Accueil🇫🇷Chercher

Pointe de Sangomar

La pointe de Sangomar est une flèche littorale située sur l'océan Atlantique, au débouché du delta du Saloum, qui marque la fin de la Petite-Côte à l'Ouest du Sénégal.

La pointe de Sangomar rompue, visible Ă  gauche sur une image de la NASA (2000)

Cet étroit banc de sable s'étend vers le Sud sur une vingtaine de kilomètres à partir de Palmarin-Diakhanor. Menacé de longue date par l'érosion côtière, le fragile cordon a été une nouvelle fois rompu par un raz-de-marée en 1987, donnant naissance à l'île de Sangomar. La brèche entre ce nouvel îlot et la pointe où se trouve le village de Djiffer continue de s'élargir.

GĂ©omorphologie et environnement

La rupture de la flèche de Sangomar est l'aboutissement d'un processus naturel vieux de quelques millénaires[1], déjà remarqué par les marins.

En 1891 on constatait ainsi que la pointe avait Ă©tĂ© rognĂ©e de 25 Ă  30 m depuis 1886[2]. Au XXe siècle plusieurs ruptures sont signalĂ©es en 1909, 1928, 1960, 1970.

De grande ampleur, la dernière en date se produit le au lieu-dit Lagoba. Un an plus tard la brèche mesure km de large, et dix ans plus tard environ km[1]. Plusieurs campements et bâtiments ont été détruits. L'usine de conditionnement de poisson de Djifer a été fermée en 1996[1]. En effet le village, situé à km au Nord du premier point de rupture, est de plus en plus menacé et les autorités envisagent l'évacuation de ses habitants vers le nouveau port de Diakhanor[3].

Parallèlement au phĂ©nomène d'Ă©rosion se produit un processus de sĂ©dimentation : l'extrĂ©mitĂ© Sud de la nouvelle Ă®le de Sangomar s'Ă©tend de 100 m par an vers le Sud et, sur la rive opposĂ©e, les abords des villages de Niodior et Dionewar s'ensablent considĂ©rablement, ce qui rĂ©duit le trafic des embarcations et contribue Ă  l'enclavement des populations[1].

Tous ces phénomènes sont suivis de près par un organisme créé avec le soutien de l'UNESCO en 1984, l'Équipe pluridisciplinaire d'étude des écosystèmes côtiers (EPEEC)[1].

Histoire

Poste des douanes Ă©tabli sur la pointe de Sangomar en 1890.

La pointe de Sangomar est aussi décrite depuis longtemps par les navigateurs et les ingénieurs hydrographes à cause de sa barre[4] et en raison de sa position stratégique en aval du port de Kaolack, centre de production important pour l'arachide et le sel[5].

Au milieu du XIXe siècle, Faidherbe, alors gouverneur du Sénégal, cherche à prendre le contrôle des pays de l'arachide et à encercler le Cayor. Il mène notamment une expédition au Sine en mai 1859. Pour consolider les positions françaises, et comme à Rufisque (Cayor), Saly-Portudal (Baol), Kaolack (Saloum) et Joal (Sine), un fortin est construit à Sangomar[6]. En 1890 on y édifie un poste de douane[7].

Toponymie

Selon Henry Gravrand, le mot « Sangomar Â» dĂ©signe chez les SĂ©rères le « village des ombres Â», les « Champs ÉlysĂ©es Â»[8].

Anthropologie

Dans la tradition sérère, la pointe de Sangomar – inhabitée – est un endroit réputé être un lieu de rassemblement des génies (rab)[9]. Les populations riveraines continuent de se rendre dans cette île pour des sacrifices aux ancêtres[10].

« Sangomar, lieu de culte sereer, Palmarin », figure sur la liste des monuments et sites historiques au SĂ©nĂ©gal[11].

Littérature

Le président Léopold Sédar Senghor, lui-même d'origine sérère, fait une discrète référence à Sangomar dans l'un de ses poèmes :

« Je t'ai offert des fleurs sauvages, dont le parfum est mystérieux comme des yeux de sorcier
Et leur éclat a la richesse du crépuscule à Sangomar[12]. »

« Pointe de Sangomar Â» est aussi le nom de l'avion prĂ©sidentiel, achetĂ© en 1978 par Senghor.

En 2019, Fatou Diome, elle-même originaire de l'île de Niodior toute proche, publie un roman intitulé Les Veilleurs de Sangomar[13].

