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Sarrasinières

Les Sarrasinières (ou parfois Sarrazinières), autrefois présentées comme l'aqueduc de Miribel, sont deux conduits souterrains reliant Lyon (depuis l'angle de la rue Puits-Gaillot et de la rue du Griffon, i.e l'actuel emplacement de la place Louis Pradel) à Miribel via Neyron, d'une longueur d'environ 13 km[1]. Il y aurait eu deux conduits entre Lyon et Neyron, puis un seul entre Neyron et Miribel.

Sarrasinières
Chambre d'aboutissement des galeries jumelles à Miribel, dessin réalisé par Camille Germain de Montauzan.
Présentation
Type
Période
Matériau
Longueur
13 000 m
État de conservation
partiellement détruit (d)
Coordonnées
45° 48′ 33″ N, 4° 55′ 27″ E
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Géolocalisation sur la carte : Ain
(Voir situation sur carte : Ain)
Géolocalisation sur la carte : Neyron
(Voir situation sur carte : Neyron)

Si leur usage reste à préciser, leur construction remonte à l'Antiquité.

Étymologie

Dans l'hypothèse antique de Claude-François Ménestrier, le nom sarrasinières viendrait d'une déformation de la locution latine arcus-cæsariani, traduit par les arcs césariens[2], contracté en césarinière.

Dans l'hypothèse médiévale, Cochard l'explique par attribution du nom Sarrasins (Maures d'Espagne) aux édifices qui ont perdurés après leur passage au VIIIe siècle[3], même s'il reconnait que certains édifices romains, par suite des incursions maures, ont déjà été ainsi nommés[4].

Fondation

Même si depuis le XIXe siècle, un consensus établissait que ces édifices ait été construits au Moyen Âge, la découverte en d'un pichet en céramique a permit d'estimer que l'édifice remontait au moins à l'époque antique[5].

Enfin, deux campagnes de datation par carbone 14 menées sur des fragments de charbon piégés dans le mortier de construction ont permis de conclure à une construction remontant à l'Antiquité, plus précisément au début de notre ère[6].

Histoire

Pour l'heure, si la fonction de ces galeries est encore inconnue, elles n'en ont jamais cessées d'être un objet d'études depuis le XVIIIe siècle.

Guillaume Marie Delorme, dans son étude sur les aqueducs lyonnais, les qualifiait comme appartenant à l'aqueduc du Rhône qui, depuis Miribel et Montluel se rendait jusqu'à Lyon « à l'angle de la rue du Puits-Gaillot et de celle du Griffon ». Il doutait cependant qu'il ait été construit par les Romains[7].

D'ailleurs, François Artaud, complète cette analyse par celle de M. Cochard pour qui ces galeries datent du Moyen Âge et servaient de voies souterraines pour faire communiquer la colline Saint-Sébastien (le plateau de la Croix-Rousse) au château de Miribel[8]. De plus, il dit reconnaître une portion de cette voie sous une maison, dite « Vêpres », du quartier Saint-Clair, à m de profondeur, et qu'il attribue au canal décrit par Delorme. D'ailleurs, il confirmera avoir observé au château de la Pape une portion de cette voie menant jusqu'à la rue du Puits-Gaillot. Flachéron précise leur localisation dans le bois du château.

Il argumente qu'au regard du caractère grossier de la structure, il semble improbable que cette construction soit celle des romains, suggérant qu'elles furent construites après que Lyon fut capitale du royaume de Bourgogne, voire au VIe siècle[9]. Cependant, il s'accorde avec l'opinion et les observations de M. Cochard[10] pour qui la pente des galeries par rapport à la ligne des eaux du fleuve est trop peu importante pour qu'elles aient remplis cette fonction.

Toutefois, depuis les premières campagnes de fouilles menées à la fin des années 2010, les historiens s'autorisent à penser qu'elles ont d'abord une origine antique, puis romaine.

Description

L'un des rares tronçons de Sarrasinières encore en parfait état.

Alexandre Flachéron (architecte, 1811-1841) décrit les deux conduits présents aux alentours du four-à-chaux de Vassieux : « deux voies toujours parallèles. La largeur d'une, prise dans Å“uvre, est de 1,9 m ; les murs qui supportent les voûtes ont 80 cm d'épaisseur »[11], « la hauteur des souterrains du pavement à l’intrados du cerveau est de 2,85 m [...]. Les parements des murs sont de moëllons cimentés avec un mortier de chaux et de sables graveleux [...]. La construction des murs est la même partout. »[12].

La double galerie mesurait près de 13 km en descendant par Rillieux-la-Pape, puis Caluire-et-Cuire, jusqu’à la place Chazette, à l’entrée de l’actuel tunnel de la Croix-Rousse.

