Prise de Kinshasa
La prise de Kinshasa a eu lieu le lors de la première guerre du Congo. Cet évènement marque la chute du régime de Mobutu Sese Seko et l'arrivée au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila. Les rebelles de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo se rendent maîtres de la ville sans combats contre les mobutistes.
Mobutu Sese Seko[a] Bolozi Gbudu[a] Nzimbi Ngbale[a] Paul Vungbo[a] Kongulu Mobutu (en)[b] Norbert Likulia Bolongo[a] Celestin Ilunga Shamanga[a] Donatien Mahele†[c] | James Kabarebe |
Au moins 318 personnes exécutées |
Notes
a. En fuite le 16 maib. En fuite le 17 mai
c. Assassiné par la DSP le 16 mai
Coordonnées | 4° 19′ 30″ sud, 15° 19′ 20″ est |
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Contexte
Après la bataille de Kenge, l'avance des rebelles semble inéluctable. Mi-mai, jusqu'à 40 000 soldats des forces armées zaïroises (FAZ) sont réfugiés à Kinshasa mais beaucoup n'ont plus d'armes et seuls quelques milliers de combattants sont encore commandés. Les derniers soldats motivés pour défendre le régime appartiennent surtout à la division spéciale présidentielle (DSP), garde prétorienne de Mobutu. Ils sont renforcés de 1 000 rebelles angolais de l'UNITA[1].
Les troupes de l'AFDL, mélangées avec les Rwandais de l'armée patriotique rwandaise (APR), sont estimées à 10 000 hommes, dont un grand nombre d'enfants soldats, les kadogo[1]. Mobutu reste à Lubumbashi.
15-16 mai
Les 15 et , la dernière résistance organisée de la DSP et de l'UNITA est brisée autour du pont sur la Nsele, face à 2 000 combattants rwando-congolais. Le camp de la DSP est investi par les rebelles[1] tandis que 7 chars Type 62 de la 1re division blindée sont abandonnés sans combattre[1] - [2].
Le général Mahele, chef de l'armée zaïroise, sait que la guerre est perdue et cherche à éviter des combats sanglants dans la ville. Grâce à un téléphone satellitaire fourni par l'ambassadeur américain, il est en contact avec les rebelles depuis le [3]. Le 15 au soir, les généraux Mahele, Ilunga et Likulia (alors premier ministre) essayent de convaincre Mobutu de quitter la ville pour éviter un bain de sang. Peu après, les généraux — Bolozi, Nzimbi, Vungbo, Wezabo et Baramato —, mobutistes de l'ethnie Ngbandi et opposés à la reddition du régime, sont réunis autour de Mobutu qui annonce son intention de fuir à Gbadolite. Selon le journaliste François Soudan, les officiers ngbandi de la ville se retrouvent ensuite, sans Mobotu, et dressent une liste des 500 noms de traîtres parmi les Zaïrois[4].
Le 16 à 9 h 45, Mobutu s'envole dans son Boeing 727 pour Gbadolite, emportant plusieurs millions de dollars[3]. Les dignitaires fuient pour la plupart dans la journée. Ainsi, le général Likulia est reçu à l'ambassade de France[5]. Pour éviter les massacres, les Américains demandent à Kabila de leur laisser le temps de fuir[6] - [7]. Seuls quelques généraux mobutistes restent dans la ville, comme Kongulu Mobutu (en), fils du président, qui continue à essayer de défendre la ville[5].
Le 16 au soir, Mahele essaye d'aller calmer les soldats de la DSP dont le chef, le général Nzimbi, a fui à Brazzaville. Pris à partie par les soldats, Mahele est mitraillé malgré l'intervention du général Wezago, adjoint de Nzimbi, et l'arrivée tardive du fils de Kongulu Mobutu[3].
Après l'assassinat de Mahele, la ville est livrée au pillage avant l'arrivée des rebelles. Les anciens soldats de Mobutu, sans chefs, sont les principaux acteurs de ces pillages[8].
Prise de la ville
Le au matin, les colonnes de l'AFDL, notamment le 101e bataillon de l'armée rwandaise, entrent dans la ville[9]. Elles sont notamment guidées par les militants du Front patriotique, un parti politique de l'opposition de gauche zaïroise[10]. « Précédées d'une réputation de discipline », les colonnes de combattants rebelles sont acclamés par la population[11].
