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Rudolf Hilferding

Rudolf Hilferding est un homme politique[1], théoricien et économiste socialiste autrichien puis allemand[2], né le à Vienne et mort le à Paris[3].

Rudolf Hilferding
Illustration.
Rudolf Hilferding en 1923.
Fonctions
Ministre du Reich aux Finances
–
Chancelier Hermann MĂĽller
Gouvernement MĂĽller II
Prédécesseur Heinrich Köhler
Successeur Paul Moldenhauer
–
Chancelier Gustav Stresemann
Gouvernement Stresemann I
Prédécesseur Andreas Hermes
Successeur Hans Luther
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Vienne (Autriche-Hongrie)
Date de décès
Lieu de décès 13e arrondissement de Paris
Nationalité Allemande
Parti politique USPD
SPD
Conjoint Margarete Hilferding
Profession Économiste

D'abord militant du Parti ouvrier social-démocrate d'Autriche[4], il se fait connaître comme l'un des théoriciens du courant austromarxiste. Son ouvrage Le Capital financier, publié en 1910, a une influence importante.

En Allemagne, il milite au SPD, à l'USPD puis à nouveau au SPD, il est ministre des Finances sous la république de Weimar en 1923 puis en 1928-1929. Il s'exile après l'arrivée au pouvoir de Hitler, et prend part à la Résistance allemande au nazisme. Arrêté en France pendant l'occupation, il est livré à la Gestapo par la police française, puis meurt peu après en prison.

Biographie

Das Finanzkapital, couverture de la réédition de 1923.

Hilferding milite très tôt dans les mouvements révolutionnaires, et rédige des articles dans la revue marxiste Die Neue Zeit (Les Temps nouveaux), puis cofonde avec Max Adler les Marx-Studien en 1904. Il devient par la suite un professeur d'économie politique à l’école du Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD), qui était, à cette époque, une organisation politique rattachée à la théorie marxiste.

Ayant obtenu la nationalitĂ© allemande, il devient rĂ©dacteur en chef de la revue Freiheit (« LibertĂ© »). Il s’oppose Ă  l’aile gauche de son parti et en particulier Ă  Rosa Luxemburg. Refusant d’adhĂ©rer Ă  la Troisième Internationale, il quitte l’USPD et retourne au Parti social-dĂ©mocrate (SPD).

Nommé ministre des Finances une première fois en 1923[5], il est contraint de démissionner rapidement sous la pression de la bourgeoisie allemande. Il a eu néanmoins le temps de préparer une réforme de la fiscalité et de tenter d’indexer le mark sur l’or. Hilferding se consacre alors entièrement à la politique et en , la victoire des sociaux-démocrates aux élections législatives lui permet d’obtenir de nouveau le portefeuille des Finances. Il occupe ce poste jusqu'en où un conflit avec le directeur de la Reichsbank le force à démissionner. Entre 1930 et 1933, il continue de militer pour ses idées socialistes.

La prise de pouvoir par Hitler en 1933 l’oblige à fuir l’Allemagne et à se réfugier en Suisse, où il continue son activité politique. En 1934, il écrit le Manifeste de Prague de la Sopade, qui appelle au renversement de la dictature nazie par la révolution. Il rejoint Paris en 1938 et y demeure jusqu’en où il décide de partir pour le Sud de la France. Ne pouvant recevoir qu’une aide provisoire de la part des anciens dirigeants socialistes français, il tente d’embarquer à Marseille pour les États-Unis afin d'échapper à un avis de recherche lancé par la police allemande. Malgré les contacts et les aides dont il dispose, il est capturé, avec Rudolf Breitscheid, à Arles en par la police française et livré à la Gestapo[6]. Interné à la prison de la Santé, Hilferding s’est probablement suicidé dans sa cellule le . Il avait un visa de transit pour émigrer aux États-Unis[7].

Vie privée

Il a été marié à Margarete Hilferding, première femme médecin autrichienne, et ils ont eu deux fils. Il épouse en secondes noces en 1923 Rose Hilferding-Lanyi (1884-1959), médecin d'origine hongroise[8]. Seul l'un de ses fils, Peter Milford-Hilferding (de) (1908-2007), économiste autrichien, a survécu.

