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RĂ©gence d'Urgell

La rĂ©gence d’Urgell (en catalan : RegĂšncia d'Urgell ; en castillan : Regencia de Urgel) est un organe de gouvernement intĂ©rim crĂ©Ă© par les absolutistes espagnols (es) le 15 aoĂ»t 1822, durant le Triennat libĂ©ral, dont le siĂšge se trouvait dans la localitĂ© catalane de La Seu d'Urgell, place forte prise par les partidas realistas (milices royalistes) un mois et demi auparavant. La constitution de la rĂ©gence fut l’un des Ă©vĂšnements importants de la guerre civile de 1822-1823 provoquĂ©e par le soulĂšvement des ultra-royalistes, qui rejetaient le rĂ©gime constitutionnel surgi aprĂšs la rĂ©volution libĂ©rale de 1820 et prĂ©tendaient restaurer la monarchie absolue. Elle fut prĂ©sidĂ©e par le marquis de Mataflorida, homme de confiance du roi Ferdinand VII, aprĂšs que ce dernier approuva l’idĂ©e de former un gouvernement absolutiste dans une zone « libĂ©rĂ©e » (hors du contrĂŽle du gouvernement libĂ©ral exaltado prĂ©sidĂ© par Evaristo San Miguel). L’offensive de l’armĂ©e constitutionnaliste entre l’automne et l’étĂ© 1822-1823, dirigiĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Espoz y Mina obligea les royalistes Ă  se rĂ©fugier dans la France voisine, y compris les membres de la rĂ©gence, entraĂźnant la dissolution de cette derniĂšre.

Gravure de La Seu d'Urgell entourée de ses murailles en 1847.

Contexte

À partir du printemps 1822, le soulĂšvement royaliste organisĂ© depuis l'exil, qui disposait d’un dense rĂ©seau contre-rĂ©volutionnaire l'intĂ©rieur (au sommet duquel se trouvait le roi Ferdinand VII lui-mĂȘme), se rĂ©pandit de sorte que « pendant l'Ă©tĂ© et l'automne en Catalogne, au Pays basque et en Navarre, il y eut une vĂ©ritable guerre civile dont il Ă©tait impossible de rester Ă  la marge, et dont la population civile sortit trĂšs malmenĂ©e dans les deux camps : reprĂ©sailles, rĂ©quisitions, contributions de guerre, pillages, etc. »[1]. Les royalistes arvinrent Ă  former une armĂ©e qui rassembla entre 25 000 et 30 000 hommes[2].

L’évĂšnement dĂ©cisif qui lança la guerre civile (ou qui lui donna l’impulsion dĂ©finitive)[3][4] fut la prise par les chefs des milices royalistes Romagosa et El Trapense, Ă  la tĂȘte d’une troupe de deux mille hommes, de la forteresse de La Seu d'Urgell le 21 juin. Le lendemain, une Junta Superior Provisional de Cataluña (« Junte supĂ©rieure provisoire de Catalogne ») y fut Ă©tablie, qui s’efforça d’organiser une armĂ©e rĂ©guliĂšre et d’établir une administration dans les zones intĂ©rieures de la Catalogne occupĂ©es par les royalistes[2][5].

Formation de la régence

Jaime Creus, archevĂȘque de Tarragone, l’un des trois membres de la rĂ©gence.

Le 15 aoĂ»t 1822, un mois et demi aprĂšs la prise de La Seu d'Urgell par les royalistes, celle qui serait connue comme la « rĂ©gence d'Urgell » y fut Ă©tablie, « Ă  la demande des peuples » et « dĂ©sireuse de libĂ©rer la Nation et soi Roi du cruel Ă©tat dans lequel ils se trouvent »[2][5]. L’idĂ©e d’instaurer une rĂ©gence avait Ă©tĂ© dĂ©fendue par le marquis de Mataflorida — de fait, en juin il avait reçu le mandat du roi pour l’établir —. Il s’agissait de plus d’une des exigences du gouvernement français pour prĂȘter soutien aux royalistes[5].

