ProblĂšme du lithium cosmologique
Le problĂšme du lithium cosmologique fait rĂ©fĂ©rence Ă une diffĂ©rence significative entre les calculs thĂ©oriques de lâabondance de lithium 7 crĂ©Ă© lors de la nuclĂ©osynthĂšse primordiale et les observations.
Production de lithium lors de la nucléosynthÚse primordiale
Le modĂšle de la nuclĂ©osynthĂšse primordiale permet dâexpliquer la formation et lâabondance des Ă©lĂ©ments lĂ©gers (de lâhydrogĂšne jusquâau bĂ©ryllium). Elle dĂ©bute environ 3 minutes aprĂšs le Big Bang[1]. DiffĂ©rentes rĂ©actions nuclĂ©aires impliquant les protons et les neutrons permettent de produire ces noyaux. La rĂ©action p + n â D + Îł dĂ©marre et dâautres rĂ©actions Ă base de deutĂ©rium conduisent principalement Ă la formation dâhĂ©lium mais Ă©galement, en moindres proportions, de lithium[2] (voir la figure ci-contre).
Si le rapport entre le nombre de baryons et le nombre de photons est faible, la rĂ©action principale Ă lâorigine de la production de lithium 7 est la fusion dâun noyau dâhĂ©lium 4 avec un de tritium
et la principale rĂ©action conduisant Ă la destruction de lithium 7 est la rĂ©action nuclĂ©aire entre le lithium 7 et un proton entrainant la crĂ©ation de deux noyaux dâhĂ©lium 4.
Si le rapport baryon-photon est grand, davantage dâhĂ©lium 3 est produit et la rĂ©action âŽHe + ÂłHe â â·Be + Îł devient importante. Par ailleurs, la rĂ©action â·Be + n â 2âŽHe devient Ă©galement moins probable que dans le cas dâun rapport baryon-photon plus faible du fait du plus faible nombre de neutrons.
La rĂ©action â·Be + n â â·Li + p possĂšde une trĂšs grande section efficace Ă lâĂ©nergie thermique ce qui lui confĂšre Ă©galement un rĂŽle important dans la production de lithium 7[3].
Par la suite, la tempĂ©rature de lâUnivers diminue et environ 380 000 ans aprĂšs le Big Bang, les noyaux de lithium et de bĂ©ryllium, prĂ©cĂ©demment dĂ©pourvus dâĂ©lectrons, commencent Ă crĂ©er des atomes en se liant Ă des Ă©lectrons ; câest la recombinaison.
Le béryllium 7 peut alors décroitre par capture électronique pour former du lithium 7. La quantité de béryllium 7 à la fin de la nucléosynthÚse primordiale conditionne donc la production de lithium 7 à la fin de la recombinaison.
Observations expérimentales
AprĂšs la fin de la nuclĂ©osynthĂšse primordiale, plusieurs millions dâannĂ©es sont nĂ©cessaires pour former les premiĂšres Ă©toiles par effondrement gravitationnel. Lorsquâelle atteint une masse critique, la gravitĂ© comprime la matiĂšre ce qui a pour effet dâaugmenter la tempĂ©rature au sein de la proto-Ă©toile. Lorsque la tempĂ©rature atteint environ 10 millions de kelvin, les rĂ©actions de fusion de lâhydrogĂšne dĂ©marrent. Lors de cette phase, lâhydrogĂšne va fusionner pour former de lâhĂ©lium. Par la suite, au fur et Ă mesure que la quantitĂ© dâhydrogĂšne diminue, les rĂ©actions de fusion se font plus rares et lâĂ©toile se contracte du fait de la gravitation, faisant augmenter la tempĂ©rature, ce qui permet dâinitier dâautres rĂ©actions de fusion. Le lithium 7 peut alors fusionner avec un proton pour former un noyau de bĂ©ryllium 8, qui fissionne quasi-instantanĂ©ment en 2 noyaux dâhĂ©lium 4.
La dĂ©termination expĂ©rimentale de la quantitĂ© de lithium 7 produite lors du Big Bang est donc effectuĂ©e en observant les Ă©toiles avec une faible mĂ©tallicitĂ©, câest-Ă -dire Ă©tant composĂ©e essentiellement dâhydrogĂšne et dâhĂ©lium. Lâobservation dâĂ©toiles de population III, population hypothĂ©tique dâĂ©toiles extrĂȘmement massives et lumineuses, constituĂ©e exclusivement d'Ă©lĂ©ments lĂ©gers, qui seraient les premiĂšres Ă©toiles formĂ©es au commencement de l'Univers, offrirait une Ă©valuation propre de la quantitĂ© de lithium produite lors de la nuclĂ©osynthĂšse primordiale.
