PremiĂšre campagne du Kouban
La premiĂšre campagne du Kouban (russe : ĐĐ”ÌŃĐČŃĐč ĐŃбаÌĐœŃĐșĐžĐč ĐżĐŸŃ ĐŸÌĐŽ), aussi appelĂ©e campagne de glace (russe : ĐДЎŃĐœĐŸÌĐč ĐżĐŸŃ ĐŸĐŽ), du 9 fĂ©vrier 1918 ( dans le calendrier grĂ©gorien) au 30 avril 1918 ( dans le calendrier grĂ©gorien)[1] - [2], est la premiĂšre campagne de lâarmĂ©e des volontaires au Kouban, la menant sous les attaques de lâarmĂ©e rouge de Rostov-sur-le-Don Ă Ekaterinodar puis Ă nouveau sur le Don lors de la guerre civile russe.
ĐĐ”ŃĐČŃĐč ĐŃĐ±Đ°ĐœŃĐșĐžĐč ĐżĐŸŃ ĐŸĐŽ
Date | 9 février 1918 ( dans le calendrier grégorien) - 30 avril 1918 ( dans le calendrier grégorien) |
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Lieu | Russie |
Issue | Formation de lâarmĂ©e des volontaires |
Changements territoriaux | Oblasts du Kouban et Don |
Armée des volontaires | Armée rouge |
L. Kornilov â A. DĂ©nikine | I. Sorokine A. Avtonomov R. Sivers |
4 000 hommes | 24 000 Ă 60 000 hommes |
400 morts, 1 500 blessés |
Cette campagne fut la premiĂšre manĆuvre militaire de lâarmĂ©e des volontaires qui Ă©tait encore au stade de sa formation sous le commandement des gĂ©nĂ©raux L. G. Kornilov, M. V. AlekseĂŻev, et aprĂšs la mort du premier dâA. I. DĂ©nikine.
Lâobjectif principal de cette campagne Ă©tait la jonction de lâarmĂ©e des volontaires avec les unitĂ©s blanches du Kouban qui se trouvaient aux environs de Ekaterinodar.
ĂvĂšnements prĂ©curseurs
Les Ă©vĂšnements de fĂ©vrier et octobre 1917 conduisirent le pays au bord de lâeffondrement et de la guerre civile. Sous ses conditions une partie de lâarmĂ©e, dĂ©mobilisĂ©e aprĂšs la signature du traitĂ© de Brest-Litovsk par les bolchĂ©viques, dĂ©cida de sâunir pour rĂ©tablir lâordre (par la suite, il apparut quâil y avait beaucoup dâopinions divergentes sur la façon de procĂ©der). Lâunion se fit autour de lâ« organisation dâAlekseĂŻev » dont les fondements avaient Ă©tĂ© posĂ©s avec lâarrivĂ©e du gĂ©nĂ©ral AlekseĂŻev Ă Novotcherkassk le . La situation sur le Don Ă cette Ă©poque Ă©tait tendue. Lâataman Kaledine, avec lequel le gĂ©nĂ©ral AlekseĂŻev discuta de ses plans quant Ă son organisation, rĂ©pondit favorablement Ă la demande dâ« offrir un asile aux officiers russes », mais au regard de lâopinion de la population locale, il lui recommanda de ne pas rester plus dâune semaine Ă Novotcherkassk.
Lors dâune rĂ©union extraordinaire des dĂ©lĂ©guĂ©s de Moscou et des gĂ©nĂ©raux le on rĂ©gla la question du commandement de lâ« organisation dâAlekseĂŻev » en tranchant que le commandement militaire serait assumĂ© par le gĂ©nĂ©ral Kornilov, arrivĂ© sur le Don le .
La formation en urgence des unitĂ©s et leur prĂ©paration au combat furent confiĂ©es le au lieutenant-gĂ©nĂ©ral de lâĂ©tat-major S. L. Markov.
Ă NoĂ«l fut annoncĂ© le dĂ©cret « secret » relatif Ă lâentrĂ©e du gĂ©nĂ©ral Kornilov au sein du commandement de lâarmĂ©e qui porta dĂšs lors officiellement le nom armĂ©e des volontaires[1].