Travaux théoriques

Controverse avec Böhm-Bawerk

La première contribution théorique significative d’Hilferding consiste dans sa critique des objections adressées par Eugen von Böhm-Bawerk à la théorie de la valeur de Marx. Pour Böhm-Bawerk, la théorie de Marx est incohérente : il existe une tension entre l’idée que la valeur d’une marchandise serait déterminée par le taux de travail socialement nécessaire à sa production, et l’idée que les prix de marché s’obtiennent par ajout du taux de profit moyen au coût de production des marchandises. Par ailleurs, la théorie de la valeur de Marx ne s’applique pas à tous les biens : elle ne permet pas d’expliquer que des biens naturels, qui n’impliquent aucun travail, aient un prix. Elle ne permet pas non plus d’expliquer les fluctuations à court-terme du mouvement des prix[9].

Pour Hilferding, en revanche, la thĂ©orie de la valeur n’est pas essentiellement une thĂ©orie de la dĂ©termination des prix.  La diffĂ©rence avec la thĂ©orie marginaliste est d’abord mĂ©thodologique : avec sa thĂ©orie de la valeur, Marx montre que le travail est le moteur de la production Ă©conomique. L’attribution de prix Ă  des biens qui ne sont pas directement produits du travail n’a de sens qu’au sein de rapports de production capitaliste dĂ©veloppĂ©s, qui impliquent d’abord la marchandisation du travail. Loin de rĂ©futer la thĂ©orie de la valeur-travail, elle en dĂ©rive donc[10].

Par ailleurs, la théorie de la valeur développée au livre I du Capital, et la théorie des prix de production développée au livre III ne décrivent pas la même réalité historique. Au livre I, il est question du développement de la production capitaliste, à un stade où les capitaux ne sont pas mobiles, ce qui ne permet pas l’égalisation des taux de profit des différents capitaux entre eux. Au livre III, en revanche, il est question de la production capitaliste pleinement développée, ce qui explique que le capital soit mobile et qu’un taux de profit moyen soit exigé de l’ensemble des branches de la production[10].

Le capital financier

Le capital financier, publiĂ© par Hilferding en 1910 Ă  Vienne sous le titre Das Finanzkapital, est « l’analyse marxiste sĂ©minale de la transformation d’un « capitalisme libĂ©ral » pluraliste et concurrentiel en un « capitalisme financier » monopoliste »[11], et anticipe largement sur les Ă©crits de LĂ©nine et Boukharine sur le sujet, qui en apparaissent largement dĂ©rivĂ©s[12].  Ecrivant dans le contexte de l’économie largement cartellisĂ©e de la fin de l’empire Austro-Hongrois[13], Hilferding oppose le caractère monopoliste du capital financier au capitalisme « compĂ©titif » et « flibustier » de l’époque libĂ©rale antĂ©rieure. L’unification des intĂ©rĂŞts industriels, bancaires et commerciaux a dĂ©samorcĂ© les demandes libĂ©rales des capitalistes concernant la rĂ©duction du rĂ´le Ă©conomique de l’état, le capital financier exigeant dĂ©sormais un « Ă©tat centralisĂ© et dispensateur de privilèges »[14]. Hilferding considère ce phĂ©nomène comme liĂ© Ă  l’inĂ©vitable concentration du capital analysĂ©e par l’économie marxiste, plutĂ´t que comme une dĂ©viation par rapport au libre marchĂ©.

Tandis que, jusqu’aux années 1860, les demandes du capital et de la bourgeoisie étaient, d’après Hilferding, de nature constitutionnelle, et « affectaient l’ensemble des citoyens de la même manière », le capital financier cherche de plus en plus l’intervention de l’Etat au bénéfice des classes possédantes : les capitalistes, et non plus la noblesse, dominent désormais l’Etat[14].

