SaĂŻda Keller-Messahli
Saïda Keller-Messahli, née le à Aouina près de Bizerte[1], au nord de la Tunisie, est une journaliste indépendante, écrivaine et activiste des droits humains suisso-tunisienne. Elle est fondatrice et présidente du Forum pour un islam progressiste et a reçu le Prix suisse des droits de l’homme 2016.
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Biographie
Saïda Keller-Messahli est née en 1957 au nord de la Tunisie. Elle est la cinquième des huit enfants d'une famille d'origine berbère travaillant dans l'agriculture[2]. L'association suisse Terre des hommes la place dans une famille d'accueil de 1964 à 1970 à Grindelwald (Berne) où elle est scolarisée dans l'école du village, car sa famille était trop pauvre pour l'élever. Saïda Keller-Messahli retourne en Tunisie à l'âge de 13 ans à la suite du divorce du couple qui l'accueille. Elle poursuit ses études et obtient son baccalauréat à Tunis.
En 1976, elle devient hôtesse de l'air chez Saudi Airlines[3], ce qui lui a permis d'acheter une petite maison pour ses parents et de financer ses études à l'université de Zurich à partir de 1979. Elle y étudie les études romanes, la littérature anglaise et le cinéma. Elle y rencontre son futur mari, un non-musulman, en 1982. Elle ne lui demande pas de se convertir à l'Islam, ce qui n'est pas facile à cause de l’interdiction traditionnellement imposée aux femmes musulmanes de se marier avec un homme d’une autre confession.
Elle est la fondatrice et directrice générale de la "Fondation pour la Palestine" et a été à Hébron en qualité d'observatrice internationale par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE)[4].
Saïda Keller-Messahli exerce différents métiers : à Pro Helvetia, à la Weltwoche, dans le domaine de la traduction et dans l’enseignement du français.
Combats politiques
En 2004, Saïda Keller-Messahli fonde le Forum pour un islam progressiste (dont elle est toujours présidente)[5], inspiré par le livre La maladie de l’islam d’Abdelwahab Meddeb[2]. Elle prône la création d'un registre et d'un système d'autorisation des imams et une limitation du nombre de mosquées à 300 en Suisse[6].
Elle est l'une des premières signataires de la Déclaration de Fribourg des musulmans laïcs d'Allemagne, d'Autriche et de Suisse. Elle est également cofondatrice de la mosquée Ibn-Rushd-Goethe à Berlin, qui représente un Islam libéral, séparant le pouvoir laïc du pouvoir religieux et s'intéressant à une interprétation contemporaine du Coran et du Hadîth[7].
Critiques et controverses
Selon Bridge, un projet de recherche sur l'islamophobie de l'Université de Georgetown, Mme Keller-Messahli est l'une des voix les plus marquantes qui rend acceptable l'islamophobie en Suisse ("among the most prominent voices mainstreaming Islamophobia in Switzerland")[8].
De plus en plus souvent, Saïda Keller-Messahli se voit exposée aux vives critiques des autorités et des chercheurs.
Après qu'elle a attiré l’attention sur la présence d'imams aumôniers qu'elle suspecte de salafisme à la prison de Pöschwies et recommandé leur remplacement par des assistants sociaux ou des psychologues, la police cantonale les a contrôlés et a considéré qu'ils ne représentent aucun problème (« unbedenklich »)[9]. L'office d'exécution des peines zurichois lui a retiré les cours « Le djihadisme - Reconnaître, comprendre, agir »[10]. L'attitude qu'elle transmettait serait contraire à la logique de la Direction de la justice qui promeut une attitude d'intégration et de coopération interreligieuse. En revanche, pour Isabelle Noth, professeur de psychologie de la religion et d'éducation religieuse à l'Université de Berne, il serait intenable de traiter avec les imams en prison ayant des relations salafistes ou les grâces d'Erdogan[10].
