Sacrifice gladiatorial
Le sacrifice gladiatorial (« sacrificio gladiatorio » en espagnol, « tlahuahuanaliztli » en nahuatl) est un rite de sacrifice humain qui a été pratiqué en Mésoamérique.
Sources
Les sacrifices gladiatoriaux nous sont connus principalement par l'intermédiaire de trois sources coloniales : l’Histoire générale des choses de la Nouvelle-Espagne de Bernardino de Sahagún, ainsi que l’Historia de las Indias de Nueva-España y islas de Tierra Firme de Diego Durán et la Crónica mexicana de Fernando Alvarado Tezozómoc, ces deux dernières sources étant très proches et probablement basées sur l'interprétation d'un hypothétique codex indigène appelé Chronique X.
Rituel
La victime était armée ; selon Durán, cet équipement militaire était cependant factice et se composait d'une simple épée en bois emplumée[1], de boules en bois[2] (ou quatre bouts de bois de torche[3]) et d'un bouclier[4]. Tezozómoc n'évoque, pour sa part, comme équipement, qu'une épée en bois « sans lame ni silex » et une « peau de loup »[5].
La victime était ensuite attachée à une sorte de grande meule de pierre (« temalacatl »)[6] par une corde blanche (appelée « aztamecatl », selon Tezozómoc[7]) passée autour de la taille (selon Sahagún)[8] ou du pied (selon Durán)[9]. Selon Sahagún, on lui faisait ingérer, juste avant de l'attacher, une boisson alcoolisée[10] appelée « teuoctli »[11] (le « pulque des dieux »[12]).
Le sacrifié devait alors affronter des guerriers armés d'épées en bois à tranchants d'obsidienne[13] (macuahuitl) ou, selon une scène de tradition mixtèque représentée dans le Codex Zouche-Nuttall, de gants munis de griffes[13]. Ces guerriers étaient nommés en nahuatl « tlahuahuanque » (« rayeurs »), du nom du rituel (« tlahuahuanaliztli » signifie, selon Alonso de Molina, « acte de ratisser, ou de rayer quelque chose »)[13].
Selon Michel Graulich, dans la tradition aztèque, le premier adversaire était un guerrier aigle[13] ; si le sacrifié lui survivait, il devait ensuite affronter un guerrier jaguar, puis éventuellement un second guerrier aigle et un second guerrier jaguar, et si cela ne suffisait pas c'est un gaucher (symbole de Huitzilopochtli) qui l'achevait[13]. Selon certaines sources, si le prisonnier survivait à ce cinquième combat, il était relâché et gagnait sa liberté[14].
Une fois la victime vaincue, les prêtres (le « youallaua » et ses quatre assistants) procédaient à sa cardiectomie à l'aide d'un « ixquacac », puis à sa décapitation[13]. La victime était ensuite écorchée et sa peau portée par un prêtre pendant un mois.
Cadre cérémoniel
Ce rituel était célébré dans la religion aztèque[13], pendant la fête de « tlacaxipehualiztli » (« écorchement des hommes »)[15] et lors des cérémonies de consécration du Templo Mayor, dont il constituait le rite le plus important[16].
Signification
Selon Michel Graulich, ce rite aurait pu être une reconstitution du mythe, raconté dans la légende des soleils, du massacre des quatre cents « mimixcoah » ordonné par Tonatiuh[17].
Annexes
Notes et références
- « espada de palo emplumada » (Durán, p.284).
- « pelotas de palo » (Durán, p.280).
- « quatro troços de palo de tea » (Durán, p.284).
- « dáuanle una rodela » (Durán, p.284).
- CrĂłnica mexicana, chapitre 32.
- Antonio Aimi, Les Mayas et les aztèques, Éditions Hazan, 2009, p. 105
- CrĂłnica mexicana, chapitre 32.
- Bernardino de Sahagún, Historia general de las cosas de Nueva España, chapitre XX.
- Durán, chapitre XXXVI.
- Bernardino de Sahagún, Historia general de las cosas de Nueva España, Livre II, chapitre XXI (cité par Xavier Noguez et Alfredo López Austin dans De hombres y dioses, p.117).
