Scanner spectral X
Le scanner spectral X aussi connu sous lâacronyme SCT (de l'anglais : Spectral Computed Tomography), est une modalitĂ© dâimagerie mĂ©dicale rĂ©cente qui allie le principe de la tomographie par rayon X (CT) et lâutilisation de plusieurs niveaux dâĂ©nergie afin de pouvoir identifier la composition dâune substance d'intĂ©rĂȘt. Le scanner spectral permet de rĂ©aliser ce qu'on appelle une imagerie spectrale ou encore dite au K-edge des Ă©lĂ©ments (matĂ©riaux). Il existe de nombreuses technologies permettant de faire du scanner spectral prĂ©sentant chacune leurs lots d'avantages et d'inconvĂ©nients.
Principe physique
Le principe du scanner se base sur l'exploitation de l'absorption d'un faisceau de photons Ă forte Ă©nergie (dans la gamme des rayons X).
Le comportement de ce faisceau suit une loi de Beer-Lambert: Plus précisément, le scanner est une modalité qui réside sur l'exploitation de la transmission des rayons X au travers d'un matériau. Lors de ce passage, ceux-ci peuvent subir différents effets tels que l'effet Compton, photoélectrique et la diffusion Rayleigh.
Ces différents effets sont regroupés dans le coefficient d'absorption ” de la loi de Beer-Lambert correspondant à l'ensemble des absorptions et diffusions subies par le rayon X lors de son interaction avec le matériau.
- : est l'intensité de la lumiÚre incidente.
- : est l'intensité de la lumiÚre sortante.
- : est le coefficient d'atténuation du iÚme matériau (en m-1 ou en cm-1).
- : est la longueur du trajet optique dans le iÚme matériau (en mÚtres ou en centimÚtres).
Le systĂšme d'acquisition dĂ©tecte alors le rayon sortant et en dĂ©duit par le calcul donnĂ©e ci-dessous une cartographie du coefficient dâabsorption (appelĂ©e projection en 2D de l'objet).
En répétant différentes projections à différents angles tout autour de l'objet (typiquement une projection tous les degrés), on a les informations nécessaires pour reconstruire l'objet en 3D. Cette reconstruction s'effectue à l'aide d'algorithme de reconstruction de type FDK (Feldkamp, David et Klauss)[1].
En réalité le coefficient d'atténuation du matériau dépend de l'énergie du photons qui le traverse :
oĂč λ est la longueur d'onde de la radiation incidente. Ătant la partie imaginaire de l'indice de rĂ©fraction complexe, k est sans dimension. En utilisant la relation de Planck Einstein on obtient alors une relation direct entre le coefficient d'absorption et l'Ă©nergie des photons qui traverse la matiĂšre:
- est le coefficient d'attĂ©nuation (en mâ1 ou en cmâ1).
- est le coefficient d'extinction linéique, il exprime l'atténuation de l'énergie du rayonnement électromagnétique à travers le milieu.
- est l'Ă©nergie du photon (en joules) ;
- est la constante de Planck dont une valeur approchĂ©e est : h â 6,626 069 57 ĂâŻ10â34 J s.
C'est cette caractĂ©ristique qu'exploite le scanner spectral. En faisant l'acquisition d'images du mĂȘme objet Ă diffĂ©rentes Ă©nergies, le scanner spectral est non seulement capable de reconstituer la structure anatomique de l'objet imagĂ© (scanner classique) mais Ă©galement de retrouver la composition d'un Ă©lĂ©ment contenu dans l'objet (scanner spectral). Chaque matĂ©riau prĂ©sente une rĂ©ponse spectrale (variation du coefficient absorption) qui lui est propre en fonction de l'Ă©nergie. C'est ainsi que deux matĂ©riaux avec un coefficient d'absorption linĂ©ique proche pour une certaine Ă©nergie, peuvent ĂȘtre complĂštement diffĂ©rent Ă une autre Ă©nergie.
Avantages
Utilisation du spectre des tubes X
Un inconvĂ©nient pour le scanner conventionnel qui devient un avantage pour le scanner spectral est le spectre relativement Ă©talĂ© du tube X. En tomodensitomĂ©trie conventionnelle, la solution que l'on met en Ćuvre pour filtrer la partie non utile du spectre rĂ©duit le rendement du systĂšme de production de rayons X. Mais en scanner spectral (pour certaines solutions uniquement), on va utiliser une plus grande partie du spectre car nous avons besoin d'au moins deux niveaux d'Ă©nergie pour rĂ©aliser le clichĂ©.
