Samba FĂ©lix Ndiaye
Samba FĂ©lix Ndiaye, nĂ© Ă Dakar le et mort dans la mĂȘme ville le , est un âŁâŁcinĂ©asteâŁâŁ, ⣠documentariste sĂ©nĂ©galais qui rĂ©alisa prĂšs de 25 films, depuis le dĂ©but de sa carriĂšre au milieu des annĂ©es 1970 jusqu'Ă sa disparition. Au-delĂ de sa notoriĂ©tĂ© nationale, il est considĂ©rĂ© comme « le pĂšre du documentaire africain »[1].
Naissance |
Dakar |
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Nationalité | Sénégal |
DĂ©cĂšs |
Dakar |
Profession | Réalisateur, scénariste, comédien, monteur, directeur artistique, producteur |
Films notables |
Trésors des poubelles (1989) Ngor, l'esprit des lieux (1994) Lettre à Senghor (2002) Rwanda, pour mémoire (2003) Questions à la terre natale (2007) |
Biographie
NĂ© le Ă Dakar, Samba FĂ©lix Ndiaye se sent redevable des talents de conteuse de sa grand-mĂšre maternelle[1]. Il a Ă©tĂ© trĂšs marquĂ© par quelques-uns de ses propos â « Une parole intĂ©ressante a toujours des oreilles » ou encore « Tu ne peux pas t'asseoir sur la tĂȘte de quelqu'un qui te parle »[2] â qui l'ont aidĂ© Ă comprendre la place de celui qui raconte et de celui qui Ă©coute, et Ă Ă©laborer une dĂ©marche personnelle, attentive et sensible.
Samba Félix Ndiaye éprouve une passion précoce pour le cinéma. Adolescent, il fréquente réguliÚrement le ciné-club du Centre culturel français de Dakar.
AprĂšs une formation en droit et sciences Ă©conomiques Ă l'universitĂ© de Dakar, il poursuit des Ă©tudes de cinĂ©ma Ă Paris (UniversitĂ© de Paris VIII et Ăcole Louis-LumiĂšre) et, en parallĂšle, suit des cours dâethnopsychiatrie Ă lâĂcole des hautes Ă©tudes[3].
En 1974, dans le cadre de sa maßtrise de cinéma et alors qu'il n'était pas revenu dans son pays depuis quatre ans, il réalise au Sénégal Perantal, un court métrage en couleur de 31 minutes tourné avec une caméra 16 mm Paillard Bolex d'occasion, consacré au massage traditionnel des nourrissons, tel que le pratiquait notamment sa mÚre, chez qui il tourne ce premier film[4].
En 1978, Geti Tey (une expression lĂ©boue qui signifie « prendre la mer aujourd'hui ») tĂ©moigne des difficultĂ©s auxquelles sont confrontĂ©s les pĂȘcheurs artisanaux de Kayar, Hann ou SoumbĂ©dioune dont l'activitĂ© est mise en pĂ©ril par l'essor de la pĂȘche industrielle incarnĂ©e par des bateaux-usines venus de l'Ă©tranger qui menacent aussi la faune et la flore marines. Au fil d'une journĂ©e de labeur, les pĂȘcheurs y expriment â en wolof sous-titrĂ© en français â leurs inquiĂ©tudes et leurs attentes. Ce cri d'alarme se double d'un hommage aux valeurs de solidaritĂ© de la communautĂ©, notamment des femmes[5].
En 1989, une sĂ©rie de cinq courts mĂ©trages rĂ©unis sous le titre TrĂ©sors des poubelles explore quelques-uns des petits mĂ©tiers qui peuplent le secteur informel au SĂ©nĂ©gal et salue l'ingĂ©niositĂ© et le savoir-faire de ces artisans/artistes dakarois qui travaillent Ă partir de matĂ©riaux rĂ©cupĂ©rĂ©s. Dans Aqua, une « mĂ©tonymie urbaine » d'abord un peu Ă©nigmatique et presque sans paroles, un homme pĂȘche de petits poissons dans une mare et achĂšte des bouteilles qu'il nettoie soigneusement avec son patron, qui dĂ©core alors les bouteilles avec des algues sĂ©chĂ©es, des cailloux et des Ă©clats de coquillages, avant d'y dĂ©poser les poissons. On comprend alors seulement qu'ils fabriquent des bouteilles-aquariums[6]. Dans Teug, chaudronnerie d'art, les fondeurs de Reubeuss et Colobane rĂ©cupĂšrent l'aluminium sur de vieux moteurs et fabriquent des ustensiles de cuisine dans des moules d'argile[7]. Dans Diplomates Ă la tomate, les boĂźtes de concentrĂ© de tomate vides sont utilisĂ©es pour confectionner de petites valises rouges et noires[8].
