Recova de Buenos Aires
La Recova de Buenos Aires (dénommée en son temps Recova de la Carne, soit halle aux Viandes), était une sorte de marché couvert, composé de deux longues galeries alignées, symétriques, compartimentées, sans étage, reliées entre elles par une monumentale arche centrale, et qui se dressait autrefois sur la place de la Victoire (actuelle place de Mai), dont elle occupait toute la largeur et séparait donc en deux espaces distincts. Commencé à construire en 1802, l’édifice servit, jusqu’à sa démolition en 1883, de principal centre d'approvisionnement pour les habitants de la capitale argentine.
Projets et construction
L’édification d’un marché couvert fut envisagée pour la première fois en 1774 par le futur vice-roi Juan José de Vértiz y Salcedo, alors gouverneur suppléant de Buenos Aires, afin de remplacer, dans le rôle de lieu de vente de marchandises, le marché improvisé qui se constituait quotidiennement sur la place du Fort (en esp. Plaza del Fuerte, auparavant parcelle des Jésuites, et moitié est de l’actuelle place de Mai). La mise en œuvre du projet, qui désignait comme emplacement de ces nouvelles galeries ou halles le même côté oriental de ladite place, fut cependant retardée, puis les plans furent abandonnés tout à fait.
Dix ans plus tard, en 1784, le cabildo de Buenos Aires relança la proposition d'une recova, toutefois, alors que l’on en était déjà à introduire une demande de permis de construire, la proposition fut écartée à l’entrée en fonction du vice-roi Loreto.
Le , le citoyen don MartĂn Diego de la Vega y Quiroga prĂ©senta un nouveau projet de construction, selon des plans dessinĂ©s par le colonel du gĂ©nie don JosĂ© GarcĂa MartĂnez Cáceres. Vers la fin de l’annĂ©e, sur ordre du Cabildo, des fonds furent rĂ©unis, en vue de la construction, parmi les habitants dont les propriĂ©tĂ©s donnaient sur la place.
En 1801, peu après son accession au pouvoir, le vice-roi del Pino fit adopter quelques modifications, puis donna son approbation Ă deux importants projets d’infrastructure civile, dont la rĂ©alisation dĂ©butera l’annĂ©e suivante : le quai sur le RĂo de la Plata, et la Recova, dĂ©nommĂ©e Ă l’époque Recova de la Carne, soit halle aux Viandes).
Sous la direction du maĂ®tre d’ouvrage Juan Bautista Segismundo, constructeur Ă©galement du couvent Saint-Laurent, et d’après les plans de don AgustĂn Conde, furent alors Ă©difiĂ©es deux ailes oblongues, Ă toit plat, disposĂ©es dans l’axe l’une de l’autre, constituĂ©es d'une double rangĂ©e de onze compartiments quadrangulaires, et prĂ©sentant de chaque cĂ´tĂ© vers le dehors une suite de onze arcs plein-cintre. Comme nouveautĂ© pour l’époque Ă Buenos Aires, la totalitĂ© des murs fut construite en briques.
Le fut publié le décret municipal disposant que les viandes, légumes, fruits, etc. eussent à être vendus désormais dans la Recova.
L’année suivante fut érigée la grande arche centrale, nommée arche des Vice-rois, qui permit de faire la jonction entre les deux ailes, complétant ainsi cet ensemble de style néoclassique.
Mise en vente
Vers 1840, le trĂ©sor public ayant Ă©tĂ© lourdement grevĂ© Ă la suite du blocus par la France du RĂo de la Plata, le gouvernement dĂ©cida de mettre la Recova en vente publique. Firent ainsi acquisition du bâtiment les frères Manuel et Francisco Murrieta, pour la somme de quatre-cent-mille pesos. Avant mĂŞme que l’acte de vente eut Ă©tĂ© dressĂ©, lors d’un Ă©pisode assez confus, les Murrieta vendirent la propriĂ©tĂ© Ă l’avocat et homme politique Tomás de Anchorena. Après la mort d’Anchorena et la levĂ©e du blocus franco-britannique du RĂo de la Plata, la Recova cessa de remplir sa fonction originelle d’approvisionnement en viandes, fruits et lĂ©gumes, et servit dorĂ©navant Ă hĂ©berger dans ses compartiments boutiquiers et artisans.
- La double rangée de compartiments qui composent la Recova Vieja était constituée en sa quasi-totalité de boutiques de vêtements, généralement des plus ordinaires : ceux qui venaient s’y fournir étaient pour la plupart des marins… En ces années-là , tous les boutiquiers dînaient à la cantine. On leur apportait le repas dans des bidons de fer-blanc, et, entre 2 et 3 heures de l’après-midi (heure à laquelle on dînait alors), l’on ne pouvait plus passer par la Recova car l’odeur des victuailles était insupportable et la puanteur de mangeaille qui en été se dégageait de chaque débit de nourriture vous volait à la face comme un coup de fusil. Il est impossible que ceux qui à cette époque avaient coutume de passer par là aient oublié cette odeur sui generis…(Wilde, op. cit.)
DĂ©molition
En 1869 surgit un projet prévoyant d’exproprier la Recova pour procéder ensuite à sa démolition afin de donner plus d’ampleur à la place de la Victoire, mais les finances malmenées par les dépenses de la guerre de la Triple Alliance et la subséquente épidémie de fièvre jaune de 1871 firent capoter le projet.
En 1884, durant sa première année d’exercice en tant qu’intendant (maire) de Buenos Aires, Torcuato de Alvear — dans un contexte d’exécution d’un grand nombre de travaux tendant à l’amélioration des conditions sanitaires et à l’embellissement de la ville — décida la démolition de la Recova. Après expropriation de celle-ci, il confia à l’architecte Juan Antonio Buschiazzo la mission de démolir la Recova, d’unifier les deux parties de la place et de faire déplacer la pyramide de Mai de son emplacement primitif, en face du Cabildo, vers son emplacement actuel, à la hauteur de la cathédrale, sur l’axe imaginaire de l’ancien marché couvert.
Les travaux de démolition débutèrent le et, menés par une légion d’ouvriers, furent terminés dès le jour suivant.
Liens externes
Références
- (es) Beruti, Juan Manuel, Memorias Curiosas 1re éd. - Buenos Aires: Emecé, 2001. 552 p. - (Memoria Argentina) (ISBN 950-04-2208-5)
- (es) Wilde, José Antonio, Buenos Aires desde setenta años atrás, chap. IV
- (es) Santos Vega o Los mellizos de la flor : rasgos dramáticos de la vida del gaucho en las campañas y praderas de la República Argentina (1778 à 1808) par Hilario Ascasubi