La rĂ©gence fut formĂ©e par Mataflorida lui-mĂȘme, le baron d’Eroles et Jaime Creus, archevĂȘque de Tarragone, conseillĂ©s par un petit gouvernement formĂ© de Antonio Gispert, responsable des relations extĂ©rieures, Fernando de OrtafĂ  au portefeuille de la Guerre et Domingo MarĂ­a BarrafĂłn, qui tenait les autres secrĂ©tariats d'État[6][7][8][9][2]. La rĂ©gence commença Ă  Ă©diter le journal Diario de Urgel[2].

La crĂ©ation de la rĂ©gence Ă©tait justifiĂ©e par l’idĂ©e, dĂ©fendue par les royalistes, selon laquelle le roi Ă©tait « captif », « sĂ©questrĂ© » par les libĂ©raux, de la mĂȘme maniĂšre qu’il l'avait Ă©tĂ© par NapolĂ©on durant la guerre d’indĂ©pendance[10][11]. La premiĂšre proclamation de la rĂ©gence commençait en affirmant qu’elle avait Ă©tĂ© constituĂ©e « pour gouverner [l’Espagne] durant la captivitĂ© de S.M.C. le seigneur don Fernando VII ». Un autre des arguments avancĂ©s Ă©tait le manque de soutien populaire qu’avait le rĂ©gime constitutionnel selon les royalistes. Ainsi, le Manifiesto que los amantes de la MonarquĂ­a hacen a la NaciĂłn Española, a las demĂĄs potencias y a los Soberanos (« Manifeste que ceux qui aiment la Monarchie font Ă  la Nation Espgnole, aux autres puissances et aux Souverains ») de Mataflorida, qui circula dans toute l’Europe, affirmait : « Le peuple immobile et effrayĂ© n’a pas pris part dans une telle trahison [la rĂ©volution] qu’il rĂ©prouva toujours avec une indignication silencieuse rĂ©primĂ©e par la force »[12]. Le manifestes est considĂ©rĂ© comme l’une des rĂ©fĂ©rences thĂ©oriques fondamentales de la contre-rĂ©volution du Triennat libĂ©ral et son contenu rejoint celui du Manifeste des Perses de 1814, dont la rĂ©daction est Ă©galement attribuĂ©e au marquis de Mataflorida. Le manifeste de 1822 affirmait que bien que NapolĂ©on Bonaparte ait Ă©tĂ© vaincu dans la pĂ©ninsule en 1814, « les sommets d’irrĂ©ligion et de dĂ©sordres avaient Ă©tĂ© semĂ©es dans les peuples » et « sans Religion [,] sans Roi, et sans coutumes les hommes n’ont jamais pu vivre en paix ». Il affirmait Ă©galement que Ferdinand VII avait Ă©tĂ© contraint d’accepter la Constitution de 1812 car sa vie avait Ă©tĂ© menacĂ©e, tout comme lorsqu’il avait promulguĂ© la loi sur la rĂ©forme du clergĂ© rĂ©gulier. Il accusait Ă©galement les libĂ©raux d’avoir imposĂ© et cĂ©lĂ©brĂ© la Constitution, mais de ne pas la respecter eux-mĂȘmes. Il terminait en faisant un appel aux puissances europĂ©ennes pour qu’elles interviennent en Espagne et restaurent l'absolutisme[13].

À partir de la constitution de la rĂ©gence d’Urgell, qui « avait dotĂ© la contre-rĂ©volution d’une direction centralisĂ©e et d’une certaine cohĂ©rence idĂ©ologique », les royalistes consolidĂšrent leur domination sur d’importantes zones du nord-est et du nord de l’Espagne en Ă©tablissant leurs propres institutions afin d’administrer les territoires qu’ils contrĂŽlaient : Junte de Catalogne, de Navarre, d’Aragon, de SigĂŒenza et du Pays basque, cette derniĂšre prĂ©sidĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Vicente Genaro de Quesada et qui disposait d’un membre pour chacune des trois provinces«_Los_realistas_consolidaron_su_dominio_sobre_el_noroeste_de_Cataluña,_el_[[Maestrazgo]]_(AragĂłn_y_PaĂ­s_Valenciano),_la_mitad_de_Navarra_y_zonas_del_PaĂ­s_Vasco,_Galicia,_Castilla_y_LeĂłn_»_14-0">[14].

