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Psychiatrie communautaire

La psychiatrie communautaire se concentre sur la détection, la prévention, le traitement précoce et la réhabilitation des patients avec troubles émotionnels et sociaux tant que ceux-ci sont développés dans la communauté plutôt qu'en face à face, dans la clinique privée ou dans de larges institutions psychiatriques. Une importance particulière est donnée aux facteurs sociaux, interpersonnels et environnementaux qui contribuent à la maladie mentale[1].

Principes

Le soin en santé mentale communautaire ne se concentre pas uniquement sur les déficits et les limitations des personnes (perspective de la maladie) mais également sur leurs forces, capacités et aspirations (perspective du rétablissement). Les services et les soutiens visent à aider la personne à développer une identité positive, d'encadrer l'expérience de la maladie, d'autogérer la maladie et de poursuivre des rôles sociaux valorisés[2].

Le soin en santé mentale communautaire inclut la communauté dans un sens largement défini. Elle ne met pas seulement l'accent sur la réduction ou la gestion de l'adversité environnementale, mais aussi les forces des familles, les réseaux sociaux, les communautés et les organisations qui entourent la personne expérimentant la maladie mentale[2].

Le soin en santé mentale communautaire mélange une approche médicale basée sur les faits et une éthique pratique. Une approche scientifique utilise les données les plus récentes disponibles sur le caractère efficace des interventions. En même temps, les personnes qui expérimentent les maladies mentales ont le droit de comprendre leurs maladies, dans la mesure où les professionnels les comprennent, de considérer les meilleures options disponibles et toute information à disposition sur leur caractère efficace et leurs effets secondaires, ainsi que d'avoir leurs préférences dans un processus de prise de décision partagé[2].

Application

Selon une étude d'experts organisée par l'Organisation mondiale de la santé dans 42 pays, il existe des moyens de parvenir un objectif de désinstitutionnalisation en santé mentale dans les pays ayant un revenu par habitant moyen ou faible, et ce en accroissant les services communautaires plutôt que de verser de fortes sommes à des hôpitaux psychiatriques. Un changement advenant au moment opportun ainsi qu'un volonté politique sont deux points clés de cette réussite[3].

En 1973, l'Organisation mondiale de la santé a écrit que les médecins généralistes devraient être la base de la psychiatrie communautaire et qu'ils étaient à la meilleure place afin de fournir un suivi de long terme et d'être disponibles pour de longues périodes de maladie[4].

Le modèle italien

Aujourd'hui, le modèle italien de soins psychiatriques est organisé de manière à fournir plusieurs types de traitements différenciés, choisis en fonction du pronostic et des caractéristiques des troubles psychiatriques concernés. Il s'agit essentiellement de réduire au minimum le besoin d'hospitalisation et d'en limiter la durée lorsque celle-ci est inévitable. Pour ce faire, on agit dans le contexte social et familial du patient, on cherche à prévenir la chronicisation et on maintient le patient dans son propre réseau relationnel. Cette orientation a conduit à la fermeture des hôpitaux psychiatriques traditionnels et à l'organisation de la prévention, du traitement et de la réadaptation sur une base locale. La psychiatrie est ainsi devenue l'un des départements de l'hôpital général, au même titre que toutes les autres spécialisations médicales, et sans connotation négative en tant que science moins digne d'intérêt[5].

Le concept suivant est fondamental : l'intervention psychiatrique ne doit pas se limiter à une seule option (qu'elle soit pharmacologique, psychothérapeutique ou de réadaptation) ; elle ne peut pas non plus s'appuyer sur des options multiples mais déconnectées. Plusieurs phases des différents troubles peuvent être identifiées, chacune nécessitant une intervention spécifique et appropriée : la prévention, la phase d'urgence, les épisodes aigus, la phase de stabilisation et la prévention de la rechute. Plusieurs techniques thérapeutiques sont disponibles pour chaque phase différente. Il faut cependant souligner que l' objectif est d'intégrer les interventions somatiques, psychologiques, comportementales, familiales et sociales[5].

