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Politique budgétaire

La politique budgétaire est la politique publique par laquelle l'État fait varier le niveau des dépenses publiques. Elle englobe parfois la politique fiscale, qui renvoie plus spécifiquement à la modulation du niveau de l'imposition et des recettes publiques.

La politique budgétaire fait partie des principales politiques économiques conjoncturelles en ce qu'elle permet de soutenir l'activité du système économique en période de crise, et d'équilibrer les dépenses en période favorable.

Concept

L'expression de « politique budgétaire » est polysémique, et est à ce titre parfois utilisé au pluriel. Les politiques budgétaires correspondent aux décisions de politiques publiques de l'Etat, qui jouent sur l'augmentation ou la baisse des dépenses publiques, ainsi que de la modulation des recettes publiques. Une politique budgétaire peut être expansionniste, c'est-à-dire tendre à une augmentation des dépenses publiques, ou au contraire restrictive[1].

La politique budgétaire permet de répondre à l'évolution de la conjoncture économique. Dans les périodes de creux économique, la puissance publique peut décider d'une augmentation des dépenses pour stimuler la croissance (relance budgétaire), ou de baisser l'imposition afin d'inciter à la consommation. A contrario, les périodes de croissance économique élevée doivent permettre la mise en place d'une discipline budgétaire qui permette de réduire le déficit public[2].

Le terme est analogue au concept anglophone de fiscal policy, alors que la politique fiscale est traduite par tax policy. La politique fiscale désigne les modifications de l'imposition dont le but est d'atteindre des objectifs sociaux (redistribution, etc.) ou de modifier les comportements individuels (encouragement de l'emploi par un impôt négatif, etc.).

Outils

DĂ©penses publiques

Le premier outil de la politique budgétaire est la modulation du niveau de la dépense publique. Il s'agit de l'ensemble des dépenses de la puissance publique, dont les dépenses sociales, les aides aux entreprises, les investissements en infrastructures, les aides à la recherche, les exonérations fiscales, la hausse de l'emploi public ou de la rémunération des agents publics, etc.[3]

Recettes publiques

Le deuxième outil de la politique budgétaire est la modulation des recettes publiques[4]. La puissance publique peut moduler les niveaux des taux d'imposition et les bases fiscales des différents impôts afin d'avoir un effet sur la dépense des ménages et des entreprises, et par conséquent, sur la consommation et l'investissement, ainsi que, pour les entreprises, de la production[3].

Effets

Politique de demande

Si l'État verse davantage d'argent aux ménages (aide sociale), ou leur en prélève moins (baisse des impôts), les ménages vont augmenter leur consommation et la demande adressée aux entreprises (politique de demande). Empiriquement, une hausse de revenus a d'autant plus d'effets que les ménages concernés sont modestes, car ils auront tendance à faiblement épargner tout nouveau revenu (on parle de forte propension à consommer). Mais s'il suffisait de "distribuer du pouvoir d'achat" pour accélérer la croissance, la politique budgétaire serait fort simple. Quantité d'effets négatifs peuvent contrecarrer, voire inverser, une telle politique, par exemple:

  • un comportement partiellement ou totalement ricardien des mĂ©nages : au lieu de consommer, les mĂ©nages Ă©pargnent ; les keynĂ©siens considèrent que pour contourner ce comportement, l'État doit augmenter les revenus des mĂ©nages dĂ©favorisĂ©s pour qui toute augmentation de revenu correspond Ă  une augmentation plus importante de la consommation (loi psychologue fondamentale de Keynes).
  • si les mĂ©nages sont lourdement endettĂ©s et surtout si ces dettes sont Ă©chues, au lieu de consommer, ils prĂ©fèrent se dĂ©sendetter. Le bilan du New Deal, (la "Nouvelle Donne", en français), politique Ă©conomique prĂ©conisĂ©e par le prĂ©sident des États-Unis, Franklin D. Roosevelt, dans les annĂ©es 1930, est très modeste. Sa politique de relance n'a pas produit les effets escomptĂ©s. Le taux de croissance est restĂ© modeste et le taux de chĂ´mage Ă©levĂ©. Il n'a pas baissĂ© au-dessous de la barre des 17 % de la population active entre 1929 et 1938. Les rĂ©sultats ont Ă©tĂ© plus meilleurs au niveau social qu'au niveau Ă©conomique. La politique budgĂ©taire de relance menĂ©e par le gouvernement japonais pour dĂ©samorcer la dĂ©pression Ă©conomique qui date depuis le dĂ©but des annĂ©es 1990 n'a pas produit les effets escomptĂ©s. L'espoir de voir la croissance se rĂ©aliser et le chĂ´mage baisser s'est transformĂ© en un dĂ©sespoir auto destructeur.
  • si la consommation se porte sur des biens importĂ©s (parce que les capacitĂ©s de production internes ne correspondent pas Ă  la nouvelle demande ou saturĂ©es), alors la relance est exportĂ©e : elle produit ses effets Ă  l'Ă©tranger et non dans le pays ; pour augmenter l'efficacitĂ© de sa politique de relance, l'État doit, progressivement, encourager la production domestique en la protĂ©geant de la concurrence Ă©trangère par le protectionnisme (thĂ©orie de Friedrich List).
  • une diminution du travail des mĂ©nages, si le revenu octroyĂ© rend le travail financièrement inintĂ©ressant. Les mĂ©nages augmentent leur salaire de rĂ©serve ou rĂ©duisent leur offre de travail, la main d'Ĺ“uvre se rarĂ©fie, les coĂ»ts de production et par suite les prix augmentent. Pour les classiques, tout salaire supĂ©rieur au salaire d'Ă©quilibre (celui fixĂ© par la simple rencontre de l'offre et de la demande) est de nature Ă  accroĂ®tre le chĂ´mage. Jacques Rueff considère que tout salaire sans contrepartie productive (comme le SMIC, le SMIG ou l'allocation chĂ´mage) est la "cause du chĂ´mage permanent"[5].
  • pour financer cette politique, le gouvernement devra par exemple accroĂ®tre sa pression fiscale sur d'autres mĂ©nages ou sur les entreprises et/ou s'endetter.