Identification de la composition
Contrairement au scanner conventionnel pour lequel une image est acquise autour d'un niveau d'énergie, le scanner spectral utilise plusieurs niveaux d'énergies afin de déterminer plus finement les différents constituants en se basant sur la dépendance du coefficient d'absorption en fonction de l'énergie.
Inconvénients
Utilisation de produits de contraste
Un produit de contraste, ou agent de contraste, absorbe les rayonnements et permet ainsi de contraster deux zones autrement peu discernables. Le produit de contraste le plus couramment utilisé chez l'homme est l'iode.
Le scanner spectral comme le scanner X est un examen quasiment anodin. Cependant, il existe quelques cas de contre-indication chez certains patients. Ci-dessous une liste non-exhaustive des cas de contre-indication :
- patients souffrant d'insuffisance rénale ;
- diabétiques utilisant des médicaments comme la metformine ;
- patients ayant une allergie Ă un ou plusieurs produits de contrastes ;
- les femmes enceintes ou allaitant ;
- patients non-coopératifs ou anxieux : jeunes enfants, claustrophobes, etc.
Irradiation
Comme tout type dâimagerie mĂ©dicale utilisant les rayons X, il y a le phĂ©nomĂšne dâirradiation du patient qui est incontournable. Il faut limiter la dose dâirradiation (en sievert Sv) que le patient reçoit. Pour cela, le radiophysicien se chargeant de faire passer lâexamen doit configurer lâappareil (scanner X, scanner spectral, radio XâŠ) pour limiter la dose envoyĂ©e. Un tube Ă rayon X nâĂ©mettant jamais Ă un seul niveau dâĂ©nergie (en Ă©lectron-volt), le patient reçoit un spectre plus ou moins Ă©talĂ© dont certains niveaux Ă©nergĂ©tiques (en particulier les niveaux de trĂšs basses Ă©nergies) vont ĂȘtre entiĂšrement absorbĂ©s par le corps. Certains de ces niveaux peuvent cependant ĂȘtre inutiles pour lâexamen car non dĂ©tectĂ©s au niveau du dĂ©tecteur. Dans ce cas la, on utilise un filtre pour Ă©viter cette exposition aux trĂšs basses Ă©nergies. Le plus grand danger de lâirradiation est celui de dĂ©velopper un cancer. Lors du calcul de la dose, il faut donc faire un compromis entre le contraste de lâimage (plus la dose est Ă©levĂ©e, plus lâimage sera nette et contrastĂ©e) et le risque dâirradiation (plus la dose est Ă©levĂ©e, plus le risque est Ă©levĂ©).
Les risques dâirradiations ne sont pas uniquement rĂ©servĂ©s au patient. En effet, le Manipulateur d'Electro-radiologie Ă©galement appelĂ© Technicien en Imagerie MĂ©dicale pratiquant l'examen est lui aussi exposĂ© Ă ces rayons X., ainsi que l'ensemble du personnel prĂ©sent dans la salle d'examen. Il y a donc un suivi dosimĂ©trique (port obligatoire d'un dosimĂštre) du personnel par une PCR (personne compĂ©tente en radioprotection), et l'utilisation d'Ă©quipements de protection collectifs (vitre plombĂ©e) ou individuels (tabliers plombĂ©s) dans la salle dâexamen. La salle d'examen est une enceinte contenant une source d'Ă©mission de rayons X oĂč tous les murs sont plombĂ©s. L'ensemble salle d'examen et source d'Ă©mission sont vĂ©rifiĂ©s tous les ans par des organismes agrĂ©es. L'habilitation Ă manipuler des sources Ă Ă©mission de rayonnements ionisants sur le corps humain est de la responsabilitĂ© du mĂ©decin, et du manipulateur qui agit sous prescription. Toutes les personnes prĂ©sentes dans l'enceinte doivent possĂ©der une aptitude mĂ©dicale.
Il y a Ă©galement des risques de brĂ»lure (radiome) dues aux niveaux dâĂ©nergie utilisĂ©s et au temps d'exposition.
Technologies
Il existe un grand nombre de technologies permettant de rĂ©aliser un scanner spectral. Elles sont pour la plupart encore en cours de dĂ©veloppement ou bien trĂšs rĂ©cemment mises en essais prĂ©-cliniques dans les centres d'imagerie mĂ©dicale. Les technologies peuvent ĂȘtre classĂ©es en deux grandes familles de solutions : les solutions mettant en Ćuvre des sources spĂ©cifiques et les solutions jouant sur les types de dĂ©tecteurs.
