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Rashōmon (film, 1950)

Rashōmon (羅生門, litt. La Porte Rashō) est un film japonais réalisé par Akira Kurosawa en 1950[1], d'après deux nouvelles de Ryūnosuke Akutagawa[2] (nouvelles Rashômon et Dans le fourré cette dernière est inspirée de The Moonlit Road, une nouvelle d’Ambrose Bierce).

Rashōmon
Description de cette image, également commentée ci-après
Affiche du film.
Titre original 羅生門
Rashōmon
Réalisation Akira Kurosawa
Scénario Akira Kurosawa
Shinobu Hashimoto
Ryūnosuke Akutagawa (nouvelles)
Acteurs principaux
Sociétés de production Daiei
Pays de production Japon
Genre Drame, Thriller Psychologique,Policier
Durée 88 minutes
Sortie 1950

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Il a donné son nom à l'effet Rashōmon qui désigne le fait que plusieurs personnes décrivent différemment le même événement.

Synopsis

Dans le Japon de la fin Heian (794-1185), quatre personnes présentent des versions très différentes d'un même crime. Un bûcheron ayant découvert un corps, un procès est ouvert. La première version du crime apparaît dans la bouche du bandit qui avoue être l'auteur du meurtre, puis on découvre celle de l'épouse qui dit avoir tué son mari, puis celle du défunt samouraï qui, par la bouche de la medium raconte s’être suicidé. La quatrième version correspond à celle du bûcheron qui, revenant sur sa déclaration, annonce avoir été témoin de la scène[3].

Fiche technique

Distribution

Tournage et contexte

Affiche japonaise du film.

Le film a été réalisé pendant la période d'occupation américaine du Japon, durant laquelle la production cinématographique était étroitement contrôlée et pouvait mener à des interdictions d'exploitation immédiates. L'évocation de samouraïs et de combats au sabre était interdite. Akira Kurosawa rencontra beaucoup de difficultés pour produire son film, qui ne fut autorisé que par l'assouplissement de la censure due à la guerre de Corée[10].

Il serait aussi possible de voir dans le film deux thèmes qui ont profondément marqué le Japon. D'abord, les bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki : Kurosawa y ferait référence lorsque le bandit, lors de son procès, lève ses yeux pensifs vers le ciel, et que le plan suivant montre longuement un gigantesque nuage. Ensuite, le procès de Tokyo qui venait de s'achever et dont l'empereur avait été tenu à l'écart sans être jugé : on pourrait y voir un lien avec le fait que la sentence du procès du bandit n'est pas prononcée. Ces deux thèmes auraient probablement été perçus par le public japonais de l'époque[10].

Musique

Selon le souhait du réalisateur Akira Kurosawa, la musique du film composée par Fumio Hayasaka est une adaptation japonisée du Boléro de Ravel, ce qui a pour effet de renforcer le caractère cyclique, mais changeant, de la narration [11]. D'ailleurs, le déroulement de la musique n'est pas constant : les notes sont absentes au début du film, commencent quand le paysan qui voulait couper du bois entame le récit de sa découverte — leur objectif semble alors celui de servir l'action, en soulignant les passages forts du drame, assez classiquement — puis elles décroissent pour s'assourdir au deuxième témoignage et disparaître à partir du troisième, à mesure qu'on découvre la cruauté et l'abjection des protagonistes. Elles ne reprendront qu'à la fin, comme une légère touche d'espoir quand le paysan prend un nouveau-né délaissé et accepte de s'en occuper.

Commentaires

  • Datation de l'action du film : le générique ne fournit pas d'indication claire. Le générique japonais ne mentionne pas l'époque à laquelle se déroule le film. En France, certains sous-titrages français du générique mentionnent « XIe siècle », d'autres « en l'an 750 », mais d'autres traductions mentionnent d'autres époques. Selon Tadao Satō, l'action se déroule à l'époque de Nara (en 750) pendant une guerre civile[12].
  • « De la réalité chacun se fait une idée. Dans les discours scientifique et politique, dans les conversations de tous les jours, nous renvoyons en dernière instance au référent suprême : le réel. Mais où est donc ce réel ? Et surtout, existe-t-il réellement ? De toutes les illusions, la plus périlleuse consiste à penser qu'il n'existe qu'une seule réalité. En fait, ce qui existe, ce sont différentes versions de la réalité, dont certaines peuvent être contradictoires, et qui sont toutes l’effet de la communication et non le reflet de vérités objectives et éternelles. » (Paul Watzlawick, La réalité de la réalité, Seuil, Paris, 1976.)
  • Au premier niveau physique est la réalité matérielle de faits, gestes et paroles du « crime ». Au deuxième niveau physiologique est la réalité sensorielle des images et sonorités perçues. Au troisième niveau psychique est la réalité imaginaire des significations et valeurs conférées aux éléments de la réalité physique déjà orientée et délimitée par la réalité sensorielle de la perception des sons et lumières. Au quatrième niveau symbolique est la réalité culturelle des croyances d'une religion et des règles de conduite d'une morale qui orientent et délimitent les significations et valeurs possibles conférées aux faits, gestes et paroles de la réalité physique déjà filtrée et sélectionnée par la réalité physiologique des perceptions. Ainsi, une même scène du « crime » est présentée par quatre protagonistes en quatre, puis cinq versions différentes après une cascade d'interprétations, de « communications » des différents niveaux de réalité. Ceci pose le problème du témoignage d'une « scène » dans la sélection des témoins et dans la sélection par le témoin choisi des différentes perceptions, significations et valeurs qu'il a éprouvées « réellement ». D'autre part, un même « fait » physique ne devient « événement » psychique que par ses effets et répercussions dans l'esprit des acteurs et spectateurs des gestes et paroles.
  • Selon Monvoisin, Rashōmon est un film japonais moderne en costume traditionnel. C'est le premier film dont la narration fait appel à un flash-back sur trois temporalités différentes : le présent, l'époque récente du procès, et l'époque antérieure du crime[10]. C'est aussi le premier film japonais à avoir remporté un grand succès à la fois au Japon et à l'étranger[10].
  • Akira Kurosawa suggère que son œuvre révèle l'incapacité de l'homme à être honnête, non seulement avec les autres, mais surtout avec lui-même :

