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RĂ©forme de l'orthographe allemande de 1996

La rĂ©forme de l’orthographe allemande de 1996 est un accord signĂ© en 1996 par les gouvernements des pays germanophones pour une rĂ©forme de l'orthographe et de la ponctuation de leur langue. Le projet de rĂ©forme y fut largement rejetĂ© par les Ă©crivains et la presse. Deux rĂ©visions dudit projet ont Ă©tĂ© nĂ©cessaires pour que l’orthographe rĂ©formĂ©e soit adoptĂ©e, en 2006, par les Ă©coles et la presse.

Signe de nom de rue à Aix-la-Chapelle appliquant la dernière réforme orthographique de l'allemand.

Elle concerne des domaines variés : les Fremdwörter (mots d'emprunt), les mots composés, les irrégularités orthographiques, la césure, la capitalisation, la virgule.

Histoire

En 1980, le Cercle de travail international pour l'orthographe fut fondé qui accueillit des linguistes allemands, autrichiens et suisses. Deux Conversations de Vienne eurent lieu en 1986 et 1990 et y furent invités des représentants des pays et régions germanophones. En 1992, le Cercle publia ses propositions de réforme et la troisième Conversation de Vienne de 1994 en recommanda officiellement l'adoption[1]. Le , l'Allemagne, la Suisse, l'Autriche et le Liechtenstein s'engagèrent à adopter la réforme. Toutefois, le Luxembourg, dont l'une des langues officielles est l'allemand, n'a pas apposé sa signature à la réforme.

L'ancienne graphie devait y rester valable — mais déconseillée — jusqu'au . Les écrivains et la presse de langue allemande rejetèrent avec véhémence ce projet de « réforme » jugée dévastatrice[2]. Dès 1998, le Land de Schleswig-Holstein avait voté le retour à l'orthographe classique. Le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung prit une décision similaire en 2000. En , ce fut au tour des éditeurs Spiegel et Springer, ainsi qu'au journal Süddeutsche Zeitung d'annoncer une intention similaire.

En 1997, une commission interétatique pour l'orthographe allemande fut créée. Sur l'ordre des ministres de l'éducation des Länder, elle avait pour mission d'accompagner l'introduction de nouvelles règles et de clarifier d'éventuels cas douteux. Son successeur est le Rat für deutsche Rechtschreibung (Conseil pour l'orthographe allemande) qui a commencé son travail le . Il a élaboré des recommandations de modifications, surtout dans les domaines des mots composés et de la capitalisation. Dans nombre de cas, ces modifications signifient un retour vers l'ancienne graphie.

Le , les ministres de l'éducation des Länder ont approuvé les recommandations du conseil. L’application de la « réforme de l’orthographe » telle que le Conseil l’a corrigée (Amtliches Regelwerk, 2006[3]) est rendue obligatoire dans les écoles dès l’année scolaire 2006–2007 (Schulrechtschreibung[4]). La presse elle aussi utilise l’orthographe réformée de 2006 parfois avec de modifications conservatrices[5].

En vue d’un plus large assentiment à la réforme orthographique, le linguiste Theodor Ickler, un des critiques de renom de la réforme orthographique de 1996, a récemment reproposé au Conseil (1) d’abroger les règles qui obligent les élèves et leurs professeurs à écrire certains éléments pronominaux et adverbiaux avec une majuscule (comme au XIXe siècle) ; (2) d’accepter les quelques exceptions orthographiques traditionnelles, toujours utilisées par la presse[6].

Changements concernant la graphie

Nota : dans les exemples, l'ancienne graphie est indiquée entre parenthèses à titre de comparaison.