« LâarmĂ©e rouge attaque Novotcherkassk par le nord et Rostov par le sud et lâouest. Les forces rouges prennent la ville en Ă©tau et dans cet Ă©tau se dĂ©mĂšne lâarmĂ©e des volontaires, se dĂ©fendant bec et ongles et essuyant de lourdes pertes. Par comparaison avec les forces bolchĂ©viques qui approchent le nombre de volontaires est infime, ils comptent Ă peine 2000 hommes, et les dĂ©tachements cosaques du iessaoul Tchernetsov, de Semiletov et Grekov sont tout juste 400 hommes. Nous nâavons pas assez de forces. Le commandement de lâarmĂ©e des volontaires transfĂšre des unitĂ©s Ă©puisĂ©es et de faible taille dâun front Ă lâautre, tentant de tenir des positions ici et lĂ [3]. »
AprĂšs le refus des cosaques du Don de soutenir lâarmĂ©e des volontaires dĂ©buta lâassaut des bolchĂ©viques sur le Caucase, le gĂ©nĂ©ral L. G. Kornilov, commandant en chef de lâarmĂ©e, prit la dĂ©cision de se retirer de la rĂ©gion du Don.
Ă Rostov il y avait des munitions, des obus, de lâĂ©quipement, des stocks pharmaceutiques et du personnel mĂ©dical - tout ce quâil fallait Ă une armĂ©e peu nombreuse gardant la ville. En ville se trouvaient jusquâĂ 16 000 officiers en congĂ©s, qui ne souhaitaient pas participer Ă sa dĂ©fense. Les gĂ©nĂ©raux Kornilov et AlekseĂŻev nâeurent pas alors recours Ă la rĂ©quisition ou Ă la mobilisation. Les troupes bolchĂ©viques de Sivers qui capturĂšrent la ville aprĂšs la retraite des blancs « prirent tout ce dont ils avaient besoin et intimidĂšrent la population en fusillant quelques officiers »[4].
Le général Dénikine écrira plus tard dans « esquisse des troubles russes » :
« DĂ©but fĂ©vrier lâarmĂ©e en formation comptait dans ses rangs les unitĂ©s suivantes :
- RĂ©giment d'assaut de Kornilov (lieutenant-colonel Nejentsev)
- RĂ©giment Georguievsky â formĂ© dâun petit nombre dâofficiers venus de Kiev. (Colonel Kirienko).
- 1er, 2e, 3e bataillons dâofficiers, formĂ©s dâofficiers regroupĂ©s Ă Novotcherkassk et Rostov. (Colonel Koutepov, colonels Borissov et Lavrentiev, plus tard colonel Simanovski).
- Bataillons des junkers â formĂ© principalement de junkers des capitales et de cadets. (Capitaine en second Parfionov)
- RĂ©giment des volontaires de Rostov â formĂ© dâĂ©tudiants de Rostov. (Major-gĂ©nĂ©ral Borovski).
- Deux divisions de cavalerie. (Colonels Guerchelman et Glasenapp (de)).
- Deux batteries dâartillerie â principalement des junkers des Ă©coles dâartillerie et des officiers. (Lieutenants-colonels Miontchinski et Iegorine).
- Toute une sĂ©rie de petites unitĂ©s, comme la « compagnie de marine » (capitaine de second rang Potemkine), une compagnie du gĂ©nie, le bataillon du gĂ©nie tchĂ©coslovaque, lâescadron dâassaut de la division du Caucase (Colonel Chiriaev) et quelques dĂ©tachements de maquisards portant le nom de leurs chefs.
Tous ces rĂ©giments, bataillons et divisions sont surtout composĂ©s dâofficiers et lâarmĂ©e ne comptait guĂšre plus que trois Ă quatre mille hommes et par moments, au cours des lourds combats de Rostov, se retrouvant avec des effectifs insignifiants. LâarmĂ©e nâavait pas de base dâapprovisionnement. Il fallut simultanĂ©ment se former, se battre et essuyer de lourdes pertes qui dĂ©truisaient parfois les unitĂ©s formĂ©es Ă grande peine[1]. »
Le lâarmĂ©e des volontaires perdit la possibilitĂ© de rejoindre le Kouban par le chemin de fer : les volontaires durent se retirer de la gare de BataĂŻsk. Les troupes du gĂ©nĂ©ral rouge Avtonomov arrivĂšrent Ă la gare avec le soutien des cheminots et dĂ©firent les volontaires peu nombreux. Ceux-ci rĂ©ussirent toutefois Ă tenir la rive gauche du Don et les tentatives dâAvtonomov dâavancer sur Rostov furent repoussĂ©es. Les rouges se cantonnĂšrent Ă pilonner la ville Ă lâartillerie lourde[5].