Camille Germain de Montauzan (1908) écrit : « Ces galeries sont interrompues, à des distances irrégulières, par des chambres, formées d’une, deux ou même trois voûtes transversales, s’élevant jusqu’à une hauteur de 3m75, et offrant une ouverture à la partie supérieure, de manière à donner accès dans le canal [...] depuis Saint-Clair jusqu’à Miribel, en particulier au ravin de Vassieu, à La Pape, à Crépieu et à Neyron »[13].

Plan en coupe latérale et sagitale des ouvrages romains découverts à Neyron que l'archéologue Camille Germain de Montauzan associait en 1908 à l'aqueduc romain de Miribel
Restes d'ouvrages romains découverts à Neyron, faisant potentiellement partie de l'aqueduc de Miribel, dessiné par Camille Germain de Montauzan (1908)

En 2019, sur le site de Neyron, l'équipe dirigée par Tony Silvino rapportait la présence d'aménagements connexes aux galeries jumelles, à savoir une salle souterraine voûtée donnant sur le Rhône d'une part, une galerie dont ne subsistent plus qu'un piédroit et une partie de la voûte d'autre part.

Les pierres de construction proviennent de deux sites d'extraction. Une première étude, dite macroscopique, suivi d'une seconde, par lame mince, démontrent la présence d'un premier faciès récurrent originaire du Mâconnais (calcaire à entroques rouge du val de Saône[14] - [15]), et d'un autre, originaire du Bugey[16].

Hypothèses

  • Il pourrait s'agir d'un ancien aqueduc souterrain romain à double conduit puisant l'eau dans le Rhône à Neyron et l'acheminant jusqu'à Lugdunum[17].
  • Selon Cochard, à qui Flachéron donne raison[18], ces galeries auraient servies de chemin couvert tant pour la défense du château de Miribel[19], que pour pénétrer de force dans Lyon, en liant un fortain aux limites de la ville à son château[20], au moment des conflits entre la maison de Beaujeu et les évêques de Lyon.
  • S'appuyant sur le constat que cette structure n'est ni enduite de tuileau ni composée de matériaux locaux, pour sa partie lyonnaise, Camille Germain de Montauzan, dans son ouvrage Les Aqueducs antiques, ne l'estimait être ni antique, ni mérovingienne, quoiqu'à peine plus récente[13].
  • En 2019, les équipes dirigées par Cyrille Ducourthial (service archéologique de la ville de Lyon) et Tony Silvino suggèrent que le site fouillé à Neyron était celui d'un port fluvial relié à Lugdunum par ces galeries, jusqu'aux arêtes de poisson, auxquelles elles auraient pu être connectées. Pour cela, ils s'appuient sur la présence de pieux en bois retrouvés dans le canal de dérivation du Rhône devant une plateforme maçonnée[15] - [5]. En datant le mortier de construction des galeries, ils ont démontré que la portion présente à Rillieux était contemporaine de celle de Neyron et des arêtes de poisson, ces trois structures étant aussi construites avec les mêmes pierres calcaires provenant du nord de Mâcon[14]. Des campagnes futures serviront à tester leurs hypothèses[5].

Autres sarrasinières

Bibliographie

Littérature scientifique (par ordre chronologique)

  • Claude-François Ménestrier, chap. VI « Dissertation : Des grands chemins et des Aqueducs », dans Histoire civile ou consulaire de la ville de Lyon : justifiée par chartres, titres, chroniques... avec la carte de la ville, comme elle était il y a environ deux siècles, Lyon, , 144 p. (lire en ligne sur Gallica Accès libre), p. 33-37.
  • Guillaume Marie Delorme, Recherches sur les aqueducs de Lyon, construits par les Romains : lues dans les séances de l'Académie des sciences, belles-lettres & arts de Lyon, des 29 mai & 5 juin 1759, Lyon, , 63 p. (BNF 30319667, lire en ligne Accès libre), p. 7.
  • Cochard (dir.), Grognier et Breghot, « Statistiques - Antiquité : Notice sur les voûtes souterraines, appelées improprement aqueducs du Rhône », dans Archives historiques et statistiques du Département du Rhône, t. 1 : du 1er novembre 1824, au 30 avril 1825, Lyon, , 484 p. (disponible sur Internet Archive Accès libre), p. 241-258.
  • Théodore Laurent, Essai historique sur Miribel : petite ville de l'ancienne province de Bresse, précédé d'une dissertation sur la double voie souterraine présumée romaine qui passe sous cette ville, Lyon, Librairie Laurent, , 145 p. (disponible sur Internet Archive Accès libre), p. 1-11.
  • François Artaud, Lyon souterrain, ou Observations archéologiques et géologiques faites dans cette ville depuis 1794 jusqu'en 1836, Lyon, Nigon, coll. « collection des Bibliophiles lyonnais », , 259 p. (lire en ligne Accès libre), p. 210, 213.
  • Alexandre Flachéron, « D'une double voie souterraine qui longe les bords du Rhône entre Saint-Clair et Miribel », dans Mémoire sur trois anciens aqueducs : qui amenaient autrefois à Lyon les eaux du Mont-d’Or, de la Brévenne et du Gier ; suivi d’une notice sur un ancien cloaque de construction romaine, situé dans la rue du Commerce, et sur deux souterrains qui longent les bords du Rhône entre Saint-Clair et Miribel, Lyon, imprimerie de L. Boitel, no 36 quai Saint-Antoine, , 92 p. (lire en ligne Accès libre), p. 81-92.
  • Camille Germain de Montauzan, Les Aqueducs antiques de Lyon : étude comparée d'archéologie romaine, Paris, Ernest Leroux Éditeur, , 496 p. Fac-similé disponible sur Wikisource (Wikisource).
  • Tony Silvino, « Neyron – Les Sarrasinières : Programme d’analyses (2020) » (notice archéologique), ADLFI. Archéologie de la France - Informations,‎ , p. 3 (lire en ligne Accès libre [PDF]).
  • Tony Silvino, « Neyron – Les Sarrasinières : Fouille programmée (2021) », ADLFI. Archéologie de la France - Informations,‎ (ISSN 2114-0502, lire en ligne Accès libre [PDF]).
  • Cyrille Ducourthial, « Les galeries antiques de la rive droite du Rhône à Lyon et en amont de Lyon : arêtes de poisson et Sarrasinières », ADLFI. Archéologie de la France - Informations,‎ (ISSN 2114-0502, lire en ligne Accès libre [PDF]).

