Kudaka oĂč la population considĂšre que toutes les femmes entre 31 et 70 ans peuvent ĂȘtre norƍ ; le rite d’initiation destinĂ© aux femmes entre 31 et 40 ans, Izaiho, se tenait tous les douze ans : Ă  cause du manque de femmes de cet Ăąge, le dernier vĂ©ritable rituel s’est dĂ©roulĂ© en 1978.

Au fil du temps les norƍ devinrent davantage prĂȘtresses que reines, bien qu’elles aient gardĂ© une influence politique non nĂ©gligeable : elles finirent par ĂȘtre appointĂ©es comme autoritĂ©s religieuses Ă  partir du roi Shƍ Shin (vers 1480). Ces nominations se firent d’abord dans les puissantes familles locales pour desservir leurs sites sacrĂ©s Ă  travers toute l’üle d’Okinawa avant d’ĂȘtre utilisĂ©es dans les autres groupes d’üles, Miyako et Yaeyama : le but Ă©tait de contrĂŽler les centres de pouvoir indĂ©pendants Ă  travers les norƍ.

Kikoe-ƍgimi

La kikeo-ƍkimi (èžćŸ—ć€§ć›, きこえおおぎみ, litt. Princesse Ă  l'Ă©coute) servait comme prĂȘtresse du royaume et de la famille royale. Elle dirigeait les cĂ©rĂ©monies nationales, surveillait toutes les autres norƍ et entretenait le foyer royal ainsi que les utaki les plus sacrĂ©s. Le rituel d'intronisation — uarauri (ćŸĄæ–°äž‹ă‚Š) — d'une nouvelle kikoe-ƍgimi se dĂ©roulait Ă  Seifa-utaki, cĂ©rĂ©monie symbolisant le mariage sacrĂ© d'Amamikyu et de Shinerikyu. Il confĂšrait Ă  la kikoe-ƍgimi la force de supporter le kimitezuri (ć›æ‰‹æ‘©). Une fois nommĂ©e la kikoe-ƍgimi gardait son poste jusqu'Ă  sa mort. Le rĂŽle de kikoe-ogimi a Ă©tĂ© supprimĂ© en 1879 (de mĂȘme que l'ancienne architecture politique du royaume), la derniĂšre d'entre elles a conservĂ© son poste jusqu'Ă  son dĂ©cĂšs en 1944.

Le souverain de RyĆ«kyĆ« gouvernait accompagnĂ© de la norƍ principale (souvent une de ses sƓurs ou tantes), appelĂ©e kikoe-ƍgimi. Celle-ci l'accompagnait tous les ans faire le tour des principaux utaki, la procession se terminant Ă  Sefa-utaki oĂč les hommes n’avaient pas le droit d’entrer.

En 1677, le roi qui souhaitant affirmer son pouvoir personnel, envoya un fonctionnaire pour le remplacer dorĂ©navant et rĂ©trograda la kikoe-ƍgimi du premier au troisiĂšme rang protocolaire, la plaçant mĂȘme en dessous de son Ă©pouse.

Yuta

Les yuta ou sanjinsou (ラタ, litt. « dĂ©tecteur ») Ă©galement appelĂ©s monoshiri Ă  Yonaguni (litt. « celui qui sait » ) ou encore kami-gakariya Ă  Miyako (litt. « celui qui est comme une maison pour les dieux ») sont des chamanes hommes ou femmes. Ils affirment possĂ©der un don spĂ©cial pour communiquer avec les morts.

Le terme yuta Ă©tait Ă  l’origine pĂ©joratif, dĂ©rivĂ© de tokiyuta ou « celui qui se fait des illusions » ; par ailleurs depuis la rĂ©unification du royaume au cours du XVe siĂšcle, on dĂ©courageait ces pratiques qui Ă©taient d’ailleurs souvent rĂ©primĂ©es.

Les yuta Ă©taient employĂ©s dans des cas de troubles psychiques ou en prĂ©vention. Bien que les norƍ soient les guides officiels de la communautĂ©, les yuta agissent plus prĂšs des familles et des clients individuels pour dĂ©terminer quelles circonstances spirituelles ont amenĂ© ou amĂšneront la santĂ© ou la maladie. Ils communiquent alors avec les esprits des morts afin de dĂ©terminer ce qui peut ramener l’harmonie dans la vie de leurs clients ; Ă  cause de ce don d’interagir avec les ancĂȘtres et de rĂ©soudre les problĂšmes du quotidien, les yuta sont probablement les kaminchu les plus influents actuellement, respectĂ©s et un peu craints.