« L’Homme est incapable d’être honnête avec lui-même. Il est incapable de parler honnêtement de lui-même sans embellir le tableau. Ce scénario parle de gens comme ça (ce genre d’individus qui ne peuvent survivre sans mentir pour se montrer meilleur qu’ils ne le sont vraiment. Il montre également que ce besoin de faussement se flatter continue même dans la tombe puisque même le personnage mort ne peut s’empêcher de mentir sur lui-même en parlant à travers le médium). L’égoïsme est un péché que l’être humain porte en lui depuis la naissance et c’est le plus difficile à combattre[13]. »

Remakes

Distinctions

Notes et références

  1. Selon Donald Richie (The Films of Akira Kurosawa, p. 70), un premier projet de réalisation eu lieu en 1948 (un scénario avait déjà été écrit), mais fut abandonné après que le financeur (Toyoko Company) le jugea trop risqué et que la Toho le rejeta.
  2. « The beginings of Rashomon lies in the stories of Ryunosuke Akutagawa », in Donald Richie, The Films of Akira Kurosawa, p. 70
  3. Cf. Donald Richie, The Films of Akira Kurosawa, p. 71, ou encore Tadao Sato, Le Cinéma japonais, Tome II, p. 40.
  4. (ja) Rashōmon sur la Japanese Movie Database
  5. (en)Pre-1953 Japanese films are in public domain
  6. Le 2 avril 2007 la Tōhō a déposé une plainte contre la société Cosmo Contents concernant la distribution des œuvres de Kurosawa. Le jugement a permis d'établir si les films d'Akira Kurosawa antérieurs à 1953 sont dans le domaine public ou pas. Il s'agissait en effet de savoir quelle loi s'applique à ces œuvres : la loi japonaise sur la propriété intellectuelle réformée de 1971 (auquel cas les films sont dans le domaine public 50 ans après leur première diffusion publique) ou la loi antérieure à 1971 (les films entrent dans le domaine public 38 ans après la mort du réalisateur) (Quelques sites décrivant la situation à l'époque du dépôt de plainte : (en) Mark Schilling, « Kurosawa films center of suit. Toho targets DVD sales company », Reed Business Information, (consulté le ) ou encore (en) « Toho sues Cosmo Contents for selling DVDs of Kurosawa’s early works », (consulté le )). Dans tous les cas, l'amendement de 2003 à la loi de 1971 – qui étend la durée des droits patrimoniaux de 50 ans à 70 ans après la première diffusion – ne s'applique pas à ces films (cf. (en) « Japanese court rules pre-1953 movies in public domain », (consulté le ) ou Hidehiro Mitani, « Argument for the Extension of the Copyright Protection over Cinematographic Works », Center for Advanced Study & Research on Intellectual Property (consulté le ) ou encore Argument for the Extension of the Copyright Protection over Cinematographic Works ou encore « Pre-1953 Japanese films are in public domain », (consulté le ) ). La cour du district de Tokyo a rendu son jugement le 14 septembre 2007, établissant que les œuvres d'Akira Kurosawa ne seront dans le domaine public qu'à la fin de la 38e année après la mort de l'auteur, c'est-à-dire le 31 décembre 2036. Quelques liens expliquant le jugement : (ja) « 東宝、黒澤DVD著作権訴訟で全面勝訴、著作権は死後38年存続 », Eiga.com (consulté le ) (ja) « 黒沢映画の格安DVD販売差し止め・東京地裁 », Nikkei Inc. (consulté le ) (ja) « 黒沢監督著作権は死後38年DVD差し止め », Asahi (consulté le ), ou encore, en anglais : , , ou )
  7. (en) Stuart Galbraith, Japanese Filmography : A Complete Reference to 209 Filmmakers and the Over 1250 Films Released in the United States, 1900 Through 1994, Mcfarland, , 509 p. (ISBN 978-0-7864-0032-4), p. 332
  8. « Rashōmon », sur Centre national du cinéma et de l'image animée (consulté le ).
  9. « Les films japonais sortis en France en salle », sur www.denkikan.fr (version du 22 octobre 2020 sur Internet Archive)
  10. Frédéric Monvoisin, docteur en cinéma et audiovisuel, conférence au Majestic Bastille Mars 2018.
  11. Joseph L. Anderson et Donald Richie, The Japanese Film. Grove Press, Inc. New York, 1959. p. 342
  12. Tadao Sato indique que le choix de cette époque constitue en soi une innovation, et fait de Rashōmon « une œuvre expérimentale très éloignée des lieux communs du genre » : ce film serait, selon Sato, le premier jidaigeki qui se déroule à cette époque (les jidaigeki, qui représentaient à cette époque environ la moitié de la production japonaise, se déroulaient généralement à l'époque Edo (1603-1867), ou, plus rarement, à l'époque Genpei (XIIe siècle)), jamais avant. Tadao Sato, Le Cinéma japonais, Tome II, p. 40.
  13. Akira Kurosawa, Comme une autobiographie.
  14. (en) Usnisa Sukhsvasti, « Dhamma drama », sur bangkokpost.com, Bangkok Post,
  15. Tadao Sato, Le Cinéma japonais, Tome II, p. 39

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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