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Protocole d'audition du NICHD

Le protocole d'audition du NICHD (National Institute of Child Health and Human Development) est une technique d'audition qui a pour vocation de recueillir le témoignage des enfants témoins et victimes dans les meilleures conditions[1]. Il a été créé aux États-Unis par Poole et Lamb en 1998[2], traduit au Québec[3] en langue française par Cyr et Dion[4] et traduit dans de nombreuses langues. Même s'il fut initialement conçu pour l'audition des mineurs de 4 à 12 ans, victimes de violences sexuelles, il se révèle être tout à fait adapté à l'audition des mineurs témoins et des adolescents[5]. Les grands principes qui le sous-tendent sont la non-suggestibilité et l'adaptation des questions aux capacités des enfants, dans le but d'obtenir un récit le plus riche et le plus fiable possible[6]. L'utilisation de ce protocole, destiné avant tout aux enquêteurs (de la police nationale[7] et de la gendarmerie nationale[8] pour la France) et aux magistrats est préconisée depuis 2015 par la DACG[9]. Il se présente sous la forme d'un guide qui précise les différentes activités et étapes à proposer à l'enfant ainsi que les questions à lui poser[10]. 3 grandes phases successives constituent ce protocole : la phase pré-déclarative, la phase déclarative et la phase de clôture[11] - [12] - [13].

Les 3 phases

La phase pré-déclarative

Cette phase permet de mettre l'enfant en confiance et de le préparer à parler des faits pour lesquels il est entendu[14]. Pour ce faire, l'enquêteur se présente et explique son rôle, lui présente le matériel d'enregistrement et la salle, lui demande comment il se sent. L'enfant est ensuite invité à parler des choses qu'il aime faire. Plusieurs règles lui sont ensuite évoquées et illustrées : l'enfant peut dire qu'il ne comprend pas, qu'il ne connaît pas la réponse, il peut corriger l'enquêteur s'il se trompe et il doit dire la vérité en ne parlant que des choses qui lui sont réellement arrivé. L'enfant est ensuite invité à raconter, du début à la fin, un événement récent, positif et sans lien avec les faits. L'enquêteur le questionne à ce sujet à l'aide de segmentations de temps et d'invitations à indice. Cet entraînement de la mémoire épisodique permet d'évaluer le développement cognitif et langagier de l'enfant, de continuer à créer une relation de confiance et de l'habituer à répondre à des questions ouvertes[15]. Cette phase ne devrait pas durer plus de 8 minutes[16].

La phase déclarative

C'est durant cette phase que l'enquêteur va tenter de recueillir les allégations de l'enfant concernant les faits dont il aurait pu être victime. Pour ce faire le protocole propose une série de phrases, invitant l'enfant à parler de ce qui a pu lui arriver[14]. Dès lors que l'enfant commence son récit, l'enquêteur l'invitera à fournir plus de détails à l'aide d'invitations générales « Dis-moi tout ce qu’il s’est passé du début à la fin » puis de segmentations « Dis-moi tout ce qu'il s'est passé de... jusqu'à...» et d'invitations à indices « Parle-moi plus de... ». Les détails manquants pourront être obtenus, dans un second temps avec des questions directives « Quoi, comment, qui, où, quand … ?" Après un temps de pause, des questions complémentaires portant sur la présence de témoins, d'éventuelles autres personnes au courant de l'agression, seront posées.

La phase de clĂ´ture

La phase de clôture a pour objectif de terminer l'audition dans les meilleures conditions. L'enfant est remercié pour sa participation, il peut s'il le souhaite aborder d'autre choses, rajouter des détails, poser des questions. Il est également invité à recontacter l'enquêteur s'il souhaite encore lui parler.

L'efficacité du protocole

De nombreuses études de laboratoire et de terrain ont montré l'efficacité à la fois du protocole, des différents phases le constituant et des techniques d'enseignement de celui-ci[17]. L'utilisation du protocole permet notamment d'obtenir un taux de révélation plus important[18] et augmente la probabilité de suites judiciaires de l'affaire[19]. Dans l'étude de Cyr et Lamb[20], les enquêteurs québécois (francophones) formés au protocole utilisent trois fois plus de questions ouvertes et deux fois moins d'autres types de questions que sans le protocole ; le nombre total de questions a diminué de 25% et le nombre moyen de détails obtenus par question posée est passé de 3 à 5 grâce au protocole. La majorité des informations recueillie l'est donc grâce à la mémoire de rappel, considérée comme plus fiable et plus exacte que la mémoire de reconnaissance[21].

La formation au protocole

En France

L'utilisation correcte et adaptée de ce protocole nécessite une formation dédiée.

Au sein de la Gendarmerie Nationale, le protocole d'audition du NICHD est enseigné par le CNFPJ depuis 2016[22] - [23]. La formation, d'une durée de deux semaines, propose des cours pratiques et théoriques associés à des mise en situation.

Dans la Police Nationale, le protocole du NICHD est enseigné aux enquêteurs nouvellement affectés dans une Brigade de Protection des Familles (BPF) depuis [24].

En ce qui concerne les magistrats, le protocole du NICHD est étudié dans le cadre de sessions de formation continue proposées par l'ENM (Enfants maltraités : les enjeux juridictionnels, Construction de la personnalité et Parole de l’enfant en justice)[25] - [26].