D’autre part, la formation de la rĂ©gence fut reçue avec enthousiasme par les cours europĂ©ennes, bien que modĂ©rĂ©ment par la française, car la rĂ©gence affichait comme objectif la restauration de l’absolutisme, tandis que la France prĂ©fĂ©rait l’établissement d’un rĂ©gime de charte octroyĂ©e, comme le sien[15]. Un reprĂ©sentant de la rĂ©gence, le comte d’Espagne, se rendit au congrĂšs de Vienne, tandis que le gouvernement espagnol n’y fut pas invitĂ©[16].

Fin de la régence

Pour faire face Ă  la situation critique vĂ©cue dans la moitiĂ© nord de l'Espagne, des CortĂšs extraordinaires furent convoquĂ©es, inaugurĂ©es le 7 octobre. LĂ , une sĂ©rie de dĂ©cisions furent prises pour arrĂȘter l'offensive royaliste[7]. Pour sa part, le gouvernement dirigĂ© par Evaristo San Miguel dĂ©crĂ©ta en octobre 1822 une quinta gĂ©nĂ©rale extraordinaire destinĂ©e Ă  recruter 30 000 soldats et obtint des CortĂšs l’autorisation de remplacer Ă  sa discrĂ©tion les commandants militaires qu'il considĂ©rait contraires Ă  la cause constitutionnelle[17]. Il convint Ă©galement de l'envoi de troupes de renfort en Catalogne, en Navarre et au Pays basque[18].

Les mesures militaires adoptĂ©es par le Parlement et le Gouvernement — qui s’ajoutaient Ă  la dĂ©claration de l’état de guerre en Catalogne le 23 juillet«_Por_ello_Mina_obtuvo_amplias_atribuciones_polĂ­ticas_como_dictar_bandos,_establecer_delitos,_penas_y_relevar_de_sus_funciones_a_cualquier_empleado_militar_sospechoso_»_19-0">[19] — portĂšrent leurs fruits et durant l'automne et l'hiver 1822-1823, aprĂšs une dure campagne qui dura six mois, les armĂ©es constitutionnelles, dont l'un des gĂ©nĂ©raux Ă©tait l'ancien guĂ©rillero Espoz y Mina, renversĂšrent la situation et contraignirent les royalistes de Catalogne, de Navarre et du Pays basque Ă  fuir vers France (environ 12 000 hommes) et ceux de Galice, Vieille Castille, de LĂ©on et d’EstrĂ©madure Ă  fuir vers le Portugal (environ 2 000 hommes). En novembre, la RĂ©gence elle-mĂȘme dut abandonner La Seu d’Urgell, dont le siĂšge par l'armĂ©e d'Espoz y Mina avait commencĂ© en octobre aprĂšs avoir pris Cervera le mois prĂ©cĂ©dent, et traverser la frontiĂšre[18][7][8]. La chute de La Seu d’Urgell fut une dĂ©faite de portĂ©e fondamentale. Une situation similaire se produisit dans les fiefs royalistes de villes comme Balaguer, PuigcerdĂ , Castelfullit ou Mequinenza[20].


AprĂšs la dĂ©faite, il devint clair que la seule option viable Ă©tait une intervention Ă©trangĂšre[21]«_A_pesar_de_haber_sido_capaces_de_movilizar_a_unos_20 000_hombres,_'armados_todos,_pero_mal_vestidos_y_por_lo_general_apenas_disciplinados',_no_llegaron_a_representar_un_verdadero_problema_para_el_mantenimiento_del_rĂ©gimen_»_22-0">[22]. Comme Pedro RĂșjula et Manuel Chust le soulignent, « l'Ă©chec de l'insurrection royaliste dans la seconde moitiĂ© de 1822 renforça encore la voie de l'intervention militaire extĂ©rieure »[4]. Le comte de VillĂšle, chef du gouvernement français qui avait apportĂ© un soutien considĂ©rable aux partidas realistas, dira : « les royalistes espagnols, mĂȘme avec l'aide d'autres gouvernements, ne pourront jamais rĂ©aliser la contre-rĂ©volution en Espagne sans le secours d'une armĂ©e Ă©trangĂšre ». Avec cette dĂ©claration, le premier pas vers l'invasion de l'Espagne par l’armĂ©e des Cent-Mille Fils de Saint Louis Ă©tait fait[23][20].