En 2018, lors de débats concernant la naturalisation de l'imam de Wil, Bekim Alimi, elle affirme que celui-ci est « un rouage du système qui aiderait à maintenir l’influence salafiste. Cette influence représenterait un danger, car chaque djihadiste et chaque terroriste islamique serait aussi un salafiste »[11]. Selon le Basler Zeitung, quelques musulmans de la ville de Wil diraient que Bekim Alimi représenterait « un islam radical et arriéré »[11]. Néanmoins, le Conseiller d'État saint gallois Fredy Fässler qui avait donné la parole à l'imam Alimi lors d'une table ronde à Saint-Gall, affirme ne jamais avoir reçu des justificatifs concernant ses accusations concernant Bekim Alimi. Selon lui, Saïda Keller-Messahli se serait radicalisée[12]. De leur côté, la Police cantonale saint-galloise, le secrétariat d'État aux Migrations et le Service de renseignement de la Confédération affirment après un examen complet qu'« il n’existe aucun fait susceptible de justifier un refus de naturalisation »[13]. Le conseil communal de Wil a octroyé la nationalité à Bekim Alimi en avril 2018[14].
Pour le Prof. Dr Hansjörg Schmid, Directeur du Centre suisse islam et société à l'Université de Fribourg, son livre La Suisse, plaque tournante de l’islamisme, un regard dans les coulisses des mosquées est « intéressant » mais ferait preuve d'un manque de nuances et de sources[15]. Quant au Prof. Dr Reinhard Schulze, critiqué par Saïda Keller-Messahli dans son ouvrage, celle-ci utiliserait des techniques populistes, ses informations sur base de stéréotypes ne permettraient pas la vérification. Elle utiliserait des demi-vérités et des théories du complot[16]. Des experts suisses et autrichiens ont vivement critiqué ses théories sur l'islam dans les Balkans[17]:
- Publier une telle chose est un scandale
- Un minimum de sérieux est nécessaire pour un tel texte. Ce n'est pas le cas. Le texte est mal investigué, bordélique, écrit par une personne qui n'a aucune idée de la thématique.
- Le texte est plein d'erreur.
- Si je n'avais pas su qui Ă©tait l'auteur du texte j'aurais conclut qu'il venait d'un auteur nationaliste serbe.
La Neue Zürcher Zeitung affirme que Saïda Keller-Messahli se révèle comme missionnaire plutôt que comme experte[18].
Le 12 novembre 2018, Madame Keller-Messahli affirme qu'« en Valais, il y a des mosquées albanaises extrêmement radicales »[19]. Cependant, selon le commandant de la police cantonale, aucune mosquée valaisanne n’est radicalisée[20].
En 2016, après que Saïda Keller-Messahli a mis en avant la question du financement du Musée des civilisations de l'islam et exprimé des reproches aux autorités communales, Théo Huguenin-Elie, président du Conseil communal de La Chaux-de-Fonds, évoque un « rapport à l'institution, à la démocratie, aux lois (…) assez étrange » regrettant que celle-ci n'ait pas pris contact avec les autorités[21]
Dans la Aargauer Zeitung du 3 juin 2020, elle soupçonne la mosquée Tulipan d'avoir reçu des fonds du Koweït pour sa construction et de faire partie d'un réseau salafiste et radical. Le syndic Martin Heiz (PLR) considère le projet comme "méritant absolument du soutien" ("absolut unterstützenswert")[22]. Andreas Tunger-Zanetti, islamologue et coordinateur du centre pour la recherche sur les religions à l'université de Lucerne, a étudié les projets de construction des communautés religieuses immigrées en Suisse depuis 2007. Il considère ces accusation comme du bavardage (« Geraune ») sans justification. Il affirme que deux média alémaniques (Tele Südostschweiz et SRF online) auraient infirmé en 2016 déjà ces mêmes accusations de la part de Mme Keller-Messahli concernant la mosquée de Netstal, pourtant réitéré dans la Aargauer Zeitung du 3 juin 2020[23].
Distinctions
- 2016 : Prix suisse des droits de l'homme, décerné par la section suisse de la Société internationale pour les droits de l'homme.
