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Prora

Prora est une station balnĂ©aire allemande, construite sous le rĂ©gime nazi. SituĂ© sur l’île de RĂĽgen Ă  300 km au nord de Berlin, le complexe monumental, construit en bĂ©ton de 1936 Ă  1939 pour l’organisation de loisirs Kraft durch Freude[1] et restĂ© inachevĂ© du fait de l'entrĂ©e en guerre, reprĂ©sente un cas d'Ă©cole pour l'Ă©tude de l'architecture nationale-socialiste.

Prora
Prora
Administration
Pays Drapeau de l'Allemagne Allemagne
Land Drapeau du Mecklembourg-Poméranie-Occidentale Mecklembourg-Poméranie-Occidentale
Commune
(Gemeinde)
Binz
Code postal 18609
GĂ©ographie
CoordonnĂ©es 54° 26′ 23″ nord, 13° 34′ 00″ est
Altitude m
Localisation
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Prora
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Prora

    Contexte

    « Prora » se situe sur une large baie entre les rĂ©gions de Sassnitz et de Binz, près de Prorer Wiek, sur la bande Ă©troite couverte de bruyère, appelĂ©e le Prora, qui sĂ©pare le Jasmunder Bodden de la mer Baltique. Les bâtiments s’étendent sur plus de 4,5 kilomètres et sont situĂ©s Ă  environ 150 m de la plage. La cĂ´te offre une plage plate de sable, longue de 10 km, qui s’étend de Binz au Fährhafen, le port des ferrys. Cette plage est donc un endroit idĂ©al pour y Ă©riger un bâtiment en bord de mer. Ce complexe massif, surnommĂ© « colosse de RĂĽgen », « colosse de Prora », ou « citĂ© balnĂ©aire du IIIe Reich », devait devenir la plus grande station balnĂ©aire du monde, avec une capacitĂ© d'accueil devant s'Ă©lever Ă  plusieurs millions de vacanciers par an.

    Vue panoramique.

    Construction et aménagements

    Plan en 1945 et en 2009.

    Ce complexe balnĂ©aire rĂ©pond Ă  un double objectif. D'une part, il doit satisfaire la demande naissante de lieux de villĂ©giature pour les travailleurs en vacances. D'autre part, en rĂ©pondant Ă  cet objectif social, il doit canaliser cette demande vers des structures agrĂ©Ă©es par le pouvoir. « Prora » est donc conçu pour loger 20 000 vacanciers. Chaque travailleur du pays devant pouvoir passer des vacances Ă  la plage (mis Ă  part les non aryens, ceux qui avaient Ă©pousĂ© un non aryen ou si l'on Ă©tait parent d'un enfant handicapĂ©), le projet est colossal. Le caractère populaire et social du lieu est primordial, comme le montre une affiche de propagande, qui prĂ©sente une famille aryenne type avec quatre enfants, vantant « la force Ă  travers le plaisir » et ajoutant : « et le soir, des pommes de terre ». Cependant, le salaire moyen de l'ouvrier moyen Ă©tait de 60 reichsmarks (RM) par mois alors que les vacances Ă  Prora auraient coĂ»tĂ© 2 RM par jour, ce qui aurait rendu son coĂ»t compliquĂ© Ă  assurer pour tous les foyers. Le directeur de Kraft durch Freude, Robert Ley, est Ă  l'initiative du projet ; il se vantait qu'Adolf Hitler lui avait demandĂ© de construire « la plus grande citĂ© balnĂ©aire du monde » (le FĂĽhrer n'est cependant jamais venu sur les lieux voir les travaux). Prora devait ĂŞtre le cadre d'au total cinq stations balnĂ©aires du mĂŞme type[2].

    ConformĂ©ment aux plans de l'architecte Clemens Klotz (en) (1886-1969), le projet compte huit bâtiments identiques. Le projet initial prĂ©voyait aussi deux piscines (pouvant accueillir chacune 5 000 personnes Ă  la fois), un théâtre, un cinĂ©ma et une salle de festival de 25 000 places assises d'architecture nĂ©oclassique (40 mètres de haut avec une immense place bordĂ©e d'arcades). Un large quai pour bateaux transportant des passagers Ă©tait Ă©galement prĂ©vu[3]. Mais ces programmes ne seront pas mis en Ĺ“uvre. Dans les bâtiments, les 10 000 chambres donnent toutes sur l’ocĂ©an. De 5 Ă— 2,5 mètres, ces pièces devaient comporter deux lits, une armoire ou un placard et un Ă©vier. Il y avait Ă©galement un haut-parleur pour transmettre des messages. Les toilettes et les douches Ă©taient communes. L'aspect communautaire de ces vacances est important et l'individualisme mis de cĂ´tĂ© : les repas (dans une des dix salles gĂ©antes, pouvant chacune accueillir 1 000 personnes), les activitĂ©s sportives et plus gĂ©nĂ©ralement les loisirs se font toujours en groupe[2]. Ă€ l’exposition universelle de Paris de 1937, l’ensemble des plans pour le complexe balnĂ©aire « Prora » reçoit le Grand Prix de l’Architecture.

