René Lucet
René Lucet est un directeur de caisse de la Sécurité sociale française, né le à Fontainebleau, en France. Découvert mort le dans sa villa au sein du quartier Saint-Barnabé à Marseille, les circonstances de son décÚs sont mystérieuses et pourraient résulter d'un assassinat.
Naissance | |
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DĂ©cĂšs |
(Ă 38 ans) 12e arrondissement de Marseille |
SĂ©pulture | |
Nom de naissance |
René Philippe Lucet |
Nationalité |
Biographie
Ă l'Ăąge de vingt ans, RenĂ© Lucet entre, en 1963, Ă la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Melun, en tant qu'employĂ© et poursuit parallĂšlement ses Ă©tudes de droit (licence en droit) ; il occupe ensuite un poste de rĂ©dacteur juridique, aprĂšs avoir obtenu le diplĂŽme du CNESS (Centre national d'Ătudes de la SĂ©curitĂ© sociale). Il revient Ă la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Melun en tant que secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral appuyĂ© par FO et le CNPF pour prendre en main cet organisme dirigĂ© par M. Bonamy, directeur proche de la CGT. Il devient ensuite directeur de cet organisme aprĂšs l'avoir dirigĂ© en tant que directeur adjoint avec un directeur fantoche. DĂšs 1972, il est l'un des premiers directeurs de caisse Ă s'informatiser : il est alors le plus jeune directeur de CPAM Ă l'Ăąge de trente-deux ans. Le , il devient directeur de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) des Bouches-du-RhĂŽne, qui est la seconde de France en importance aprĂšs celle de Paris (1 500 000 assurĂ©s sociaux Ă gĂ©rer, avec un personnel de 3 500 agents et un budget de remboursement de trente millions de francs, soit l'Ă©quivalent de plus de dix millions d'euros des annĂ©es 2020). Il veut rĂ©former cette caisse qui ne fonctionne pas bien Ă l'Ă©poque : quelque 800 000 dossiers de remboursement ou de gestion sont en souffrance, les dĂ©lais de rĂšglement sont d'un mois environ, des grĂšves Ă rĂ©pĂ©tition ont lieu, l'absentĂ©isme des agents est de 31 %. Il dĂ©sire augmenter sensiblement les centres de paiement qui existaient alors dans Marseille, afin de faciliter la vie des usagers et veut les faire passer de 28 Ă 45. Le conseil d'administration de la caisse, Ă composition paritaire (reprĂ©sentants du patronat et des syndicats), vote d'ailleurs cette proposition le . Il choisit alors une procĂ©dure rapide mais discutable, celle des marchĂ©s de grĂ© Ă grĂ©, et il engage un budget trĂšs important de prĂšs de vingt-trois millions de francs, soit l'Ă©quivalent de plus de sept millions d'euros des annĂ©es 2020.
Il impose, par des mĂ©thodes musclĂ©es, un assainissement des finances. En particulier, il met fin Ă la dĂ©lĂ©gation de service public dont avaient bĂ©nĂ©ficiĂ© plusieurs mutuelles liĂ©es Ă la CGT. Apparemment, le syndicat en avait profitĂ© pour se constituer une caisse noire. Il dĂ©couvre aussi un systĂšme de financement proche de la mafia marseillaise. Ă cette Ă©poque, de sensibilitĂ© gaulliste (ancien adhĂ©rent de l'Union des Jeunes pour les ProgrĂšs, dans sa jeunesse Ă la section de Fontainebleau), adhĂ©rent actif de Force ouvriĂšre quand il est entrĂ© Ă la caisse de Melun, ancien conseiller municipal au moment oĂč Paul SĂ©ramy Ă©tait le maire de Fontainebleau, franc-maçon (Ă la Grande Loge de France), il aurait pu devenir ministre des Affaires sociales si la droite avait gagnĂ© les Ă©lections de . Mais aprĂšs l'Ă©lection de François Mitterrand, il perd tous ses appuis[1].
Le nouveau gouvernement dĂ©cide, en , sur demande de la CGT, de procĂ©der Ă une enquĂȘte et Ă une inspection faite par l'Inspection GĂ©nĂ©rale des Affaires Sociales sur sa gestion et ses mĂ©thodes de gouvernance. Cette enquĂȘte est faite Ă charge Ă compter de septembre et son rapport final est communiquĂ© Ă l'intĂ©ressĂ© le . Ă sa suite, RenĂ© Lucet produit un rapport de 28 pages contrant systĂ©matiquement toutes les affirmations du rapport produit par cette inspection. Le , le conseil d'administration de la caisse renouvelle, aprĂšs avoir l'entendu pendant 5 heures, sa confiance Ă son directeur (votes contre : CGT et CFDT).
Par la ministre de tutelle (Nicole Questiaux), il fait l'objet de mesures de suspension de sa fonction de directeur de CPAM de Marseille le [2].