Pour Hilferding, cela ouvre un chemin vers le socialisme diffĂ©rent de celui envisagĂ© par Marx. « La fonction socialisante du capital financier facilite considĂ©rablement la suppression du capitalisme. Dès que le capital financier a mis sous son contrĂ´le les principales branches de production, il suffit que la sociĂ©tĂ©, par son organe d'exĂ©cution, l'Etat conquis par le prolĂ©tariat, s'empare du capital financier pour avoir immĂ©diatement la disposition des principales branches de production. »[15] Cela rendrait inutile l’expropriation « des fermes paysannes et des petites entreprises », puisqu’elles seraient indirectement socialisĂ©es, via la socialisation des institutions du capital financier dans la dĂ©pendance desquelles elles sont dĂ©jĂ . Ainsi, parce qu’une classe restreinte domine l’économie, la rĂ©volution socialiste peut Ă©largir sa base de soutien en n’expropriant directement que les membres de cette classe. En particulier, d’après Hilferding, les sociĂ©tĂ©s qui n’ont pas atteint le niveau de maturitĂ© exigĂ© par l’analyse de Marx pour ĂŞtre « prĂŞtes » pour le socialisme peuvent voir s’ouvrir Ă  elles la possibilitĂ© du socialisme[16]. De plus, « la politique du capital financier est vouĂ©e Ă  conduire Ă  la guerre, et donc  au dĂ©clenchement d’orages rĂ©volutionnaires »[15]. En effet, l’influence des capitalistes sur l’Etat est utilisĂ©e pour conquĂ©rir des territoires coloniaux et assurer leur contrĂ´le, via une politique impĂ©rialiste, afin d’assurer Ă  la bourgeoisie nationale des dĂ©bouchĂ©s pour ses marchandises et ses investissements.  Cette politique entrant en conflit avec celle des impĂ©rialismes rivaux, elle dĂ©bouche donc sur la guerre[17].

Ouvrage

Notes et références

  1. (en) Wistrich, Who's who in Nazi Germany, Psychology Press, , 110–11 p. (ISBN 978-0-415-26038-1, lire en ligne)
  2. International Institute of Social History, Rodolf Hilferding Papers. http://www.iisg.nl/archives/en/files/h/10751012.php
  3. German Resistance Memorial Center. http://www.gdw-berlin.de/bio/ausgabe_mit-e.php?id=244
  4. Smaldone, William, Rudolf Hilferding and the total state., 1994. http://www.encyclopedia.com/doc/1G1-15867926.html
  5. (de) Deutsches Historisches Museum, Biographie: Rudolf Hilferding. http://www.dhm.de/lemo/html/biografien/HilferdingRudolf/index.html
  6. Breitscheid et Hilferding font partie des premières victimes des dispositions découlant de l'article 19 de l'armistice de 1940 (cf. Gilbert Badia, « 1940-1944, quand Vichy livrait à Hitler les étrangers réfugiés en France ».
  7. Switzerland and Refugees in the Nazi Era. swissbankclaims.com. p. 104.
  8. « Rose Hilferding », Archiv Der Sozialen Demokratie [lire en ligne].
  9. E. von Bohm-Bawerk. 'Karl Marx and the Close of His System', in Sweezy (ed.), Karl Marx and the Close of His System, (New York: Kelley, 1966,première publication 1949).
  10. R. Hilferding, 'Bohm-Bawerk's Criticism of Marx', in Sweezy (ed.) Karl Marx and the Close of his System (New York: Kelley, 1966,première publication 1949)
  11. (en) Bideleux, Robert., A history of Eastern Europe : crisis and change, London/New York, Routledge, , 685 p. (ISBN 0-415-16111-8, 9780415161114 et 0415161126, OCLC 36582157, lire en ligne), p356
  12. (en) Bideleux, Robert., A history of Eastern Europe : crisis and change, London/New York, Routledge, , 685 p. (ISBN 0-415-16111-8, 9780415161114 et 0415161126, OCLC 36582157, lire en ligne), p 361
  13. (en) Bideleux, Robert., A history of Eastern Europe : crisis and change, London/New York, Routledge, , pp 357 - 359 (ISBN 0-415-16111-8, 9780415161114 et 0415161126, OCLC 36582157, lire en ligne)
  14. (en) Bideleux, Robert., A history of Eastern Europe : crisis and change, London/New York, Routledge, , p 359 (ISBN 0-415-16111-8, 9780415161114 et 0415161126, OCLC 36582157, lire en ligne)
  15. Rudolf Hilferding, Le capital financier, Paris, Editions de Minuit, (lire en ligne), Chapitre 25 - Le prolétariat et l'impérialisme
  16. (en) Bideleux, Robert., A history of Eastern Europe : crisis and change, London/New York, Routledge, , 685 p. (ISBN 0-415-16111-8, 9780415161114 et 0415161126, OCLC 36582157, lire en ligne), p 360.
  17. Rudolf Hilferding, Le capital financier, Paris, Editions de Minuit, (lire en ligne), Chapitre 22 - L'exportation de capital et la lutte pour le territoire Ă©conomique

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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