Presse et littérature (par ordre chronologique)

  • Société d'histoire de Rillieux-la-Pape, Rillieux-la-Pape : Mille ans d'histoire, Millau, Maury-Imprimeur, , 335 p. (OCLC 16655075, BNF 34723120), p. 107-110.
  • Jean-Christian Barbier, Les Souterrains de Lyon, Verso, , 221 p. (ISBN 978-2-903870-72-0, BNF 36152126)
  • Ouvrage collectif, Richesses touristiques et archéologiques du canton de Miribel : Miribel, Beynost, Neyron, Saint-Maurice-de-Beynost, Thil, , 207 p. (ISBN 2-907656-27-9)
  • Walid Nazim, L'énigme des arêtes de poisson : de la Croix-Rousse à Jérusalem, histoire d´un secret millénaire, Lyon, Lyon souterrain, , 350 p. (ISBN 978-2-9526199-1-2, OCLC 822863188)
  • Céline Bouiller, « 2.000 ans après, les Sarrasinières vont-elles livrer leurs secrets ? », Bugey-Côtière, no 1299,‎ , p. 6 (ISSN 2678-534X, BNF 45751068, lire en ligne)
  • Jean-Marc Maucotel, « Les Sarrasinières de Neyron : une curiosité archéologique qui intrigue scientifiques et historiens », Le Progrès,‎ (lire en ligne Accès payant, consulté le ).

Références

  1. Les sarrasinières, p. 134-135.
  2. Cochard 1825, p. 246
  3. Cochard 1925, p. 250
  4. Cochard 1825, p. 91
  5. « Des sarrasinières entre Lyon et Miribel », sur www.dombes-cotiere-tourisme.fr (consulté le ).
  6. Silvino 2020
  7. Delorme 1760, p. 7
  8. Artaud 1846, p. 210
  9. Flachéron 1840, p. 90
  10. Cochard 1825, p. 242
  11. Flachéron 1840, p. 84
  12. Flachéron 1840, p. 85
  13. de Montauzan 1908, Chap. 2 - § 6
  14. La rédaction, « 2.000 ans après, les Sarrasinières vont-elles livrer leurs secrets ? » Accès libre, sur bugeycotiere.fr, (consulté le )
  15. « Neyron (01) – Les Sarrasinières » Accès libre, sur Eveha - Études et valorisations archéologiques, (consulté le )
  16. Tony Silvino, « Neyron – Les Sarrasinières : Fouille programmée (2021) », ADLFI. Archéologie de la France - Informations,‎ (ISSN 2114-0502, lire en ligne Accès libre [PDF], consulté le )
  17. E. de Rolland et D. Clouzet, Dictionnaire illustré des communes du département du Rhône, t. 1, Lyon, 1901-1902, 322 p. (lire en ligne), p. 100 :
    « L'ouverture de la ligne Lyon-Genève a fait disparaître un aqueduc souterrain à double conduit qui s'étendait jadis le long des balmes du Rhône. Ce souterrain, dont l'origine n'est pas établie, partait du village de Neyron, où il avait une prise d'eau dans le Rhône, et, après un parcours de deux lieues, il débouchait dans la partie basse de l'ancien Lugdunum. Il est connu sous le nom de Sarrazinière. »
  18. Flachéron 1840, p. 88
  19. Cochard 1825, p. 257
  20. Cochard 1825, p. 254
  21. La sarrasinière de Beynost, p. 80

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