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RĂ©volte d'An Lushan

La rĂ©volte d'An Lushan, aussi appelĂ©e RĂ©volte d'Ān Shǐ (chinois traditionnel : 漉ćČäč‹äș‚) se dĂ©roule en Chine pendant la dynastie des Tang, du au .

RĂ©volte d'An Lushan
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Les déplacements de troupes pendant la révolte.
Informations générales
Date -
Lieu Nord de la Chine
Issue

Victoire Tang

  • Fin de la dynastie Yan
  • Affaiblissement de la dynastie Tang
  • Alliance avec le khagant OuĂŻgour
Forces en présence
Environ 600 000 Ă  700 000 hommesEnviron 200 000 Ă  300 000 hommes
Pertes
TrĂšs importantes mais incertaines

Ce fut une des plus grandes guerres civiles de l'histoire.

Contexte

CĂ©ramiques sancai de l'Ă©poque Tang d'un palefrenier et d'un dromadaire

À partir de 742, l’Eurasie est entrĂ©e dans une pĂ©riode de troubles graves qui a durĂ© 13 ans. Les diffĂ©rents empires de la rĂ©gion ont subi des « rĂ©voltes de grande ampleur, des rĂ©volutions ou des changements de dynasties[1] ». Ainsi le second khaganat turc, Ă  l’Est de la steppe eurasienne, est renversĂ© et remplacĂ© par des dirigeants ouĂŻghours[1] sous influence sogdienne. C’est vraisemblablement la premiĂšre rĂ©volte impliquant – ou ayant Ă©tĂ© menĂ©e par – des marchands liĂ©s au commerce international de l’époque, Ă  savoir celui de la route de la soie[2].

En 747, les Abbassides ont lancĂ© leur rĂ©volte contre les Omeyyades Ă  Merv, dans le Khurasan, ce qui a menĂ© Ă  l’avĂšnement de leur Califat en 750[3]. Cette rĂ©volte a aussi, semble-t-il, Ă©tĂ© initiĂ©e par des marchands[3].

L’expansion de l’empire Tang vers l’Ouest a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e en 751 Ă  la bataille de Talas (dans l’actuelle vallĂ©e de Ferghana), lorsque l’armĂ©e du gĂ©nĂ©ral Gao Xianzhi a Ă©tĂ© vaincue par les forces abbassides. Cette dĂ©faite est attribuĂ©e Ă  la dĂ©fection des mercenaires Karlouks alors engagĂ©s aux cĂŽtĂ©s des Tang. Les Arabes n’ont toutefois pas poursuivi de conquĂȘtes en direction de la Chine, et le territoire des Tang est restĂ© le mĂȘme jusqu’à la rĂ©volte d’An Lushan.

L’expansion des Tang vers le Sud a quant Ă  elle Ă©tĂ© compromise par les campagnes dĂ©sastreuses menĂ©es contre le royaume de Nanzhao. En revanche, la campagne des Tang contre l’Empire tibĂ©tain a rencontrĂ© plus de succĂšs, et la tentative de conquĂȘte des territoires tibĂ©tains d’Asie centrale a presque abouti. L’empereur tibĂ©tain TridĂ© Tsuken ayant Ă©tĂ© assassinĂ© en 755 lors d’une rĂ©volte interne Ă  son empire, la victoire des Tang semblait certaine. C’est Ă  ce moment, dans le cƓur d’une Chine qui faisait face Ă  des difficultĂ©s financiĂšres, que le gĂ©nĂ©ral turco-sogdien An Lushan a renforcĂ© sa position auprĂšs de l’empereur Tang Xuanzong et de sa favorite Yang Guifei.

An Lushan

An Lushan Ă©tait un gĂ©nĂ©ral de l'armĂ©e Tang, nĂ© dans le Nord-Est d'un officier sogdien et d'une mĂšre GöktĂŒrk de la tribu des Ashina. Il fut nommĂ© par l'empereur Xuanzong (suivant en cela la suggestion de sa favorite Yang Guifei, avec l'accord de Li Linfu, premier ministre de l'empire[4]) pour commander trois garnisons du nord (Pinglu, Fanyan et Hedong), avec le titre de Jiedushi. L’empereur lui a Ă©galement tĂ©moignĂ© sa sympathie en lui faisant construire une maison luxueuse en 751 dans la capitale, Chang’an. En pratique, il contrĂŽlait tous les territoires au nord du Fleuve Jaune et commandait 164 000 hommes.