Stratégies basées sur la source
Lâutilisation de sources Ă double Ă©nergie permet de fournir des images de meilleure rĂ©solution quâavec une source Ă rayons X ne fonctionnant que sur un seul niveau dâĂ©nergie. Le DSCT[2] est particuliĂšrement adaptĂ© aux acquisitions dâimages cardiaques qui demandent une grande vitesse de prises de vues. Chaque matĂ©riau dispose de sa propre courbe dâabsorption. Par diffĂ©rence entre les deux acquisitions, il est possible de dĂ©terminer beaucoup plus prĂ©cisĂ©ment quel type de matĂ©riau a Ă©tĂ© traversĂ©. L'information en niveau de gris ajoutĂ©e par la deuxiĂšme source permet de rĂ©aliser des images couleurs.
Dual Source
Lâutilisation de deux sources indĂ©pendantes, gĂ©nĂ©ralement dĂ©phasĂ©es spatialement de 90°, est une premiĂšre mĂ©thode employĂ©e en DSCT. Lâutilisation de deux sources Ă rayons X ne veut pas dire que la dose de rayons dĂ©livrĂ©s au patient sera plus importante. En effet, cette technique permet de rĂ©duire par deux le temps dâexposition du patient. La dose reçue est similaire voire infĂ©rieure Ă un scanner CT classique. Les progrĂšs en termes dâalgorithme de reconstruction intĂ©grĂ© sur les scanners CT Ă deux Ă©nergies participent grandement dans la rĂ©duction du temps dâexposition.
Kv-switching
Le kV switching[3] est une mĂ©thode dâacquisition dâimages issue du dual energy CT. Deux stratĂ©gies dâacquisition appelĂ©es fast et low kV switching peuvent ĂȘtre utilisĂ©es.
Dans le cadre du low kV switching, deux scanners CT classiques sont rĂ©alisĂ©s lâun Ă la suite de lâautre. Pour avoir des images nettes, il faut que le patient et ses organes observĂ©s soient restĂ©s le plus immobiles possible. DiffĂ©rentes techniques dâacquisition sont utilisĂ©es :
- acquisition partielle du patient (180°) dans une Ă©nergie puis acquisition partielle Ă 180° dans un autre niveau dâĂ©nergie ;
- deux acquisitions spirales successives Ă deux niveaux dâĂ©nergie ;
Le fast kV switching repose sur la transition des niveaux dâĂ©nergie lors de lâacquisition CT. Câest une technique moins sensible aux mouvements du patient.
Dual layer detector
Ce type de dĂ©tecteur comprend deux couches de cristaux scintillateurs. Il est ainsi possible de sĂ©parer des rayons de niveau dâĂ©nergie diffĂ©rents. Les rayons X ayant une Ă©nergie plus faible sont piĂ©gĂ©s dans la premiĂšre couche du scintillateur alors que les rayons de plus forte Ă©nergie continuent leur route. AssociĂ© Ă chaque couche se trouve un rĂ©seau de photodiodes permettant lâacquisition du signal lumineux Ă©mis dans le scintillateur.
K-edge filtering
Le K-edge[4] matérialise l'énergie de liaison des électrons sur la couche K (interne) de l'atome. Lorsqu'un photon incident vient réaliser un effet photoélectrique sur un atome, si le photon est d'énergie supérieure à l'énergie de liaison de l'électron sur l'atome alors l'électron est éjecté et se traduit par une brusque saut en absorption qui a lieu à une énergie caractéristique pour chaque atome considéré. (ex K-edge de l'iode a lieu à 33.3 keV).
Le principe général du K-edge consiste à détecter les variations d'énergie au niveau du spectre reçu. Ces variations du taux d'absorption sont différentes selon les atomes étudiés. Une étude du spectre détecté par rapport au spectre initial de la source permet de déterminer la présence d'un élément dans l'objet imagé situé entre la source et le détecteur.
L'exemple prĂ©sentĂ© ci-dessous montre une coupe coronale d'un fantĂŽme contenant diffĂ©rents inserts remplis dâune solution dâiomeron 350 diluĂ©e dans les concentrations 20, 30 et 40 mg/mL dâiode, dâune solution de nitrate dâargent dans les concentrations 11, 22, 43 mg/mL dâargent et deux autres contenant du sulfate de cuivre, puis de lâeau[5].
L'image de gauche représente une image obtenue en scanner classique englobant tout le spectre de rayons X. L'image du milieu est l'image obtenue au K-edge de L'iode et celle de gauche au K-edge de l'argent (25.5 keV).
La différence d'intensité de couleurs dans ces deux derniÚres est fonction de la concentration en agent de contraste (iode ou argent).
Essais et développements en cours
Détecteurs utilisés
Le détecteur Medipix2 est un détecteur développé dans le cadre d'un collaboration internationale au CERN. Il fait partie de la famille des détecteurs à comptage de photons. Il est spécialement conçu pour réaliser de l'imagerie médicale. Depuis 1997, plusieurs générations de ce détecteur ont été développées : Medipix1, Medipix2, Medipix3 et Timepix qui constitue la derniÚre génération de ce détecteur.