95 % des yuta sont des femmes : elles utilisent certaines techniques comme l’analyse des rĂȘves, la connaissance de cas historiques en combinaison avec la relation aux esprits. Elles agissent souvent comme conseillĂšres, rĂ©glant des problĂšmes familiaux qui peuvent durer depuis des gĂ©nĂ©rations en discutant simultanĂ©ment avec les membres vivants ou avec les morts de la famille. Les problĂšmes traitĂ©s peuvent aller d’une piĂštre performance scolaire d’un enfant Ă  l’alcoolisme d’une personne rĂ©sultant de la nĂ©gligence de certains ancĂȘtres.

Objets et amulettes

Divers objets magiques existent aux RyĆ«kyĆ« : les amulettes sont appelĂ©es munnukimun ; les plus frĂ©quemment achetĂ©es proviennent des temples shintƍ tels que des charmes de chance ou de bonne santĂ©, les autres sont davantage liĂ©es aux croyances locales.

  • Sangwaa (susuki, Miscanthus sinensis, sorte de roseau ; herbe nouĂ©e porte-bonheur). D’aprĂšs la lĂ©gende un vieux pĂȘcheur du nord d’Okinawa revint Ă  la maison une nuit avec un gros panier rempli de poissons. Il cuisina son souper mais des fantĂŽmes apparurent et mirent leurs mains dans la nourriture ; quand il commença Ă  manger, il eut une terrible diarrhĂ©e. Ceci se reproduisit nuit aprĂšs nuit jusqu’à ce qu’il fabrique un san ou sangwaa, deux bouts d’herbe pliĂ©es et nouĂ©es entre elles au milieu. Les fantĂŽmes ne voulurent plus toucher Ă  la nourriture protĂ©gĂ©e par l’objet et il put profiter de son repas en paix. Traditionnellement on mettait un san sur le cercueil d’un mort afin de le protĂ©ger et l’aider Ă  passer dans le monde spirituel des ancĂȘtres. MĂȘme aujourd’hui cet objet peut ĂȘtre employĂ© de diverses maniĂšres comme protection contre le mal et dans le cas de cadeaux alimentaires, protĂ©ger contre la pourriture (Okinawa Folk Stories, 46–54).
  • Les ishiganto sont les inscriptions portĂ©es sur des tablettes-talisman qui sont disposĂ©es dans divers endroits stratĂ©giques pour protĂ©ger des malĂ©fices et des esprits indĂ©sirables. Ils sont gĂ©nĂ©ralement de forme rectangulaire, les inscriptions Ă©crites verticalement ; dans de rares occasions le rectangle peut ĂȘtre placĂ© horizontalement. L’origine semble chinoise, ces tablettes Ă©taient gĂ©nĂ©ralement placĂ©es aux quatre routes d’une intersection, aux trois routes d’une intersection en forme de T ou Ă  la fin d’une route. On pensait que les esprits ne pouvaient se dĂ©placer qu’en ligne droite ou le long des routes, les tablettes Ă©taient supposĂ©es les empĂȘcher de tourner
 En bout de route l’ishiganto arrĂȘtait le mauvais esprit : de nombreuses maisons en bord de route ont encore leurs ishiganto.
  • Des branches de mĂ»rier sont souvent offertes en aoĂ»t pour protĂ©ger des mauvais esprits.
  • Akufugeshi sont rĂ©alisĂ©s Ă  l'aide de coquillages et suspendus prĂšs de l'Ă©table, toujours comme protection.
  • Shakogai sont fabriquĂ©s avec des coquilles de clam gĂ©ant et posĂ©s prĂšs des murs et aux angles, toujours comme protection. On peut en voir sur Miyagi[1], Ikei[2], and Tsuken[3] Islands.
  • Gen est une herbe nouĂ©e Ă  l'angle d'une maison.
  • Du sel est souvent posĂ© aux angles et aux portes des maisons.

Société

Le mariage

Le mƍasibi (litt. amusement des champs) Ă©tait une coutume rĂ©pandue dans tout l’archipel qui permettait aux garçons et aux filles Ă  partir de 14-15 ans d’aller se divertir ensemble dans les champs la nuit tombĂ©e, surtout l’étĂ© quand il y avait moins de travail. Au cours de ces rĂ©unions, propices aux rapports sexuels, se formaient gĂ©nĂ©ralement les couples : les promis dansaient et chantaient en gĂ©nĂ©ral seuls puis ensemble mais on ne touchait pas Ă  la promise d’un autre. Ces chants Ă  voix alternĂ©es garçons-filles (guiku-bushi) accompagnĂ©s d’une danse collective font maintenant partie du folklore ryĆ«kyĆ«an et sont produits dans des spectacles.