    Wilhelm Heidrich, qui a dĂ©jĂ  travaillĂ© avec Klotz sur d'autres projets, est nommĂ© Baudirektor und Oberbauleiter, directeur des travaux et chef de chantier. Il restera sur le chantier jusqu'Ă  la fin de la guerre[4]. Pendant la construction, de 1936 Ă  1939, presque toutes les entreprises importantes de construction du Reich furent engagĂ©es d’une façon ou d’une autre dans le chantier. Près de 9 000 ouvriers y travaillèrent. En 1938, la ville voisine de Binz, lieu de villĂ©giature prisĂ©e de la bourgeoisie juive, est dĂ©clarĂ©e « Judenfrei », ce qui la vide de sa population juive.

    Inauguré trois mois avant le début de la Seconde Guerre mondiale, le site n’a jamais ouvert au public. La guerre en 1939 interrompit les travaux, Adolf Hitler voulant faire du site un hôpital militaire. En 1944, le site devient en effet un hôpital pour la Wehrmacht[2]. Les huit immeubles d’habitation, le théâtre et le cinéma restèrent des coquilles vides, alors que les piscines et la salle de spectacles n’étaient pas encore bâties.

    Affectations successives

    Les bombardements alliés poussèrent beaucoup d’habitants de Hambourg à trouver refuge à « Prora ». À la fin de la guerre, les bâtiments servirent de logement à la Luftwaffe puis aux réfugiés allemands expulsés des Sudètes. En 1945, l’Armée rouge prit le contrôle de la région et établit une base à « Prora ».

    Après 1945, « Prora » fut décrété zone militaire par les soviétiques, puis par l’armée est-allemande à partir de 1952, qui l’utilisa comme caserne pour ses parachutistes (notamment des troupes d'élite) ainsi que de lieu de formation pour des rebelles du Mozambique, d'Angola ou de Palestine ; de ce fait il ne figurait plus sur aucune carte[2].

    En 2010, des pans entiers du « Colosse de Rügen », aux fenêtres éventrées, menaçaient de tomber en ruine. Classé au patrimoine national allemand depuis 1994, il n’est pas question de le faire sauter. Le coût d'un simple ravalement d’un des huit blocs est estimé à plusieurs dizaines de millions d’euros[2].

    En 2011, une auberge de jeunesse de 400 lits y a Ă©tĂ© ouverte, sur une portion de 150 mètres, après deux ans de travaux pour 27 millions d'euros[2].

    Un projet de réhabilitation d'une partie des bâtiments en complexe hôtelier de luxe est dévoilé à l’été 2015[5]. Il est achevé à la fin de la décennie. Des appartements de luxe sont également proposés à la vente[6].

    • Prora en 2011.
      Prora en 2011.
    • Prora en 2004.
      Prora en 2004.
    • Prora en 1937.
      Prora en 1937.
    • Reconstitution d'une chambre.
      Reconstitution d'une chambre.
    • Vue d'une fenĂŞtre sur la mer.
      Vue d'une fenĂŞtre sur la mer.

    Notes et références

    1. Kraft durch Freude, siglé KdF, en français : « la force par la joie ».
    2. Patrick Saint-Paul, « Prora, l'embarrassant legs touristique de Hitler », Le Figaro, jeudi 23 août 2012, page 2.
    3. Hasso Spode, « Fordism, Mass Tourism and the Third Reich : the Strength through Joy Seaside Resort as an Index Fossil », in Journal of Social History 38(2004), p. 127-155.
    4. JĂĽrgen Rostock: Paradiesruinen: Das KdF-Seebad der Zwanzigtausend auf RĂĽgen, Ch. Links Verlag, 2006 (p. 58, 70, 75,78, 80, 85, 92, 149)
    5. Une ancienne station balnéaire nazie va devenir un complexe hôtelier de luxe , Aurélien Jouhanneau, Le Figaro, 6 juillet 2015.
    6. Pierre Avril, « À Rügen, des vacances allemandes à l’ombre du virus », sur Le Figaro, (consulté le ).

    Liens externes

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