  • L'eszett (Ăź = ss) s'emploie uniquement après une voyelle longue ou une diphtongue.
    • bisschen (biĂźchen), Fass (FaĂź), du musst (du muĂźt)
    mais toujours
    • GrĂĽĂźe, bloĂź, beiĂźen
    Ce changement ne concerne pas la Suisse, qui avait déjà aboli le ß dans les années 1930.
  • L'orthographe de certains mots dĂ©rivĂ©s est rapprochĂ©e de la racine, et celle de mots de la mĂŞme famille est homogĂ©nĂ©isĂ©e. Le changement en profite pour utiliser, le cas Ă©chĂ©ant, une consonne double après les voyelles courtes.
    • essenziell Ă  partir de Essenz (essentiell restera possible)
    • aufwändig Ă  partir de Aufwand (aufwendig restera possible)
    • nummerieren comme Nummer (numerieren)
    • Tipp comme tippen (Tip)
    • platzieren comme Platz (plazieren)
  • L'orthographe de certains mots « difficiles » est simplifiĂ©e par homologie
    • Känguru comme Gnu, Karibu (Känguruh)
    • rau comme genau, blau (rauh)
  • Trois consonnes consĂ©cutives dans les mots composĂ©s ne sont jamais rĂ©duites Ă  deux :
    • GeschirrrĂĽckgabe (ou alternativement Geschirr-RĂĽckgabe) de Geschirr+RĂĽckgabe (GeschirrĂĽckgabe)
    • Stofffarbe (ou Stoff-Farbe) de Stoff+Farbe (Stoffarbe)
  • Certaines graphies alternatives sont acceptĂ©es
    • Albtraum (Alptraum)
  • Un certain nombre de Fremdwörter (mots d'origine Ă©trangère) sont germanisĂ©s, mais la graphie traditionnelle reste valable
    • Delfin (Delphin)
    • Tunfisch (Thunfisch)
    • Jogurt (Joghurt)
    • Fonologie (Phonologie)
    • Majonäse (Mayonnaise)

Capitalisation

Le but est de rendre logique la capitalisation : les substantifs prennent systématiquement la majuscule et les autres entités grammaticales sont (si possible) écrites en minuscules.

  • Les adjectifs ordinaux substantivĂ©s s'Ă©crivent avec la majuscule :
    • der Dritte (der dritte)
  • Les substantifs dans les expressions figĂ©es prennent la majuscule :
    • des Weiteren (des weiteren)
    • im Allgemeinen (im allgemeinen)
    • in Acht nehmen (in acht nehmen)
  • Les noms de langues avec prĂ©position prennent la majuscule :
    • auf Dänisch (auf dänisch)
  • Les adjectifs dans les expressions qui forment un nom, sans toutefois ĂŞtre une entitĂ© Ă  part entière (notamment un titre honorifique, un nom de race ou d'espèce, un Ă©vĂ©nement historique ou un jour spĂ©cial), prennent la minuscule :
    • erste Hilfe (Erste Hilfe)
    • das schwarze Brett (das Schwarze Brett)
    • die schwarze Magie (die Schwarze Magie)
    • die schwarze Messe (die Schwarze Messe)
    mais toujours
    • der Nahe Osten
    • der Zweite Weltkrieg
    • Erster BĂĽrgermeister
  • Les adjectifs tirĂ©s de noms propres prennent normalement la minuscule :
    • das ohmsche Gesetz ou, alternativement, das Ohm'sche Gesetz (das Ohmsche Gesetz)
  • Les pronoms personnels dans les lettres prennent la minuscule :
    • du (Du)
  • Les noms de moments de la journĂ©e prennent toujours la majuscule :
    • heute Abend (heute abend)
    • gestern Abend (gestern abend)
  • Après les deux-points, la capitalisation est libre

SĂ©paration en plusieurs mots

S'Ă©crivent en plusieurs mots

  • Les verbes dont la particule est un nom, un infinitif, un participe ou un adverbe :
    • Rad fahren (radfahren)
    • kennen lernen (kennenlernen)
    • auseinander gehen (auseinandergehen)
  • Les verbes dont la particule est un adjectif que l'on peut modifier (par ex. prĂ©fixer de ganz ou le mettre au comparatif) :
    • fern(er) liegen (fernliegen)
    mais toujours
    • fernsehen (fernsehen)
  • Les participes dont l'infinitif s'Ă©crit en plusieurs mots :
    • allein erziehend < allein erziehen (alleinerziehend)
  • Certaines expressions figĂ©es :
    • im Stande sein (imstande sein)
    • in Frage stellen (infrage stellen, encore valable)

Le trait d'union

  • peut ĂŞtre utilisĂ© dans les mots composĂ©s pour en simplifier la lecture :
    • Irak-Krieg (Irakkrieg)
    • Geschirr-RĂĽckgabe (GeschirrĂĽckgabe, mais Kaffee-Ersatz)
  • doit ĂŞtre utilisĂ© pour relier nombres et lettres :
    • 28-jährige (28jährige)
    • 4-fach (4fach)

Utilisation de la virgule

La virgule devient optionnelle

  • entre propositions reliĂ©es par und et oder :
    • Ich trinke und er redet Käse. (Ich trinke, und er redet Käse.)
  • pour sĂ©parer une proposition infinitive :
    • Ich versuche es zu machen. (Ich versuche, es zu machen.)
    Toutefois elle doit être gardée pour lever les ambiguïtés :
    • Er empfiehlt, ihr zu helfen.
    • Er empfiehlt ihr, zu helfen.