Un manque de personnels formés est toutefois souligné par les professionnels de terrain[27].

Références

  1. « Le protocole NICHD »
  2. « APA PsycNet », sur content.apa.org (DOI 10.1037/10301-000, consulté le )
  3. « Une méthode venue du Canada », sur La Voix du Nord, (consulté le )
  4. Cyr M., Dion J., Perreault R. et Richard N., Guide d’entrevue d’investigation du NICHD [NICHD investigative interview protocol], Montréal : CRIPCAS, Université de Montréal, 2002.
  5. Fanny Verkampt, « Comment entendre un enfant témoin lors d'une audition judiciaire ? », Journal du droit des jeunes, vol. 330, no 10,‎ , p. 11 (ISSN 2114-2068 et 2259-6003, DOI 10.3917/jdj.330.0011, lire en ligne, consulté le )
  6. Cyr, M., « Les hyper-pratiques #2 : NICHD -Protocole du National Institute of Child Health and Human Development. Équipe de recherche Violence sexuelle et santé (FRQ-SC #187954) », UQAM, Montréal (QC).,‎ 2016, mars (lire en ligne)
  7. Luis ALVAREZ et Nathalie Tomasini, « Que la parole de l’enfant se libère ne suffit pas », sur Libération (consulté le )
  8. « Inceste : comment les gendarmes avesnois recueillent la parole des victimes », sur La Voix du Nord, (consulté le )
  9. « Guide relatif à la prise en charge des mineurs victimes »
  10. « Protéger les mineurs victimes d'infractions sexuelles », sur www.senat.fr (consulté le )
  11. « Le protocole Nichd | Observatoire National de la Protection de l'Enfance | ONPE », sur www.onpe.gouv.fr (consulté le )
  12. Martine Batt et Valentine Dehaudt, « Mireille Cyr, Recueillir la parole de l’enfant témoin ou victime. De la théorie à la pratique »
  13. A. Morville, M. Bénard, M.-A. Podlipski et M. Larson, « Recueillir la parole de l’enfant victime d’agression sexuelle selon le protocole du National Institute of Child Health and Human Development : enjeux, méthode et intérêts pour les intervenants du champ non judiciaire », Neuropsychiatrie de l'Enfance et de l'Adolescence, vol. 64, no 4,‎ , p. 224–230 (DOI 10.1016/j.neurenf.2016.03.006, lire en ligne, consulté le )
  14. « Recueillir la parole d’un enfant victime de violences », sur Yvelines Infos, (consulté le )
  15. « Approche intégrée pour une justice respectueuse des besoins de l'enfant victime dans le meilleur intérêt de ce dernier. », p. 166-167
  16. Graham M. Daviesl, Helen L. Westcott et Noreen Horan, « The impact of questioning style on the content of investigative interviews with suspected child sexual abuse victims », Psychology, Crime & Law, vol. 6, no 2,‎ , p. 81–97 (ISSN 1068-316X et 1477-2744, DOI 10.1080/10683160008410834, lire en ligne, consulté le )
  17. Cyr, M., Dion, J., Hershkowitz, I., & Lamb, M. E., « L’audition de mineurs témoins ou victimes: l’efficacité du protocole du NICHD. », Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique, 2, 223-236.,‎ (lire en ligne)
  18. Légaré, M., Dion, J., Cyr, M., & Hains, J., « La résistance au dévoilement en contexte d’audition chez les enfants présumés victimes d’agression sexuelle: une conceptualisation multidimensionnelle. », Carnet de notes sur les maltraitances infantiles, (1), 22-40.,‎ (lire en ligne)
  19. Alonzo-Proulx, A., & Cyr, M., « Traitement des plaintes d'agression sexuelle envers les enfants dans le système de justice criminel québécois. », Canadian Journal of Criminology and Criminal Justice, vol. 59, no 3, p. 397-424.,‎
  20. Mireille Cyr et Michael E. Lamb, « Assessing the effectiveness of the NICHD investigative interview Protocol when interviewing French-speaking alleged victims of child sexual abuse in Quebec », Child Abuse & Neglect, vol. 33, no 5,‎ , p. 257–268 (ISSN 0145-2134, DOI 10.1016/j.chiabu.2008.04.002, lire en ligne, consulté le )
  21. « Memory development and the forensic context », dans The Development of Memory in Infancy and Childhood, Psychology Press, (ISBN 978-0-203-93465-4, lire en ligne), p. 253–294
  22. Sirpa Gendarmerie, Gendarmerie nationale, « https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/pjgn/innovation/les-journees-scientifiques-du-pjgn/gendlab-2019-la-mallette-maevas », sur www.gendarmerie.interieur.gouv.fr (consulté le )
  23. Sirpa Gendarmerie, Gendarmerie nationale, « Saint-Malo : une salle de confrontation protégée pour les victimes mineures », sur www.gendinfo.fr (consulté le )
  24. « Décision du Défenseur des droits n°2019-133 », p. 23
  25. « Justice des mineurs : un nouveau cycle de formation créé par l’ENM », sur École nationale de la magistrature, (consulté le )
  26. « Violences faites aux femmes : comment sont formés les magistrats ? », sur École nationale de la magistrature, (consulté le )
  27. Nathalie Savard, « Recueillir la parole de l’enfant victime de maltraitances », Enfance,‎ 2019/4 (n° 4), p. 431-452 (lire en ligne)
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