En mĂȘme temps, de lâautre cĂŽtĂ© de Rostov (de MatveĂŻev Kourgan Ă Taganrog) approchait une autre armĂ©e bolchĂ©vique : sous la pression et la supĂ©rioritĂ© numĂ©rique du commandant rouge R. Sivers, qui avait su organiser une attaque contre la garnison volontaire de Stavropol avec la 39e division, il fut dĂ©cidĂ© le de se retirer de lâautre cĂŽtĂ© du Don, Ă la stanitsa OlginskaĂŻa. La direction Ă suivre ensuite nâĂ©tait pas encore choisie, le Kouban ou les terres cosaques du Don.
Lâobjectif de la campagne naissante, sous des conditions plus que difficiles, Ă©tait, comme le formulera plus tard le gĂ©nĂ©ral DĂ©nikine, le suivant :
« Tant que nous vivons, tant que nous avons des forces tout nâest pas perdu. Verrons le flambeau qui scintille faiblement, entendrons la voix appelant au combat ceux qui ne sont pas encore rĂ©veillĂ©sâŠ
Câest lĂ le sens profond de la premiĂšre campagne du Kouban. Inutile de venir avec les arguments froids de la politique et de la stratĂ©gie Ă ce phĂ©nomĂšne ou tout est du domaine de lâesprit et de lâexploit. Ă travers les steppes libres du Don et du Kouban marcha lâarmĂ©e des volontaires, avec de faibles effectifs, en loques, traquĂ©e, encerclĂ©e comme le symbole dâune Russie et dâun Ă©tatisme russe traquĂ©s.
Sur toute lâĂ©tendue de lâimmense pays il nây a quâun endroit oĂč flotte ouvertement le drapeau tricolore national, c'est le quartier gĂ©nĂ©ral de Kornilov[1]. »
Composition du détachement
Le détachement qui partit dans la nuit du 22 au de Rostov-sur-le-Don, comportait[6]:
- 242 officiers dâĂ©tat-major (190 colonels)
- 2078 officiers supérieurs (215 capitaines, 251 capitaines en second, 394 lieutenants, 535 sous-lieutenants, 668 aspirants)
- 1067 troupiers (dont 437 junkers et cadets)
- 630 volontaires (364 sous-officiers et 235 soldats, dont 66 TchĂšques)
- Personnel mĂ©dical : 148 personnes â 24 mĂ©decins et 122 sĆurs de misĂ©ricorde)
Le dĂ©tachement Ă©tait accompagnĂ© dâun nombre important de civils fuyant les bolchĂ©viques.
Cette marche, accompagnée de lourdes pertes, fut le point de départ de la résistance blanche au sud de la Russie.
MalgrĂ© les difficultĂ©s et les pertes du creuset de la campagne de glace Ă©mergea une vĂ©ritable armĂ©e de cinq mille hommes, endurcis au combat. AprĂšs les Ă©vĂšnements dâoctobre seul ce nombre des militaires de lâarmĂ©e impĂ©riale russe dĂ©cida fermement de se battre. LâarmĂ©e Ă©tait suivie dâun convoi de femmes et dâenfants. Les vĂ©tĂ©rans de la campagne reçurent le titre honorifique de « Participant de la premiĂšre campagne (en russe : ĐĐ”ŃĐČĐŸĐżĐŸŃ ĐŸĐŽĐœĐžĐș) ».
DâaprĂšs lâhistorien soviĂ©tique Kavtaradze lâorigine sociale des 2 350 membres du commandement de lâarmĂ©e se rĂ©partissaient comme suit[7]:
- Nobles hĂ©rĂ©ditaires â 21 %;
- Fils dâofficiers (Ă lâexclusion des officiers supĂ©rieurs) â 39 %;
- Bourgeois, cosaques, paysans â 40 %.
