Qôs
Qôs, Kos, Cos ou Qaus (קוס en araméen) est une divinité du Proche-Orient ancien dont le culte est particulièrement attaché aux Édomites. Le dieu Qôs acquiert une pré-éminence à partir du VIIIe siècle av. J.-C. avec la formation du royaume édomite, un petit royaume situé au sud de la mer Morte. Il constitue la divinité nationale d'Édom, à l'instar de Yahweh dans l'Israël antique. Alors que la Bible hébraïque cite le nom des divinités Kemoch et Milkom des peuples moabite et ammonite voisins, le dieu Qôs, lui, est passé sous silence et ne fait l'objet d'aucune condamnation.
Étymologie
Le nom de Qôs vient d'une racine sémitique qui signifie « arc ». Selon cette étymologie, son culte résulte de la déification de l'attribut d'une divinité, et plus particulièrement d'une divinité guerrière. Il s'agit peut-être d'une manifestation locale du dieu de l'orage Adad[1]. L'origine de son culte est à situer dans le désert nord arabique, dans la région que la Bible appelle Midian. C'est aussi de cette région que le dieu Yahweh trouverait son origine[2]. Le silence de la Bible sur Qôs s'explique peut-être par la trop grande proximité entre Qôs et Yahweh. Le manque de données ne permet cependant pas de conclure sur sa nature ni son origine. À l'origine, le nom se prononce « Qaus » ; la contraction de la diphtongue « aw » en « o » se produit vers l'époque perse. Ainsi, Qôs s'écrit qa-uš en akkadien au VIIe siècle av. J.-C. mais qu-ú-su dans une tablette cunéiforme découverte à Tawilan[3].
Origine et culte
Avant d'occuper le statut de divinité nationale d'Édom, il est possible que le dieu Qôs soit déjà connu des bédouins Shasou au début de l'âge du Fer. Le préfixe « qś » apparaît en effet dans des noms de clans sur des inscriptions des temples de Karnak et de Médinet Habou datant de Ramsès II et Ramsès III. Au sein du royaume d'Édom, Qôs bénéficiera d'un statut officiel. Le royaume d'Édom apparaît à l'âge du fer. Il se forme à partir du VIIIe siècle av. J.-C. et existe jusqu'au VIe siècle av. J.-C. environ. Qôs figure comme élément théophore dans les noms des rois édomites Qôsmalka (« Qôs est roi ») et Qôsgabar (« Qôs est puissant »). À Horvat Uza, l'expression « je te bénis pas Qôs » (hbrktk lqws) figure dans une correspondance administrative du VIe siècle av. J.-C.. Son culte est attesté dans le Néguev à Horvat Qitmit . Trois des six inscriptions trouvées sur le site se réfèrent à Qôs. En archéologie, la présence de l'élément Qôs dans l'épigraphie est généralement considérée comme signalant un contexte édomite, même si le culte de Qôs est trop mal connu pour qu'il soit certain que seuls les Édomites le vénéraient [4].
L'élément théophore Qôs continue d'être utilisé pendant la période perse. Des ostraca portant des noms contenant l'élément Qôs ont été retrouvés à Marésha en Idumée[5]ou dans la tablette cunéiforme de Tawilan en Transjordanie[3]. Des tels noms apparaissent aussi dans les documents araméens du Wadi Daliyeh appartenant à des fugitifs du sud de la Samarie au IVe siècle av. J.-C.[6]. En Idumée, beaucoup d'ostraca rapportant des transactions pendant les années 361-311 av. J.-C. contiennent l'élément qws parmi les noms de personnes. Au IIe et Ier siècle av. J.-C. en Égypte, le culte de Qôs s'hellénise dans les colonies militaires iduméennes implantées à Hermopolis Magna et à Memphis. Il est identifié au dieu grec Apollon[7]. En Nabatène, à Jebel et-Tannur, une stèle datant du Ier siècle av. J.-C. ou Ier siècle porte une dédicace à Qôs[8] : די עבד קסמלך לקס אלה חורוא (ceci est [la statue] érigée par Qôsmelekh à Qôs, le dieu de Khoroa). Sur le site de Mamré (Ramath el Khalil, au nord d'Hébron), un petit autel a été découvert avec le nom de Qôs inscrit sur sa base[9]. Le culte de Qôs se maintient en Idumée, même après l'annexion du territoire à la Judée hasmonéenne. Selon l’historien juif Flavius Josèphe (Antiquités juives XV), les Iduméens vénèrent une divinité appelée Koze (Κωζαι). Costobar, beau-frère d’Hérode Ier le Grand et gouverneur d’Idumée, est issu d’une famille de prêtres de Qôs[10].
Au IIIe siècle, Qôs est encore mentionné dans la littérature rabbinique parmi une liste de lieux dont le nom est associé à l'« idolâtrie » (Tossefta Avoda Zara[11])[12].
Références
- Knauf 1999
- (en) Joseph Blenkinsopp, « The Midianite-Kenite Hypothesis Revisited and the Origins of Judah », Journal for the study of the Old Testament, vol. 33, no 2,
- (en) Stephanie Dalley, « The cuneiform tablet from Tell Tawilan », Levant, vol. 16, , p. 19-22 ; Francis Joannès, « À propos de la tablette de Tell Tawilan », Revue d'assyriologie, vol. 81, , p. 165-166 (lire en ligne)
- (en) Lester L. Grabbe, A History of the Jews and Judaism in the Second Temple Period : Yehud: A History of the Persian Province of Judah, vol. 1, T&T Clark International, , 494 p. (ISBN 978-0-567-04352-8), p. 52
- Grabbe 2004, p. 43
- Jan Dušek, Les manuscrits araméens du Wadi Daliyeh et la Samarie vers 450-332 av. J.-C., Leyde et Boston, Brill, coll. « Culture and History of the Ancient Near East » (no 30), , 700 p. (ISBN 978-90-04-16178-8), p. 486
- (en) Martin Hengel, « The interpenetration of Judaism and Hellenism in the pre-Maccabean period », dans W. D. DAVIES, L. FINKELSTEIN (dir.), Cambridge History of Judaism, vol. 2, p. 196
- Kelley 2009, p. 259
- Ronen 1988, p. 215
- (en) I. Ronen, « Formation of Jewish nationalism among the Idumaeans », dans Aryeh Kasher, Jews, Idumaeans, and Ancient Arabs : relations of the Jews in Eretz-Israel with the nations of the frontier and the desert during the Hellenistic and Roman era (332 BCE - 70 CE), Tübingen, (ISBN 978-3161452406), p. 214-220
- Tossefta Avoda Zara 7:3 dans l'édition de Vilna; 6:4 dans l’édition Zuckermandl (page 496 ligne 25)
- Emmanuel Friedheim, Rabbinisme et paganisme en Palestine romaine : étude historique des Realia talmudiques (Ier–IVe siècles), Leiden,Boston, Brill, coll. « Religions in the Graeco-Roman World » (no 157), p. 241
Bibliographie
- (en) E. A. Knauf, « Qôs », dans K. van der Toorn, B. Becking et P. W. van der Horst (dir.), Dictionary of Deities and Demons in the Bible, Leyde, Boston et Cologne, Brill, (ISBN 978-90-04-11119-6), p. 674-677
- (en) Justin Kelley, « Toward a new synthesis of the god of Edom and Yahweh », Antiguo Oriente, vol. 7, , p. 257
- (en) Itzhaq Beit-Arieh, Ḥorvat Qitmit : an Edomite shrine in the biblical Negev, Institute of Archaeology of Tel Aviv University, , p. 141-151