Ă la suite des enquĂȘtes policiĂšres menĂ©es aprĂšs le dĂ©cĂšs de RenĂ© Lucet, est dĂ©couverte une imbrication de deux rĂ©seaux. Le premier Ă©tait basĂ© Ă Marseille, fondĂ© par Dominique (Nick) Venturi, un ancien truand rescapĂ© de la guerre des gangs qui avait suivi l'arraisonnement du yacht Combinatie dans les annĂ©es 1950 et avait fait prĂšs de vingt-cinq morts en moins de vingt ans. Il fabriquait de fausses factures destinĂ©es Ă alimenter des caisses noires Ă©lectorales pour des politiciens provençaux.
Le second, niçois, Ă©tait dirigĂ© par un inspecteur des impĂŽts de cette ville, Julien Zemour, cousin des truands du mĂȘme nom, et qui bĂ©nĂ©ficiait nĂ©cessairement de la complicitĂ© des directeurs des hĂŽpitaux, « victimes » de cette fraude.
Le scandale rĂ©vĂ©lera la corruption de nombreux fonctionnaires dans diverses mairies de toute la France et de toutes couleurs politiques (Paris, Nice, Marseille, Clermont-Ferrand, Le Havre, PerpignanâŠ)[3]
RenĂ© Lucet est retrouvĂ© mort le ; officiellement, il s'est suicidĂ© en se tirant deux balles dans la tĂȘte et des diffamtions suivront aprĂšs sa mort violemment combattue par la veuve Lucet[4] - [5].
Une violente polémique s'ensuit[6]. La droite accuse le gouvernement de l'avoir acculé au suicide. La gauche s'étonne de cette mort et se demande s'il ne s'agit pas d'un meurtre[7]. René Lucet aurait été tué parce qu'il en savait trop sur certains financements politiques[8].
Plus d'un fait est troublant[9]. Tout d'abord, RenĂ© Lucet s'est suicidĂ© de deux balles dans la tĂȘte. Selon les rapports d'autopsie, les deux balles Ă©taient mortelles et successives et ont Ă©tĂ© tirĂ©es dans le mĂȘme orifice.
Ensuite, l'un des policiers lave la main de RenĂ© Lucet aprĂšs avoir relevĂ© les empreintes, ce qui empĂȘche de faire un test Ă la cire pour savoir si le mort a rĂ©ellement tirĂ© (test connu par toutes les polices du monde depuis bien longtemps).
Pour terminer, le commissaire Marza rĂ©dige un rapport le indiquant que ni la prĂ©sence de sang au plafond, ni la position de RenĂ© Lucet, ni le tir de deux balles successives ne peuvent ĂȘtre expliquĂ©s, comme le rĂ©vĂšle Le Canard enchaĂźnĂ© du .
Le , le corps de RenĂ© Lucet est exhumĂ© : le collĂšge d'experts affirme que les deux balles ont Ă©tĂ© tirĂ©es successivement et que RenĂ© Lucet Ă©tait vivant quand la deuxiĂšme fut tirĂ©e. Robert Badinter s'indigne que le procureur de Marseille Albert Vilatte n'ait pas fait remonter de telles informations et qu'il ait mĂȘme refusĂ©, dans un premier temps, le rapport du commissaire Marza. DĂšs la fin mars, le procureur Vilatte est mutĂ© et promu avocat gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour d'Appel de Paris "dans l'intĂ©rĂȘt du service". Pierre Truche, avocat gĂ©nĂ©ral Ă la cour Ă Grenoble le remplace. Quant Ă Marcel Guilbot, procureur gĂ©nĂ©ral Ă Aix-en-Provence, il est remplacĂ© par Georges Beljan, ancien directeur de cabinet de Robert Badinter[10] - [11] - [12] - [13].
Une instruction sur les causes de la mort de RenĂ© Lucet est ouverte sur dĂ©cision du Parquet de Marseille, un mois aprĂšs la constatation du dĂ©cĂšs. L'instruction de cette affaire est confiĂ©e au juge d'instruction Bernadette AugĂ© le 23 mars[14] - [15]et en mai de l'annĂ©e 1984, 13 personnes sont Ă©crouĂ©es par Mme Françoise Llaurens-GuĂ©rin, juge d'instruction, et de l'enquĂȘte, conduite par la section Ă©conomique et financiĂšre de la police judiciaire de Marseille[16]. En , la juge d'instruction rend une ordonnance de non-lieu, sans avoir pu Ă©claircir l'affaire[17].
Une émission de France Inter Rendez vous avec X a été consacrée à l'affaire René Lucet le [18], ainsi qu'une autre sur RTL, de Jacques Pradel, L'Heure du crime du .
Notes et références
- http://tracescitoyennes.fr/doc_num.php?explnum_id=299
- Le Monde, « La lettre de Mme Questiaux et la rĂ©ponse de l'accusĂ© », Le Monde,â (lire en ligne , consultĂ© le ).