La campagne
Les gĂ©nĂ©raux AlekseĂŻev et Kornilov prirent la dĂ©cision de partir vers le sud, en direction dâEkaterinodar, comptant sur les sentiments anti-soviĂ©tiques des cosaques du Kouban et des peuples du Nord-Caucase et souhaitant faire de la rĂ©gion militaire du Kouban la base de leurs actions futures. La taille de leur armĂ©e correspondait Ă un rĂ©giment de trois bataillons. Elle ne portait le nom dâarmĂ©e quâen raison de lâennemi quâelle combattait (dont les troupes formaient une armĂ©e complĂšte) et parce quâelle Ă©tait lâhĂ©ritiĂšre de lâarmĂ©e impĂ©riale russe, sa reprĂ©sentante[4].
Le , lâarmĂ©e des volontaires passa sur la rive gauche du Don et se rendit Ă la stanitsa OlginskaĂŻa. LĂ elle se rĂ©organisa en trois rĂ©giments dâinfanterie (le rĂ©giment de marche des officiers, le rĂ©giment d'assaut de Kornilov et un rĂ©giment de maquisards) ; elle comptait Ă©galement un bataillon de junkers, un dâartillerie (10 piĂšces) et deux divisions de cavalerie. Le les volontaires se dirigĂšrent vers Ekaterinodar en contournant la steppe du Kouban. Les troupes passĂšrent par les stanitsy KhomoutovskaĂŻa, KagalnitskaĂŻa et IegorlykskaĂŻa, et pĂ©nĂ©trĂšrent dans le gouvernement de Stavropol (Lejanka) avant de retourner dans la rĂ©gion du Kouban, ils franchirent la ligne de chemin de fer Rostov-Tikhoretsk avant de descendre sur la stanitsa Oust-LabinskaĂŻa oĂč ils franchirent le fleuve Kouban.
Les troupes se trouvaient en permanence au contact belliqueux des troupes numĂ©riquement supĂ©rieures de lâarmĂ©e rouge, dont les effectifs croissaient rĂ©guliĂšrement alors que les rangs des volontaires se faisaient chaque jour plus rares. Toutefois ils parvinrent Ă remporter victoire sur victoire :
« Les faibles effectifs et lâimpossibilitĂ© de battre en retraite, ce qui aurait signifiĂ© une mort certaine, ont amenĂ© les volontaires Ă dĂ©velopper leur propre tactique. Son fondement Ă©tait la conviction, que vu la supĂ©rioritĂ© numĂ©rique de lâadversaire et la frugalitĂ© de leur propres rĂ©serves de munitions il fallait attaquer et uniquement attaquer. Cette vĂ©ritĂ©, indiscutable dans une guerre de mouvement, Ă©tait dans le sang des volontaires de lâarmĂ©e blanche. Ils attaquaient toujours.
De plus leur tactique incluait toujours des attaques sur les flancs de lâennemi. Le combat commençait par un assaut frontal dâune ou deux unitĂ©s dâinfanterie. Lâinfanterie avançait en ligne Ă©parse, sâallongeait de temps Ă autre afin de laisser les mitrailleuses entrer en action. Il Ă©tait impossible de couvrir tout le front de lâennemi, sinon lâintervalle entre les soldats aurait atteint cinquante, voire cent pas. Ă un ou deux endroits se formait un « groupe de choc » pour enfoncer le front. Lâartillerie volontaire ne visait que les objectifs les plus importants, nâutilisant que rarement quelques obus pour soutenir lâinfanterie. Quand lâinfanterie se relevait pour repousser lâennemi il ne pouvait plus y avoir dâinterruption. Quelle que soit la force des effectifs de lâennemi il ne rĂ©sistait jamais Ă la ruĂ©e des volontaires[4]. »
Le , lâArmĂ©e rouge occupa Ekaterinodar abandonnĂ© sans combat par les troupes du colonel Pokrovski qui sâĂ©taient retirĂ©es vers MaĂŻkop, ce qui rendit la situation de lâarmĂ©e des volontaires encore plus prĂ©caire. Les premiĂšres rumeurs de la prise de Ekaterinodar par les rouges atteignirent les volontaires le Ă Vyselki, alors que ceux-ci se dirigeaient vers la ville. Lâinformation fut dĂ©finitivement confirmĂ©e deux jours plus tard aprĂšs la prise de KorenovskaĂŻa Ă lâissue de combats acharnĂ©s, par un journal soviĂ©tique trouvĂ© dans la stanitsa. La nouvelle rendait lâidĂ©e stratĂ©gique de la campagne du Kouban caduque, alors que des centaines de volontaires avaient dĂ©jĂ laissĂ© leur vie pour elle. Le gĂ©nĂ©ral Kornilov dĂ©cida de marcher vers le sud plutĂŽt que sur Ekaterinodar, afin de franchir le fleuve Kouban et laisser ses hommes se reposer dans les stanitsy cosaques et aouls tcherkesses des montagnes et « attendre des conditions plus favorables »[5].