ApprĂ©ciĂ© par l'empereur et par Yang Guifei, qui l’avait mĂȘme adoptĂ©, il entra cependant en conflit avec un cousin de celle-ci, le chancelier Yang Guozhong (en). Ce dernier l’a semble-t-il fait tomber en disgrĂące aux yeux de l’empereur[5]. La dĂ©cision d’entrer en rĂ©bellion a pu ĂȘtre favorisĂ©e par le contexte gĂ©nĂ©ral ; le palais impĂ©rial Ă©tait peu dĂ©fendu, et des catastrophes naturelles se sont succĂ©dĂ©, tandis que la rĂ©volte des Abbassides contre les Omeyyades, soutenue justement par les Sogdiens, avait abouti[6].

DĂ©roulement

Fuite de Chang'an de l'empereur Xuannzong. Encre sur papier, XIe siĂšcle.

La rĂ©volte d’An Lushan correspond Ă  une pĂ©riode de chaos qui vu se succĂ©der trois empereurs de la dynastie Tang, Ă  savoir Xuanzong (fin de rĂšgne le 12 aoĂ»t 756), puis Suzong (12 aoĂ»t 756 - 16 mai 762) et pour finir Daizong (18 Mai 762 – 23 Mai 779). Dans le mĂȘme temps, quatre prĂ©tendants de l’État Yan, fondĂ© par An Lushan, se sont succĂ©dĂ©.

RĂ©volte et capture de Luoyang

En 755, An Lushan se révolta sous le prétexte de mettre Yang Guozhong à la raison. Son armée partit le 16 décembre de Fanyang (prÚs de Pékin, dans l'actuelle province du Hebei). En chemin, An Lushan traita avec respect tous les fonctionnaires Tang qui se rendaient, en conséquence de quoi il en fit des alliés.

Dromadaire avec cavalier, céramique sancai, époque Tang

Il commença par longer le Grand Canal pour atteindre Luoyang, grande ville de l'Ouest du pays. Le 18 janvier 756[7] - [8], il la prit au gĂ©nĂ©ral Feng Changqing (qui manquait de moyens pour la dĂ©fendre) et se proclama empereur de la nouvelle dynastie des Yan (ć€§ç‡•çš‡ćž). Il se heurta ensuite pendant deux ans aux armĂ©es fidĂšles aux Tang, dans la province actuelle du Henan. Son objectif Ă©tait alors de complĂ©ter la conquĂȘte du sud de la Chine et en particulier de prendre la capitale Chang’an.

Bataille de Yongqiu : les premiĂšres difficultĂ©s d’An Lushan

Au printemps 756, la bataille de Yongqiu fut un revers sĂ©rieux pour An Lushan. Son armĂ©e, bien que nombreuse et commandĂ©e par Linghu Chao, n’a Ă©tĂ© en mesure ni de prendre le contrĂŽle de Yongqiu (actuellement Xian de Qi, dans le Henan) ni d’obtenir aucun nouveau territoire, en particulier dans la rĂ©gion de Suiyang. Les dĂ©fenseurs commandĂ©s par Zhang Xun ont ainsi fait gagner un temps prĂ©cieux aux Tang pour qu’ils puissent se rĂ©organiser. Les Yan n’ont conquis la rĂ©gion de Suiyang que de nombreux mois plus tard, une fois que le siĂšge de Suiyang (janvier-octobre 757) fut terminĂ©.

La marche vers Chang'an

Yang Guifei montant un cheval, par Qian Xuan (1235–1305)

La marche de l’armĂ©e rebelle vers la capitale « occidentale » Chang’an (aujourd'hui Xian) Ă©tait entravĂ©e par les troupes loyales qui occupaient des positions dĂ©fensives quasiment imprenables dans les cols de la rĂ©gion montagneuse de Tongguan . Mais un Ă©vĂ©nement accidentel a mis en danger Chang’an : les deux gĂ©nĂ©raux commandant ces troupes, Gao Xianzhi et Feng Changqing, ont Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s Ă  cause d’une obscure affaire de cour impliquant un eunuque nommĂ© Bian Lingcheng. Yang Guozhong a alors ordonnĂ© Ă  leur remplaçant, Geshu Han, de quitter les positions dĂ©fensives avec ses troupes et des renforts pour attaquer An Lushan Ă  dĂ©couvert. Le 7 juillet, les forces Tang ont Ă©tĂ© vaincues et la route de la capitale ouverte[9].