CĂ©sure

  • La cĂ©sure se fait par syllabe :
    • da-rum (avant : dar-um)
    • Lis-te (avant : Li-ste)
  • Le digramme ck ne se coupe plus :
    • We-cker (avant : Wek-ker, avec transformation du c en k)

Polémique

Une polémique enfle, en Allemagne, au sujet de la réforme.

Les détracteurs de la réforme pointent différents problèmes
  • Les incohĂ©rences de la rĂ©forme, notamment :
    • la suppression, par exemple, du ph en faveur de f dans les Fremdwörter mais pas d'autres irrĂ©gularitĂ©s : Orthografie ;
  • la perte Ă©tymologique dans les Fremdwörter : Portmonee renseigne peu sur son origine ;
  • les règles sur la capitalisation : die Ăśbrigen/die anderen ;
  • la classification fautive de certains mots : dans es tut mir leid, leid n'est pas un substantif mais bien un adjectif, pourtant la rĂ©forme exige de le capitaliser (es tut mir Leid) ;
  • l'incohĂ©rence de la cĂ©sure We-cker (avant Wek-ker). Le ck, lettre double, appartient aux deux syllabes (Silbengelenk). La nouvelle cĂ©sure laisserait croire que la première syllabe est ouverte, donc longue ;
  • la production d’ambiguĂŻtĂ©s : badengehen, "subir un Ă©chec", et baden gehen, "aller se baigner", s'Ă©crivent tous deux baden gehen ;
  • l'invention de nouveaux mots sous prĂ©texte d'un changement orthographique : nummerieren s'ajoute Ă  numerieren (encore correct). De plus, certains ajouts (Zierrat) se prononcent diffĂ©remment de leur ancienne orthographe (Zierat) ;
  • le caractère arbitraire et « anti-dĂ©mocratique » de certaines simplifications, l'Ă©volution naturelle de la langue devant ĂŞtre seule Ă  la source des rĂ©formes orthographiques ;
  • la nĂ©cessitĂ© de « traduire » les auteurs allemands pour les Ă©coliers et les lycĂ©ens de peur que ces auteurs n'apparaissent « vieillis » ;
  • la difficultĂ© pour les parents, formĂ©s Ă  l'ancienne graphie, d'aider leurs enfants ;
  • le phĂ©nomène propre Ă  la langue allemande rĂ©formĂ©e des trois consonnes identiques consĂ©cutives.
Les défenseurs de la réforme soutiennent en revanche
  • qu'une bonne partie des difficultĂ©s orthographiques ont Ă©tĂ© supprimĂ©es ;
  • qu'un retour Ă  l'orthographe classique occasionnerait Ă  nouveau des coĂ»ts importants pour les collectivitĂ©s publiques et les entreprises ;
  • qu'un retour Ă  l'orthographe classique serait source de confusion pour les Ă©coliers, formĂ©s Ă  la nouvelle orthographe ;
  • qu'elle a permis de retirer la compĂ©tence linguistique Ă  une entreprise privĂ©e, pour la remettre aux États ;
  • qu'une partie des critiques sont infondĂ©es : que baden gehen signifie Ă  la fois subir un Ă©chec (avant badengehen) et aller se baigner (avant baden gehen) Ă©tait dĂ©jĂ  le cas dans certaines formes conjuguĂ©es (ich gehe baden) ; aussi aucune nouvelle ambiguĂŻtĂ© rĂ©elle n'a Ă©tĂ© ajoutĂ©e.

Notes et références

  1. (de) IDS Mannheim, « SPRACHREPORT Extraausgabe: Rechtschreibreform », sur pub.ids-mannheim.de (consulté le )
  2. Cf. la Déclaration de Francfort, 1996 et Theodor Ickler : « La prétendue réforme de l'orthographe en Allemagne », 2005.
  3. Deutsche Rechtschreibung. Regeln und Wörterverzeichnis, Tubingue 2006 (ISBN 978-3-8233-6157-2).
  4. Orthographe à l'usage des écoles (cf. « Dictionnaires orthographiques de langue allemande », https://linkedin.com/pulse/dictionnaires-orthographiques-de-langue-allemande-volker-brandt).
  5. Cf. Hausorthographie (de).
  6. (de) « Theodor Icklers Sprachtagebuch », (consulté le ).
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