Bien que le gĂ©nĂ©ral AlekseĂŻev ait Ă©tĂ© déçu par le choix de rejoindre le Transkouban il nâinsista pas pour rĂ©viser la dĂ©cision de Kornilov, car les raisons de cette dĂ©cision Ă©taient sĂ©rieuses. De plus les relations entre les deux chefs de lâarmĂ©e se dĂ©gradaient, AlekseĂŻev se retira des questions dâĂ©tat-major. Le gĂ©nĂ©ral DĂ©nikine estimait que lâordre de marcher vers le sud Ă©tait une « erreur fatidique » et Ă©tait plus enclin Ă intervenir : avec le soutien Romanovski il tenta de convaincre le commandant de lâarmĂ©e. Mais malgrĂ© les efforts des gĂ©nĂ©raux ils ne firent pas changer dâidĂ©e Kornilov, prenant en considĂ©ration toutes les pertes et lâĂ©puisement des troupes il restait sur sa dĂ©cision : « si Ekaterinodar avait tenu il nây aurait pas dâautre choix. Mais maintenant nous ne pouvons pas courir le risque »[5].
Les motifs de DĂ©nikine et Romanovski Ă©taient liĂ©s au fait que le but de la campagne, Ekaterinodar, nâĂ©tait plus Ă©loignĂ© que de quelques marches et toute lâarmĂ©e Ă©tait fixĂ©e sur la capitale du Kouban comme point final de la campagne, chaque ralentissement, qui plus chaque dĂ©tour de cet objectif risquait de porter un « lourd coup au moral de lâarmĂ©e », lâĂ©tat dâesprit des troupes qui seul pouvait compenser lâinfĂ©rioritĂ© numĂ©rique face aux troupes dâAvtonomov et Sorokine ainsi que lâabsence de base dâapprovisionnement[5].
Lâhistorien S. Karpenko estime quâil Ă©tait en fait impossible de prĂ©dire qui de DĂ©nikine et Romanovski ou de Kornilov proposait la meilleure option et qui une « erreur mortelle ». LâĂ©tat-major de lâarmĂ©e des volontaires nâavait aucune idĂ©e de ce qui se passait au-delĂ de la zone occupĂ©e par lâarmĂ©e, au-delĂ de lâĂ©tau de lâennemi. Chacun des gĂ©nĂ©raux volontaires ne pouvait se fonder que sur des « suppositions thĂ©oriques et lâintuition »[5].
Dans la nuit du 5 au lâarmĂ©e du gĂ©nĂ©ral Kornilov se dirigea vers Oust-LabinskaĂŻa, virant vers le sud et repoussant lâassaut de troupes de Sorokine. Au matin du elle força la traversĂ©e de la riviĂšre Laba et sâengagea en direction de MaĂŻkop. Se retrouvant au Transkouban « entourĂ© de toutes parts de bolchĂ©viques », chaque village devant ĂȘtre pris au combat, le gĂ©nĂ©ral Kornilov dĂ©cida de changer de cap en direction de lâouest et des aouls tcherkesses aprĂšs la traversĂ©e de lâaffluent du Kouban BelaĂŻa. Le gĂ©nĂ©ral comptait profiter du soutien de la population locale pour donner un peu de repos Ă ses hommes et conserver ses chances de jonction avec les troupes cosaques du Kouban de Pokrovski[5].