Politique de l'offre

Si l'État diminue ses prélèvements sur les entreprises (baisse d'impôts, versements d’aides et de subventions), la compétitivité (la vente des produits nationaux) nationale s’améliorera et les entreprises pourront produire à moindres coûts ; elles baisseront alors leurs prix, augmentant indirectement le pouvoir d'achat, et par suite les quantités vendues, ce qui demandera un accroissement de capacité de production, donc des investissements et des offres d'emplois susceptibles de réduire le chômage. Une augmentation du profit des entreprises leur permettra d'investir et provoquera une augmentation du PIB. Ce scénario peut ne pas se réaliser, par exemple

  • si les entreprises n'investissent pas leurs Ă©ventuels bĂ©nĂ©fices supplĂ©mentaires, et se contentent de les distribuer Ă  leurs propriĂ©taires ; ceux-ci, a priori aisĂ©s (ils Ă©pargnent, relativement, plus qu'ils ne consomment), n'augmenteraient que peu leur demande ; pire encore, dans le contexte d'une Ă©conomie ouverte, les propriĂ©taires peuvent ĂŞtre des Ă©trangers, la politique d'offre produisant alors sa relance Ă  l'Ă©tranger. Afin que les entreprises investissent, il est nĂ©cessaire que les conditions rĂ©glementaires soient favorables Ă  l'activitĂ©. Cependant, rien n'empĂŞche les citoyens d'un pays concernĂ© par de telles mesures d'acheter des parts dans les entreprises concernĂ©es. Ceci est particulièrement valable en France, pays oĂą la richesse des particuliers s'Ă©levait le Ă  11 000 milliards d'euros[6].
  • si la demande porte sur des produits dont la baisse de prix n'est pas dĂ©terminante dans le dĂ©clenchement de l'acte d'achat (compĂ©titivitĂ© hors prix). Elle est influencĂ©e par d'autres caractĂ©ristiques (ou fonctionnalitĂ©s) des produits comme la fiabilitĂ©, la performance ou la durabilitĂ©. Dans ce cas, la non baisse du prix ou mĂŞme la hausse de celui-ci restent indolores chez l'acheteur. La baisse des prix n'est pas donc toujours synonyme de compĂ©titivitĂ©. Un pays (comme la France, avant l'avènement de l'euro), pour accroĂ®tre sa compĂ©titivitĂ©, peut expressĂ©ment opter pour une stratĂ©gie d'augmentation des prix de ses produits exportĂ©s par rĂ©Ă©valuation de sa devise. Cette politique (celle dite du franc fort) a Ă©tĂ© couramment utilisĂ©e par l'hexagone avant l'adoption de la monnaie unique (l'euro). Dans ce sens, on parle de cercle vertueux de la monnaie forte[7].

Effet d'Ă©viction

Si l'État s'endette pour financer sa relance (aussi bien pour une politique d'offre que pour une politique de demande), il lui faut offrir des conditions plus avantageuses que les autres emprunteurs potentiels, ménages et entreprises. Ceux-ci pourront alors moins facilement emprunter, les taux d'intérêt augmenteront, les crédits à la consommation comme l'investissement baisseront, le tout contrecarrant la relance.

Inflation

L'effet exact des dépenses publiques sur l'inflation fait l'objet de débats multiples au sein de la profession économique. Une étude de van der Wielen de 2020 sur des données européennes estime qu'une augmentation des dépenses publiques d'1 point de pourcentage augmente l'inflation de 0,43% sur l'horizon d'un an. En 2013, une étude de Cloyne basée sur des données britanniques estime que l'effet est d'environ 0,6% au cinquième trimestre après le choc[8].

