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Richesse du monde, pauvreté des nations

Richesse du monde, pauvretés des nations est un livre de Daniel Cohen, Flammarion, 1997, 2de édition (1998).

Résumé

Introduction

Dans cet ouvrage d'économie, Daniel Cohen cherche à comprendre les causes économiques et politiques de l'ampleur des inégalités de richesse aussi bien entre les nations qu'à l'intérieur des nations elles-mêmes, dans le but de proposer des solutions pour réduire ces inégalités. Contrairement aux « antimondialistes », l'auteur affirme que ce n'est pas la mondialisation, mais une révolution des techniques de production qui est à l'origine de la « formidable explosion » des inégalités contemporaines. Il dresse une étude du développement des nations sur différentes époques et régions du globe : Afrique, Asie, puis Europe et États-Unis, tout en décrivant le cheminement des pensées économiques au cours du temps. Le livre est ainsi divisé en sept étapes, sept niveaux d'étude des inégalités de développement et de richesse.

Première partie : « Pourquoi les pays pauvres sont-ils pauvres ? »

La première partie est centrée sur la question : « Pourquoi les pays pauvres sont-ils pauvres ? » L'auteur tente de répertorier les principales causes de la misère africaine, qu'il classe en trois étages.

  • Au premier niveau est l'esclavage des femmes, liĂ© au fait que dans les sociĂ©tĂ©s africaines, l'homme commande.
  • Au deuxième niveau, c'est l'exploitation des campagnes par les villes, liĂ©e au fait que les classes au pouvoir sont urbaines. Un cercle vicieux de l'exploitation s'installe : l'État impose des bas prix aux campagnes, ce qui ruine les agriculteurs et les pousse Ă  l'exode rural, venant former des cohortes de pauvres urbains qui Ă  leur tour comptent sur une nourriture Ă  bas prix, et se rĂ©voltent lorsque les prix montent. L'État est contraint Ă  l'immobilisme.
  • Au troisième niveau se trouve la corruption : l'exploitation de la nation tout entière par la classe au pouvoir.

Comment sortir de cet engrenage de la misère ? On ne peut plus supposer aujourd'hui que le libre jeu des marchés suffirait à émanciper l'humanité, comme les physiocrates, critiques du mercantilisme, l'espéraient. Un programme de démocratie et de scolarisation massive (notamment des femmes), ces deux éléments s'alimentant mutuellement, serait un meilleur remède.

Les pièges de pauvreté ne sont pas inéluctables. C'est ce que montre la deuxième partie, étude du développement record de Hong Kong et Singapour.
Ces deux villes asiatiques, parties d’un niveau de développement très bas, ont atteint très rapidement leur place parmi les villes les plus riches du monde.

  • La croissance de Hong Kong se fonde d’abord sur le dĂ©veloppement industriel, puis la diversification des activitĂ©s.
  • Singapour, conduite d’une main de fer, est passĂ©e par la simplification du code du travail, une politique de rigueur Ă©conomique, des mesures comme l’obligation de capitalisation des retraites, des incitations fiscales Ă  l’investissement Ă©tranger, ce qui a conduit au dĂ©veloppement industriel, technique, puis de la finance. On a assistĂ© Ă  une forte spĂ©cialisation des choix de production, qui a fait la rĂ©ussite de l’économie de Singapour. Le PNB par tĂŞte de Singapour a aujourd'hui dĂ©passĂ© celui de son ancienne puissance colonisatrice, l'Angleterre

Ces résultats obtenus sont moins issus de la hausse de la productivité que du travail opiniâtre de la population. « La richesse vient récompenser les efforts de chacun », dit l’auteur. Des remèdes simples comme l’épargne, l’investissement, l’éducation de la main d’œuvre ont porté leurs fruits, ce qui permet de constater qu’un phénomène de rattrapage est en œuvre. L’économie de marché serait selon l'auteur vecteur d’une société plus égalitaire, par le fait que l’impératif de croissance oblige au progrès de la scolarisation, cette dernière étant porteuse d’aspirations démocratiques.

  • Face Ă  la montĂ©e de la puissance Ă©conomique des « tigres et dragons » asiatiques, les pays du Nord doivent-ils craindre la loi d’une Ă©conomie de marchĂ© dont ils ont Ă©tĂ© les initiateurs ? En effet, doivent-ils craindre une perte de compĂ©titivitĂ© « globale » de leurs Ă©conomies ? On ne doit pas avoir peur du « dĂ©ficit global du commerce avec les pays pauvres ». Ce qui est en jeu n’est pas le dĂ©sĂ©quilibre entre les importations et les exportations, mais la composition « sectorielle » de ceux-ci. On s’oppose ainsi aux mercantilistes, qui sont contre la concurrence internationale. La rĂ©ponse de Ricardo Ă  ces craintes est la thĂ©orie des avantages comparatifs : se spĂ©cialiser dans les domaines oĂą l’on est le meilleur s’applique aussi au niveau des États. Ceci passe cependant par une transition souvent douloureuse, comme l’exode rural. La spĂ©cialisation pose de grands problèmes. L’Inde, qui s’était spĂ©cialisĂ© dans le coton, le jute, l’opium, par exemple, est devenu plus dĂ©pendant de la conjoncture mondiale qui, lorsqu’elle est mauvaise, peut conduire Ă  la famine, dans ce cas-lĂ . La division internationale du travail n’est donc pas une bonne solution. De plus, l’industrialisation des uns est parallèle Ă  la dĂ©sindustrialisation des autres. La mondialisation au XXe siècle Ă©tait ainsi un traumatisme pour les pays du Tiers Monde.