Notes et références

  1. Arnabat 2020, p. 296; 298-300.
  2. Arnabat 2020, p. 299.
  3. RamĂłn Solans 2020, p. 369.
  4. RĂșjula et Chust 2020, p. 164.
  5. RĂșjula et Chust 2020, p. 147.
  6. Fontana 1979, p. 38.
  7. Gil Novales 2020, p. 56.
  8. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 149.
  9. RĂșjula 2020, p. 27.
  10. Voir l'article « Abdication de Bayonne ».
  11. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 147; 149.
  12. RĂșjula 2020, p. 36-37.
  13. Arnabat 2020, p. 305-307.
  14. «_Los_realistas_consolidaron_su_dominio_sobre_el_noroeste_de_Cataluña,_el_[[Maestrazgo]]_(Aragón_y_País_Valenciano),_la_mitad_de_Navarra_y_zonas_del_País_Vasco,_Galicia,_Castilla_y_León_»-14" class="mw-reference-text">Arnabat 2020, p. 299. « Los realistas consolidaron su dominio sobre el noroeste de Cataluña, el Maestrazgo (Aragón y País Valenciano), la mitad de Navarra y zonas del País Vasco, Galicia, Castilla y León »
  15. RĂșjula 2020, p. 27-28.
  16. RĂșjula 2020, p. 28.
  17. SĂĄnchez MartĂ­n 2020.
  18. Arnabat 2020, p. 300.
  19. «_Por_ello_Mina_obtuvo_amplias_atribuciones_políticas_como_dictar_bandos,_establecer_delitos,_penas_y_relevar_de_sus_funciones_a_cualquier_empleado_militar_sospechoso_»-19" class="mw-reference-text">Sånchez Martín 2020, p. 150. « Por ello Mina obtuvo amplias atribuciones políticas como dictar bandos, establecer delitos, penas y relevar de sus funciones a cualquier empleado militar sospechoso »
  20. RĂșjula et Chust 2020, p. 165.
  21. Arnabat 2020, p. 301.
  22. «_A_pesar_de_haber_sido_capaces_de_movilizar_a_unos_20 000_hombres,_'armados_todos,_pero_mal_vestidos_y_por_lo_general_apenas_disciplinados',_no_llegaron_a_representar_un_verdadero_problema_para_el_mantenimiento_del_rĂ©gimen_»-22" class="mw-reference-text">RĂșjula et Chust 2020, p. 165. « A pesar de haber sido capaces de movilizar a unos 20 000 hombres, 'armados todos, pero mal vestidos y por lo general apenas disciplinados', no llegaron a representar un verdadero problema para el mantenimiento del rĂ©gimen »
  23. Fontana 1979, p. 39.

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • (es) Ramon Arnabat (Pedro RĂșjula et Ivana Frasquet (eds.)), El Trienio Liberal (1820-1823). Una mirada polĂ­tica, Granada, Comares, (ISBN 978-84-9045-976-8), « La contrarrevoluciĂłn y la antirrevoluciĂłn », p. 285-307
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  • (es) Pedro RĂșjula et Manuel Chust, El Trienio Liberal en la monarquĂ­a hispĂĄnica. RevoluciĂłn e independencia (1820-1823), Madrid, Los Libros de la Catarata, (ISBN 978-84-9097-937-2)
  • (es) Javier Salazar RincĂłn, De la Regencia de Urgel al boom turĂ­stico (1822-1972). Siglo y medio de historia y literatura en torno a La Seu d’Urgell., Centro Asociado de la UNED, La Seu d’Urgell, (ISBN 978-84-611-0975-3)
  • (es) VĂ­ctor SĂĄnchez MartĂ­n (Pedro RĂșjula et Ivana Frasquet (eds.)), El Trienio Liberal (1820-1823). Una mirada polĂ­tica, Grenade, Comares, (ISBN 978-84-9045-976-8), « El ejĂ©rcito », p. 131-153

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