Bibliographie
- (de) Islamistische Drehscheibe Schweiz, (La Suisse, plaque tournante de l’islamisme, un regard dans les coulisses des mosquées) 2017, Neue Zürcher Zeitung NZZ Libro, (ISBN 978-3038102892)[6] - [24]
Notes et références
- « Saïda Keller-Messahli se bat pour un islam à visage humain », sur lematin.ch, (consulté le )
- « Saïda Keller-Messahli: un autre visage de l’islam », sur illustre.ch, (consulté le )
- « Les coulisses des mosquées en Suisse ne sont pas reluisantes », entretien, causeur.fr, 4 septembre 2019
- (de) « Die Islamisten predigen Unfreiheit », SÜDOSTSCHWEIZ,‎ (lire en ligne)
- « Ces mosquées en Suisse où l’on prêche l’intolérance », sur illustre.ch, (consulté le )
- « «La majorité des Imams suisses est islamiste» », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le )
- (de) « Saida Keller-Messahli unter Initianten des Aufrufs zu Islamreform - Katholische Kirche Schweiz, Politik und Gesellschaft », sur kath.ch (consulté le )
- (en-US) « Factsheet: Saida Keller-Massahli », sur Bridge Initiative (consulté le ).
- (de) « Zweifelhafte Imame betreuen Häftlinge in der Pöschwies », Tages-Anzeiger,‎ (ISSN 1422-9994, lire en ligne, consulté le ).
- (de) Michael Meier, « Zweifelhafte Imame betreuen Häftlinge in der Pöschwies », Tages-Anzeiger, Tages-Anzeiger, (ISSN 1422-9994, consulté le ).
- (de) «Der Imam hat zwei Gesichter», sur Basler Zeitung Online, (consulté le ).
- (de) St. Galler Tagblatt AG, Switzerland, « Bekim Alimi: "Behauptungen Keller-Messahlis sind nicht nachvollziehbar" », St.Galler Tagblatt,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- « Umstrittener Imam erhält Schweizer Pass », sur Schweizer Illustrierte (consulté le ).
- (de) Linda Müntener, « Das Wiler Stadtparlament hat entschieden: Imam Bekim Alimi wird eingebürgert | St.Galler Tagblatt », St.Galler Tagblatt,‎ 5 avril 2018consulté le=2018-07-29 (lire en ligne).
- Lucie Monnat, « «Les salafistes cherchent à investir les mosquées suisses» », 24Heures,‎ 2/3 septembre 2017 (lire en ligne).
- (de) Reinhard Schulze, « Populistische Stereotypen », Basler Zeitung, Basler Zeitung,‎ (ISSN 1420-3006, lire en ligne, consulté le ).
- (de) TagesAnzeiger, « Die Islamkritikerin und ihr umstrittener Balkantext », TagesAnzeiger,‎ (lire en ligne).
- (de-CH) Andreas Ernst, « Saida Keller-Messahli verirrt sich in der Geschichte des Balkans | NZZ », Neue Zürcher Zeitung,‎ (ISSN 0376-6829, lire en ligne, consulté le ).
- « Saïda Keller-Messahli: «En Valais, il y a des mosquées albanaises extrêmement radicales» », sur www.lenouvelliste.ch (consulté le ).
- « La police réfute la présence de mosquée radicalisée en Valais », sur www.lenouvelliste.ch (consulté le ).
- « "Il n'y a aucun moyen légal d'interdire le Musée des civilisations de l'islam" », sur rts.ch, (consulté le ).
- (de-CH) « Prominente Islam-Kennerin misstrauisch: Kommt das Geld für die grösste Aargauer Moschee aus Kuwait? », sur Aargauer Zeitung (consulté le ).
- (de-CH) « Die Moscheebauten sind «made in Switzerland»: Wissenschaftler widerspricht Kritik von Islam-Kennerin », sur Aargauer Zeitung (consulté le ).
- Tobias Graden, « Le réseau des salafistes en Suisse: bien plus qu’un fantasme », SWI swissinfo.ch,‎ (lire en ligne, consulté le )