Toutefois, une ironie du sort, le commandement des troupes du Kouban dĂ©cida le , sur foi dâinformations dĂ©passĂ©es de la marche de Kornilov sur Ekaterinodar, dâarrĂȘter de tenter de prendre MaĂŻkop et de rebrousser chemin jusquâau fleuve Kouban pour y rejoindre lâarmĂ©e de Kornilov. Seule la jonction avec lâarmĂ©e des volontaires prĂ©sentait une lueur dâespoir pour les troupes du Kouban, dont la prĂ©paration au combat sâĂ©tait avĂ©rĂ©e insuffisante lors des premiĂšres escarmouches avec lâennemi. AprĂšs quatre jours de lourds combats, encerclĂ©s par lâennemi et cherchant au hasard Ă se trouver lâun lâautre les troupes du Kouban et lâarmĂ©e des volontaires se rejoignirent. Le les cosaques du Kouban Ă©puisĂ©s se dirigeaient vers KaloujskaĂŻa et tombĂšrent sur une importante unitĂ© rouge Ă proximitĂ© de lâaoul Chendji, mĂȘme les civils prirent part au combat, quand une patrouille du rĂ©giment d'assaut de Kornilov les dĂ©couvrit[5].
Le Ă Novo-DmitrievskaĂŻa, aprĂšs une dĂ©fense acharnĂ©e des cosaques du Kouban, qui souhaitaient conserver une force armĂ©e indĂ©pendante, fut signĂ© un « accord dâunion » et les unitĂ©s militaires du gouvernement de la rĂ©gion du Kouban furent incluses dans lâarmĂ©e de Kornilov, le gouvernement sâengageant Ă participer au renforcement des effectifs et Ă lâapprovisionnement de lâarmĂ©e des volontaires[5]. Finalement lâarmĂ©e comptait 6 000 hommes, rĂ©partis dans trois brigades, le nombre des piĂšces dâartillerie grimpa Ă 20.
« La campagne de glace »
En les conditions mĂ©tĂ©orologiques se dĂ©gradĂšrent brutalement : pluie et gel intermittents firent que les manteaux militaires se couvrirent de glace. Affaiblie par de nombreux combats et des marches forcĂ©es quotidiennes Ă©puisantes Ă travers la terre lourde et gorgĂ©e dâeau du Kouban, lâarmĂ©e des volontaires souffrit de nombreux revers de fortune. LĂ -dessus les tempĂ©ratures descendirent jusquâĂ moins 20 °C, les sommets se couvrirent dâune neige Ă©paisse. Les tĂ©moins rapportent quâil fallait par moments libĂ©rer le soir les blessĂ©s Ă©tendus sur les charrettes dâune couche de glace Ă lâaide des baĂŻonnettes[4]. Durant cette pĂ©riode eut lieu un combat acharnĂ©, connu comme bataille de Novo-DmitrievskaĂŻa le ( selon lâancien calendrier). Les combattants du 1er rĂ©giment dâofficier du gĂ©nĂ©ral Markov qui sây distinguĂšrent particuliĂšrement reçurent le nom de « Markovskye (russe : ĐĐ°ŃĐșĐŸĐČŃĐșОД) ». Le gĂ©nĂ©ral DĂ©nikine nota par la suite : « , campagne de glace, gloire au gĂ©nĂ©ral Markov et au rĂ©giment dâofficiers, la fiertĂ© de lâarmĂ©e des volontaires et lâun des plus beaux souvenirs des participants de la premiĂšre campagne des jours derniers, comme dans une histoire, un conte »[1].