Cependant, la théorie des néo-ricardiens selon laquelle la mondialisation est au service du capital contre les travailleurs des pays riches repose sur une base erronée, que Daniel Cohen critique à partir du paradoxe de Leontief. Le commerce n’entraîne pas une déformation du partage salaire-profit, mais il est vrai qu’il augmente les inégalités salariales. Les travailleurs non qualifiés perdent à la mondialisation, tandis que les « producteurs d’idées » voient leur salaire augmenter. Ce sont ces derniers qui gagnent à échanger. Le commerce mondial est bien vecteur d’un enrichissement, mais cet enrichissement est inégal. En réalité, cela vient du fait que les inégalités sont antérieures au commerce mondial.

Aux origines des inégalités

  • Si ce n’est la mondialisation, qu'est-ce qui est Ă  l’origine de l’explosion des inĂ©galitĂ©s et de cette paupĂ©risation aujourd’hui? Pour l’auteur, il s’agit de la 3e rĂ©volution industrielle : la rĂ©volution informatique. Le travail est engagĂ© dans un « processus de professionnalisation croissante », qui rejette ceux qui ne parviennent pas Ă  s’y insĂ©rer. L’économiste s’appuie sur la thĂ©orie « O-Ring » du dĂ©veloppement, de Michael Kremer. Pour une production donnĂ©e, le moindre dysfonctionnement menace la production du tout. Les niveaux de qualitĂ© des travailleurs engagĂ©s dans un processus de production commun doivent ĂŞtre très proches ; un faible Ă©cart de productivitĂ© individuelle peut entraĂ®ner un Ă©cart de revenu considĂ©rable. Il y a risque d’exclusion. C’est un processus inĂ©galitaire bien plus important que la mondialisation de l’économie. L’éclatement des inĂ©galitĂ©s n’est pas uniquement entre les nations, mais beaucoup au sein de chaque groupe de la sociĂ©tĂ©. Les ouvriers non qualifiĂ©s sont laissĂ©s pour compte en pĂ©riode de transition.
  • Si la crise du travail Ă©tait due Ă  la mondialisation, le remède idĂ©al serait la scolarisation des masses. Or, les diplĂ´mĂ©s restent entre eux et sous-traitent les tâches qu’ils ne veulent pas faire. Ce sont les « appariements sĂ©lectifs ». Lorsque 80 % de la population sait lire, les analphabètes sont mis sur la touche. La marche vers la scolarisation peut accroĂ®tre les facteurs d’exclusion.
  • Comment lutter contre la montĂ©e du chĂ´mage de masse en Europe ? Comment lutter contre l’exclusion, sans faire des plus vulnĂ©rables des « assistĂ©s »? Il est difficile de mener une politique de relance keynĂ©sienne dans l’état actuel de nos finances. L’État-providence n’est plus adaptĂ© Ă  notre sociĂ©tĂ© et ne rĂ©pond pas aux nouvelles inĂ©galitĂ©s. Daniel Cohen propose d’instaurer l’ « impĂ´t nĂ©gatif » : accorder Ă  chaque personne en âge de travailler un revenu minimum, qu’elle trouve un emploi ou non. Cela permet d’éviter de stigmatiser des groupes de population en aidant les plus dĂ©favorisĂ©s. Pour cela, il faut une volontĂ© de la sociĂ©tĂ© de s’engager au nom de la solidaritĂ©. Il faut aussi que l’État retrouve la maĂ®trise de ses finances publiques.

Conclusions

  • L’auteur distingue quatre âges de l’économie politique : le mercantilisme, le libĂ©ralisme Ă©conomique (effacement de l’État), le keynĂ©sianisme (retour de l’État), qui est aujourd’hui en crise. Nous arrivons Ă  un quatrième âge de l’économie politique, dans lequel le politique perd son influence Ă©conomique mais le marchĂ© n’impose pas sa loi. Le commerce mondial serait la promesse pour les pays pauvres de la rĂ©duction des Ă©carts internationaux de prospĂ©ritĂ© et de puissance.

Carrière littéraire

C'est pour ce livre que Daniel Cohen a Ă©tĂ© dĂ©signĂ© « Économiste de l'annĂ©e » par le magazine « Le Nouvel Économiste » en 1997. Richesse du monde, pauvretĂ©s des nations a reçu le prix LĂ©on Faucher de l'AcadĂ©mie des Sciences Morales, et s'est vendu Ă  plus de 25 000 exemplaires.

Voir aussi

Liens externes

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