Les études réalisées dans différents pays, auprès de personnes appartenant à des groupes culturels différents, soutiennent toutes la théorie selon laquelle aucune maladie mentale ne doit nécessairement devenir chronique, principe qui s'étend aux troubles les plus graves, comme la schizophrénie. Le taux de chronicisation en constante augmentation n'est que partiellement dû à la structure endogène de la personnalité ; dans la plupart des cas, il est lié à des facteurs qui sont extrinsèques à la maladie, en particulier ceux qui concernent la famille et l'environnement social de l'individu. Les interventions en phase aiguë et en phase d'urgence doivent donc s'inscrire dans le cadre d'un programme thérapeutique global mais, surtout, il faut identifier les interventions qui permettent d'éviter le danger de chronicisation dès les premiers stades de la maladie[5].

Organisation des services psychiatriques Ă  Trieste

Trieste est considérée comme la capitale de la psychiatrie démocratique de Franco Basaglia. Il s'y trouve un centre d'études et de recherches de l'Organisation mondiale de la santé, consacré à la psychiatrie[6].

Les centres communautaires de santĂ© mentale, un pour chaque secteur, sont dotĂ©s d'au moins deux psychiatres et gĂ©nĂ©ralement d'une trentaine d'infirmières.  Ils fonctionnent comme des hĂ´pitaux de jour, des centres de soins de jour et simplement comme des lieux oĂą l'on peut se rendre et, en partie, un peu comme des communautĂ©s thĂ©rapeutiques. Ils tiennent la rĂ©union quotidienne la plus importante en dĂ©but de journĂ©e et ils rencontrent les familles et les patients, seuls ou en groupe, dans d'autres pièces de la maison tout au long de la journĂ©e.  En outre, chaque centre de santĂ© mentale communautaire dispose d'une petite pharmacie et les mĂ©dicaments sont utilisĂ©s de manière relativement libĂ©rale[6].

Des infirmières et des mĂ©decins psychiatriques basĂ©s dans les centres communautaires de santĂ© mentale (CMHC) sortent rĂ©gulièrement pour voir les patients psychiatriques chez eux.  En outre, dans chaque zone gĂ©ographique, il existe des foyers de groupe qui accueillent des personnes souffrant de problèmes de santĂ© mentale graves et durables.  Certains de ces foyers ont des infirmières qui vivent Ă  tour de rĂ´le, tandis que d'autres sont moins dĂ©pendants[6].

L'intention de la psychiatrie dĂ©mocratique a Ă©tĂ© de promouvoir un emploi correct pour les patients psychiatriques et d'intĂ©grer les patients psychiatriques dans la communautĂ© via le lieu de travail.  Ă€ ce titre, elle a rĂ©ussi Ă  nĂ©gocier avec les syndicats et les employeurs locaux pour que les patients psychiatriques reçoivent un salaire syndical appropriĂ©. Pour atteindre ces objectifs, les services psychiatriques ont mis en place une sĂ©rie de coopĂ©ratives de travail qui emploient comme travailleurs quelques travailleurs ordinaires mĂ©langĂ©s Ă  des patients psychiatriques. Ces coopĂ©ratives appartiennent en partie aux services de santĂ© mentale et en partie aux patients. Les coopĂ©ratives couvrent toute une sĂ©rie d'activitĂ©s diffĂ©rentes, notamment des cafĂ©s, des restaurants, la culture de lĂ©gumes, une usine de maroquinerie, un atelier de meubles, un yacht de mer Ă  louer, un service de location de vĂ©los, un hĂ´tel, un salon de beautĂ© et une station de radio. Il existe Ă©galement un ensemble d'ateliers de crĂ©ation, notamment de théâtre et de vidĂ©o, ce dernier Ă©tant souvent utilisĂ© pour les relations publiques du service[6].

Le Lieu de répit à Marseille

PrĂ©sentĂ© comme en partenariat Ă©troit avec les urgences psychiatriques de l’AP-HM (Timone) et de l’hĂ´pital Edouard Toulouse (Nord)[7], soutenu et financĂ© par l'ARS Paca et l'Etat, le lieu de rĂ©pit est un rĂ©sultat des constatations de l'Ă©quipe MARSS (Mouvement et Action pour le RĂ©tablissement Social et Sanitaire) concernant de « très nombreuses personnes en fuite d’un système de soins contestĂ© et refusĂ© ouvertement parce qu’il ne correspond pas Ă  leurs propres besoins ». Ces gens sont caractĂ©risĂ©s comme atteints d'une « maladie psychique sĂ©vère » Ă©voluant vers la schizophrĂ©nie ou le trouble bipolaire associĂ©e Ă  des difficultĂ©s psychosociales[8].