- CrĂłnica mexicana, chapitre 32.
- (es) Oswaldo Gonçalves de Lima, El maguey y el pulque en los códices mexicanos, Mexico, Fondo de Cultura Económica, , 2e éd., 278 p. (ISBN 978-968-16-0005-1, LCCN 88168880), p. 116.
- Graulich 2005, p. 302.
- (es) Osvaldo Silva Galdames, Civilizaciones prehispánicas de América, Santiago du Chili, Editorial Universitaria, (réimpr. 2006 (8° éd.)), 8e éd., 204 p. (ISBN 978-956-11-1857-7, lire en ligne), p. 136-137.
- Michel Graulich, Mythes et rituels du Mexique ancien préhispanique, Académie Royale de Belgique, 1982, p. 377
- (en) Leonardo López Luján, The offerings of the Templo Mayor of Tenochtitlan, Albuquerque, UNM Press, , 421 p., poche (ISBN 978-0-8263-2958-5, LCCN 2004026815, lire en ligne), p. 220).
- Michel Graulich, Mythes et rituels du Mexique ancien préhispanique, Palais des Académies, (cité par (en) Leonardo López Luján, The offerings of the Templo Mayor of Tenochtitlan, Albuquerque, UNM Press, , 421 p., poche (ISBN 978-0-8263-2958-5, LCCN 2004026815, lire en ligne), p. 220).
Articles connexes
Études contemporaines
- (es) Isabel Bueno Bravo, « El sacrificio gladiatorio y su vinculación con la guerra en la sociedad mexicana », Gladius, CSIC, vol. XXIX,‎ , p. 185-204 (lire en ligne).
- Jean-François Genotte, « Le "sacrificio gladiatorio" : les manuscrits pictographiques du Mexique ancien comme sources de rĂ©flexion. De l'image-texte Ă l'image-support du texte », dans XXVII Congreso Internacional de AmericanĂstica, (ISBN 88-8234-366-9), p. 333-340.
- (es) Carlos Javier González González, « Algunas ideas sobre la presencia del zapote en el culto a Xipe Tótec », Estudios Mesoamericanos, vol. 6,‎ , p. 38-47 (lire en ligne).
- (en) Carlos Javier González González, « The Xipe Tótec cult and Mexica military promotion », dans Fanning the Sacred Flame : Mesoamerican Studies in Honor of H. B. Nicholson, O'Reilly Media, (lire en ligne), p. 333-353.
- (es) Carlos Javier González González, « El sacrificio humano como generador de prestigio social. Los mexicas y el llamado sacrificio gladiatorio », dans El sacrificio humano en la tradición religiosa mesoamericana, INAH, .
- (es) Yolotl González Torres, El sacrificio humano entre los mexicas, Mexico, Fondo de Cultura Económica & INAH, (réimpr. 2003), 1re éd., 329 p. (ISBN 978-968-16-1695-3, LCCN 85212259), p. 229-233.
- Michel Graulich, « Tlacaxipehualiztli ou la fĂŞte aztèque de la moisson et de la guerre », Revista española de antropologĂa americana, UniversitĂ© complutense de Madrid, vol. XIL,‎ (lire en ligne).
- Michel Graulich, Le sacrifice humain chez les Aztèques, Paris, Fayard, , 415 p..
- (es) Silvia LimĂłn Olvera, La religiĂłn de los pueblos nahuas, Madrid, Trotta, , 359 p. (ISBN 978-84-8164-972-7).
- (es) Guilhem Olivier, SĂmbolos de Poder en MesoamĂ©rica, UNAM, , 551 p. (ISBN 978-970-32-4461-4).
Sources coloniales
- (es) Diego Durán, Historia de las Indias de Nueva-España y islas de Tierra Firme, J.M. Andrade et F. Escalante, (lire en ligne).
- Bernardino de Sahagún, Histoire générale des choses de la Nouvelle-Espagne [« Historia general de las cosas de Nueva España »].
- (es) Hernando de Alvarado TezozĂłmoc, CrĂłnica mexicana, Barcelone, Red-ediciones, , 406 p. (ISBN 978-84-9816-856-3, lire en ligne), p. 100-102.