Comparaison entre les prédictions et les observations
En 2016, des calculs thĂ©oriques sâappuyant sur les donnĂ©es nuclĂ©aires mesurĂ©es (durĂ©e de vie du neutron, section efficace , etc.) et les observations du satellite Planck en particulier sur la dĂ©termination du rapport baryon/photon ont prĂ©dit les abondances suivantes[4]
Prédictions | Observations | |
---|---|---|
Yâ[alpha 1] | 0,247 06 ± 0,000 25 | 0,256 ± 0,006 |
D/H(10-5) | 2,58 ± 0,13 | 2,82 ± 0,26 |
ÂłHe/H(10-5) | 10,039 ± 0,090 | â„11 ± 2 |
â·Li/H(10-10) | 4,68 ± 0,67 | 1,58 ± 0,31 |
D/H, ÂłHe/H et â·Li/H dĂ©signent respectivement lâabondance de deutĂ©rium, dâhĂ©lium 3 et de lithium 7. Les valeurs issues de lâobservation proviennent dâun article publiĂ© dans The Astrophysical Journal en 2014[5].
Lâaccord entre les calculs thĂ©oriques et les observations expĂ©rimentales sâaccordent extrĂȘmement bien en ce qui concerne les abondances du deutĂ©rium, de lâhĂ©lium 3 et de lâhĂ©lium 4. En revanche, les prĂ©dictions et les observations divergent fortement pour le lithium 7. En fonction des hypothĂšses utilisĂ©es dans les calculs, la diffĂ©rence peut ĂȘtre supĂ©rieure Ă 5Ï[6], ce qui est considĂ©rĂ© comme ne pouvant pas ĂȘtre expliquĂ© par une erreur statistique par les physiciens.
Explications possibles
Données nucléaires
Les calculs utilisent en entrée le rapport baryon-photon, déterminé à partir des observations du satellite Planck, ainsi que les sections efficaces pour les réactions nucléaires impliquées dans la production et la destruction de lithium 7 et de béryllium 7. De nombreuses expériences ont donc été menées pour obtenir des valeurs de sections efficaces plus précises.
Pour un rapport baryon-photon Ă©gal Ă celui mesure par le satellite Planck, le principal mode de production de lithium 7 provient de la dĂ©croissance par capture Ă©lectronique du bĂ©ryllium 7[7]. Les modes de production et de destruction du bĂ©ryllium 7 doivent donc Ă©galement ĂȘtre considĂ©rĂ©es. Les principales rĂ©actions impliquant du bĂ©ryllium 7 sont la fusion dâun noyau dâhĂ©lium 3 avec un dâhĂ©lium 4 pour la production
et la capture dâun neutron par du bĂ©ryllium 7 crĂ©ant du lithium 7 et un proton pour la destruction de cet isotope
Ces deux réactions ont été intensivement étudiées et mesurées et les sections efficaces sont connues avec des précisions de quelques pourcents[7].
Notes et références
Notes
- Yâ dĂ©signe la fraction massique dâhĂ©lium 4 Ă la fin de la nuclĂ©osynthĂšse primordiale. Le reste de la masse provient des protons.
Références
- Steven Weinberg (trad. de l'anglais par Jean-BenoĂźt Yelnik), Les trois premiĂšres minutes de lâunivers, Paris, Ăd. du Seuil, , 225 p. (ISBN 2-02-010485-7) p. 131-132.
- (en) Fred E. Wietfeldt et Geoffrey L. Greene, « Colloquium: The neutron lifetime », Reviews of Modern Physics, vol. 83, no 4,â , p. 1173â1192 (DOI 10.1103/RevModPhys.83.1173), p. 1178.
- (en) Carlos A. Bertulani et Toshitaka Kajino, « Frontiers in nuclear astrophysics », Progress in Particle and Nuclear Physics, vol. 89,â , p. 56-100 (DOI 10.1016/j.ppnp.2016.04.001, lire en ligne), p. 65.
- (en) Richard H. Cyburt, Brian D. Fields, Keith A. Olive et Tsung-Han Yeh, « Big bang nucleosynthesis: Present status », Reviews of Modern Physics, vol. 88,â , p. 015004 (DOI 10.1103/RevModPhys.88.015004).
- (en) Rosario Gianluca Pizzone et al., « Big Bang nucleosynthesis revisited via Trojan horse method measurements », The Astrophysical Journal, vol. 786, no 2,â , p. 112 (DOI 10.1088/0004-637X/786/2/112, lire en ligne).
- (en) « Big-Bang nucleosynthesis », dans M. Tanabashi et al. (Particle Data Group), Review of Particle Physics, (lire en ligne), p. 377-382 p. 379.
- Carlo Broggini, Luciano Canton, Giovanni Fiorentini et Francesco Villante, « The cosmological 7Li problem from a nuclear physics perspective », Journal of Cosmology and Astroparticle Physics, vol. 2012,â (DOI 10.1088/1475-7516/2012/06/030, arXiv 1202.5232).