Il a été conçu pour les personnes sans-abri souffrant de troubles psychiques qui ont besoin d’un accueil et de soins alternatifs à l’hospitalisation lorsqu’ils vivent un épisode de crise psychotique. L'objet est aussi de lutter contre les privations de liberté en psychiatrie et d’instaurer les conditions d’une véritable démocratie sanitaire[9].

La formation théorique de l'équipe inclut la thérapie Dialogue ouvert (Open Dialogue), la formation au rétablissement en santé mentale, la gestion de crise, et l'auto-support (voir autonomisation)[9].

Le Lieu de répit est issu des réflexions et des revendications de personnes directement concernées par la vie à la rue et les troubles psychiques, et la place de la pair-aidance y est conçue comme centrale[8].

En rapport avec l'expérience des maisons Soteria, les principes du Lieu de répit sont les suivants[8] :

  • Offrir aux personnes vivant une « crise psychotique » un milieu de vie calme, communautaire
  • Proposer une approche phĂ©nomĂ©nologique de la personne visant Ă  donner un sens Ă  l’expĂ©rience subjective de la crise psychotique
  • Accompagner la personne dans ses activitĂ©s quotidiennes selon le principe « d’être avec » et « faire avec »
  • Absence de recours systĂ©matique aux traitements neuroleptiques, ou administration de faibles doses en favorisant plutĂ´t les anxiolytiques qui altèrent moins les fonctions cognitives supĂ©rieurs et toujours avec l’accord de la personne
  • PrĂ©sence permanente de professionnels et de bĂ©nĂ©voles qui adhèrent Ă  une vision existentiel et contextuelle de la crise sans la mĂ©dicaliser ou psychiatriser d’emblĂ©e

Le lieu de répit de Marseille est organisé selon les principes de la sociocratie[10].

En Afrique de l'Ouest

Le faible développement des infrastructures de santé psychiatriques en Afrique de l'Ouest est en partie compensé par de nombreux centres communautaires, comme les camps de prière aux méthodes parfois contestées[11].

L'Association Saint Camille de Lellis y a développé un réseau de centres de santé psychiatriques communautaires reconnu[12].

Voir aussi

Références

  1. « Community Psychiatry | List of High Impact Articles | PPts | Journals | Videos », sur www.longdom.org (consulté le )
  2. Graham Thornicroft, Tanya Deb et Claire Henderson, « Community mental health care worldwide: current status and further developments », World Psychiatry, vol. 15, no 3,‎ , p. 276–286 (ISSN 1723-8617, PMID 27717265, PMCID 5032514, DOI 10.1002/wps.20349, lire en ligne, consulté le )
  3. « WHO | Innovation in deinstitutionalization: », sur WHO (consulté le )
  4. « Community Psychiatry - an overview | ScienceDirect Topics », sur www.sciencedirect.com (consulté le )
  5. « COMMUNITY PSYCHIATRY IN ITALY | www.psychiatryonline.it », sur www.psychiatryonline.it (consulté le )
  6. Trieste : la situation actuelle, Tim Kendall, troisième conférence internationale sur la psychose : accorder les mondes intérieurs et extérieurs, université d'Essex, Colchester, Angleterre, Septembre 1996
  7. « Lutter contre la stigmatisation et les violences envers les personnes vivant avec un problème de santé mentale », sur www.paca.ars.sante.fr (consulté le )
  8. « Le Lieu de répit, alternative à la psychiatrie », sur Comme des fous, (consulté le )
  9. « Un lieu de répit pour les personnes sans chez-soi vivant une crise psychotique - OSCARS : Observation et suivi cartographique des actions régionales de santé », sur www.oscarsante.org (consulté le )
  10. « Le Lieu de Répit - Alternative à la psychiatrie » (consulté le )
  11. « En Côte d’Ivoire, les guérisseurs traditionnels, nouveaux alliés des psychiatres », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. « Santé mentale – Une fondation récompense le courage d’un Béninois », sur Tribune de Genève, (consulté le )
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