En 1994, Samba Félix Ndiaye aborde pour la premiÚre fois le long métrage avec Ngor, l'esprit des lieux, interprété par les habitants de Ngor, un village situé à la périphérie de Dakar. Il montre comment, grùce à un site imprenable à l'extrémité ouest de la presqu'ßle et une organisation sociale stable, la localité a su résister à l'emprise des urbanistes qui ont peu à peu déstructuré les autres quartiers traditionnels, absorbés par une agglomération envahissante[9].
La plupart des films mettent en scĂšne avec peu de mots la vie quotidienne des gens ordinaires. Cependant, les Ćuvres des annĂ©es 2000 abordent plus volontiers des thĂšmes plus directement polĂ©miques ou politiques[1]. AprĂšs la Lettre Ă Senghor (1998), un voyage initiatique au cours duquel il tente de se rapprocher d'un homme auquel il a pourtant reprochĂ© sa promotion immodĂ©rĂ©e de la langue française et du concept de nĂ©gritude[10], Ndiaye, Ă©galement scĂ©nariste, achĂšve Rwanda pour mĂ©moire en 2003, ou comment dix Ă©crivains ont cherchĂ© Ă briser le silence des intellectuels africains sur le gĂ©nocide de 1994[11]. Puis vient enfin Questions Ă la terre natale (2007), un film qui fait aujourd'hui figure de testament, dans lequel le rĂ©alisateur convoque nombre de brillants intellectuels africains au chevet d'une Afrique bien mal-en-point. Samba FĂ©lix Ndiaye Ă©coute, filme, cherche Ă comprendre. Si la gĂ©nĂ©ration des indĂ©pendances â donc la sienne â n'a pas rĂ©ussi, c'est aujourd'hui Ă la jeunesse de prendre la relĂšve[12]. L'utopie reste d'actualitĂ© et le cinĂ©ma est l'un des chemins.
Outre sa dette envers son compatriote Ousmane SembĂšne qui lui a donnĂ© envie de faire du cinĂ©ma, Samba FĂ©lix Ndiaye mentionne parmi les rĂ©alisateurs qui l'ont inspirĂ© les noms de Robert Flaherty, Orson Welles, Roberto Rossellini, Satyajit Ray, Alain Resnais et Glauber Rocha, des auteurs qui ont tous ĆuvrĂ© Ă la lisiĂšre â trĂšs mince selon lui â entre fiction et documentaire[1]. Lui-mĂȘme a tournĂ© exclusivement des documentaires, un projet de fiction dans l'univers des signares de Saint-Louis n'ayant pas abouti, faute de financement[1].
Samba Félix Ndiaye a vécu en France pendant prÚs de trois décennies[13]. Revenu au Sénégal depuis quelques années, il est décédé brusquement à Dakar le d'une crise de neuropaludisme, à l'ùge de 64 ans. Il a été inhumé au cimetiÚre de Yoff.
Le Festival international du film d'Amiens, qui l'avait reçu dans le cadre d'une rĂ©trospective consacrĂ©e Ă son Ćuvre en 1999, lui rend hommage lors de sa 29e Ă©dition, en [14].