La fuite de l'empereur

À l’approche des troupes rebelles et malgrĂ© les avis divergents de ses conseillers, Tang Xuanzong dĂ©cida de fuir avec sa cour vers la rĂ©gion mieux protĂ©gĂ©e du Sichuan, pour bĂ©nĂ©ficier de la ceinture de montagnes qui l'entourait et pour pouvoir rassembler et rĂ©organiser ses troupes. Le voyage Ă©tait particuliĂšrement difficile, en particulier la traversĂ©e des monts Qinling.

En chemin, une mutinerie Ă©clata Ă  l'auberge de Mawei (actuellement Xingping, dans le Shaanxi). Les soldats affamĂ©s et fatiguĂ©s reprochaient Ă  Yang Guozhong d’ĂȘtre responsable de ce conflit catastrophique. BientĂŽt, ils tuĂšrent Yang Guozhong, son fils Yang Xuan et les deux sƓurs de Yang Guifei (Han et Qin). Pour calmer la rĂ©volte, l’empereur fut obligĂ© de faire Ă©trangler sa favorite, YĂĄng GuĂŹfēi. Craignant pour sa propre vie, il tenta de fuir vers Chengdu, mais son cheval fut arrĂȘtĂ© pour l’obliger Ă  rester.

La beauté chinoise Yang Guifei, par Hosoda Eishi

Le dĂ©sordre continua alors qu’il demandait au prince hĂ©ritier Li Heng de tenir le fort, mais ce dernier dĂ©sobĂ©it pour fuir vers Lingzhou (actuellement Lingwu). Finalement Xuanzong, ayant atteint le Sichuan, abdiqua (et devint Taishang Huang) le 12 aoĂ»t en faveur de Li Heng.

La chute de Chang'an

Chang’an fut prise par les rebelles en juillet 756, ce qui eut des consĂ©quences terribles pour la mĂ©tropole prospĂšre qu’était cette capitale. La population de la ville, avant la rĂ©volte, est estimĂ©e entre 800 000 et 1 000 000 d'habitants. Le recensement de 742, qui comprend Ă©galement les petites villes du voisinage, rapporte la prĂ©sence de 362 921 familles pour un total de 1 960 188 habitants. La plupart des habitants fuirent Ă  l’approche d’An Lushan, et la ville fut livrĂ©e au pillage.

Le nouvel empereur Tang Suzong

Li Heng Ă©tait le troisiĂšme fils de Xuanzong. Il fut proclamĂ© empereur Suzong Ă  Lingwu avant mĂȘme que son pĂšre n’abdiquĂąt officiellement (bien que certains intellectuels confucĂ©ens ainsi que des fonctionnaires locaux lui eussent prĂ©fĂ©rĂ© le prince Li Lin). TrĂšs rapidement, Suzong nomma les gĂ©nĂ©raux Guo Ziyi et Li Guangbi pour gĂ©rer la rĂ©volte. Ils s’accordĂšrent finalement pour engager des troupes göktĂŒrks du Khaganat ouĂŻgour de Bayan-chor khan.

Mort d'An Lushan et écrasement de la révolte

Cependant, An Lushan tomba malade, son caractĂšre se dĂ©tĂ©riora, engendrant la crainte autour de lui. En 757, il fut assassinĂ© par son fils An Qingxu, qui craignait pour sa propre vie. Ce dernier poursuivit la lutte, mais Ă  la fin de cette mĂȘme annĂ©e il perdit la capitale et Luoyang[10]. La rĂ©volte fut finalement Ă©crasĂ©e dĂ©finitivement en fĂ©vrier 763. Guo Ziyi eut un rĂŽle important dans cette victoire.

Conséquences

L'empereur Xuanzong, debout sur une terrasse avec sa concubine Yang Guifei et des serviteurs. Byƍbu du XVIe siùcle de Kano Eitoku.

Ces huit années de guerre civile ont provoqué un important affaiblissement démographique, accompagné d'une trÚs grave crise économique et sociale. Le gouvernement, ruiné, écrasa le peuple sous les impÎts pour se renflouer, provoquant des émeutes[11].