Notes et références

  1. « Les Ă©tudes pluridisciplinaires cĂ´tières au SĂ©nĂ©gal Â», UNESCO
  2. J. Bouteiller, De Saint-Louis à Sierra-Leone. Huit ans de navigation dans les rivières du Sud, A. Challamel, Paris, 1891, p. 199
  3. Frédérick Vézia, Sénégal : Sine-Saloum, la forêt de l'océan, Éditions de La Martinière, Paris, 2009, p. 21 (ISBN 978-2732439655)
  4. « Je ne conseillerai jamais Ă  un capitaine de passer la barre de Sangomar avec un grand navire sans l'avoir balisĂ©e au prĂ©alable Â», conseille le capitaine Bouteiller en 1891, in De Saint-Louis Ă  Sierra-Leone, op. cit., p. 200
  5. Marcella Cesaraccio, Yves F. Thomas et Amadou T. Diaw, « Analyse de l'Ă©volution de la flĂŞche littorale de Sangomar (petite cĂ´te de la RĂ©publique du SĂ©nĂ©gal) par constitution d'une chronique d'un siècle de donnĂ©es images Â», confĂ©rence au Congrès français de sĂ©dimentologie, OrlĂ©ans, 2001, Association des sĂ©dimentologistes français, 2001, no 37, p. 69-70
  6. Yves-Jean Saint-Martin, Le Sénégal sous le Second Empire, Karthala, Paris, 2000, p. 420 (ISBN 2865372014)
  7. Dossier 2. — Chemins de fer. Douane. Routes, in Gabriel Debien, « Papiers Noirot Â», Bulletin de l'Institut fondamental d'Afrique noire, vol. 26, nos 3-4, juillet-octobre 1964, p. 476-493
  8. Henry Gravrand, Visage africain de l'Église, Orante, Paris, 1961, p. 285
  9. Lilyan Kesteloot, Les poèmes de Léopold Sédar Senghor, Les Classiques africains, Issy-les-Moulineaux, 1987, p. 138 (ISBN 2-85049-376-7)
  10. « Sites mythiques du SĂ©nĂ©gal : Sangomar, ses merveilles et ses mystères Â»] (Le Soleil, 13 aoĂ»t 2008, p. 10
  11. « Arrêté N° 12.09.2007 Portant publication de la liste des Sites et Monuments historiques classés », Ministère de la Culture, du Genre et du Cadre de Vie
  12. « Chants pour Signare Â», in Nocturnes : poèmes, Éd. du Seuil, Paris, 1961
  13. Fatou Diome, Les Veilleurs de Sangomar, Albin Michel, 2019, 336 p. (ISBN 9782226445063)

Voir aussi

Bibliographie

  • Gabriela Ackermann, FrĂ©dĂ©ric Alexandre, Julien Andrieu, Catherine Mering et Claire Ollivier, « Dynamique des paysages et perspectives de dĂ©veloppement durable sur la Petite CĂ´te et dans le delta du Sine–Saloum (SĂ©nĂ©gal) Â», in VertigO, vol. 7, no 2, septembre 2006, [lire en ligne]
  • Laurent Bouchet, L'Ă©volution morphodynamique de la pointe de Sangomar (SĂ©nĂ©gal) et ses consĂ©quences sur le milieu, UniversitĂ© de Caen, 1998, 125 p. (mĂ©moire de maĂ®trise de GĂ©ographie)
  • J. Bouteiller, De Saint-Louis Ă  Sierra-Leone. Huit ans de navigation dans les rivières du Sud, A. Challamel, Paris, 1891] (voir surtout le chapitre V, « De GorĂ©e Ă  la barre de Saloum Â», p. 193, et le chapitre VI, « De Rufisque Ă  San-Gomar Â», p. 203)
  • Marcella Cesaraccio, Yves F. Thomas et Amadou Tahirou Diaw, « Analyse de l'Ă©volution de la flĂŞche littorale de Sangomar (petite cĂ´te de la RĂ©publique du SĂ©nĂ©gal) par constitution d'une chronique d'un siècle de donnĂ©es images Â», confĂ©rence au Congrès français de sĂ©dimentologie, OrlĂ©ans, 2001, Association des sĂ©dimentologistes français, 2001, no 37, p. 69-70
  • (en) Amadou T. Diaw, N. Diop et M. D. Thiam, « Remote sensing of spit development: a case study of Sangomar spit, Senegal Â», in Zeitschrift fur Geomorphologie, supplĂ©ment, 1991, vol. 81, p. 115-124
  • Fatou Diome, Les Veilleurs de Sangomar, Albin Michel, 2019, 336 p. (ISBN 9782226445063) (fiction)
  • Babacar Diouf, Sangomar et le pacte avec les tĂ©nèbres, Édilivre, Saint-Denis, 2016, 119 p. (ISBN 9782334061025) (fiction)
  • Yves F. Thomas et Amadou T. Diaw, « CinĂ©matique de la flèche littorale de Sangomar (SĂ©nĂ©gal) Â», in Bulletin de la SociĂ©tĂ© française de photogrammĂ©trie et de tĂ©lĂ©dĂ©tection, 1989, vol. 114, p. 14-16
  • Yves F. Thomas et Amadou T. Diaw, « Suivi (1984-1993) de la rupture de la flèche de Sangomar, estuaire du fleuve Saloum, SĂ©nĂ©gal Â», in Photo interprĂ©tation (Paris), 1997, vol. 35, nos 3-4, p. 199-208

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.