- JEAN CONTRUCCI, « " C'est une affaire politique ", nous dĂ©clare M. RenĂ© Lucet », Le Monde,â (lire en ligne , consultĂ© le ).
- PIERRE GEORGESJEAN CONTRUCCI, « Des experts sont chargĂ©s de rĂ©examiner les circonstances de la mort de RenĂ© Lucet VĂ©rifications », Le Monde,â (lire en ligne , consultĂ© le ).
- JEAN CONTRUCCI, « Mme Lucet dĂ©nonce " les horreurs qui salissent une famille Ă©prouvĂ©e " », Le Monde,â (lire en ligne , consultĂ© le ).
- JEAN CONTRUCCI, « âą M. Lucet, le directeur dĂ©mis par Mme Questiaux, se donne la mort âą Un dĂ©putĂ© U.D.F. demande une enquĂȘte parlementaire », Le Monde,â (lire en ligne , consultĂ© le ).
- https://www.vie-publique.fr/discours/200179-declaration-de-m-pierre-mauroy-premier-ministre-sur-la-politique-gouv
- DANIĂLE ROUARD, « âą M. Defferre dĂ©nonce une utilisation Ă©lectorale d'" un drame trĂšs triste " âą M. Pasqua : " Nous nous acheminons vers une guerre civile larvĂ©e "⊠», Le Monde,â (lire en ligne , consultĂ© le ).
- JEAN CONTRUCCI., « Le suicide de RenĂ© Lucet n'est ni confirmĂ© ni infirmĂ© », Le Monde,â (lire en ligne , consultĂ© le ).
- Alain Laville, Le juge Michel, Chapitre : Le juge ne sera jamais vengé, éditeur France-Loisirs, 1982.
- B. L. G., « âą M. Beljean quitte le cabinet de M. Badinter âą Le procureur gĂ©nĂ©ral d'Aix-en-Provence est placĂ© en " congĂ© spĂ©cial " aprĂšs l'affaire Lucet », Le Monde,â (lire en ligne , consultĂ© le ).
- JEAN-MARC THĂOLLEYRE, « L'affaire des " grĂąces mĂ©dicales " de Marseille sera jugĂ©e par le tribunal de Versailles », Le Monde,â (lire en ligne , consultĂ© le ).
- Paul Cassia, Robert Badinter, un juriste en politique, Ă©diteur Fayard, 2009.
- JEAN CONTRUCCI., « Le juge d'Instruction reprend certaines auditions dans l'affaire Lucet », Le Monde,â (lire en ligne , consultĂ© le ).
- PIERRE GEORGES, « Les " vendanges " de Marseille », Le Monde,â (lire en ligne , consultĂ© le ).
- JEAN CONTRUCCI., « Treize personnes sont Ă©crouĂ©es Ă la prison des Baumettes 15 millions de francs auraient Ă©tĂ© dĂ©tournĂ©s au dĂ©triment de la SĂ©curitĂ© sociale », Le Monde,â (lire en ligne , consultĂ© le ).
- https://www.valeursactuelles.com/societe/enigmes-criminelles-laffaire-rene-lucet/
- « Rendez-vous avec X, le site non-officiel de l'émission de Patrick Pesnot », sur rendezvousavecmrx.free.fr (consulté le ).
Voir aussi
Bibliographie
- Jean Montaldo, 850 jours pour abattre René Lucet, éd. Albin Michel, 336 p., .
- Jean Cosson, Les Industriels de la fraude fiscale, Ă©d. Jean de Bonnot, 217 p., 1987.
- L'argent secret des élections, Les Dossiers du « Canard enchaßné », no 27, mars-.
- Jean-François Miralles, Il était une fois René Lucet, 1992.
- Jules Ambroziak, Le voisin de la rue des écarlates, éd. le Phénix du Lion, 120 p., .
Ouvrages traitant indirectement de l'affaire
- Jean-Charles de Fontbrune, Prophéties de Nostradamus pour le roy François, 1983.
- Gérard Badou, L'état de santé : Notre santé aux mains des politiques, 1985.
- Roland Passevant, Journaliste sous haute surveillance : 1981-1987 Ă TF1, 1986.
- José d'Arrigo, Marseille mafias: Ce que personne n'ose dire, 2012.
Liens externes
- Mort de René Lucet: version courte du journal du 4 mars 1982 (ina.fr).
- Histoire de René Lucet
- Récit de la mort de René Lucet
- Archive résumant l'action et la détermination de René Lucet contre la gabegie de la sécurité sociale
- Récit sur René Lucet
- , , Archives de l'assemblée nationale concernant la sécurité sociale de Marseille et résumant la gestion du défunt René Lucet
- Article sur les 70 ans de la sécurité sociale dont une petite partie est consacré à René Lucet
- Résumé de l'affaire sur Universalis
- Journal du 18 mars 1982 sur René Lucet ainsi que les protestations de sa veuve sur son décÚs
- Journal du 18 mars 1982 (Ina.fr)