Le développement des détecteurs à pixels hybrides XPAD a commencé au CPPM/IN2P3 (Centre de physique des particules de Marseille). Le développement et la commercialisation de caméras utilisant ces détecteurs sont aujourd'hui assurés par la start-up imXPAD.
D'autres détecteurs sont disponibles sur le marché :
- PILATUS commercialisé par la société Dectris
- EIGER développé par le groupe PSI
- PIXIE du groupe INFN/Pisa
- Medipix2/.
- Caméra XPAD3, imXPAD[5].
Scanners spectraux
Quelques exemples de scanners spectraux en développement ou en essais cliniques :
- Philips IQon Spectral CT ;
- Scanner spectral au CERMEP, Lyon, France ;
- micro-CT PIXSCAN II.
Applications
Densitométrie osseuse
Dans le cadre de certaines maladies comme l'ostĂ©oporose, il peut ĂȘtre nĂ©cessaire de pouvoir mesurer la densitĂ© minĂ©rale osseuse (DMO) qui caractĂ©rise la quantitĂ© de calcium dans un volume donnĂ© de matiĂšre osseuse. Ainsi il devient possible d'Ă©valuer le risque de fracture d'un os, mais aussi d'affirmer ou infirmer le bon fonctionnement d'un traitement mĂ©dicamenteux qui pourrait venir stimuler la maturation des ostĂ©oclastes par exemple pour les personnes atteintes d'ostĂ©oporose. Dans ce cadre, le scanner spectral est Ă l'Ă©tude.
Notes et références
- (en) Feldkamp L. A. et Coll, « Practical cone-beam algorithm », article,â , J. Opt.Soc. Am. A, 1(6):612â619 (lire en ligne)
- (en) DSCT.com, Dual Source CT community, http://www.dsct.com
- (en) "Techniques to Acquire Spectral CT Data", SPIE, https://spie.org/samples/PM226.pdf
- (en) Michael Clark, Spectral CT: Image processing and revised Hounsfield units, University of Canterbury, 2009.
- Kronland-Martinet 2015.
- (en)"Dual Energy Spectral CT Imaging for Colorectal Cancer Grading: A Preliminary Study", Hong-xia Gong, Ke-bei Zhang, Lian-Ming Wu, Brian F. Baigorri, Yan Yin, Xiao-chuan Geng, Jian-Rong Xu, Jiong Zhu https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4747602/pdf/pone.0147756.pdf
- (en)"Gastric Cancer Staging with Dual Energy Spectral CT Imaging", Zilai Pan, Lifang Pang, Bei Ding, Chao Yan, Huan Zhang, Lianjun Du, Baisong Wang, Qi Song, Kemin Chen, Fuhua Yan, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3570537/pdf/pone.0053651.pdf
- (en) Xuewen Liu, MD, PhD Dian Ouyang, MD Hui Li, MD Rong Zhang, MD, PhD Yanchun Lv, MD, PhD Ankui Yang, MD Chuanmiao Xie, MD, « Papillary Thyroid Cancer: Dual-Energy Spectral CT Quantitative Parameters for Preoperative Diagnosis of Metastasis to the Cervical Lymph Nodes », article,â (lire en ligne)
Voir aussi
Bibliographie
- (en) Michael Clark, "Spectral CT: Image processing and revised Hounsfield units", University of Canterbury, 2009
- (en) Michael Anthony Hurrell, Anthony Philip Howard Butler, Nicholas James Cook, Philip Howard Butler, J. Paul Ronaldson, Rafidah Zainon, "Spectral Hounsfield units: a new radiological concept", New Zealand, 2011
- (en) "Techniques to Acquire Spectral CT Data", SPIE, https://spie.org/samples/PM226.pdf
- (en) Polad M Shikhaliev, Shannon G Fritz, "Photon counting spectral CT versus conventional CT:comparative evaluation for breast imaging application", Imaging Physics Laboratory, Department of Physics and Astronomy, Louisiana State University, March 2011
- (en) DSCT.com, Dual Source CT community, http://www.dsct.com
- (en) Leesha Lentz, "A Different Energy â CT Manufacturers Develop Different Approaches to Spectral Scanning", Radiology Today Magazine, March 2014
- Carine Kronland-Martinet, Développement de la tomographie intra-vitale au K-edge avec la caméra à pixels hybrides XPAD3, Centre de Physique des Particules de Marseille, Aix Marseille Université, (lire en ligne)
- (en) A Vlassenbrock, "Dual layer CT", Philips Healthcare, 2011