Ce combat vers Novo-DmitrievskaĂŻa et les marches Ă travers la steppe gelĂ©e qui lâont prĂ©cĂ©dĂ©es et l'ont suivies furent appelĂ©s par lâarmĂ©e la « campagne de glace » :
« La pluie tomba durant toute la nuit prĂ©cĂ©dente, sans discontinuer au matin, lâarmĂ©e marchait Ă travers une Ă©tendue dâeau et de boue, sur les chemins et sans chemins, qui se perdait dans le brouillard Ă©pais sâĂ©tendant sur les champs. Lâeau froide pĂ©nĂ©trait tous les vĂȘtements, coulait en filets tranchants et glacĂ©s dans le col. Les gens avançaient lentement, frissonnant de froid et traĂźnant lourdement leurs jambes dans leurs bottes enflĂ©es, remplies dâeau. Vers midi se mirent Ă tomber de gros flocons de neige lourde et le vent se mit Ă souffler. Les yeux, le nez et les oreilles sont pris, la respiration manque, et le visage est comme piquĂ© par des aiguilles acĂ©rĂ©es... »
« âŠEntretemps les conditions climatiques changĂšrent une fois de plus : soudainement survint le gel, le vent se renforça, une tempĂȘte de neige commença. Les hommes et les chevaux furent rapidement couverts dâune couche de glace ; tous semblaient gelĂ©s jusquâaux os ; recroquevillĂ©s, comme si un habit de bois enserrait le corps ; difficile de tourner la tĂȘte, difficile de monter le pied Ă lâĂ©trier[1]. »
Quant Ă lâorigine du terme « campagne de glace », on relate une autre histoire dans le livre Markov et les Markovtsy.
« ImmĂ©diatement aprĂšs la bataille dans les rues de Novo-DmitrievskaĂŻa prise peu auparavant le gĂ©nĂ©ral Markov rencontra une jeune sĆur de misĂ©ricorde du bataillon des junkers.
CâĂ©tait une vĂ©ritable campagne de glace ! â dĂ©clara la sĆur.
Oui, oui ! Vous avez raison ! â convint le gĂ©nĂ©ral Markov[8]. »
Le nom « de glace », « donnĂ© par la sĆur » et « confirmĂ© » par le gĂ©nĂ©ral Markov fut par la suite attribuĂ© Ă la premiĂšre campagne du Kouban de lâarmĂ©e des volontaires.
La mort de Kornilov
Les volontaires avaient aprĂšs la jonction avec les troupes cosaques un nouvel objectif : prendre Ekaterinodar. LâarmĂ©e resta Ă Novo-DmitrievskaĂŻa jusquâau , lâĂ©tat-major prĂ©parait la prise de la capitale du Kouban. Les troupes se reposaient et se reformaient tout en repoussant constamment les attaques dâAvtonomov venant de GrigorievskaĂŻa[5].
Ayant traversĂ© le Kouban vers la stanitsa ElizavetinskaĂŻa, les troupes entamĂšrent lâassaut de Ekaterinodar, dĂ©fendu par vingt mille hommes de lâArmĂ©e rouge du sud-est au ordre dâAvtonomov et Sorokine.
Le 9â, lâarmĂ©e des volontaires tentant sans succĂšs de prendre la capitale du Kouban, Ekaterinodar, au cours des opĂ©rations le gĂ©nĂ©ral Kornilov fut tuĂ© par un Ă©clat dâobus le ( de lâancien calendrier). Le gĂ©nĂ©ral DĂ©nikine prit le commandement de lâarmĂ©e, les pertes lors de lâassaut infructueux furent de quatre cents tuĂ©s et mille cinq cents blessĂ©s. DĂ©nikire dĂ©cida le repli et parvint sous le feu ennemi de tous cĂŽtĂ©s Ă mener ses troupes via MedvedoskaĂŻa, DĂŻadkovskaĂŻa et sortir de lâencerclement grĂące aux efforts hĂ©roĂŻques du lieutenant-gĂ©nĂ©ral S. L. Markov lors de passage de la ligne de chemin de fer Tsarytsine-Tikhoretsk.