Analyse

Le courant keynésien, dominant avant les années 1970, considérait la pratique de politiques de relance comme essentielle. Toutefois, les échecs des politiques de relance dans les années 1970 et au début des années 1980, engendrant les périodes de stagflation et une très forte hausse des dettes publiques, ont remis en question le keynésianisme. L'efficacité du New Deal des années 1930 est très contestée.

La politique budgétaire est désormais utilisée par les États comme un instrument contra-cyclique, de régulation économique, pour lisser (partiellement) les cycles économiques : l'État doit augmenter ses dépenses — ce qui augmente le déficit budgétaire — lors des périodes de ralentissement économique, en particulier lorsque le ralentissement atteint le stade de récession économique. Toutefois, dans les pays de l'Union européenne, le déficit budgétaire ne doit pas dépasser les 2 % du PIB national conformément aux prescriptions du pacte de stabilité et de croissance (PSC) imposées par le traité de Maastricht. En revanche, lors des périodes de trop forte activité (surinvestissement et bulle spéculative, inflation en hausse, etc.), il doit diminuer ses dépenses voire les arrêter et augmenter ses recettes fiscales par la hausse des impôts.

La réduction de la dette publique pendant les périodes favorables (ou d'expansion) est essentielle pour avoir les capacités d'intervenir à nouveau lors de la crise suivante.

Pour les principaux courants économiques contemporains, comme celui de la synthèse néoclassique, la politique budgétaire peut être bénéfique, mais elle perturbe également le bon fonctionnement économique et endette l'État, l'effet d'hystérèse empêchant généralement les dépenses publiques de re-diminuer.

La mondialisation économique et l'augmentation de la part des importations dans le PIB (les économies sont de plus en plus ouvertes) diminuent l'effet de cercle vertueux de la politique budgétaire. Une partie des effets sont alors perdus, et la politique budgétaire contribue, plus qu'avant, à relancer l'économie des pays voisins.

Critiques et limites

Incohérence temporelle

Une des principales critiques adressées aux politiques budgétaires est liée l'incohérence temporelle des politiques publiques. Du fait de la difficulté pour les décideurs politiques d'anticiper la conjoncture économique, ainsi que de la lenteur de l'action de la politique budgétaire, une politique adéquate à un moment t ne l'est plus à un moment t+1.

Afin de pallier cette difficulté, les économistes recommandent de mettre en place et de laisser jouer des stabilisateurs automatiques. En effet, les politiques budgétaires « discrétionnaires » passées ont connu certains échecs et ont contribué à accroître la dette publique[9]. Elles ont néanmoins eu également le vent en poupe, en favorisant l'emploi, par exemple dans la période des Trente Glorieuses[10].

Effet déstabilisateur

Portée à l'extrême, la politique budgétaire, lorsqu'elle est mal configurée, peut avoir des effets déstabilisants sur l'économie[11].

Notes et références

  1. Matthieu Caron, Budget et politiques budgétaires, Editions Bréal, (ISBN 978-2-7495-2477-1, lire en ligne)
  2. Paul A. Samuelson, L'Économique (Techniques modernes de l'analyse économique), Tome 2, Paris, Armand Colin, , 1148 p., p. 1025
  3. Carine Bouthevillain, Gilles Dufrénot, Philippe Frouté et Laurent Paul, Les politiques budgétaires dans la crise: Comprendre les enjeux actuels et les défis futurs, De Boeck Superieur, (ISBN 978-2-8041-7674-7, lire en ligne).
  4. Robert Ayrton, L'impossible politique budgétaire: l'État fédéral face aux turbulences économiques, Collection le savoir suisse, (ISBN 978-2-88074-597-4, lire en ligne).
  5. Jacques Rueff, 1931, "L'assurance-chômage, cause du chômage permanent", Revue d'économie politique". Cité par-Jean Pierre Delas, Économie contemporaine, Faits, Concepts, Théories. Paris, Éditions Ellipses, 751p. P. 207
  6. « Journal économique et financier », sur La Tribune (consulté le ).
  7. Jean-Pierre Delas, Économie Contemporaine. Faits, concepts, théories, Paris, ellipses, 751 p. (ISBN 978-2-7298-3611-5).
  8. Philippe Martin et Eric Monnet, « Helicopter money as a last resort contingent policy », sur VoxEU.org, (consulté le ).
  9. (en) article Fiscal Policy, The Concise Encyclopedia of Economics
  10. Bernard Landais, Leçons de politique budgétaire, De Boeck Université, (ISBN 978-2-8041-2756-5, lire en ligne).
  11. Revue d'Ă©conomie politique, Sirey., (lire en ligne).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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