Le nombre de morts de cette guerre civile fut extrĂȘmement Ă©levĂ©, puisque la baisse de la population constatĂ©e au travers des recensements est de l'ordre de 36 millions de personnes en moins, ce qui pourrait alors dĂ©passer le nombre de morts causĂ©es par la rĂ©volte des Taiping. Le recensement de 754 faisait en effet apparaĂźtre une population de 52 880 488 habitants, alors que celui de 764 n'en dĂ©nombre plus que 16,9 millions environ[12], accusant une perte de population nominale des deux tiers de la population initiale.

Cependant, cette Ă©valuation doit ĂȘtre fortement nuancĂ©e par le fait que le recensement de 764 reflĂšte la dĂ©sorganisation de l’État et de son systĂšme de recensement, puisque certaines catĂ©gories de personnes n'y ont pas Ă©tĂ© prises en compte, car non soumises Ă  l'impĂŽt (ordres religieux, Ă©trangers, marchands
). Et surtout, la guerre civile s'est traduite par la perte de contrĂŽle de la dynastie Tang sur toute une partie des provinces du Nord, reprĂ©sentant peut-ĂȘtre un quart de la population restante dĂ©sormais non prise en compte par le systĂšme fiscal impĂ©rial[13]. Des historiens tels que Charles Patrick Fitzgerald ont fait remarquer d'autre part que le chiffre de 36 millions de morts est incompatible avec les comptes-rendus qui ont Ă©tĂ© faits de la guerre Ă  l'Ă©poque mĂȘme[14].

Annexes

Notes et références

  1. Beckwith 2009, p. 140.
  2. Beckwith 2009, p. 141.
  3. Beckwith 2009, p. 145.
  4. https://arbon.website __ "Li Linfu, fourbe et cruel."
  5. (en) Stevens, Keith, « Images on Chinese popular religion altars of the heroes involved in the suppression of the An Lushan Rebellion [AD 755 - 763] », Journal of the Hong Kong Branch of the Royal Asiatic Society,‎ , p. 155-84 (lire en ligne).
  6. Christopher I. Beckwith, The Tibetan empire in central Asia : a history of the struggle for great power among Tibetans, Turks, Arabs, and Chinese during the early Middle Ages (ISBN 978-0-691-21630-0 et 0-691-21630-4, OCLC 655804720).
  7. Pulleyblank 1976, p. 41.
  8. Yao Runeng (trad. Robert des Rotours), Histoire de Ngan Lou-Chan (Ngan Lou-Chan che tsi), Paris, Presses Universitaires de France (Bibliothùque de l'Institut des Hautes Études Chinoises, vol. 18), .
  9. David A. Graff, « Fang Guan's Chariots: Scholarship, War, and Character Assassination in the Middle Tang », Asia Major, vol. 22, no 1,‎ , p. 105–130 (ISSN 0004-4482, lire en ligne, consultĂ© le ).
  10. www.universalis.fr __ "An Lushan [Ngan Lou-Chan], rébellion de 755-763."
  11. www.rozsavolgyi.free.fr __ "Introduction Ă  la civilisation chinoise, troisiĂšme partie : une brĂšve histoire de la Chine", page 2.
  12. Schafer 1985, p. 280, note 18.
  13. Fairbank 1992, p. 83,85,86.
  14. Charles Patrick Fitzgerald, China: a short cultural history, 1985, p. 312-314.

Bibliographie

  • (en) Christopher I. Beckwith, Empires of the Silk Road : A History of Central Eurasia from the Bronze Age to the Present., Princeton, Princeton University Press, (ISBN 978-0-691-13589-2)
  • (en) Edward H. Schafer, The Golden Peaches of Samarkand : A Study of T'ang Exotics, Berkeley: University of California Press, , 399 p. (ISBN 978-0-520-05462-2, lire en ligne)
  • (en) John King Fairbank, China : A New History, Cambridge, Massachusetts, Belknap Press/Harvard University Press, , 519 p. (ISBN 0-674-11670-4)
  • (en) E. G. Pulleyblank, « The An Lu-Shan Rebellion and the Origins of Chronic Militarism in Late T'ang China », dans John Curtis Perry, Bardwell L. Smith (Ă©ds.), Essays on T'ang Society : the interplay of social, political and economic forces, Brill, (ISBN 90-04-04761-1)

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