DâaprĂšs les tĂ©moins de lâĂ©poque les Ă©vĂšnements se dĂ©roulĂšrent comme suit :
« Vers 4 heures du matin les unitĂ©s de Markov commencĂšrent Ă traverser les voies de chemin de fer. Markov, ayant emmenĂ© le garde-barriĂšre avec lui, disposa son infanterie et envoya des Ă©claireurs dans la stanitsa pour parer aux attaques de lâennemi et commença Ă transfĂ©rer les blessĂ©s, les charrettes et lâartillerie. Soudain un train blindĂ© rouge vint de la gare et sâapprocha du passage Ă niveau oĂč se trouvait dĂ©jĂ lâĂ©tat-major avec les gĂ©nĂ©raux AlekseĂŻev et DĂ©nikine. Il ne restait plus que quelques mĂštres jusquâau passage quand Markov se mit Ă inonder dâinsultes le train, restant fidĂšle Ă lui-mĂȘme : « ArrĂȘte ! EspĂšce de ... ! Racaille ! Tu Ă©crases les tiens ! » et se prĂ©cipita sur les voies. Quand le train sâimmobilisa Markov sâĂ©loigna (certains disent quâil jeta alors une grenade) et deux canons de trois pouces se mirent Ă tirer Ă bout portant sur les vĂ©rins et roues du train. Un combat intense avec lâĂ©quipage du train blindĂ© sâengagea Ă lâissue duquel lâĂ©quipage fut vaincu et le train brĂ»lĂ©. »
Le les troupes de lâarmĂ©e des volontaires Ă©taient de retour dans la rĂ©gion du Don. Le lendemain la campagne lĂ©gendaire Ă©tait finie.
RĂ©sultats
La « campagne de glace », ainsi que les deux autres « premiĂšres campagnes » se dĂ©roulant en mĂȘme temps quâelle (la marche de IaÈi au Don et la campagne de la steppe des cosaques du Don), formĂšrent lâesprit, la tradition et le sentiment fraternel des volontaires. Les trois campagnes montrĂšrent aux participants du mouvement blanc quâil Ă©tait possible de combattre et de vaincre malgrĂ© des rapports de force dĂ©favorables, dans des conditions difficiles, semblant parfois sans issue. Ces campagnes remontĂšrent le moral des terres cosaques et incita de plus en plus de volontaires Ă rejoindre les rangs des armĂ©es blanches.
Ă la fin de la campagne de lâarmĂ©e des volontaires, dĂ©crivant un « 8 » dans le Kouban, le responsable dâĂ©tat-major lieutenant-gĂ©nĂ©ral I. P. Romanovski dit :
« Il y a deux mois nous Ă©tions Ă ce mĂȘme endroit, au dĂ©but de la campagne. Quand Ă©tions-nous plus forts, alors ou maintenant ? Je pense que câest maintenant. La vie nous a poussĂ© dans son mortier infernal mais ne nous a pas broyĂ©s ; elle nâa fait que renforcer notre persĂ©vĂ©rance et notre volontĂ© ; et câest cette rĂ©sistance qui ne succombera sous aucun coup portĂ©âŠ[9] - [10] »
Alexandre Trouchnovitch Ă©crira par la suite que lâhistoire de la campagne de glace
« sert de preuve pour la primautĂ© de lâĂ©tat dâesprit [des troupes], Ă lâexclusion, naturellement, dâun atout technique exceptionnel »
et le justifie comme suit :
« Lors des 33 combats de la campagne de glace il nây en eu pas un oĂč les forces bolchĂ©viques ne dĂ©passaient pas six Ă dix fois le nombre des volontaires[4]. »
On ne saurait dire que la campagne fut un Ă©chec (en termes militaires une dĂ©faite) comme le font certains historiens. Une chose est sĂ»re : câest cette campagne qui permit avec ces lourds combats et privations de former le noyau des futures Forces ArmĂ©es du Sud de la Russie, lâArmĂ©e Blanche.
De plus le rĂ©sultat de cette manĆuvre fut de revenir sur les terres des cosaques du Don qui avaient alors gĂ©nĂ©ralement revu leur façon de penser sur les bolchĂ©viques.
Les participants de la premiÚre campagne étaient fiers et se souvenaient de leur passé. Le général Dénikine racontait :
« Si on nous enlÚve notre « volontariat », si on fait une croix sur les pages les plus glorieuses de notre lutte, que reste-t-il de notre passé... Mais cela ne sera pas car rien ni personne ne pourra effacer notre glorieuse histoire[10]. »
Dans lâĂ©migration les vĂ©tĂ©rans de la campagne fondĂšrent lâunion des participants Ă la premiĂšre campagne du Kouban (campagne de glace) du gĂ©nĂ©ral Kornilov, faisant partie de lâUnion gĂ©nĂ©rale des combattants russes (ROVS).
Références
- (ru) A.I. DĂ©nikine, Esquisse des troubles russes, t. 5, Paris, 1921â1923 (lire en ligne).
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