Quand il y avait promesse de mariage, les jeunes gens couchaient librement l’un avec l’autre : si un enfant Ă©tait conçu sans qu’il y ait ultĂ©rieurement mariage, il Ă©tait envoyĂ© Ă  son pĂšre vers 3-4 ans. Un jeune homme qui venait chercher une jeune fille d’un autre village devait subir diverses brimades et surtout payer une somme d’argent (Ă©ventuellement en sake) aux jeunes hommes du village de la fille. Toutes ces pratiques furent sĂ©vĂšrement rĂ©primĂ©es par les autoritĂ©s japonaises aprĂšs 1872 et disparurent vers 1930.

La naissance

Voici le rite de naissance tel qu’il Ă©tait pratiquĂ© Ă  Kudaka (il y a diverses variantes suivant les endroits de l’archipel) : pendant une semaine personne n’était autorisĂ© Ă  entrer dans la maison de l’accouchĂ©e, un feu Ă©tait entretenu Ă  cĂŽtĂ© du lit. Cette derniĂšre se purifiait avec de l’eau froide ; la famille s’agitait et faisait du bruit, si bien que ni la mĂšre ni l’enfant ne pouvaient dormir ! Le sixiĂšme jour c’était la fĂȘte de sortie de couches (relevailles) : le feu Ă  cĂŽtĂ© de la mĂšre Ă©tait Ă©teint, l’enfant prĂ©sentĂ© au kami du foyer et on procĂ©dait au choix de son nom devant le butsudan ou devant les dieux de l’utaki. Le placenta Ă©tait placĂ© dans une natte de paille et suspendu Ă  un arbre Ă  cĂŽtĂ© de la maison : si on dĂ©mĂ©nageait la famille l’emmenait avec elle (ailleurs c’est le cordon ombilical qui Ă©tait conservĂ©).

La tĂȘte de l’enfant Ă©tait lavĂ©e chaque jour pendant une semaine avec du blanc d’Ɠuf ; aussitĂŽt aprĂšs le premier lavage, la mĂšre faisait une brassĂ©e de paille dans laquelle elle mettait du charbon de bois brĂ»lant et sortait : elle fabriquait alors un petit arc et une flĂšche au bout de laquelle elle fichait un clou ou une pointe de fer, puis mettait son pagne sur la tĂȘte laissant son visage dĂ©couvert, mettait la brassĂ©e de paille avec le feu devant elle, tournait le visage de l’enfant vers le soleil et tirait trois fois avec l’arc et la mĂȘme flĂšche. Elle hachait la paille, rentrait chez elle avec l’enfant, le couchait sur une natte, mettait son pagne sur lui pour chasser les dĂ©mons et faisait marcher un crabe sur le dos de l’enfant


La mort

Un haka, tombe familiale du type dos-de-tortue.

Traditionnellement des rĂ©unions de la famille Ă©tendue sont faites sur le haka. Les tombes les plus usuelles parmi les familles aisĂ©es ressemblent Ă  des maisons avec une cour, des inscriptions avec les noms de la famille et un porche sur lequel sont faites les offrandes. Dans plusieurs rĂ©gions on trouve des tombes dont le toit est en forme de « dos de tortue » (kamekokata) que les Okinawans trouvent d’ailleurs davantage ressemblantes Ă  un ventre de femme enceinte : le mort « retourne Ă  l’origine ».

À l’intĂ©rieur de la tombe se trouvent les restes (funishin) de plusieurs gĂ©nĂ©rations. La trente-troisiĂšme annĂ©e aprĂšs la mort est particuliĂšrement importante : Ă  ce moment le dĂ©funt est supposĂ© avoir trouvĂ© sa place parmi tous ses ancĂȘtres dans l’au-delĂ . Une rĂ©union familiale est alors organisĂ©e, diverses offrandes sont faites aux ancĂȘtres et un pique-nique se dĂ©roule avec toutes les personnes prĂ©sentes. En gĂ©nĂ©ral le plus ĂągĂ© des mĂąles de la famille a la responsabilitĂ© de l’entretien de la tombe, voire la crĂ©ation d’une nouvelle tombe s’il y a dĂ©jĂ  trop d’occupants ou si elle est trop abimĂ©e.