Le capitaine Kongulu Mobutu est le dernier proche de Mobutu à quitter Kinshasa pour Brazzaville, après avoir vainement essayé d'organiser une résistance[5].
Suites
Les militaires zaïrois, sans chefs, se rendent pour la plupart pacifiquement. Ils empilent leurs armes et attendent leur enregistrement par l'AFDL[9]. La DSP abandonne son camp de Tshatshi le 17 au soir, sans combattre[12]. Les soldats qui refusent de rendre leurs armes, les anciens membres de la DSP et les fidèles du régime sont tués par les rebelles ou lynchés par la population[9]. Les journalistes étrangers sont témoins de ces exécutions[8] - [12] - [13]. L'estimation du nombre de tués dans les réglements de compte varie de 200 à 654 morts[3]. La Croix-Rouge Zaïroise recensera 228 à 318 cadavres autour de la capitale dans les jours qui suivent[9]. Plusieurs dizaines de soldats sont parqués dans les casernes, tandis que les mobutistes suspectés sont emmenés par milliers en prison[8].
Les bâtiments des anciens mobutistes sont pillés par les Kinois[12].
Laurent-Désiré Kabila arrive le à Kinshasa[11]. Il instaure un régime présidentiel. Son gouvernement compte treize membres: une majorité d'anciens de l'AFDL, deux du Front patriotique et deux transfuges de l'UPDS (parti d'Étienne Tshisekedi, qui reste dans l'opposition)[14].
Notes et références
- Thom 1999.
- Cooper 2013, p. 66.
- Langellier 2017, p. 387-396.
- François Soudan, « RDC : l’histoire secrète de la chute de Mobutu », Jeune Afrique, nos 1910-1911,‎ , p. 20-27 (lire en ligne)
- (en) Howard W. French, « Mobutu's Son Lingers, Reportedly Settling Scores », sur NYTimes.com,
- Prosper Bagondo, « RD Congo : le jour où le destin du Zaïre a basculé », sur Le Point,
- Tshitenge Lubabu M.K., « RDC : le 16 mai 1997, jour de la chute de Mobutu », Jeune Afrique,‎ (lire en ligne)
- Jean Hatzfeld, « Kinshasa livrée aux mains des soldats de Kabila. », Libération,‎ (lire en ligne)
- Cooper 2013, p. 54.
- Reyntjens 2009, p. 140.
- Agence France Presse, « Il y a vingt ans, Kinshasa s'offrait au rebelle Laurent Kabila », Le Vif,‎ (lire en ligne)
- (en) Lynne Duke, « Victorious rebels pour into Kinshasa », Washington Post,‎ (lire en ligne)
- (en) Tom Cohen, « Executions by rebels witnessed in Kinshasa », Washington Post,‎ (lire en ligne)
- Marie-Laure Colson, « Tshisekedi appelle à résister à la dictature de Kabila. L'opposant historique a été écarté du nouveau gouvernement. », Libération,‎ (lire en ligne)
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- (en) Tom Cooper, Great Lakes Holocaust : First Congo War, 1996-1997, Helion & Company, coll. « Africa@War » (no 13), , 72 p. (ISBN 978-1-909384-65-1, lire en ligne)
- Erik Kennes, La guerre du Congo, , 28 p. (lire en ligne)
- (en) Gérard Prunier, Africa’s world war. Congo, the Rwandan genocide, and the making of a continental catastrophe, Oxford/New York, Oxford University Press, , 529 p. (ISBN 978-0-19-537420-9)
- (en) Filip Reyntjens, The Great African War Congo and Regional Geopolitics, 1996–2006, Cambridge, Cambridge University Press, , 340 p. (ISBN 978-0-521-11128-7, lire en ligne)
- (en) Jason Stearns, Dancing in the Glory of Monsters : The Collapse of the Congo and the Great War of Africa, PublicAffairs, , 416 p. (ISBN 978-1-61039-107-8, lire en ligne)
- (en) William G. Thom, « Congo-Zaire's 1996-97 Civil War in the Context of Evolving Patterns of Military Conflict in Africa in the Era of Independence », Journal of Conflict Studies, vol. 19, no 2,‎ (ISSN 1715-5673, lire en ligne)
- Jean-Pierre Langellier, Mobutu, Éditions Perrin, , 387-396 p. (lire en ligne), « Les derniers jours »
Lien externe
- Description jour par jour de la situation à Kinshasa par le correspondant de la BBC: (en) Allan Little, « Hope and retribution in Zaire », sur news.bbc.co.uk,