Filmographie
- 1975 : Perantal (L'Ă©ducation du nourrisson), 31 min
- 1978 : Geti Tey (Prendre la mer aujourd'hui), 40 min
- 1986 : La Santé, une aventure peu ordinaire, 15 min
- 1989 : Trésors des poubelles (une série de cinq courts métrages)
- Aqua, 12 min
- Diplomates Ă la tomate, 14 min
- Teug. Chaudronnerie dâart, 17 min
- Les Chutes de N'Galam, 9 min
- Les Malles, 14 min
- 1992 : Dial-Diali, 23 min (comme producteur[15])
- 1992 : Amadou Diallo, un peintre sous verre, 13 min
- 1992 : Dakar-Bamako, 52 min
- 1993 : Cinés d'Afrique, 59 min (en collaboration avec d'autres réalisateurs)
- 1993 : Lettre Ă l'Ćil, 13 min
- 1994 : Ngor, lâesprit des lieux, 91 min
- 1998 : Un fleuve dans la tĂȘte, 54 min
- 1998 : Lettre Ă Senghor (Entre nous grand-pĂšre), 49 min
- 1999 : Nataal, en coréalisation France Langlois, 52 min (portrait du photographe sénégalais Babacar Touré Mandémory)
- 2003 : Rwanda pour mémoire, 68 min
- 2007 : Le Revers de l'exil, 26 min (comme directeur artistique[16])
- 2007 : Questions Ă la terre natale, 52 min
Notes et références
- Jeune Afrique, no 2549, du 15 au 21 novembre 2009, p. 112
- « Nous étions trop à la traßne de SembÚne », 19 avril 2008 )
- Ătats gĂ©nĂ©raux du film documentaire 2001
- H. F. Imbert, Samba FĂ©lix Ndiaye : cinĂ©aste documentariste africain, LâHarmattan, 2007, p. 308-309
- H. F. Imbert, op. cit., p. 151-154
- « Aqua de Samba Félix Ndiaye », article de Baya Sékhraoui dans Cinémas africains, une oasis dans le désert ?, CinémAction n° 106, 1er trimestre 2003, p. 99-100
- Teug, chaudronnerie d'art sur Africultures
- Diplomates Ă la tomate, sur Sud PlanĂšte
- Les cinémas d'Afrique : dictionnaire, Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou, Association des trois mondes (Paris), Karthala, Paris, 2000, p. 353 (ISBN 2-8458-6060-9)
- Lettre Ă Senghor sur Africultures
- Rwanda pour mémoire sur Africultures
- Questions Ă la terre natale, critique d'Olivier Barlet sur Africultures
- « En mémoire de Samba Félix Ndiaye », Festival international du film d'Amiens, 2009
- Communiqué de l'Agence de presse sénégalaise (APS)
- Dial Diali, film réalisé par Ousmane William Mbaye
- Le Revers de l'exil, un film réalisé par Fabacary Assymby Coly et AngÚle Diabang
Voir aussi
Bibliographie
- Henri-François Imbert, Samba FĂ©lix Ndiaye : cinĂ©aste documentariste africain, LâHarmattan, Paris, 2007, 362 p. (ISBN 978-2296038622) (voir en complĂ©ment la recension dĂ©taillĂ©e de cet ouvrage par Thierno Ibrahima Dia sur AfricinĂ© )
- Françoise Pfaff, « Samba FĂ©lix Ndiaye », in Ă l'Ă©coute du cinĂ©ma sĂ©nĂ©galais, Ăditions L'Harmattan, Paris, 2010, p. 165-177 (ISBN 9782296103528)
Articles connexes
Liens externes
- Portrait (Ătats gĂ©nĂ©raux du film documentaire, Lussas, 2001)
- « Samba Félix N'Diaye sur son film Lettre à Senghor » (entretien avec Philippe Lefait dans l'émission Des mots de minuit, , 4 min 59 s, Archives de l'INA, vidéo en ligne)
- « Nous étions trop à la traßne de SembÚne » (entretien avec Olivier Barlet, Africultures, )
- « DécÚs du cinéaste Samba Félix Ndiaye : Le plus célÚbre documentariste sénégalais est mort » (Wal Fadjri, )
- « Le documentariste Samba Félix Ndiaye inhumé au cimetiÚre de Yoff » (Agence de presse sénégalaise, )
- « Samba FĂ©lix Ndiaye, lâempreinte dâun maĂźtre du documentaire » (Agence de presse sĂ©nĂ©galaise, )
- (en) Samba FĂ©lix Ndiaye sur lâInternet Movie Database