Le mort ne peut ĂȘtre transformĂ© en esprit ancestral uniquement aprĂšs un long et intense processus rĂ©alisĂ© Ă  toutes les Ă©tapes de l’inhumation par ses proches ou les personnes les plus touchĂ©es par sa mort. Un travail rĂ©gulier, coordonnĂ© et prĂ©cis, rĂ©alisĂ© en plusieurs fois produit la complĂšte transformation de la dĂ©pouille dans laquelle l’esprit du mort devient un ancĂȘtre avec tout son potentiel d’interaction avec les vivants. Plusieurs de ces pratiques tel le lavage du corps, la veillĂ©e mortuaire, les cĂ©rĂ©monies commĂ©moratives rĂ©guliĂšres, ressemblent Ă  celles du Japon, nĂ©anmoins, jusqu’à rĂ©cemment, le rituel mortuaire okinawaĂŻen se distinguait par le senkotsu (litt. lavage des os), le nettoyage des os, qui en Ă©tait une particularitĂ© jusqu’à la fin des annĂ©es 1980 oĂč eut lieu le dernier rituel officiel rĂ©pertoriĂ©.

Le mode d’inhumation actuel est plutĂŽt la crĂ©mation, fortement encouragĂ©e par les autoritĂ©s, mĂȘme si la mĂ©moire de cette ancienne pratique reste vivace et est peut-ĂȘtre encore pratiquĂ©e dans diverses petites Ăźles ou des villages Ă©loignĂ©s de Naha.

AprĂšs la mort, le cercueil contenant le corps du mort Ă©tait placĂ© au centre de la tombe et la porte scellĂ©e. Durant cette premiĂšre Ă©tape de l’enterrement, l’esprit (mabui) restait accrochĂ© aux restes humains et Ă©tait confinĂ© aux environs immĂ©diats du caveau. Étant prĂ©sent dans les deux mondes, matĂ©riel et spirituel, son comportement Ă©tait imprĂ©visible. Parfois, durant les trois ou sept annĂ©es suivantes, le cercueil Ă©tait extrait de la tombe familiale et apportĂ© dans l’enceinte oĂč la famille proche Ă©tait rassemblĂ©e, Ă©ventuellement avec une norƍ, puis retournait dans sa maison.

Au bout d’une pĂ©riode de trois, cinq, sept ou treize ans suivant les coutumes locales, le cercueil Ă©tait ouvert, on dĂ©tachait les os du cadavre et on les grattait sans utiliser de couteau : parfois il fallait retirer des restes de chair avec les dents. Une fois ceci fait tous les os du corps Ă©taient nettoyĂ©s, rangĂ©s mĂ©ticuleusement et mis dans une jarre avec le crĂąne posĂ© par-dessus et le couvercle scellĂ©, la jarre posĂ©e sur une Ă©tagĂšre dans la tombe. Les Ă©poux Ă©taient mis dans la mĂȘme jarre, les enfants de moins de six ans allaient avec leurs grands-parents. Enfin, au bout de 25 ou 33 ans, suivant la coutume locale, le mort devenait kami, les os Ă©taient ressortis de leur jarre et rangĂ©s avec les os d’autres squelettes afin de libĂ©rer de la place dans la tombe. Quand il n’y avait pas de tombe on laissait les jarres Ă  l’air libre sous un « toit de paille ».[Ă  vĂ©rifier]

À Kudaka-jima on posait les cercueils en face de l’ocĂ©an, loin des habitations, sans les enterrer : au bout de treize ans les os Ă©taient propres ; on ne parle plus alors pour l’ñme de mabui mais de tamashii car l’ñme Ă©tait montĂ©e au ciel ; le mabui quant Ă  lui, est devenu propre mais est restĂ© avec les vivants. Finalement au bout de trente-trois ans le mort a rejoint ses ancĂȘtres et la puissance de son esprit a pris toute sa dimension.

Références

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  • J. M. Martin (SMEP), Le shintoĂŻsme ancien, Lib. d’AmĂ©rique et d’Orient, J. Maisonneuve, 1988 (1927)
  • Nobuhiro Matsumoto, Essai sur la Mythologie Japonaise, Lib. Paul Geuthner, 1928
  • Louis Furet, Lettres Ă  M. LĂ©on de ROSNY sur l’archipel japonais et la Tartarie orientale (2e Ă©d.), Paris, Maisonneuve, 1860-1861 (Gallica)

Voir aussi

Notes

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